J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Message par Douglas » mar. 6 déc. 2022 06:14

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David Murray Quartet Featuring Sunny Murray, Kahil El'Zabar, Tony Overwater – A Sanctuary Within (1992)

David Murray est un saxophoniste ténor avec une très forte personnalité, à l’heure où la plupart sont partis dans un trip « Coltranien » pour se laisser guider par le maître et apporter son obole au saxophoniste illustre, lui s’en est allé, lors de son premier album, déposer des fleurs aux pieds d’Albert Ayler, avec son magnifique et très free premier essai : « Flowers For Albert ».

Il revendique son influence, ce que fit d’ailleurs John Coltrane en son temps. Le son qu’il sort de son saxophone, avec le temps qui passe, s’est mûri, et ce n’est pas sans surprise qu’on le vit échapper également à l’influence d’un Sonny Rollins pour se rapprocher, comme Archie Shepp, de celle de Ben Webster, saxophoniste à la phrase courte et discontinue se terminant souvent de façon explosive, tout en gardant ce son chaleureux, qui va bien.

Je l’ai vu sur ma chaîne préférée, y’a pas trop longtemps, verser une larme en écoutant le vieux Shepp sortir un bout de son âme par le pavillon de son saxo, c’était déchirant…

Mais retournons à ce magnifique « A Sanctuary Within », où il y a vraiment du beau monde, Sunny Murray déjà, la légende vivante en marche, au style unique, très efficace aux cymbales, qui subjugue ici, et puis une autre légende encore, Kahil El’ Zabar, le percussionniste, magicien des peaux et des tambours, et puis un bassiste, excellent forcément, Tony Overwater qui marche sur l’eau, qui dit mieux ?

Sonny apporte deux compos, le titre d’ouverture « Short and Sweet » et « Most of All », Tony emmène le très beau « Mountain Song » et Kahil « Return of the Lost Tribe » et David Murray signe les cinq compos restantes, et de ce côté, c’est plutôt véritablement réussi, comme « A Sanctuary Within-part II » où le batteur accompagne le percussionniste qui nous joue ici une partition inoubliable.

C’est un album « Black Saint », enregistré en Europe, à Milan, au milieu de décembre quatre-vingt-douze. Tout comme une bonne partie de la discographie de David Murray qui figure sur ce label, même s’il enregistre également aux States. Celui-ci est probablement l’un de ses tous meilleurs, souvent époustouflant, avec un feeling chargé d’une grande émotion. Sans doute est-ce la proximité de ces légendes autour de lui, il faut dire que la discographie du gars est vraiment conséquente, et que pour en extraire un du lot, il faut qu’il soit vraiment hors norme, et c’est le cas.

Soixante-dix minutes au total, plein de bonne zique à raz-bord, vous pouvez vous balader au hasard au fil des neuf titres, vous ne serez pas déçu, surpris sans doute, le temps d’entrer et de goûter, avant de savourer. A signaler que David joue également de la basse clarinette dont il est également un grand spécialiste.

Mountain Song


A Sanctuary Within , Pt. II


Song for New South Africa


Return of the Lost Tribe
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Message par Douglas » mer. 7 déc. 2022 05:02

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Bill Laswell – Invisible Design II (2009)

Voici « Invisible Design II », un album solo de Bill Laswell qui se veut la continuité de « Invisible Design » paru en mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, c’est-à-dire une décennie auparavant. Les deux sont parus sur Tzadik, avec les contraintes de diffusion publique que l’on connaît.

Si Bill est bien seul maître à bord il ne joue pas seulement de la basse à quatre ou huit cordes mais de ce fameux « efx » qui permet de nombreux effets sonores avec des boîtes de distorsions, du coup l’album ne cède pas à la monotonie, agité de toutes parts par des interventions multiples et variées.

On y entend des rythmes épars, des nappes sonores, des effets d’orgue, des bruitages divers, bref tout un assortiment de sons qui sont couchés, additionnés les uns sur les autres en de multiples couches qui bâtissent les dix pièces qui nous sont proposées. Il semble bien que l’improvisation soit de mise et que beaucoup se soit joué dans les studios.

« Iron Monger », le sixième morceau, n’est pas représentatif de l’album, mais il s’en démarque par son côté très « métal », puissant et noir, on y entend de courts riffs qui peuvent évoquer la formation Slayer, c’est dire. Ça reste très marginal ici, où l’atmosphère est le plus souvent calme, bien que parfois tendue ou angoissante comme sur « Darkness After », mais le ton général est plutôt à l’ambiant, avec Bill Laswell de toute façon rien n’est jamais définitif et surtout tout est possible.

L’album est agréable et se laisse écouter, les fans du bassiste l’adoreront car il offre un imaginaire à découvrir, mais il n’apparaît cependant pas comme une pièce majeure du musicien qui possède désormais une très abondante discographie.
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Message par Douglas » jeu. 8 déc. 2022 06:25

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Charles Lloyd – Hyperion With Higgins (2001)

Un album enregistré pour ECM en décembre mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, aux Cello Studios de Los Angeles. Des sessions qui seront à l’origine d’un autre album tout aussi bon, « The Water Is Wide » qui sortira en l’an deux mille. Celui-ci est particulier car c’est l’un des tout derniers enregistrements du batteur Billy Higgins, disparu le trois mai deux mille un.

Parmi les autres musiciens on remarque l’excellent John Abercrombie, très précieux ici, chacun de ses solos est un enchantement, il éclaire l’album avec une clairvoyance remarquable. Brad Mehldau est au piano, il fait du Brad, c’est très solide, juste et sans faille, une assurance tous risques. L’excellent Larry Grenadier fait également plaisir à la basse, très lyrique et chantant, splendide !

Le son ECM va bien ici, c’est très clair et cristallin, Charles Lloyd est parfait, il est l’auteur de toutes les compositions ici. Ça démarre de façon assez classique pour un album ECM, deux belles compos qui ouvrent l’espace et qui offrent la part belle à Brad Mehldau, mais c’est un peu plus tard que ça se passe, quand la musique s’oriente vers d’autres horizons, jusqu’à un certain orientalisme même…

Déjà « Secret Life Of The Forbidden City » s’énerve un peu, on y entend Charles Lloyd y déployer toute sa mesure avec ses longs solos qui n’en finissent jamais, développant chaque phase jusqu’au bout du souffle, et puis John Abercrombie qui commence le festival des solos.

On poursuit avec le très coltranien « Miss Jessye » avec ses accents puisés dans la « Spiritual Music », où l’on goûte au jeu tout en délicatesse de l’élégant Billy Higgins, précieux sur les cymbales qu’il fait vibrer comme personne, c’est également le moment de goûter un savoureux solo de guitare concocté par le sensible Jon Abercrombie.

On reste sur les cimes avec la pièce suivante, le morceau-titre beaucoup plus enlevé avec un duo Lloyd/Higgins très en verve. Arrive ensuite la pièce la plus mémorable ici, bien que l’album n’en manque pas. Il s’agit d’une suite assez ambitieuse, « Darkness On The Delta Suite, jouée dans un style oriental avec une inclinaison également très spirituelle, une grande beauté se cache ici, qui devrait plaire à tous les amateurs du genre, la musique de Trane n’en finit pas de nourrir les terres jazz…

Après l’excellent « Dervish On The Glory B », juste signaler la dernière pièce, « The Caravan Moves On », très dépaysant, où Charles Lloyd joue du taragato, un instrument provenant de Hongrie, cousin du hautbois, sur lequel aiment jouer bien souvent les saxophonistes, comme Louis Sclavis, Michel Portal, Peter Brötzmann ou, bien évidemment, Akosh Szelevenyi.

Un Cd qui se trouve désormais à bas prix en occasion, fourni avec un beau livret et de chouettes photos, particulièrement de Billy Higgins.

Il n'y a pas d'extrait de l'album sur le tube, mais un concert "Live in Marciac" avec la même formation, en l'année deux mille, le dix août, quelques mois après l'enregistrement de l'album en studio, le concert ne commence véritablement qu'à partir de 9'23, mais avant c'est sympa également:
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Message par Douglas » ven. 9 déc. 2022 04:44

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Tom Skinner – Voices Of Bishara (2022)

Un album International Anthem à qui il a fallu un mois pour arriver dans la boîte, il a traversé l’Atlantique sans affranchir les taxes de douane, m’enfin il est là, c’est l’essentiel. Il tourne, mais en quarante-cinq tours, trois titres de chaque côté avec des musiciens d’exception, mais pour mieux embrasser tout ça, il faut plonger dans le passé récent du batteur Tom Skinner.

Il est co-fondateur de la formation « Smile », avec Thom Yorke et Jonny Greenwood de Radiohead, qui a sorti un superbe album chaudement recommandé par des membres de ce forum. Il est également co-fondateur de Sons Of Kemet ce qui explique la participation de Shabaka Hutchings à l’album, ce dernier joue du saxophone ténor et de la basse clarinette. Mais abondance de talents ne nuit pas, et la saxophoniste et flûtiste Nubya Garcia est aussi de la fête. Il y a également Tom Herbert à la contrebasse.

Mais le plus surprenant c’est sans doute la présence du violoncelliste Kareem Dayes. On suppose que la présence de ce dernier est due à l’écoute frénétique de l’album « By myself » d’Abdul Wadud, que Tom Skinner a énormément fait tourner pendant le confinement. Cet album très rare et presque introuvable, en tout cas à prix décent, est consacré uniquement à la contrebasse et l’on raconte qu’il est imprégné de « Spiritual Music », par bonheur, il est disponible à l’écoute sur le tube…

Hélas, Abdul Wadud est décédé en deux mille vingt-deux, on espère que cet album sera prochainement réédité. Ce dernier est sorti sur « Bisharra Records », on comprend mieux le pourquoi du titre de l’album de Tom Skinner, un hommage bien sûr, porteur de « bonnes nouvelles » puisque c’est la signification de ce mot.

Peu avant le rassemblement dans le studio, les musiciens se sont réunis et ont tous écouté ensemble le « Life Time » de Tony Williams sur un matériel audio de haute technologie. Ils ont ensuite improvisé une réponse à cet album, c’est cette somme qui nous est proposé ici, après que le batteur l’ait minutieusement retravaillé, découpé, puis remonté, « at home » quand le temps lui était donné.

C’est vraiment un bel album, plutôt serein et contemplatif, malgré quelques passages pleins de tensions. Le mariage entre la basse et le violoncelle fonctionne bien, avec une certaine gravité cependant, atténuée par le jeu du batteur, à la source de tout, qui régale ici. Les deux solistes sont hors pairs, tant avec les saxophones qu’avec la clarinette basse ou la flûte, des couleurs qui apportent beaucoup à ce court E.P. d’une durée d’environ vingt-six minutes.

Tom Skinner - Bishara


Tom Skinner - The Journey (official audio)


Voices (Of the Past)


Tom Skinner - Quiet as it’s kept (official audio)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 10 déc. 2022 07:00

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Bennie Maupin – The Jewel In The Lotus (1974)

On pourrait faussement faire remonter l’histoire de cet album à la sortie du mythique « Biches Brew » de Miles Davis, car, sauf erreur, c’est lors de cet enregistrement que se rencontrèrent deux des principaux protagonistes de cet album, en mille neuf cent soixante-dix, le maître des claviers souvent électriques, mais pas que, Herbie Hancock lui-même, avec le saxophoniste Bennie Maupin, à l’initiative de cet album assez hors normes.

Ce qui fait la singularité de cet album, c’est son appartenance presqu’ exclusive à la « spiritual music », mais pas au sens de John Coltrane avec sa quête fiévreuse, éperdue, pure et sans répit, mais plutôt au sens d’Alice, dans la prière, la vénération et la contemplation, d’ailleurs les symboles ne manquent pas ici, jusque dans le titre, où l’on évoque le lotus et la sagesse hindoue.

Du coup, malgré qu’il semble vouloir jouer dans le registre de la facilité que pourrait attendre l’auditeur peu averti, il n’est pas si aisé d’accès, se situant plutôt dans une sorte d’avant-garde du genre. Il est aujourd’hui l’un des albums ECM les plus recherchés dans sa version originale, offrant huit titres pour un total de quarante-cinq minutes. On le trouve désormais facilement en Cd, il y a eu en effet une réédition en deux mille dix-neuf.

Outre Bennie et Herbie, il y a l’immense Buster Williams à la contrebasse, Billy Hart à la batterie côté droit et Frederick Waits côté gauche, Bill Summers aux percussions et le trompettiste Charles Sullivan intervient sur « Mappo » et « Excursion ». Ici la musique se joue dans la retenue et l’improvisation structurée, son champ est l’espace et la durée, l’éloge de la lenteur et la recherche de la beauté.

Cet album pourrait se décrire comme un voyage ou une illumination, la pièce « Past + Present = Future » semble se livrer comme une promesse, une mutation vers quelque chose de meilleur, qui tient au mystique, à la foi. Puisqu’il faut du sacré, le jazz sera le chemin, la voie qui vous guide, douce, claire et lumineuse, pleine de grâce et de beauté.

Dans un tel contexte l’idée même de leader est une hérésie, la musique est l’affaire de tous et chacun y apporte sa pierre avec son cœur, la musique est jazz même si elle s’inspire du bouddhisme et se met à son service. D'ailleurs chacun est au service des autres, à l’écoute des autres et joue pour les autres.

Ainsi va ce disque singulier qu’il est doux d’écouter…

Ensenada
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 11 déc. 2022 05:14

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Bill Connors – Of Mist And Melting (1978)

Voici un autre album ECM, celui-ci de la seconde partie des années soixante-dix, signé par Bill Connors. Il s’est fait connaître dans la formation « Return To Forever » dirigée par Chick Corea, plus particulièrement pour l’album « Hymn of The Seventh Galaxy » de soixante-treize, où il s’est avéré excellent et très inspiré.

Le voici quelques années plus tard à la tête d’un magnifique quartet, bien entendu il joue de la guitare, il est entouré par le saxophoniste peut-être le plus emblématique du catalogue ECM de cette époque, Jan Garbarek lui-même, le raffiné Gary Peacock est à la basse et l’extraordinaire Jack DeJohnette à la batterie, une rythmique de premier ordre associée à deux feux follets mélangeants le chaud et le froid.

Je pense que l’on pourrait qualifier cet album de « classique » ECM, il représente cette touche un peu froide qui a longtemps été l’image du label, car derrière se cache la pureté cristalline du son, une définition, rare à l’époque, du moindre détail sonore, jusqu’à l’écho finissant du moindre tintement d’une clochette. A l’époque cette « perfection » du son subjuguait et tranchait avec ce qui était connu. On ne trouvait de tels raffinements dans les détails que sur certains enregistrements nippons.

A l’écoute de cet album les sensations remontent, certes nous sommes aujourd’hui habitués, et bien d’autres labels sont capables de restituer cette même qualité, mais la présence de Jan Garbarek est également importante, il fut même un temps déprécié, car il symbolisait à lui seul le froid et la glace, ce qui est bien sûr injuste, adulé avant d'être brûlé, son simple nom pouvait déclencher l’achat chez les aficionados, sa personnalité et son jeu typé, très reconnaissable, est pourtant de qualité, et même chaleureux lors de quelques embardées comme sur « Cafe Vue » par exemple.

Bill Connors est lui aussi fantastique, son jeu est ici acoustique, subtil et inventif, partenaire habile du saxophoniste, il le stimule avec habileté, plus dans la recherche du son juste que dans la virtuosité, il délivre une copie parfaite. Gary Peacock est incroyable, toujours la note qui va, mais celui qui s’éclate ici c’est Jack DeJohnette, d’une perfection redoutable.

Une musique éthérée, liquide, celle des aurores boréales…

Pas d'extrait de l'album, alors un court passage du concert de Bill, l'année suivante, à Antibes.
Jan Garbek (sax), Bill Connors (guitar), Eberhard Weber (bass) et d'autres... Live 79

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 12 déc. 2022 05:17

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David S. Ware Quartet – Corridors & Parallels (2001)

Voici un album de David S. Ware comme on ne l’a jamais entendu, après l’excellent mais plus conventionnel « Surrendered », David, entouré des mêmes partenaires, se risque à l’aventure « moderne ». Je vous rassure il reste ceint de son saxophone et reste compositeur, William Parker est toujours accroché à sa basse et Guillermo E.Brown frappe toujours les peaux de ses tambours, mais voilà, son habituel pianiste, Matthew Shipp se convertit au synthétiseur… et tout bascule !

Enfin presque, si on se concentre par exemple sur la quatrième pièce « Superimposed », on est juste déposé dans un wagon tiré par le sax de David qui nous envoie monter et descendre dans un improbable manège à sensations, tandis que bruissent les percus folles de la prairie et de la forêt réunies…

Mais Shipp a déjà pris le pouvoir avec ses sons électroniques dès le lancement de l’album, trois pièces courtes ne portent pas de nom, et semblent d’introduction, de liaison ou de conclusion. Sept autres sont de bouleversements et de révolutions. Notons tout de même que, bien que ce ne soit pas crédité, notre agitateur numéro un, Shipp, semble également jouer de l’orgue électrique.

C’est très beau, le morceau titre par exemple, « Corridors & Parallèles » est magnifique, David s’appuie sur la basse de William Parker qui fonctionne comme un bourdon au son grave, alors que dans le fond, Shipp tisse des textures en profondeur, tandis que le saxo vocifère, porté par les rythmes classieux du Sieur Guillermo, neuf minutes hors du temps.

« Somewhere » n’est pas très long mais bien barré, là où il se trouve il est bien placé, il échappe aux normes, transporte et interroge. Juste avant « Spaces Embraces » et son orgue stellaire avec David qui nous envoie dans la spiritual music, au milieu d’un chaos cosmique organisé, dans un univers mouvant, bougeant et se métamorphosant constamment…

Puis arrive « Mother May You Rest In Bliss », comme une apothéose, un sommet gravi, un Everest dépollué et sublime, extatique, là où l’on va peu, faute d’y être emmené. Mais voilà, fallait juste passer par cet album qui ouvre la voie, et devenir un enfant, quelques minutes, juste quelques minutes…

Un sacré album, et je ne vous ai parlé que de la seconde moitié…

David S. Ware Quartet - Corridors & Parallels


Spaces Embraces


David S Ware Quartet - 'Mother May You Rest In Bliss'


David S. Ware Quartet - Superimposed
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 13 déc. 2022 05:20

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Qasim Naqvi, Wadada Leo Smith, Andrew Cyrille – Two Centuries (2022)

Pour remonter un peu le temps et mieux comprendre l’antériorité de cet album il faudrait parler à nouveau de « Lebroba », album ECM enregistré par Andrew Cyrille, Wadada Leo Smith et le magnifique Bill Frisell, sorti en deux mille dix-huit et produit par Sun Chung.

Ce dernier a en effet fondé le label « Red Hook Ltd. » en deux mille vingt et s’est souvenu de la complicité qui a entouré la réussite de « Lebroba », il a donc réuni deux des artisans de ce beau miracle, Wadada et Andrew, auquel il a ajouté le jeune Qasim Naqvi, compositeur, utilisateur de modular et de minimoog synthétiseur, et même batteur sur deux pistes. De plus il a été autrefois élève des deux grands anciens et leur porte le respect qui va.

Il ne s’agit pas de faire renaître un nouveau « Lebroba » mais plutôt de s’atteler à une musique nouvelle à partir des compositions du plus jeune. Il aura fallu trois jours de studio à Brooklin pour enregistrer le contenu de cet album. Andrew Cyrille est toujours aussi pertinent, vif, acrobate agile ou furtif des montages les plus acrobatiques.

Leo Smith est lumineux, tout ce qu’il touche ces dernières années est étincelant, de Crystal, fragile et gracieux, il touche au cœur et à l’esprit, quelque part là-haut. Il est difficile au claviériste d’intégrer une telle volatilité, enfin il me semble, le jeu désincarné de Bill Frisell semblait mieux aller, mais ne soyons pas trop exigeant car l’album mérite un grand intérêt et distille une grande beauté acoustique et suggère bien souvent les grands espaces, la liberté, la méditation et la sérénité.

L’anecdote ici, c’est le titre du morceau d’ouverture « For D.F. », pour Daniella Frazier qui filma avec son téléphone le meurtre de George Floyd.

For D.F.


Sadden Upbeat


Spiritual is 150


Palaver
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 13 déc. 2022 12:47

En rapport avec l'album précédent, voici le fameux "Lebroba" un magnifique album !
Douglas a écrit :
mar. 5 oct. 2021 12:14
En rapport avec le précédent, je remonte le fameux "Lebroba", vraiment un superbe album !

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Un album ECM enregistré en juillet 2017 à New York et sorti en novembre de l’année suivante, encore un trio mais cette fois-ci avec un leader batteur, Andrew Cyrille, en compagnie du trompettiste Wadada Leo Smith et du guitariste Bill Frisell. Les noms eux seuls font frémir. A ce propos le nom de l’album, « Lebroba » provient des lieux de naissance des musiciens « Le » comme Leland dans le Mississipi pour Leo Smith, « Bro » comme Brooklin pour Andrew Cyrille et « Ba » comme Baltimore pour Bill Frisell. Tout à coup on se sent plus savant !

On sait ce que l’on peut attendre d’un album ECM au niveau du son et, en effet, la musique est calibrée au millimètre pour rentrer dans le cadre. Rien de surprenant quand on connaît ces trois mastodontes. La première face est occupée par une pièce de Bill Frisell qui ouvre l’album « Worried Woman » et suivie d’une longue compo de plus de dix-sept minutes de Leo Smith, un hommage à Alice Coltrane : « Turiya : Alice Coltrane Meditations And Dreams : Love ».

Quand on connaît Leo Smith, son goût pour les silences, la musique elliptique, parfois presque désintégrée, on n’est pas surpris par le traitement ici, tout en fines subtilités, comme dessiné dans l’espace. L’espace justement qui est aussi le territoire d’Andrew Cyrille, ce dernier est un expert en création de territoires, de lieux étranges avec des vides et des pleins, il souligne plus qu’il ne soutient en rythme et en creux, créant anticyclones et dépressions, se jouant des reliefs et de la géographie.

« Lebroba » signé Andrew Cyrille nous montre bien comment ces trois-là sont semblables, un peu timides et très respectueux, bâtisseurs de mondes en pointillés où ne se joue que la juste note, sans rien de superflu. Du nécessaire et du précis, mais de l’instinctif aussi, on ne réfléchit pas trop : les idées jaillissent de partout !

« TGD » l’impro à trois est à cet égard révélatrice, magnifique aussi. La dernière pièce est à nouveau signée Andrew Cyrille, « Pretty Beauty » avec ses airs contemplatifs, navigue entre calme et sérénité, on se dit, en cette fin de parcours, que chacun sort grandi de cet album, peut-être que la qualité première ici c’est la capacité à écouter l’autre, à s’y connecter pour mieux le deviner.

Quel album !

Lebroba


TGD
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 14 déc. 2022 04:17

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Plume – Escaping The Dark Side (2019)

Et voici… « Plume » avec un album un peu ancien, son premier, alors que le dernier vient tout juste de sortir, mais faisons les choses dans l’ordre par souci de clarté. Il arrive donc dans le paysage avec ce drôle de nom d’oiseau, c’est un saxophoniste alto, il a quelque chose de chez nous, d’ailleurs son label se nomme « Jazz&People », alors « quoi ?» me direz-vous, et bien le patron c’est Vincent Bessières, un gars du coin de France, le livret est lui aussi bilingue…

Pourtant il a été faire ses preuves en Amérique, c’est là-bas qu’il a étudié la musique, et puis il y a ce truc qui ne trompe pas, qui suffit à lui seul, faut dire, même avant d’avoir écouté… Et c’est quoi ce « mot magique » ? Ce passe-partout si utile qui vous ouvre les portes et vous impose d’un seul claquement de doigt ? Ça existe, çà ?

Oui, sans doute, et ça tient en un seul nom « Ambrose Akinmusire » le jeune trompettiste prodige déjà sur Blue Note, à la tête d’une discographie sans faute, protégé des grands et des historiques, comme Shepp pour ne pas le nommer. C’est comm’ça, y’a des trucs qui tiennent du choix et de l’onction, quand ils se rencontrent, jouent ensemble et ensuite, estime et reconnaissance suivent avec naturel.

Donc notre « Plume » a été formé au Berklee College Of Music à Boston, c’est là qu’il a fréquenté la génération Christian Scott pour résumer, et ici son pote Ambrose joue sur deux titres, « « Falling Angels » et « « Perseverance », le dernier de l’album. Pour le reste ses collaborateurs musiciens sont des pointures de chez nous, Leonardo Montana au piano, Géraud Portal à la basse et Antoine Paganotti à la batterie, tous musiciens de qualité.

Le style est assez traditionnel, du post bop de bon aloi, qui tourne à la perfection, deux reprises ici, le fameux « Nature Boy » de Eden Ahbez, qui n’ajoute pas grand-chose mais fait grand plaisir quand même, et une pièce du répertoire traditionnel « Holy Holy ».

Pas de révolution, mais du travail bien fait qui ouvre sans doute une carrière professionnelle à notre saxophoniste de talent, ce nouvel album sorti ces derniers mois sera peut-être celui de la consécration, c’est ce que je lui souhaite car le talent est grand…

Escaping the Dark Side


Nature Boy


Seek You Must


Falling Angels
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 15 déc. 2022 05:07

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Fred Pallem & Le Sacre Du Tympan – X (2022)

Voici le dixième album de Fred Pallem et Le Sacre du Tympan, ça fait plusieurs fois que je l’écoute, dans des conditions différentes, ainsi il m’a paru vraiment étonnant en bagnole, géant, à ma grande surprise il me happait alors que je grimpais en haut des cols avec mon bolide, ça fonctionnait très bien cette sensation de mouvement avec le rythme de la musique, je n’imaginais même pas cette possibilité, connecté à la musique et montant en altitude, les titres imprègnent le cerveau, particulièrement le spectaculaire « le Sablier », ou bien encore « Goodbye Lougarock » pourtant dédié à son père récemment décédé…

Pourtant au début je pinaillais, je faisais la fine bouche, « qu’est-ce qu’elles font là toutes ces cordes ? » dans le même temps je sentais bien le truc, l’étrangeté de cette musique, jazz mais tellement différente, avec ce côté musique de film, et même créateur de monde parallèle qui transporte dans une autre dimension, un univers particulier, mélange de mélodies enfouies qui se libèrent, une remontée puissante de sensations anciennes et pourtant si évidentes, il n’y a que Fred au monde capable de ce coup-là !

Il y a de la nostalgie dans cette musique, et ces cordes, finalement, elles sont géniales, d’une précision diabolique, c’est fou ce qu’elles apportent à la musique, avec la grosse basse de Fred cette fois-ci très en avant, c’est elle qui indique le mouvement, les changements de direction, les breaks, les faux départs et les vraies embardées.

Et puis surtout il n’y a jamais rien de faible dans ce putain d’album, une fois bien connecté on ne décroche pas, comme un roman qu’on lit d’un coup pour en savoir la fin, il y a ce côté gourmand et même morphale, ces débordements égoïstes qu’on s’autorise parfois avec une sensation de jouissance, l’addiction est puissante et culmine sur « Bitches En Marbella » qui fête la fin des confinements et le retour à la vie.

Un petit moment de culture aussi avec cette incise dans « Stratagème » où Schopenhauer est cité, il faut s’attendre à tout avec le grand Fred, et puis il y a aussi ce dernier titre avant de se quitter « Les Fulgurés », à la fois élégant et finissant, qui traîne un peu des pieds avant de nous laisser…

Le sablier


Bitches En Marbella


Goodbye Lougarock


Stratagème 34


Les fulgurés
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 16 déc. 2022 06:46

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Charles Lloyd – Trios: Ocean (2022)

Sorti récemment, voici le second volet de la série de trois concernant les "trios". Ici nous découvrons Charles Lloyd aux saxophones alto et ténor, ainsi qu’à la flûte, il est accompagné par le guitariste Anthony Wilson qui accompagne le plus souvent Diana Krall, et de son fidèle pianiste Gérald Clayton. Nous sommes toujours sur Blue Note. « Chapel » le premier trio avec Bill Frisell et Thomas Morgan était une belle réussite, « Ocean » a-t-il également relevé le défi ?

Déjà, en ouvrant la pochette on découvre le trio sur la scène du « Loboro Theatre » de Santa Barbara, qui nous regarde, les trois côte à côte, Charles Lloyd au milieu et les deux autres ceints d’un masque anti covid, pourtant personne n’est dans la salle et ce concert est fictif, mais la scène reste la scène…
Il y a quatre pièces ici, toutes signées de Charles Lloyd, la première, « The Lonely One » est jouée au ténor par le leader qui nous livre une compo « cool » dans un mode plutôt relaxant, son solo est inventif, sensible et lyrique, comme il sait faire, même s’il ne surprend pas.

Le second titre « Hagard Of The Inuits » est joué au soprano, avec une texture plus free, presque expérimentale, le temps pour Charles de citer un court extrait d’«A Love Supreme », le duo guitare piano qui s’affirme lors d’un solo surprend pour son audace, visitant des lieux où on ne les attendait pas, il se peut que cela désoriente le public habituel de Charles Lloyd qui joue souvent dans un cadre plus sécuritaire

La face B s’ouvre sur « Jaramillo Blues (For Virginia Jaramillo and Danny Johnson) où Charles joue de la flûte, il lui manque juste la maîtrise du piano pour évoquer un concert du grand Sam Rivers ! Virginia et Danny sont deux artistes, elle est peintre et il est sculpteur. La grille bluesy est bien là, la pièce fait plaisir et nous permet de profiter d’un beau solo du guitariste Anthony Wilson qui régale, et comme Charles est bavard également, tout va pour le mieux !

La dernière pièce « Kuan Yin » évoque le bouddhisme Thibétain, c’est probablement la pièce la plus forte ici, celle qui capte le plus l’attention et embarque le plus loin, il semble presque que les trois se trouvent pour la première fois unis et complices autour d’un projet qui tient à cœur, la complicité qui déborde ici transfigure la pièce qui flirte avec le sublime.

Charles au ténor retrouve ses « tics » anciens et fait ce qu’il sait faire le mieux, dérouler un solo magnifique en prenant le temps, par phases courtes et évolutives qui se déroulent jusqu’au bout du souffle. Les deux autres ne sont pas en reste qui sont également inspirés, laissant se dérouler le long ruban de l’improvisation tant que dure la créativité, en se passant le bâton du relais, l’un soutenant l’autre.

Sans doute moins intense que « Chapel » auquel il succède, mais un troisième volume est sorti qui contiendra, c’est sûr, de nouvelles surprises…

Kuan Yin (Live)


Jaramillo Blues (For Virginia Jaramillo and Danny Johnson)


Hagar of the Inuits (Live)


Charles Lloyd - The Lonely One
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Message par Douglas » sam. 17 déc. 2022 06:09

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John Zorn’s Bagatelles – Asmodeus – Vol.9 (2022)

Tout frais et à peine sorti, voici un extrait du troisième coffret des « Bagatelles », le volume neuf, celui consacré à la formation « Asmodeus » qui est formée rien moins que par Marc Ribot à la guitare électrique, Trévor Dunn à la basse et Kenny Grohowski à la batterie. L’enregistrement de cet album s’est déroulé en avril de cette année finissante aux Studios « EastSide Sound » de New York, le tout supervisé par John Zorn, il est aussi bien évidemment l’auteur des compos.

Cette quatrième Box tourne autour des guitares, le Vol.9 est donc consacré au légendaire Marc Ribot, le Vol.10 à Julian Lage et Gyan Riley, le Vol.11 à Jonathan Goldberger et Keisuke Matsuno et enfin le Vol.12 à la formation « Cleric » avec Matt Hollenberg et Daniel Ephraim Kennedy, à la fois à la basse et à la seconde guitare. De quoi agiter le petit monde du jazz…

…Et du rock même pourrait-on dire en écoutant Asmodeus. Quarante et une minutes de guitare électrique, stridente, souvent sauvage et impertinente sont ici proposées, des pièces allant de trois à sept minutes, souvent très impactantes, rentre-dedans, sans souci de manière ou de politesse, ça pète, défonce et ça claque.

Les neuf compos sont pourtant chacune porteuses d’un thème différent, d’une portée ciblée et d’une histoire personnelle, c’est là toute la magie des compos de Zorn qui s’habillent de mille façons, souples et malléables, elles se glissent partout, dans tous les genres et toutes les musiques.

Ici elles sont pleines d’une énergie folle, débordante, façonnées sous le signe de l’électricité, Ribot est extraordinaire, comme à son habitude il n’a pas son pareil pour animer chaque pièce et lui donner vie, force et identité, à tel point qu’il est difficile d’en sortir une en prétendant qu’elle est meilleure ou plus accessible que la suivante, ici ça ne marche pas comme ça, on prend le train et on va au bout avec tous les wagons…

Trevor Dunn est lui aussi une légende Zornienne, habitué du démiurge, il assure ici avec une aimable férocité, la basse gronde et rugit comme il se doit, sans jamais faillir, avec une exacte précision. Kenny Grohowski qu’il ne me semble pas connaître, bien que j’aie pu le rencontrer ici ou là au fil de mes écoutes, tape comme il convient fort et appliqué, sans faiblir, avec détermination. Ici c’est du lourd, du gras et du tonique.

Seule exception sans doute, la dernière pièce qui est jolie, gentille et charmante, elle pourrait faire un tube avec un entourage plus policé, elle file le temps de deux minutes et quarante-quatre secondes, comme un clin d’œil, un sourire…

Il n'y a évidemment pas d'extrait audio mais pour se faire une idée voici des extraits d'un concert au New Morning avec la formation Asmodeus et John Zorn.

John Zorn Bagatelles Marathon - Asmodeus - 1 (New Morning - Paris - July 11th 2019)


John Zorn Bagatelles Marathon - Asmodeus - 2 (New Morning - Paris - July 11th 2019)
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Message par Douglas » sam. 17 déc. 2022 06:33

Pills a écrit :
mer. 6 juil. 2022 07:32
J'attends désespérément un repress officiel de ce Ptah, The El Daoud :pleur2:

J'avais pris une vraie claque émotionnelle le jour où j'ai entendu Turiya And Ramakrishna, morceau d'une élégance et d'une beauté hors norme :love1:
Regarde bien en 2022, je crois bien que ton vœu est exaucé!

https://www.discogs.com/fr/master/48678 ... ahEl-Daoud
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Pills » sam. 17 déc. 2022 14:08

Douglas a écrit :
sam. 17 déc. 2022 06:33
Pills a écrit :
mer. 6 juil. 2022 07:32
J'attends désespérément un repress officiel de ce Ptah, The El Daoud :pleur2:

J'avais pris une vraie claque émotionnelle le jour où j'ai entendu Turiya And Ramakrishna, morceau d'une élégance et d'une beauté hors norme :love1:
Regarde bien en 2022, je crois bien que ton vœu est exaucé!

https://www.discogs.com/fr/master/48678 ... ahEl-Daoud
Alors là, un grand merci pour l'info :love1:

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 18 déc. 2022 05:34

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John Zorn’s Bagatelles – Julian Lage and Gyan Riley – Vol.10 (2022)

Voici la suite du menu « guitares » avec un duo formé par Julian Lage et Gyan Riley. Ce dernier est bien le fils de Terry Riley, c’est un guitariste reconnu qui se partage entre musique classique et jazz. Ces deux-là ont déjà signé un album en duo sur Tzadik en deux mille dix-neuf, « Chesed » que je n’ai pas écouté, mais dès que l’occasion se présentera…

On se souvient que les « Bagatelles » sont des pièces composées par John Zorn en assez grande quantité, de façon à permettre un choix pour les invités du moment. Par exemple sur ce Cd le dixième titre se nomme « Bagatelle #291 », le chiffre indique le numéro de la pièce et donne une indication sur l’éventail du choix proposé, le dernier titre indique « Bagatelle #3 »…

Le duo est acoustique et prend en charge les arrangements de chaque pièce, l’enregistrement s’est effectué début mars également aux Studios « EastSide Sound » de New York. Je vous ai proposé quelques albums de Julian Lage par le passé, ce ne sera cependant pas suffisant pour que je puisse vous indiquer qui joue canal droit et qui joue canal gauche, même si j’ai une hypothèse je la garde pour moi de peur de dire une bêtise (de plus). C’est regrettable que cette information ne soit pas fournie.

D’un autre côté ça démontre également la qualité des deux musiciens qui sont stratosphériques sans jamais, pour autant, donner l’impression de vouloir en mettre plein la vue. C’est bien la qualité de l’interprétation qui est ici l’enjeu, les deux musiciens semblent très à l’aise et inspiré par le matériel thématique mis à disposition, les guitares sont agiles et sonnent dans un territoire voisin l’une de l’autre, se combinant, l’une soutenant l’autre ou éclairant le chemin.

On connaît le souci de perfection de John Zorn, il sait aiguiller et construire l’édifice mais aussi laisser des plages improvisées pour que chacun se sente à l’aise dans l’expression de sa personnalité. Les trente-huit minutes passent à une incroyable vitesse, c’est à la fois très expressif et éblouissant…

Nous sommes bien entendu très loin du volume neuf de Marc Ribot, pas à l’opposé, mais sur des îlots voisins, une autre façon de vibrer avec de la bonne…
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 19 déc. 2022 04:25

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John Zorn’s Bagatelles – Jim Black Quartet – Vol.11 (2022)

Et voici le onzième volume des « Bagatelles », ces « petites choses sans importance » qui s’avèrent pourtant indispensables. Cette fois-ci John Zorn quitte sa garde rapprochée et s’ouvre à de nouveaux musiciens, il est familier de cette pratique dont il use souvent, c’est sa façon de donner leur chance à des musiciens parfois très peu connus ou, comme ici, à des groupes qu’il a suivi de loin avant de s’engager envers eux.

Le batteur Jim Black a écrit quelques lignes sur la pochette intérieure du Cd, à ce stade il faut souligner la qualité des pochettes, très stylées, solides et protectrices. Le Jim Black Quartet est connu pour être un groupe d’improvisation, c’est là son moteur et sa nourriture, c’est aussi sans doute ce qui a attiré John Zorn, bien que l’exercice des Bagatelles soit pourtant concentré sur la lecture et l’interprétation.

Quand John Zorn s’est approché de Jim Black pour lui proposer d’enregistrer un volet des Bagatelles, trois cents compositions parmi lesquelles il fallait en choisir quelques-unes à interpréter, après avoir consulté ses amis musiciens, c’est avec une grande gratitude qu’il a accepté l’offre proposée par la « légende vivante ».

Il s’est lancé alors dans ce grand défi et a travaillé longuement avec son groupe, Jonathan Golgberger et Keisuke Matsuno aux guitares électriques et Simon Jermyn à la basse, autour des onze pièces qu’ils ont sélectionnés en concertation avec John Zorn. Ils ont eux-mêmes longuement répété et arrangé les onze perles et les ont enregistrées au « Republica Studios », à Lubzra en Pologne.

C’est évidemment très électrique, très rock, en gardant à la fois une lecture très serrée des compos tout en ménageant ce qui fait le « sel » du groupe, un goût immodéré pour les improvisations, c’est ce mélange qui nous est proposé.

On reconnaît assez souvent le goût de John Zorn pour les emphases, les brisures rythmiques, les discours angulaires, les relances incessantes qui permettent à la musique d’avancer continuellement avec une richesse inouïe, sans jamais se répéter ni lasser. Jim Black est magnifiquement enregistré, un véritable album de batteur où l’instrument est en avant, tout en gardant un équilibre suffisant pour la basse et les deux guitares virtuoses qui rappelleront peut-être le souvenir du premier Mahavishnu Orchestra.

Une nouvelle page passionnante de ces incroyables « bagatelles »…
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 20 déc. 2022 05:21

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John Zorn’s Bagatelles – Cleric – Vol.12 (2022)

Et voici le dernier volume du troisième coffret des « Bagatelles » consacré à la formation « Cleric ». Cette dernière n’en est pas à son coup d’essai pour ce qui concerne la collaboration avec John Zorn, puisqu’elle participa, dans le cadre du « Masada Book 3 » au second volume du « Book Beri'ah », appelé «« Chokhma » en deux mille dix-neuf. Par contre faut s’accrocher, on franchit encore un cap dans la fureur en approchant les musiques extrêmes, ici on ouvre l’antre des démons avec les musiques dignes du Death Metal, accroche-toi mon gars !

Dix-neuf pièces ultra courtes pour la plupart, la plus longue est la dernière, elle dure exactement quatre minutes. Quatorze d’entre elles n’arrivent pas à trois minutes, c’est tendu, dense, violent, agressif, il semblerait qu’il s’y glisse même des impros vocales, mais c’est pour votre malheuurrr !

Pour faire tout ce bazar ils ne sont que quatre, Matt Hollenberg est à la guitare, Daniel Ephraim Kennedy joue de la basse et de la seconde guitare, Larry Kwartowitz joue de la batterie, des percussions et du « War drum », Nick Shellenberger chante, joue des claviers, de la guitare sur quatre pièces, de la basse, des « War Drums » et des percussions également.

Les voix sont gutturales avec des effets qui font peur, c’est très trash et ça envoie du très lourd, des spécialistes du métal trouveraient les mots justes, mais ce n’est pas mon cas. La comparaison qui me vient immédiatement à l’esprit c’est l’album « Scum » de Napalm Death, pour la densité et la brièveté. En tout cas « Les Clercs » sont justes incroyables et phénoménaux, il y a de la démesure et de la grandiloquence mais avec tout le second degré que l’on devine.

Techniquement c’est irréprochable, les gars sont des pointures et on retrouve, même ici, cette idée de perfection qui signe les œuvres de Zorn, tout est formidablement bien en place et ça déchire grave, mais sans laisser de traces, du travail net et propre. Tout n’est pas de même intensité, même si globalement c’est plutôt dans les sommets extrêmes, il y a quelques rares courts titres un peu moins limites, qui nous laissent quelques secondes pour reprendre notre souffle et nous reconstituer, une sorte de geste d’humanité à notre égard…

Un bel album d’un genre un peu spécial, mais les admirateurs de John Zorn connaissent son éclectisme, c’est aussi ce qui fait son charme...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 21 déc. 2022 06:16

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Charles Lloyd – Trios: Sacred Thread (2022)

Voici donc le troisième et dernier volume des albums consacrés aux trios. Charles Lloyd s’est entouré cette fois-ci du guitariste Julian Lage que tout le monde semble vouloir s’arracher, et du percussionniste-chanteur Zakir Hussain qui joue des tablas, des percussions et chante également. J’ai toujours ressenti un faible pour Zakir Hussain à qui je voue une très grande admiration, il n’a jamais déçu et, une fois de plus, son apport est ici primordial, par sa couleur, son tempérament et sa sérénité.

Il emmène avec lui trois compositions, les quatre autres sont à mettre au crédit du leader. On retrouve le concept du concert sur scène avec absence du public, lors du Healdsburg Jazz festival en Californie, pendant le confinement, le vingt-six septembre deux mille vingt. Charles Lloyd joue à nouveau de plusieurs instruments, du saxophone ténor mais aussi de la flûte, du tarogato sir «Saraswati » ainsi que des maracas.

L’album baigne dans une atmosphère méditative, calme et reposée, l’ambiance est extrêmement « cool », tout baigne et tout va, la voix de Zakir charme et enchante, la flûte enjôle, les tablas caressent et la guitare de Julian Lage se fait discrète, présence essentielle qui sait se fondre avec habileté.

« Chapel » était bien beau, « Ocean » hélas inégal, mais celui-ci, que l’on pourrait qualifier de modeste, est peut-être le plus réussi, par son ouverture au monde, ses sonorités moins usuelles, l’équilibre qu’il contient et la sérénité qu’il véhicule. Le genre d’album que l’on peut écouter un peu partout, qui saura plaire et étonner, attirera l’attention sans ostentation, par sa simple grâce. Un album que l’on pourrait qualifier d’universel.

Bravo à ces trois-là pour ce très bel album, pour ce qui concerne mon exemplaire, il est mieux pressé et possède une meilleure qualité de son que les deux précédents.

Charles Lloyd - Desolation Sound


Charles Lloyd - Kuti


Nachekita's Lament


Guman
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 22 déc. 2022 05:25

Je remonte car j'ai trouvé la réponse à la question que je me posais...

En fait cet album est une sélection opérée par les auteurs de "Free Jazz Manifesto", la courte description indiquait: "Hommage à Albert par un des musiciens de l'Arkestra, sur un label dédié au rock d'avant-garde des Loren Connors ou Alan Licht".

Ce fut suffisant pour m'intriguer et me pousser à la recherche puis à la découverte, bien m'en a pris...
Douglas a écrit :
sam. 10 sept. 2022 04:49
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Mike Anderson – Zalvi (2005)

Il est parfois étrange et tortueux le chemin qui emmène un album jusqu’à chez soi. Celui-ci en est un parfait exemple qui me laisse moi-même perplexe, pourtant son arrivée a suivi un cheminement logique, et, somme toute, plutôt habituel. Ça a commencé il y a un peu plus de quatorze mois, c’est assez précis, je l’ai ajouté dans ma la liste des albums recherchés, sur un site de vente bien connu auquel je fais souvent appel.

Rien pendant ces quatorze mois, et puis il y a une dizaine de jours je suis informé de sa présence chez un vendeur allemand, il, coûte douze € et cinquante centimes, c’est peu cher mais le vendeur exige une commande minimale avant achat, je trouve un album de James Blood Ulmer « Free Lancing » qui fera l’affaire et un quarante-cinq tours de « The Geeks » pour faire un compte rond et juste, au centime près.

L’objet arrive, il n’est gravé que sur une face, un long titre autour d’une vingtaine de minutes, il n’y a pas de pochette, mais une sous-pochette ajoutée, et il se tient dans une épaisse pochette plastique qui servait autrefois aux vinyles colorés, type « picture discs », ces derniers avaient souvent une assez mauvaise qualité sonore. Je trouvais un carton rigide blanc avec trou central pour le tenir bien confortable et conservait la protection de la pochette plastique.

Mais dans le même temps je me posais cette question : « Mais pourquoi ai-je classé cet album dans ma liste de recherche ? ». C’est la première fois que cela arrive, aucun souvenir ne remonte. Je vois bien que mes facultés cognitives ne sont pas irréprochables et que la mémoire s’échappe de temps en temps, mais là… je suis perplexe. Semblable aventure vous est-elle déjà arrivée ?

Quelques très rares éléments biographiques sont donnés sur le net : Mike Anderson a fait partie de l’Arkestra de Sun Ra en tant que percussionniste. Cependant ce renseignement ne peut à lui seul justifier un engouement, d’autant que chez Sun Ra tout le monde est percussionniste, pire même, à côté d’excellents percussionnistes tout à fait remarquables, siégeaient assez souvent quelques débutants musiciens, avec le statut de simple apprenti.

Un autre élément très sérieux à propos de Mike Anderson, aka « The Good Doctor », c’est qu’il est le directeur des archives de Sun Ra et, à ce titre, il tient un magnifique site sur le mage et, sans doute, il doit, je pense, être au minimum consulté pour les parutions d’album post-mortem. Mais ça ne me fait guère avancer dans mes investigations.

Du coup je penche pour une lecture dont j’aurais oublié l’importance, et là ça devient difficile de retrouver, car je picore énormément, j’ai évidemment pensé au « Son du Grisli » de Guillaume Belhomme sur Lenka Lente, une encyclopédie un peu fourre-tout, mais orientée free-jazz, qui frôle « le kilo », mais il n’est paru qu’au mois d’avril dernier, cherchez l’erreur…

Du coup, le mieux c’est d’écouter l’album, la face enregistrée de préférence, en remarquant que sur le label le musicien est photographié en train de souffler dans une trompette. Une courte introduction parlée nous indique le titre de la composition : « Tears for Albert Ayler », un hommage au saxophoniste défunt.

Le titre est beau, mais il est préférable de monter un peu le volume par rapport à votre niveau d’écoute habituel, car le son semble un peu « écrasé » et regagne un peu en définition avec un surcroît de puissance.

Il se développe sur deux axes distincts mélangés, d’un côté des sons très longs, peut-être des orgues, synthés ou autres qui occupent l’espace et, de l’autre, des instrumentistes, batteur, bassiste, saxophonistes, trompettistes, probablement en assez grand nombre qui délivrent un discours free improvisé et sauvage.

Ces éléments pourraient sembler en conflit mais, ce n’est pas le cas, car si les uns dynamisent les autres, en retour les autres apaisent, et semblent vouloir recouvrir ce tumulte. Une sorte d’allégorie autour de la musique du grand Albert.

Bien entendu il n’y a rien sur la pochette, sinon ces quelques mots sur le label « Zalvi » et « NWOS-23 », rien de plus. Je ne regrette pas mon achat, loin de là, bien qu’il vous dévoile que ma façon d’acheter les albums est sans doute peu habituelle et peut, parfois, mais c'est assez rare, aboutir à des déceptions, mais c’est aussi le prix des grands frissons…

Depuis il tourne, tourne, encore et encore…
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