Super que tu le chroniques, très bel album.Douglas a écrit : ↑jeu. 9 mai 2024 03:52
Shabaka – Perceive Its Beauty, Acknowledge Its Grace – (2024)
Lorsque parut l’E.P « Afrikan Culture » je vous avais fait part du virage constaté. Shabaka s’est débarrassé de ce qui l’a rendu fameux et gouleyant, chef de fil de la scène londonienne, et se terra, et se terra… Exit « Son of Kemet », « The Comet is Coming », « Shabaka and The Ancestors », « Melt Yourself Down », exit même le saxophone, sa dernière utilisation a eu lieu le sept décembre dernier, lorsqu’il a joué « A Love Supreme » de John Coltrane, à l'Institute of Contemporary Arts de Londres, y-a-t-il de plus belle fin ? Exit enfin « Hutchings », son patronyme …
Reste uniquement « Shabaka », c’est simple, direct, et suffisant, d’ailleurs, ici, c’est ainsi qu’il était reconnu. Pourtant je vous confie que j’espérais secrètement que « Afrikan Culture » ne soit qu’une parenthèse, mais il faudra s’y résoudre, Shabaka vire côté naturel et dénuement, pour ce qui concerne la musique. Selon Shabaka les deux titres de ses deux derniers albums doivent se lire en un seul message, « Culture africaine, percevoir sa beauté, reconnaître sa grâce ». Possiblement le message grandira au fil des albums, je présume…
Côté instrumental il nous renvoie au royaume des flûtes, différents types, dont le shakuhachi et le svirel, ainsi que la clarinette, de temps en temps. Il y a ici une myriade d’intervenants, dont son propre père Anum Lyapo sur la dernière piste, Carlos Niño, Jason Moran, André 3000, Saul Williams, Nduduzo Makhathini, Charles Overton, Brandee Younger, Esperanza Spalding, Laraaji et Floating Points, j’arrête ici mais la liste est encore bien longue…
C’est un Impulse dont l’enregistrement s’est effectué aux historiques Van Gelder Studios, dans le New Jersey. Les musiciens se plaçaient en cercle pour que chacun s’entende et se voit. Shabaka a amassé tous ces enregistrements et les a travaillés, jusqu’au produit fini que nous écoutons.
Que dire en fait de cet album si étonnant, les pièces sont sans queue ni tête, comprendre qu’il ne semble y avoir ni début, ni fin, à moins que ce ne soit l’inverse, et qu’il n’y ait que le début et la fin, le corps manquant, alors… L’album passe comme un rêve, avec une douceur cotonneuse, suscitant la méditation et le voyage, il semble être une parenthèse, un élément détaché de l’espace-temps…
Juste beau.
Shabaka - End Of Innocence - Piano: Jason Moran, Drums: Nasheet Waits, Percussion : Carlos Niño
Shabaka - Insecurities ft. Moses Sumney
Shabaka - I’ll Do Whatever You Want (Visualizer) ft. André 3000 - Teotihuacan Drone Flute, Floating Points - Rhodes Chroma,Laraaji - Vocal, Tom Herbert - Bass, Dave Okumu - Guitar, Esperanza Spalding - Bass, Marcus Gilmore - Drums, Carlos Niño – Percussion
Shabaka - Song Of The Motherland (Audio) ft. Anum Iyapo
J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle
- whereisbrian
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle
Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle
whereisbrian a écrit : ↑jeu. 9 mai 2024 07:16Je pense qu'il devrait plaire aussi à Piranha.
Y'a ce truc sur le tube: Shabaka Hutchings presented John Coltrane's A Love Supreme as the last saxophone show in London on December 8th, 2023. (le thème vers la demi-heure).
Shabaka Hutchings - Live at Hackney Central, London, 08/12/2023
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Tiger Trio – Map Of Liberation – (2019)
Un nouvel album du magnifique label français « RogueArt » qui nous présente un enregistrement en public de la formation Tiger Trio, une réunion de trois grandes musiciennes. En effet Joëlle Léandre est à la contrebasse, Myra Melford au piano et Nicole Mitchell à la flûte, flûte alto et piccolo, ce dernier est de la famille de la flûte traversière et notablement plus court que cette dernière.
L’enregistrement a été capté le douze novembre deux mille dix-huit au dix-neuf rue Paul Fort, le « jardin » de Joëlle, ainsi que le lendemain au festival Jazzdor de Strasbourg. Plus de cinquante-sept minutes d’une musique essentiellement improvisée, libre et débridée, nous est proposée.
Ces trois-là ont des allures de géantes, chacune d’entre elle est un « monstre » de l’instrument qu’elle utilise, on pourrait même parler de « légende » dans le cadre de la musique de jazz. Elles sont en effet véritablement incontournables, sans doute le comprend-t-on assez facilement pour Joëlle Léandre que nous connaissons bien ici, mais on pourrait tout aussi bien le dire pour Nicole Mitchell, la flûtiste New-Yorkaise, ou Myra Melford, américaine également.
Il est intéressant d’observer les interactions antérieures des trois musiciennes au travers de leur vie musicale, elles enregistrent ici le second album dans cette composition, après « Unleashed » de deux mille seize. La relation Léandre et Melford est assez atone puisqu’elle se limite uniquement à ces deux albums.
Par contre Léandre et Mitchell ont énormément joué ensemble au cours de cette décennie, et elle se connaissent fort bien au travers de trois formations où elles ont collaboré, dans les groupes « Before After », « Flowing Stream », et « Sisters Where ».
La relation Mitchell avec Melford est également assez étendue, elles ont joué sur l’album « Glorious Ravage » de Lisa Mezzacappa, ou sur l’album du Roscoe Mitchell & Nicole Mitchell's Black Earth Ensemble, « Live At Sant'Anna Arresi ». On comprend ainsi que tout va rouler pour ces trois fortes personnalités de la musique de musique free.
Les compos sont donc toutes signées des trois interprètes, c’est bien normal pour ces reines de l’improvisation. Il y a également cet autre aspect qui en dit très long sur ces trois-là, ce sont les titres qui ont été choisis, « Patience », « Courage », « Welcome », « Compassion », « Reflection », « Smile » et d’autres, car ils sont onze à se suivre…
Chacun d’eux représente un état d’âme, une valeur ou une façon d’être, une action qui va avec la musique et qui est mise en musique, définie et jouée dans l’instant, par les trois, simultanément. C’est également une grille de lecture pour l’écoute, les sensations, intuitions et fulgurances nous inondent, jusqu’au sublime « Honesty » qui termine l’album…
Courage
Compassion
Welcome
Reflection
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Emile Parisien Quartet – Let Them Cook – (2024)
J’avoue un attachement particulier à la musique d’Emile Parisien, au travers des multiples formules qu’il a envisagées, du duo au quintet, incluant donc celle à quatre, avec cet « Emile parisien Quartet » qui a sorti six albums depuis deux mille six, d’ailleurs il ne me manque que le premier « Au Revoir Porc-Épic » !
Ce qui est notable c’est la stabilité du groupe, puisque trois musiciens sont fidèles depuis le tout début, Emile évidemment qui joue imperturbablement du saxophone soprano, et qui introduit pour la première fois me semble-t-il, des « effets ». Le pianiste Julien Touéry est également là, ainsi que le contrebassiste Ivan Gélugne. Le batteur également à l’électro, Julien Loutelier est présent depuis « Double Screening » de deux mille dix-neuf, en remplacement de Sylvain Darrifourcq.
Bien que le label ACT soit allemand, l’album a été enregistré en France dans les Studios Gil Evans de la Maison de la culture d’Amiens, là où règne le fameux « Label bleu »… On appréciera, ou pas, la pochette, m’enfin rien de grave, ce qui compte c’est la musique…
L’arrivée de l’électro ne bouscule pas trop, ajoutant un peu de couleur sur la surface des choses, ce qui fonctionne bien, Parisien et Loutelier donnent ainsi à moudre, pour autant le quartet garde intacte la solidité de ses fondations, et, pour qui est désormais un habitué, on retrouve l’assise habituelle.
Côté compo c’est également intéressant, car chacun met la main à la pâte, participant au « cooking » collectif, si on se réfère au clin d’œil davisien dans le titre de l’album. Emile écrit trois compos, dont la pièce d’ouverture, fragile et légère, « Pralin » qui nous met d’emblée sur la bonne voie, ainsi que le véloce « Coconut Race » qui donne le tournis et pulse du diable.
Julien Loutelier deux, dont « Pistache cowboy » assez interrogative, Ivan un seul, « VE 1999 » avec un beat électro d’enfer, et Julien Touéry deux, dont le magnifique « Wine Time part 2 » dont s’empare avec brio Emile Parisien. La dernière pièce est collective, d’évidence créée pour l’occasion, lors d’une impro collective plutôt remarquable.
Un album bien tenu, original, dans la lignée des précédents.
Pralin
Wine Time, Pt. 2
Coconut Race
Nano Fromage
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Paul Bley – Open, To Love – (1973)
Il y a parfois des albums que l’on rate, dont on n’entend pas trop parler, et que l’on cherche depuis assez longtemps, mais que, mince, on ne veut pas payer trop cher… On les voit, on les commande, mais ils n’arrivent jamais, direction remboursement… Alors on oublie, et on pense à autre chose, à un autre engouement… Pour moi « Open, To love » fait incontestablement partie de cette catégorie, donc il n’arriva pas bien vite, et pourtant, un jour, il franchit enfin la porte, à force d’être espéré sans doute.
Déjà les « spécialistes » du jazz, ceux que l’on respecte souvent et dont on apprécie la culture, la sagesse et le jugement, ils sont quelques-uns…. Quelques-uns donc, qui disent cette chose simple, mais d’un poids très considérable, que cet album est celui qui, le tout premier, a défini précisément, le son « révolutionnaire » du label ECM.
Cet album est tout simplement une merveille, de ceux que l’on peut qualifier de chef d’œuvre. Paul Bley y joue du piano solo. Paul Bley est une légende, je le connais assez bien et l’ai beaucoup écouté, tant en formation qu’au piano solo, mais, moi, je tournais autour, un peu comme une abeille, sans butiner la plus belle fleur, la plus parfaite…
Le son du piano est éclatant, pur, d’une clarté limpide. On s’émerveille devant cette résonance cristalline. Paul Bley est familier alors des synthés, il en aimait les effets et il a imaginé des sons, sortis du piano acoustique, qui puissent tendre vers cette illumination. Ainsi, il s’attache à ce que chaque note ait de l’ampleur, qu’elle vive et s’épanouisse, il utilise donc, pour parvenir à ses fins, la prise de son rapprochée, entrant même à l’intérieur du piano, afin de créer cette réverbération, sans que rien n’altère la justesse harmonique, piégeant l’auditeur, comme s’il était là, à quelques centimètres de l’artiste.
Mais ce n’est pas tout, car les pièces jouées sont extraordinaires. Carla Bley est son ex-épouse, elle conservera son nom, elle a toujours possédé des facultés extraordinaires pour la composition, dépassant dans ce domaine largement son ex, au moins pour la rapidité et la qualité du travail, il lui arriva de composer plusieurs pièces en une nuit pour dépanner son mari, alors à sec…
Paul n’a donc pas à aller très loin pour dénicher quelques pièces à mettre à son répertoire, ici il joue « Closer », « Ida Lupino » et « Seven » signées Carla. Rien que la version qu’il donne d’Ida Lupino est superlative, rien moins qu’extraordinaire, tout y est, les accents, la force, les silences, la retenue, le lyrisme poussé à son paroxysme, c’est assez indescriptible, juste une expérience à vivre dans la concentration de l’écoute, avec de très bonnes conditions si possible…
Mais Paul Bley possède un autre joker, encore un atout maître, car cet homme est très spécial. En effet son autre ex-épouse est Annette Peacock, elle aussi est bonne compositrice et lui offre « Open, To Love » et « Nothing Ever Was, Anyway », deux belles pièces, dont cette dernière, d’apparence simple, qui ferme l’album.
Lui-même présente deux pièces de sa propre composition, « Started » et « Harlem », les pièces les plus courtes, mais assez ambitieuses. « Harlem » est toute simple, quelques minutes seulement qui s’écoulent en enrichissant le thème. Oui, vraiment un album merveilleux, il n’est pas interdit de penser que parmi les plus grands pianistes, beaucoup sont redevables à Paul Bley, pour tout ce qu’il a mis, venant du fond de lui, à l’intérieur de ce pur joyau.
(malheureusement je n'ai trouvé qu'un seul titre de cet album...)
Paul Bley • Closer (1973) US
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Louis Sclavis – Chine – (1987)
Tout le monde ou presque connait Louis Sclavis, pourtant on n’en parle guère, comme s’il était passé de mode, oublié dans un coin, c’est pourtant un musicien intéressant, avec une belle trajectoire, et surtout très accessible, amoureux des beaux thèmes et des folklores, toujours actif il possède dorénavant une discographie bien musclée…
Ce cadre des folklores le définit bien puis qu’il est membre de l’ARFI, Association à la Recherche d'un Folklore Imaginaire. Il a d’ailleurs participé à deux groupes phares de l’époque, le « Workshop de Lyon » et le « Marvelous Band ».
Cet opus est plutôt à classer vers les débuts, il est très représentatif de cette période et se classe volontiers, parmi d’autres, dans les réussites du musicien. Louis atteint avec cet opus son objectif, élargir son auditoire et offrir un album séduisant, très préparé et travaillé, écrit et bien rôdé, en osmose avec son quintet.
Louis joue des clarinettes, l’ordinaire et la basse, ainsi que du saxophone soprano. Il est secondé par Dominique Pifarély au violon acoustique ou électrique, il y a également François Raulin au piano, et aux claviers divers, Bruno Chevillon à la contrebasse et enfin Christian Ville à la batterie. Que d’excellents musiciens pour la plupart déjà bien réputés !
L’album se tient aux standards de l’époque pour la durée, atteignant difficilement les trente-huit minutes, du coup il passe assez vite, les pièces sont majoritairement courtes et mêmes pour trois d’entre elles très courtes, moins de deux minutes. Elles sont par contre plutôt composées dans les détails et les espaces pour les improvisations sont très délimitées.
Les folklores incluent les lointains, comme l’Afrique ou l’Argentine et probablement l’Asie si l’on se fie au nom de l’album. Les titres les plus réussis me semblent également les plus longs, comme « Duguesclin », le titre d’ouverture qui s’intéresse au folklore régional et qui, à l’époque, était bien diffusé en radio. Il y a également « Rébarbatif I » qui dépasse les huit minutes qui est remarquable avec un Pifarély d’apparat. On pourrait également citer « Tango », qui balance, bien évidemment.
Il existe une réédition double Cd de cet album, couplé avec l’excellent « Chamber Music » qui est tout aussi remarquable, une solution économique pour aborder ce musicien.
Louis Sclavis - Duguesclin
Louis Sclavis - Rébarbatif I
Louis Sclavis - Tango
Louis Sclavis - Chanson pour Louis de Funes
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle
Lars Danielsson - Liberetto , '12)
C'est le diptyque qui passe beaucoup en ce moment. Commencez par la chanson-titre pour avoir une idée de la beauté de cet enregistrement (super prise de son, en cd, dédicacé, toujours sympa, même si je ne suis pas une énorme groupie d'artistes). Les collaborateurs, Tigran en tête, mais aussi Arve Henriksen à la trompette, apportent, comme sur le superbe "Day One", une coloration envoûtante à l'ensemble. Si le jazz avait une frontière, elle serait franchie ici tant on y entend d'influences diverses.
Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle
Magnifique album en effet, Tigran assez décisif, sur ce coup-là.Bebeto a écrit : ↑lun. 13 mai 2024 17:44
Lars Danielsson - Liberetto , '12)
C'est le diptyque qui passe beaucoup en ce moment. Commencez par la chanson-titre pour avoir une idée de la beauté de cet enregistrement (super prise de son, en cd, dédicacé, toujours sympa, même si je ne suis pas une énorme groupie d'artistes). Les collaborateurs, Tigran en tête, mais aussi Arve Henriksen à la trompette, apportent, comme sur le superbe "Day One", une coloration envoûtante à l'ensemble. Si le jazz avait une frontière, elle serait franchie ici tant on y entend d'influences diverses.
Ravi de ton retour !
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Jan Garbarek Quartet – Afric Pepperbird – (1970)
Alerté par un encart dans les sorties vinyles de Jazzmag, je me suis intéressé aux rééditions vinyles ECM de la série « Luminessence », dont ils vantent l’extraordinaire qualité et le soin méticuleux apporté au travail de réédition, sous l’œil vigilant de Manfred Eicher. Je me suis donc enquis du tout premier album du Jan Garbarek Quartet, « Afric Pepperbird », une galette bien différente des autres.
En effet les couleurs et les rythmes entendus ici n’ont rien à voir avec ce qu’il produira par la suite, faisant de cet enregistrement un élément très particulier, révélateur de son cheminement personnel, mais également de celui de son entourage, des noms importants de la galaxie ECM, le label est alors à ses tout débuts, et cet album en est la septième parution : Il porte le numéro 1007.
Jan lui-même n’utilise pas encore le saxophone soprano, il se concentre sur le saxophone ténor et le saxophone basse, ainsi qu’à la clarinette et à la flûte et, de façon plus surprenante encore, aux percussions, très présentes ici. Il est épaulé par Terje Rypdal à la guitare et au bugle, Arild Andersen à la basse, au piano à pouces et au xylophone et par Jon Christensen aux percussions diverses, tous de futures icônes à naître…
Cet album est en fait admirablement dans son époque, on discerne une indéniable influence du free jazz, en même temps que des tentations envers le « Miles » période électrique. Il y a en outre, par le truchement de l’époque, des influences indirectes et pourtant majeures ici, celle des tambours et des percussions, qui foisonnent dans la musique, portées par l’influence d’Archie Shepp, de Sun Ra ou de l’Art Ensemble de Chicago.
Cette foison rythmique porte un Terje Rypdal déjà central, son apport est décisif, tant par le soutien rythmique qu’au travers de solos déjà passionnants, même s’il ne possède pas encore le « son » qu’on lui connaîtra plus tard. Tout est en germe ici, pourtant tout se tient déjà, l’album est sans faille, consistant, et d’une très grande maturité. Pourtant on entend déjà, particulièrement sur l’excellent « Beast Of Kommodo », les prémisses de ce qui adviendra.
Chaque pièce tient son rôle et possède sa pertinence, brève ou longue, même si on s’attache plus facilement aux titres longs, à « Blow Away Zone » au début de la face deux, où s’entendent quelques sons au saxophone, dans la lignée d’Albert Ayler, c’est très émouvant, comme un hommage. Jan est à mille lieues de là où l'on imaginait qu’il puisse se rendre, merci pour ça.
Après un très bref « Concentus » où s’entend la flûte, voici venir le morceau titre « Afric Pepperbird » vers la fin de l’album, qui voit nos rythmiciens toujours aussi extraordinaires, Arild et Jon, magnifiques ! Jan Garbarek est à nouveau énorme, déchiré, sublime, et Terje, roi du climat…
Il est tout simplement possible que Jan ait fait ici son meilleur album, cette proposition est en effet très défendable, bien qu’elle ne sera pas forcément partagée par tous…
The Beast of Kommodo
Jan Garbarek Blow Away Zone
Jan Garbarek Quartet - Afric Pepperbird
https://www.youtube.com/shorts/oyerkD9Cneo
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle
Merci pour cette chronique. Je suis un inconditionnel d'ECM depuis très longtemps et cet album rassemble quatre musiciens d'exception. J'affectionne particulièrement Rypdal et ai eu la chance de voir Garbarek à Nevers avec Eberhard Weber, Rainer Bruninghaus et Marilyn Mazur en 1997. Cela reste un de mes meilleurs souvenirs de concert avec celui de John Abercrombie/Dave Holland/Jack DeJohnette, et je regrette de n'avoir jamais pu voir Rypdal qui reste, de loin, mon guitariste préféré.
Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle
De mon côté j'ai été assez critique du "son" ECM à un certain moment, un peu lassé (j'allais dire gavé) d'une certaine uniformité. Mais il est vrai que le label regorge d'excellents albums et aujourd'hui je vois les choses un peu différemment...
Côté concert je me souviens juste d'un film avec Jan garbarek et son quartet qui donnaient une assez courte représentation dans le kiosque d'un parc...
Je pense comme toi qu'il faut choyer les bons souvenirs de concert et y penser comme à des moments privilégiés, un peu hors du temps.
Côté concert je me souviens juste d'un film avec Jan garbarek et son quartet qui donnaient une assez courte représentation dans le kiosque d'un parc...
Je pense comme toi qu'il faut choyer les bons souvenirs de concert et y penser comme à des moments privilégiés, un peu hors du temps.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Sylvain Daniel – SlyDee – (2024)
C’est une nouveauté lancée avec pas mal de soutiens, comme jazz magazine ou Télérama, quelques musiciens amis sont également venus participer, Thomas de Pourquery, que Sylvain côtoie, sur « My Discomelo », Benjamin Epps sur « Le Monde est à nous », ou encore Supérette sur le titre « Psalmocratie ».
Sylvain a également fait partie du trio « Killing Spree » dont je vous avais parlé avec l’album « Boko Boko Tour » de deux mille dix-huit, avec un style très différent. Il est également le bassiste de la formation « Laurent Bardainne & Tigre D'eau Douce », qui possède également une actualité dans les sorties du disque, il a aussi accompagné Yom ou encore Julien Lourau, il a même participé à l’album « By Your Side » de Jeanne Added.
Sylvain est donc bassiste, il joue également du bugle, des percussions et compose presque tout sur cet album. Pour simplifier c’est plus « Tigre d’eau douce » que « Killing Spree », à savoir essentiellement du « Smooth jazz », musique souvent douce avec une influence soul, funk ou carrément pop. Tout tient dans la façon de faire, à vrai dire.
Il s’est entouré de Vincent Taeger à la batterie, Arnaud Roulin aux synthétiseurs, Bruno Ruder au piano, au Wurlitzer ainsi qu’au Fender Rhodes, et du trompettiste et bugliste, Aymeric Avice. Ils se sont réunis pour plaire et séduire, développer une atmosphère lounge et relaxante, fluide et cool où l’improvisation n’agit que comme une sorte d’accident, par incidence.
Car on le sent, tout est préparé, chaque effet a été pensé, étudié, pour votre confort, et comme les gars ici sont diablement habiles, ça fonctionne terriblement, tant que vous n’actionnez pas le bouton « stop » ou « pause », on vous gâte, on vous sert des sucreries hachement préparées pour une digestion molle, stomac au ralenti et colon cool, fluide…
Mais la qualité est au rendez-vous, tout ce travail dans le but vous faire bouger, plutôt doucement, même si vous ne vous intéressez pas au jazz en général, ça peut fonctionner avec vous, pour peu que vous aimiez bouger, écouter de chouettes mélodies, sans vous prendre la tête…
Alors on retient « SoulKraft », « No Sex In Verneuil », « Paisley Rules », « My Discomelo» ou « Le Monde est à nous » ou encore « Melancholia », qui a ma faveur…
Melancholia
SoulKraft
No Sex In Verneuil
Le Monde est à nous (feat. Benjamin Epps)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Heinz Sauer & Jasper Van't Hof – Hamburg Episode, Live At Fabrik – (2015)
Je vous ai déjà proposé quelques albums de ce saxophoniste allemand, Heinz Sauer, ici en compagnie du batave Jasper Van't Hof. Le premier album que j’avais évoqué, c’est « Don't Explain (Live In Concert) », en compagnie du claviériste Michael Wollny, le second était « Melancholia », un duo à nouveau avec ce même musicien, et le troisième était un enregistrement du japonais Terumasa Hino, « Vibrations » où Heinz Sauer était le saxophoniste du quartet.
J’aime beaucoup le son et le jeu au saxophone d’Heinz Sauer, qui possède une réelle personnalité avec une belle sensibilité. Mais ce qui le singularise le plus, c’est son relatif anonymat hors de ses frontières, inversement proportionnel à l’énorme capital « sympathie » dont il bénéficie dans son propre pays.
C’est un lyrique, il aime les sons graves qu’il fait remonter pour les confronter aux aigus qu’il fragmente en créant une fêlure, ce procédé crée une sorte de fragilité qui fait mouche. Il use également du vibrato pour établir une sorte d’ascenseur émotionnel. Cette sonorité si personnelle lui donne une forte identité qui le rend reconnaissable et devrait lui autoriser un certificat d’exportation. Il semble que son style ait pu faire des émules, en effet, on reconnait cette même sensibilité chez Alabaster de Plume ou Oan Kim, comme s’il existait une filiation.
Jasper Van't Hof est donc son compère lors de ce concert à la « Fabrik », ce treize novembre quatre-vingt-trois, au « New Jazz Festival » d’Hambourg. Il joue de différents claviers sans qu’ils soient explicitement spécifiés sur la pochette de l’album. Lui aussi aime également les duos avec les saxophonistes, comme les deux témoignages qu’il enregistra avec Archie Shepp.
Son jeu est plein et ample, il aime également les couleurs jazz rock, les effets, ainsi que les nouvelles possibilités techniques alors en vogue. Son jeu se teinte parfois d’une forme d’humour, que l’on sent, parfois, dans le caractère inattendu de certaines de ses répliques sonores, mais ce qui l’identifie, outre cette polyvalence, c’est sa qualité technique et la très grande concentration dont il fait preuve.
Six pièces sont jouées et vraiment toutes sont belles, elles alternent équitablement entre les deux compositeurs, dévoilant une certaine sensibilité commune et un grand sens mélodique.
Vraiment un chouette album…
(Hélas pas d'extrait, donc je vous posterai un autre album dans la matinée...)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Rajesh Mehta Solos & Duos featuring Paul Lovens – Orka (1998)
Rajesh Mehta est un musicien américain né en Inde, qui était résident à Amsterdam, lorsqu’ a été enregistré cet album. Ce gars est un peu particulier, il est fasciné par l’idée de créer et d’inventer de nouveaux sons. Mais, à l’origine c’est un simple joueur de trompette, jusque-là, ça va, mais il prend goût à jouer d’un instrument de la famille beaucoup moins usité, la trompette basse…
Vous me direz, soit, écoutons alors ! C’est que… l’affaire ne s’arrêta pas là… Tout à sa soif de recherche, de désir de découvrir et d’inventer de nouvelles textures, de nouveaux timbres, il s’enquiert de tuyaux, de cornet, d’une autre trompette, et le voilà qu’il relie tout çà à sa façon, jusqu’à ce que son projet arrive à terme, ce sera la « trompette hybride ».
Trompettes et cornet sont ainsi reliés par des tuyaux et prêts à être utilisés, les nouveaux sons, avec de nouvelles textures et de nouveaux timbres sont tout à fait au rendez-vous, ne reste plus qu’à jouer et à présenter cette nouvelle musique. Entre-nous, on sent que le gars n’en est encore qu’à ses débuts et que, tant qu’il y aura des tuyaux sur cette terre, l’idée pourra encore fructifier, et l’instrument s’enrichir de nouveaux cuivres, jusqu’à l’essoufflement triste et définitif du souffleur…
Douze pièces sont présentées dont trois en solo, de la part de notre génie de la mécanique et de la plomberie. Les autres pièces sont jouées en partenariat avec le percussionniste Paul Lovens, qui joue de différents tambours ainsi que de cymbales, ce gars est époustouflant, c’est un des maîtres de son art.
Alors vous l’avez deviné, c’est du cent pour cent improvisé, free plein jus, qu’il faut écouter avec concentration, parce que, en fait, c’est un album pas trop mal, surprenant, et tout de même plutôt intéressant. Le saxo et le trombone ont eu leurs déconstructeurs, voici venue l’heure de la trompette…
A vrai dire Rajesh Mehta ne joue quasiment pas de la trompette de façon traditionnelle, ou alors par accident, sans le vouloir, malgré lui… mais il y a un discours, une démarche, comme sur « Not Yet » par exemple, qui a de la tenue, un début et une fin, des motifs répétitifs et une évolution vers quelque chose. Rajesh y joue seul, une sinueuse chevauchée en solo qui réjouit. (Répétez trois fois cette phrase de façon accélérée) …
Chaque titre possède son axe et son intérêt, car l’album est assez ludique, l’apport de Lovens est considérable, même lorsqu’il joue dans l’économie, à la recherche de la juste note, de la frappe adéquate et du silence qui formule.
Orka
Leslie's Plumbing
Tu-Vas
Styro Gyro
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Jacky Terrasson – Moving On – (2024)
Le pianiste franco étasunien Jacky Terrasson revient après l’album « 53 » paru en deux mille dix-neuf, je vous en avais alors parlé, ainsi que de « Rendez-vous » qui datait, lui, de quatre-vingt-dix-sept, ce qui donne une idée de la longueur de son parcours, commencé dans le début des années quatre-vingt-dix…
Déjà, avant d’aller plus loin, il faut faire attention au format, il faut noter que, pour une fois, l’avertissement est spécifié sur la pochette arrière du Cd, ce qui est d’une grande honnêteté. Voici l’affaire : Le Cd contient sept titres supplémentaires par rapport au LP. A l’heure du choix le renseignement est utile.
Alors, alors, cet album ? Et bien je dirais assez dans la lignée de la discographie du gars, avec pas mal de reprises de standards souvent audacieuses, « Besame Mucho », « Misty » d’Erroll Garner, « Happy » de Pharrell Williams ou « Solar » de Miles Davis et « I Will Wait for You » de Michel Legrand. Il y a également une reprise de « My Baby Just Cares For Me » qu’aimait tant chanter Nina Simone, avec, ici, Kareen Guiock Thuram au chant.
Il y a également d’autres voix comme celle de Camille Bertault qui compose et interprète « Est-ce que tu me suis ? », signée collégialement avec le pianiste. Ils se réunissent en chœur pour interpréter le fameux « Happy », optimiste et rassembleur, qui fit danser la planète. Beaucoup d’invités également, comme l’harmoniciste Grégoire Maret, le batteur Billy Hart, Kenny Davis à la basse et d’autres encore qui passent en laissant un témoignage musical et amical.
Chaque pièce possède son « truc » sa particularité qui surprend, comme le vertigineux et époustouflant « AF006 », dans un registre voisin de « R&B » qui pulse bien aussi… Il y a également « Edit [Piaf] » une histoire d’oiseau, et ce petit tour par « Les Parapluies de Cherbourg » surprenant, habile et avisé.
C’est bien le monde de Jacky Terrasson que l’on entend, sur cet album du retour, tout frais et tout sonnant, pour rire, encore, et ne pas se prendre trop au sérieux, avec une verve et un brio qui fait plaisir à entendre.
Besame Mucho
Est-ce que tu me suis ?
Là où se perdent les pas où la foule se noie
Où ricochent les cœurs en battement de temps
Où s’échappe le vent
Où s’échappe le vent
Là où s’épuise la route
Des âmes qui doutent
Là où se dessinent
L’ombre des échines
Où les chemins s’entassent
Où s’ouvrent les impasses
Là où fondent les secondes
Où les toits se confondent
Où la lune rougit lorsque tu lui souris
Où se coursent les rêves, où les gouttes de pluies deviennent aquarelle
est-ce que tu me suis?
Là où on se prend les pieds dans des rêves en pelote
Où la main de la nuit
Nous glisse dans sa poche
Où il ne restent plus que nos cœurs qui clignotent
Là où les étoiles tachent nos
Bouilles de gosses
Où les boules de suie se changent en carrosses
Où les chats s’enamourent
Jusqu’à ce que le jour
Perce le premier nuage
Et dépose au visage
Une larme gouttière
Au parfum d’eau de mer
Pour caresser ta joue
Tracer le souvenir
D’une nuit qui se fout
Du meilleur et du pire
Là où griffent les pensées
Qu’on croyait envolées
Où s’orchestre la rue
De sons alambiqués
Où flottent les nuées
De rires étouffés
Là où le charbon habille
Les corps enlacés
Où nagent les passions
Dans l’encre renversée
Où l’on repêche les
Désirs dissimulés
Là où mènent les coulisses
De nos artifices
Où s‘ouvrent les tiroirs
De nos songes en miroirs
Où nos cœurs en corolles
Pétales de paroles
Que je te chante ici
Est ce que tu me suis ?
Happy
Misty (NYC Take)
We will dance again...
Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Ben Lamar Gay, Sam Pluta, Sophie Agnel, Pascal Niggenkemper – Pang! – (2023)
Voici un nouvel album issu des « Bridge Sessions », ce programme d’échange de musiciens entre France et Etats-Unis, de ce côté principalement la région de Chicago, pourrait-on observer. La concrétisation de cette seizième rencontre se nomme « Pang ! », un Cd d’environ quarante-cinq minutes et quatre titres.
Ces derniers sont issus de différents concerts enregistrés lors d’une tournée entre le vingt-six juin et le dix juillet deux mille vingt et un. Pang of conscience a été capté à La Malterie de Lille, Pang of emotion au festival « Jazz à Luz », à Luz saint sauveur, Pang of satisfaction au Périscope à Lyon et Pang of the unthinking à La Dynamo de Pantin.
Les musiciens réunis sont donc Ben Lamar Gay au cornet, à l’électro, aux percus ainsi qu’au chant, Sam Pluta à l’électro également, Sophie Agnel au piano et Pascal Niggenkelper à la contrebasse. Les quatre pièces enregistrées dans une certaine unité de temps et d’espace, ici la France, ont une cohérence globale, liée particulièrement à l’instrumentation et aux couleurs utilisées, avec une certaine dominante électro.
C’est évidemment assez free ou expérimental, la musique électronique se marie au piano préparé dont on ouvre le ventre, ainsi qu’à la contrebasse grattée, lors du premier titre, avant qu’en fin de piste n’intervienne un superbe solo au cornet de Ben Lamar Gay. Entre temps la voix de Lamar s’est installée, lancinante…
La seconde pièce d’une longueur semblable, débute avec une longue intro où règne l’électro, puis quelques accords de piano dramatiques, sombres et lourds, menacent, peu à peu ils se modifient sur une toile de fond assez tendue. L’heure n’est pas à la rigolade, le cornet intervient à nouveau, puis la voix qui psalmodie sur une toile de fond gorgée du son de la contrebasse, avec des saillies électroniques...
L’atmosphère semble assez inquiétante, une sorte d’après monde post nucléaire qui effraie, ou quelque chose d’approchant. Le troisième Pang qui évoque la « satisfaction » est un poil plus court et moins dramatique, mais il s’inscrit toujours dans cette puissante trame musicale, faite d’électro turbulente et d’effets acoustiques.
La dernière pièce ne dure qu’environ cinq minutes, évoquant l’irréfléchi, comme les autres elle reste indescriptible, bien que d’apparence calme, elle démarre avec cette tension qui habite tout l’album. Ce dernier est une sorte de voyage auquel il faut s’abandonner le temps de l’écoute, pour, ainsi, le vivre et l’apprécier, faire siennes les émotions sonores, les laisser nous envahir, et ainsi mieux les ressentir…
Le concert de "The Bridge" commence une heure après le début de cette vidéo...
The Bridge: Pang! with Sophie Agnel & Jim Baker
We will dance again...
Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Leyla McCalla – Sun Without The Heat- (2024)
Un album qui n’est pas de jazz, mais que vous trouverez probablement dans ce rayon. Par une sorte de cousinage, peut-être est-ce le côté blues, ou les racines cajuns, qui feront de ce folk-là, une proximité des musiques noires et attrape-tout, tel qu’est parfois devenu le jazz.
C’est le sixième album de la compositrice - interprète, et il semble marquer une sorte d’évolution, que d’aucun regretteront. Pourtant il n’en est rien, si ce n’est un certain enrobage, sur certaines chansons, une production un peu plus riche, ou sont-ce les racines africaines qui remontent davantage et bousculent un poil. Toujours est-il, que, malgré mes plus sincères efforts, je n’arrive pas à le trouver pire que les précédents, ou plus mauvais.
Peut-être « The Capitalist Blues » avait-il créé comme une surprise à sa sortie en deux mille dix-neuf, et frappé les esprits un peu plus profondément, je l’accorde volontiers, mais celui-ci est également considérable, certes parfois un peu rock, ou un chouïa afrobeat, de quoi tanguer un peu en balançant les anches. Je le trouve décidément bon.
Il y a comme une richesse supplémentaire qui s’ajoute parfois au dénuement chargé d’authenticité d’autrefois, certes, une grosse basse électrique qui s’invite, ainsi que quelques synthés de temps en temps, de quoi rendre un peu nerveux ceux qui ne jurent que par l’art frugal et austère, et crient aux loups en réclamant de l’ascétique et du spartiate, pour bien profiter des cailloux pointus qui vous percent la plante des pieds lors de votre pèlerinage monacal vers Compostelle.
Tout juste regretterons-nous la relative brièveté de cet album, resté aux normes du siècle précédent, ne frôlant que les quarante minutes sans plus, mais, surtout ne nous plaignons pas car ici tout est bon, et comme le dit l’adage « A force de vouloir trop en faire on risque de se brûler les zèles. »
Quelques bons titres à signaler, « Open the Road », « Tree », « Tower », « Sun Without the Heat » ou encore le rythmé « Love We Had ».
Leyla McCalla - "Open the Road" (Full Album Stream)
Leyla McCalla – “Tree”
Leyla McCalla - "Tower" (Full Album Stream)
Leyla McCalla - "Take Me Away" (Full Album Stream)
We will dance again...
Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Giuseppi Logan – ... And They Were Cool – (2013)
Pendant longtemps, et même très, comme beaucoup j’ai cru que Giuseppi Logan n’avait enregistré que deux albums, sur le label ESP, « The Giuseppi Logan Quartet » en mille neuf cent soixante-cinq, et « More », l’année suivante. Il était alors considéré comme un phare du free, à l’égal d’Albert Ayler ou de Pharoah Sanders.
Ce qui arriva ensuite est bien triste, il disparut corps et bien, effacé dans la nuit du jazz, il ne resta de lui que deux albums époustouflants, avant que l’on ne tire le rideau « fin ». On le pensait mort, ou bien sans abri, ou encore au fond d’un hôpital psychiatrique, oublié, ou pire peut-être, dans une cellule, enfermé…
J’en avais fait mon deuil. Ce n’est qu’âgé d’environ soixante-cinq ans qu’il refit soudainement surface, et confia le récit de sa vie, ou peut-être faut-il dire « un » récit de sa vie, car rien n’est simple. Il raconta que, devenu toxico, son épouse le plaça dans un hôpital psychiatrique de Virginie pendant trois ou quatre ans. Quand il sortit, il vécut à Norfolk, dans la rue, sans instrument, puis il retourna à l’hôsto…
Il connut une éclaircie en deux mille-huit, lorsque sa sœur l’aida à s’acheter un saxophone, il décida alors de retourner à New York pour continuer sa vie de musicien. Mais seule la rue voulut de lui, juste assez pour vivre ou survivre, puis, comme dans les belles histoires, un miracle se produisit, sous la forme d’une fée…
C’est une artiste, Suzannah B. Troy, qui le filma alors qu’il jouait au « Tompkins Square Park », le lieu où il vivotait, elle posta cette vidéo sur youtube. Ensuite tout s’enchaîna, la « Jazz Foundation of America » une association qui s’occupe des jazzeux nécessiteux, lui procura un logement, sans doute alors n’avait-il plus de saxo car, à ce stade, l’histoire raconte que le trompettiste Matt Lavelle le rencontra chez un disquaire et lui procura un saxophone…
Ensuite le destin tourna encore grâce à un homme, Josh Rosenthal, directeur du label « Tompkins Square », si, si… Cet homme estimable se convainquit que l’histoire du musicien prénommé Giuseppi ne devait pas s’arrêter là, il fit paraître un nouvel album, « The Giuseppi Logan Quintet » qui parut en deux mille dix. Il y eut encore une nouvelle parution en deux mille douze, « The Giuseppi Logan Project ».
Et enfin cet album-ci, son ultime, « ... And They Were Cool », enregistré le vingt-six juin deux mille douze aux Dubway Studios à New York, et sorti l’année suivante sur le label français « Improvising Beings », dirigé par l’excellent et incroyable Julien Palomo. Le légendaire saxophoniste, clarinettiste, pianiste et flûtiste Giuseppi Logan décéda en deux mille vingt, à environ quatre-vingt-cinq ans. Il me plaît d’écouter cet album pour le souvenir, de lui et des autres qui connurent un destin similaire, mais ne rencontrèrent point de fée…
Ici il joue du saxophone et du piano, certes le « coffre » est amoindri, mais souffle encore. Il est épaulé par Jessica Lurie au sax et à la flûte, Larry Roland à la contrebasse et Ed Pettersen à la batterie. Une expérience de « free cool » vous est proposé, perso j’ai plaisir à l’écouter, car le temps ne saurait tout gommer.
Trying to Decide
Taking a Walk in the Park
With My Dog Sam
Which Path to Choose
And Which to Avoid
We will dance again...
Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle
Comme ça pourrait intéresser du monde ici, je vous signale la sortie récente chez lenka lente du bouquin Free Fight de Guillaume Belhomme et Philippe Robert. En fait c'est la réédition en un volume d'un fanzine publié il y a quelques années où les deux auteurs s'affrontaient à coup de disques de free piochés dans leurs discothèques respectives. Une chronique chacun tour à tour donc. Très sympa!
https://www.lenkalente.com/product/free ... ppe-robert

https://www.lenkalente.com/product/free ... ppe-robert

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Zoh Amba - Bhakti (2022)
Sinon je suis en train de découvrir cette toute jeune (24 ou 25 ans je crois) saxophoniste qui frappe fort et bien. Puissance et expressivité assez hallucinantes qui rappellent tout de suite les grands anciens (Sanders, Ayler).