J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 20 mai 2024 17:20

Homeward a écrit :
lun. 20 mai 2024 14:45
Comme ça pourrait intéresser du monde ici, je vous signale la sortie récente chez lenka lente du bouquin Free Fight de Guillaume Belhomme et Philippe Robert. En fait c'est la réédition en un volume d'un fanzine publié il y a quelques années où les deux auteurs s'affrontaient à coup de disques de free piochés dans leurs discothèques respectives. Une chronique chacun tour à tour donc. Très sympa!

https://www.lenkalente.com/product/free ... ppe-robert

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Je recommande tout à fait, particulièrement pour la participation très éclairée de Philippe Robert. Il y a eu une édition livre dès 2012 au "Camion Blanc" qui regroupait les quatre volumes de Free Fight.
Cette nouvelle réédition est donc la bienvenue, moins chère, 24€ à la place de 38€ au Camion Blanc.

Vous pouvez vous lâchez également sur "Le Son du Grisli" chez Lenka Lente en 565 pages, c'est énorme et un peu fourre-tout pour les curieux également, paru en 2022, je vous l'avais alors signalé !

***
Puisqu'il est également question de Zoh Amba, je remonte une chroquinette un peu ancienne:
Douglas a écrit :
mar. 30 août 2022 02:18
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Zoh Amba – O, Sun (2022)

Voici une nouveauté Tzadik très étonnante, elle n’a été possible que grâce à John Zorn qui a pris sous son aile cette toute jeune saxophoniste, Zoh Amba, née en deux mille, pour lui faire enregistrer un premier album, et ce, dans la série « Spectrum », pourtant habituellement réservée aux artistes confirmés. Il s’engage même davantage en jouant du sax alto sur une pièce de l’album, Zorn ne fait pas les choses à moitié, quand il s’engage, il assume ses choix jusqu’au bout, voyons cela…

L’album se partage en deux parties, trois pièces sont composées par la saxophoniste ténor Zoh Amba, et trois autres sont entièrement improvisées, la septième, nommée « Satya » n’est pas créditée ni signée, mais elle semble être au crédit de Zoh Amba, car elle figure également sur son second album, enregistré en compagnie du bassiste William Parker. Pour tout dire, un troisième est également dans l’air, tout se passe très vite pour Zoh, la petite fée de la forêt.

Il se raconte que Zoh Amba, lorsqu’elle était toute jeunette, aimait aller jouer dans les bois, autour de sa maison, dans les Appalaches, là elle s’entraînait, créait et jouait, fille du vent et de l’air, dans cette belle nature. Plus tard elle alla étudier en ville, à New-York, Boston et San Francisco, c’est là qu’elle fit les rencontres décisives.

Les pièces écrites sont structurées, avec des thèmes, quand elle les joue son jeu au ténor me semble subir l’influence d’Alabaster de Plume, mais, si ça peut paraître étrange, on y entend cette même fragilité, au bord de la fêlure et de l’intime. On pourrait également penser que les deux ne se sont jamais écoutés et qu’ils partagent, sans le savoir, cette sensibilité commune.

Les pièces qu’elle a elle-même écrites sont tendres et un peu naïves, pleine de candeur et de sincérité, très belles, comme « Hymn To The Divine Mother » qui ouvre l’album, elles tranchent avec « Holy Din » par exemple, où John Zorn intervient pour apporter le feu dans le discours, né de la nécessité de l’improvisation, de l’urgence libertaire : jouer en prenant des risques.

A ses côtés se trouvent une autre jeune pousse brillante et précoce issu du terreau New-Yorkais, en la présence du pianiste Micah Thomas, sensible et lyrique, qualités que partage cette jeunesse. Mais il faut bien aussi des cadres solides et éprouvés pour tenir l’assise, le nécessaire encrage, et bien ce seront le bassiste Thomas Morgan et le capé Joey baron à la batterie qui endosseront ce rôle.

Une nouvelle fois un superbe album signé Tzadik, à écouter !

SoS Short Doc: Zoh Amba


(Comme toujours sur Tzadik pas d'extrait pour les nouveautés, je vous propose deux fichiers joints, je n'en mets pas plus car ils sont rarement écoutés)

Hymn To The Divine Mother
01. Hymn to the Divine Mother.mp3

Holy Din
05. Holy Din.mp3
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 21 mai 2024 01:30

Homeward a écrit :
lun. 20 mai 2024 14:55
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Zoh Amba - Bhakti (2022)

Sinon je suis en train de découvrir cette toute jeune (24 ou 25 ans je crois) saxophoniste qui frappe fort et bien. Puissance et expressivité assez hallucinantes qui rappellent tout de suite les grands anciens (Sanders, Ayler).
Tu fais bien de parler de ce superbe album, un pur régal il est vrai !

C'est aussi l'occasion d'observer qu'il y a une actualité avec cette musicienne sur bandcamp:

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 21 mai 2024 01:45

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Charles Lloyd – The Sky Will Still Be There Tomorrow – (2024)

« The Sky Will Still Be There Tomorrow » est sorti le quinze mars de cette année. C’est aussi le jour du quatre-vingt-sixième anniversaire de Charles Lloyd. Et c’est là que tout dérape, alors que l’on pourrait s’attendre à une sorte d’anémie dans la création, de difficultés à souffler pour maintenir le saxophone au niveau suffisant d’énergie pour tenir et propulser le son, ou encore de gêne pour faire glisser les doigts gourds afin d’agiter les clefs ouvrant la colonne d’air, rien que très naturel en somme, lorsque l’âge arrive.

Et bien non, et c’est même pire, et pour ainsi dire le pire du pire : avec l’âge il semble s’améliorer ! Bon, je dis ça sans déconner, sans doute a-t-il trouvé des subterfuges de contournement, ou des voies nouvelles qu’il utilise, je penche de ce côté, et sérieusement. Il se trouve qu’il joue avec une telle grâce, une telle justesse, qu’il arrive droit au cœur, si bien que ce qu’il fait est tellement bien fait qu’il vise directement à l’essentiel, nul besoin de fioritures, ou d’excès de puissance, ni d’agitation de toute sorte, droit au but, avec juste ce qu’il faut, mais aussi tout ce qu’il faut !

Pourtant il n’a pas lésiné le Grand Charles, deux cds ou un double LP au choix, six nouvelles compositions, six reprises de ses propres œuvres et un traditionnel « Balm In Gilead » et deux reprises qu’il a arrangé, « Lift Every Voice and Sing » et « Defiant, Tender Warrior » qui ouvre l’album.

Parlons des accompagnateurs, il y a là Jason Moran au piano, avec lequel il joue depuis une quinzaine d’années on va dire. Larry Grenadier à la contrebasse, lui aussi un vieux compagnon de route et, enfin, un nouveau venu dans son entourage, le batteur Brian Blade, qui accompagnait autrefois Wayne Shorter. Inutile de préciser que l’accompagnement est délicieux, apportant une énorme plus-value, car le jazz se joue souvent à plusieurs, à la façon d’un partage…

Il est vraiment difficile de faire un tri ou d’extraire un titre qui serait supérieur dans le lot, tant tout tourneboule et bouleverse même, sans prévenir, au coin d’un accent, d’un timbre ou d’un accord. Sont mis en avant « Defiant, Tender Warrior » qui ouvre l’album et « The Sky Will Still Be There Tomorrow » qui lui donne son nom, mais on pourrait parler de « Booker’s Garden », ou de « Beyond Darkness » et sa flûte, ou « The Lonely One » ou encore « The Water is Rising » et d’autres…

Il y a également la fragilité qui s’entend dans le souffle, la souplesse qui suggère comme une sorte d’élasticité, comme si le temps perdait de sa densité, tout est sensation, respiration, ou murmure. Le titre le plus long est « Sky Valley, Spirit of the Forest » qui dépasse le quart d’heure et prend le temps, celui de l’improvisation et de la spontanéité, Charles tient la baraque pendant que Jason désarticule et déconstruit, mais calme et délicatesse ont raison de la fougue juvénile et le thème ne disparait jamais tout à fait et toujours revient, avec la conviction d’une vague qui ne sait faire autrement…

Grand album !

Defiant, Tender Warrior


Booker’s Garden


The Sky Will Still Be There Tomorrow


Sky Valley, Spirit of the Forest
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Homeward » mar. 21 mai 2024 16:39

Merci pour ces compléments sur Zoh Amba. Je vais la suivre de près. Je l'ai découverte car elle joue sur le tout récent album de Myriam Gendron (magnifique bien sûr).


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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 21 mai 2024 20:51

Homeward a écrit :
mar. 21 mai 2024 16:39
Merci pour ces compléments sur Zoh Amba. Je vais la suivre de près. Je l'ai découverte car elle joue sur le tout récent album de Myriam Gendron (magnifique bien sûr).

Superbe, tu vises juste avec cet album de Myriam Gendron !

Déjà le précédent avait fait mouche !
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 22 mai 2024 03:12

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Cecil Taylor – Corona – (2021)

« Corona » a été enregistré en live lors du « Total Music Meeting » au « Podewil », le premier novembre quatre-vingt-seize, au siège de l’organisme « Kulturprojekte Berlin ». Le lendemain Cecil Taylor enregistrera l’album « Almeda », et le surlendemain, « The Light of Corona ».

Cet album-ci, « Corona » donc, sortira une première fois de façon dématérialisé sur « FMP Archive Edition » en deux mille dix-huit, puis au format Cd édité par « Corbett VS. Dempsey », une belle édition digne de la renommée de ce label.

La première pièce ne dure que six minutes, ce qui est court pour une pièce de Taylor, c’est une sorte de poésie dite par le pianiste accompagnée par des vocalisations d’environ huit autres musiciens qui participeront bientôt à l’album « The Light of Corona », et reviendront ici pour la piste trois. Mais ce qui nous intéresse surtout c’est la piste deux. Voici ce qu’avait déclaré, la veille, Cecil Taylor : « Sunny Murray arrive, et il jouera avec nous demain soir, et nous verrons ce qui se passera par la suite... Nous allons attendre et voir dans quelle lune se trouve Sunny. »

C’est que Cecil aimait se confronter à de nouveaux batteurs, ils sont nombreux à avoir joué aux côtés du fabuleux pianiste, Han Bennink, Günter Sommer, Louis Moholo, Paul Lovens ou Tony Oxley, pour ce qui est de l’Europe. Sunny Murray est certainement un partenaire idéal, ils ont d’ailleurs déjà gravé ensemble le fameux « Live At The Cafe Montmartre » de mille neuf cent soixante-trois, depuis, le paysage sonore a été sérieusement bousculé.

C’est donc sur la partie deux, dite « Sector 2 », d’une durée de quarante-huit minutes que va se dérouler la rencontre. Rien que le fait de que cette réunion ait lieu, est déjà un événement considérable, eu égard à la personnalité des deux géants, l’un au piano et l’autre à la batterie, chacun novateur, révolutionnant son instrument en lui conférant rien moins qu’un nouveau langage.

La prise de son est parfaite et surtout équidistante, Taylor à gauche et Murray à droite, cette sensation d’équilibre s’entend également dans la musique car il n’y a pas de confrontation, mais bien une rencontre, où chacun bénéficie de l’engagement de l’autre, ainsi Murray frappe avec force et tumulte, agitant les cymbales et les triangles avec frénésie, tandis que Taylor percute lui aussi le clavier, puis se lance dans une course folle dans le registre déconstruit qu’on lui connaît, jouant des clusters et des dissonances.

Les deux sont bien ensemble, partenaire d’un même voyage, l’un portant l’autre et le soulevant, les deux esprits semblent comme liés, partenaires du même voyage, les deux forces s’unissent et foncent à l’unisson vers un accomplissement musical que l’on aurait aimé voir encore fructifier, mais cela n’adviendra pas…

La troisième pièce marque un retour à la narration, mais c’est bien la rencontre des deux légendes qui fait le sel de cet album !

Malheureusement la pièce la plus significative est absente du net, du moins je ne l'ai pas trouvée...

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » mer. 22 mai 2024 20:09

Douglas a écrit :
jeu. 9 mai 2024 12:24
whereisbrian a écrit :
jeu. 9 mai 2024 07:16
Douglas a écrit :
jeu. 9 mai 2024 03:52
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Super que tu le chroniques, très bel album.
Je pense qu'il devrait plaire aussi à Piranha.

Y'a ce truc sur le tube: Shabaka Hutchings presented John Coltrane's A Love Supreme as the last saxophone show in London on December 8th, 2023. (le thème vers la demi-heure).

Shabaka Hutchings - Live at Hackney Central, London, 08/12/2023
Je te réponds, je vous réponds enfin.
Un album que j'ai écouté deux fois même si je ne le possède pas (encore ?).

Un album dans lequel je rentre moins facilement que dans son 1er sorti en 2022 ("Afrikan Culture"). Je retrouve pour l'instant moins le côté intimiste, simple du 1er, cet idée d'écouter l'album en plein air, une nuit d'été, perdu dans la Nature.
Ca va venir

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 23 mai 2024 03:32

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Ivo Perelman Quartet – Water Music – (2024)

De la gauche vers la droite, Matthew Shipp au piano, Ivo Perelman au sax ténor, Tom Rainey à la batterie et Mark Helias à la contrebasse, voilà, les présentations sont faites, ainsi que le jeu du « qui fait quoi ». Pour une fois, et c’est une surprise, un album RogueArt chroniqué sur Jazzmag, ce qui ouvre les portes vers un autre « jazz » un peu moins observé, hors du copinage qui transpire un peu, assez rarement j’espère, mais c’est le lot des « influenceurs » …

En fait l’album sort cette année, mais avec le nécessaire décalage, il a été enregistré le vingt-deux novembre deux mille vingt-deux au Park West Studio de Brooklyn à New York, le temps qu’il trouve un label. Ce sera RogueArt, qui sort également pas mal d’enregistrements de l’extraordinaire Matthew Shipp par ailleurs, même si, pour un modeste amateur, il est quasi impossible de suivre tout cela d’aussi près que ça le mériterait.

Sur le spectre sonore, Matthew Shipp est à droite, Ivo Perelman centre gauche, Mark Helias centre droit et Tom Rainey du centre droit jusqu’à gauche, avec une perspective plus arrière. Il y a quelque chose de nouveau ici, sur le son de Perelman, c’est arrivé malgré lui, et très probablement contre sa volonté et son désir, on peut même appeler ça une « tuile », du genre qui glisse du toit et tombe au mauvais endroit…

Voilà, il a cassé le « bec » de son saxophone, c’est-à-dire également le « son » qui fait sa marque et sa particularité, je le suppose ancien et difficilement trouvable puisqu’il en a changé. Il faut savoir que pour jouer comme « Coltrane » par exemple, il est bon d’avoir le même matériel, y compris l’anche, ou alors « tintin ». Mais, même dans ces conditions, le matériel ne suffit pas, vous vous en doutez, car il faut aussi l’âme, ce qui est une autre affaire…

Bref, Ivo a été contraint de lui trouver un remplaçant, après avoir cherché, soupesé et sans doute hésité, il a choisi le même que Paul Desmond, ce qui peut paraître surprenant, car le rapprochement entre les deux n’est pas évident. Il faut comprendre qu’un tel évènement n’est pas sans conséquence pour un musicien comme lui, d’ailleurs il y a une modification dans le « son » de l’album, c’est indéniable.

Je pense à Chet Baker qui avait perdu quelques dents, lui qui mettait souvent sa trompette au clou, achetait du matériel bas de gamme, ou jouait avec ce qu’il avait sous la main… Et qui arrivait en toutes occasions à émouvoir, c’est l’esprit qui souffle ! Et que dire de l’extraordinaire Shepp !

Bref à nouveau, Ivo, donc, a modifié sa monture, mais, je vous rassure l’album est magnifique, comme souvent il faut s’y plonger à fond, se laisser submerger sans même regarder le nom des titres qui filent, comme en apnée, je perçois parfois comme une raideur, mais il parcourt les mêmes voies et l’agilité sur la colonne d’air reste la même.

Le quartet est d’une extrême précision, tous sont extraordinaires et il n’y a qu’éloges à faire ici, quelques soient les endroits où nous mènent ces magiciens du son, nous sommes embarqués. A son habitude Ivo explorent les aigus et en extrait des saveurs toujours nouvelles, et derrière, les trois poussent, à la façon de bons génies.

Entrainment


Sound Essence


Water Music
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 23 mai 2024 15:40

Piranha a écrit :
mer. 22 mai 2024 20:09

Je te réponds, je vous réponds enfin.
Un album que j'ai écouté deux fois même si je ne le possède pas (encore ?).

Un album dans lequel je rentre moins facilement que dans son 1er sorti en 2022 ("Afrikan Culture"). Je retrouve pour l'instant moins le côté intimiste, simple du 1er, cet idée d'écouter l'album en plein air, une nuit d'été, perdu dans la Nature.
Ca va venir
Oui, il y en a qui ne rentre pas dans ce "trip", par exemple Jazz Mag a snobé l'E.P et a décerné à "...Beauty..." trois étoiles sur les cinq dispos, ce qui le ravale dans les albums à éviter du mois, vu qu'ils ne sont pas tant que ça à avoir trois étoiles ou moins.
Donc soit l'album est moyen voire médiocre, soit le chroniqueur est passé à côté...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 24 mai 2024 03:00

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Sam Rivers - Tony Hymas – Eight Day Journal – (1998)

« C’est un disque Nato », comme on disait autrefois, en parlant du label extraordinaire et extravagant de Jean Rochard. Que de merveilles a-t-il sorti, loin des conformités établies, ne pariant que sur la qualité et l’originalité, prenant des risques et osant tout, pour peu qu’il ait cru au projet, à l’idée ou à l’artiste !

Tony Hymas est sur Nato un peu comme chez lui, et cette rencontre avec le grand Sam Rivers est assez ambitieuse et surtout fructueuse. « Eight Day Journal » est une œuvre ouverte, qui est bâtie autour de compositions de Tony, qu’il a également arrangées et organisées autour de la personnalité de quelques solistes dont, évidemment, le génial Sam Rivers, qui se glisse dans ces pièces, tel un félin, avec toute l’habileté requise.

Huit compositions sont au menu, chacune d’elle est une date, la première « Samedi 4mars 1984 », et la dernière, « Samedi 29 septembre 1985 », on comprend mieux ainsi le sens du titre de l’album, qui se présente comme une sorte de menu journalier. Il faut également dire un mot sur le livret joint, qui contient des illustrations de Moebius, immense pionnier de la bande dessinée !

Je vous mets la liste des musiciens, elle aidera à comprendre la couleur et l’ambiance de cet album. Sam Rivers joue du sax ténor et soprano, Tony Hymas est au piano, Carol Robinson aux clarinettes, Sylvain Kassap au cor de basset, à la basse clarinette et au sax soprano, François Corneloup aux saxs baryton et soprano, Henry Lowther à la trompette, Noël Akchoté à la guitare électrique, Chris Laurence à la contrebasse et Paul Clarvis aux percussions.

En outre il y a également un quatuor à cordes, Rita Manning et Sonia Slany au violon, Philip Dukes à l’alto et Sophie Harrisau au violoncelle. Selon les pièces le personnel évolue et la masse des musiciens laisse entrevoir une œuvre très écrite, très composée, mais de très nombreux espaces sont dédiés aux solistes qui s’expriment librement à l’intérieur de ce cadre.

On pourrait même parler d’écrin, tant l’ensemble est raffiné et somptueux, créant de multiples niches où l’immense saxophoniste, Sam Rivers, déploie l’éventail de son savoir-faire. Il faut également parler des multiples couleurs qui habitent l’œuvre et lui donne rythmes et diversité. Quelques accents rock avec Noël Akchoté, royal, et des cordes qui ornent les arrangements avec légèreté, sans jamais peser, des airs qui rappellent les accents klezmer, ou ceux du tango, l’Afrique et ses rythmes et le blues qui qui martèle…

Une belle réussite cet album, et également une belle rencontre où l’on voit Sam se glisser avec justesse dans les subtilités d’une orchestration dont il est, un peu, le héros !

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Mardi 21 mars 1984


Mercredi 5 avril 1984


Sam Rivers & Tony Hymas - Vendredi 22 Septembre 1984
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 25 mai 2024 02:37

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John Zorn – Full Fathom Five – (2023)

Cet album est confié au quartet « Incerto », la plus récente formation formée par John Zorn. Elle est composée par, on le devine, quatre musiciens hors normes, mais loin d’être des inconnus, tous de familiers de Zorn. Julian Lage à la guitare, Brian Marsella au piano, Jorge Roeder à la contrebasse, Ches Smith à la batterie et au tanbou Haïtien.

Cette formation a déjà publié « Incerto », « Multiplicities II » et « Homenaje A Remedios Varo » qui est en fait le dernier dans l’ordre chronologique. Celui-ci le précède de quelques mois, c’est un simple étui contenant le Cd, ce dernier possédant en outre une pochette intérieure imprimée de protection. Sept titres se succèdent chacun se situant dans une durée comprise entre cinq et sept minutes.

J’ai souvent remarqué que, chez Zorn, la pièce la plus évidente et la plus facile à aborder, était souvent située en seconde position de l’album, tranchant avec l’habitude commune de débuter les albums par la pièce la plus emblématique. « I Cried To Dream Again » pourrait en effet entrer dans ce cadre, mais, pourtant, sans vouloir en faire trop, tout est beau ici, et il me semble bien que cet album soit encore une merveille !

Alors, comme souvent, il est accompagné, ou influencé, par un peintre, un écrivain, ou un philosophe de renom qui, de son empreinte, souffle un peu de son génie sur les pièces jouées, et bien ici c’est l’esprit de Shakespeare qui recouvre de sa main ces magnifiques « nocturnes ».

On reconnaît en effet les caractéristiques de ce genre, ici, mais dans un cadre jazz qui va bien également, les pièces sont plutôt assez lentes, souvent assez tristes, mais avec des accélérations en leur milieu. On remarque également les extraordinaires ornementations qui agrémentent chacune, offrant des possibilités nombreuses de soli toujours remarquables et inspirés.

Alors peut-être souffle ici, en plus de celui de Shakespeare, l’esprit de Gabriel Fauré, de Claude Debussy, ou encore celui de Frédéric Chopin ou même d’Eric Satie, je prends tout, en plus de ce jazz qui va et de ces impros qui filent tout du long ici, musique de chambre et musique improvisée fusionnent pour le meilleur !

Oui, vraiment, un bijou rutilant !

Where the Wild Thyme Blows


I Cried to Dream Again


Behold the Night of Our Solemnities


Phantasma
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 26 mai 2024 04:09

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Ballister – Smash And Grab – (2024)

Pour l’année je mets deux mille vingt-quatre, l’année des supports physiques, à mi-janvier, même si l’album est paru un poil plus tôt en dématérialisé. Je l’ai commandé directement au label, chez « Aerophonic Records », un vinyle qui tire sur le rose, même s’il est certifié magenta, il mettra une touche de gaieté, que dis-je, un raz de marée de folie dans ma vie, si paisible à l’habitude…

Ballister c’est un trio, plutôt du genre fou-furieux, mais ils peuvent être calmes aussi, on leur a fait la leçon, ce n’est pas bien de foncer tête baissée d’un bout à l’autre des concerts, il faut laisser place à la respiration, et ne pas épuiser les septuagénaires présents dans le public, qui pourraient lâcher au milieu de la course, ce qui leur ferait grand tort à ces enragés, très certainement, même si les papys, à cette heure tardive, devraient se reposer sous leur bonnet de nuit.

Le nom du batteur-percussionniste devrait parler à ceux qui parcourent ce fil depuis longtemps, il s’agit du norvégien Paal Nilssen-Love, l’un des plus allumés de sa catégorie, et c’est pour ça qu’on l’aime. Il y a également Fred Lonberg-Holm au violoncelle et à l’électro, de temps en temps on le croirait branché sur secteur à piquer des plans guitare aux métalleux.

Le troisième larron est Dave Rempis, le saxophoniste fou du Massachusetts, il joue des saxs, alto, ténor ou baryton. Bien connu désormais, il commence à avoir une discographie conséquente et, surtout, à côtoyer à peu près tout ce qui compte dans le monde du free d’aujourd’hui. De McPhee à Ken Vandermark.

Ce qui est sûr, c’est que ces trois-là s’entendent admirablement, ils ont donc formé « Ballister » et sortent ici leur onzième album, enregistré lors d’un concert live au troisième « Catalytic Sound Festival » à Chicago, le deux décembre deux mille vingt-deux, juste au sortir de la pandémie.

C’est le concert du retour, avec son lot d’incertitudes, un démarrage bille en tête avec le titre « Smash » qui occupe la première face, une pièce de plus de vingt minutes qui lance le set à fond, histoire de mettre les points sur les « i », mais qui avant la fin, lâche soudainement le fil, hoquète, avant enfin de repartir sous l’impulsion de Dave Rempis pour un final plein d’énergie.

Face B ça démarre un peu plus mou, avec « Even More Smashing » qui constitue la seconde partie du concert, largement improvisé, mais ils ne font que ça, de l’impro en trombe. L’album se termine avec « Grab », probablement le rappel, sept minutes bien pulsées, de quoi repartir heureux et satisfait, il faudra recharger les accus, et surtout, ne pas oublier de recharger le bonnet de nuit, afin de bien profiter de la bonne énergie…

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 27 mai 2024 01:48

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Kamasi Washington – Fearless Movement – (2024)

Voici venu le dernier double LP de Kamasi Washington, dans la lignée des deux mastodontes, « The Epic » et « Heaven and Earth », et par bonheur assez éloigné du décevant « Becoming », BO du docu de Nadia Hallgree qui retraçait l'histoire de Michelle Obama. L’E.P. « Harmony of Difference », antérieur, puisqu’il datait de deux mille dix-sept a laissé par contre un bon souvenir…

On pourrait donc dire que ce « Fearless Movement » est le troisième, parmi les grands travaux de notre Hercule du jazz. J’ose la comparaison car sa musique possède incontestablement une dimension épique, avec ce « je ne sais quoi » de surhumain qui la distingue de sort commun et habituel, de la norme usuelle. Pourtant celui-ci ne dure qu’une heure et vingt-six minutes, comparativement aux trois heures de « The Epic » et même encore un peu plus pour « Heaven and Earth », il pourrait faire pâle figure !

Pourtant l’écoute nous révèle qu’il joue dans la même cour et qu’il appartient à cette catégorie, précisément par ce souci typiquement central chez Kamasi de créer des trames dramatiques, denses et tendues qui glorifient le sentiment de dépassement de soi, contenant une sorte d’héroïsme, le propos du compositeur saxophoniste est semblable à celui d’un cinéaste qui fait du Cecil B. DeMille, à ceci près que Kamasi s’en tient à la musique et laisse à l’auditeur le soin d’imaginer le film.

A ce stade je fais un aparté pour vous dire que j’ai assisté à une retransmission d’un concert télévisé du gars et que c’était vraiment très bon, les musiciens sur une seule ligne, ce qui est assez inhabituel, tous excellents, avec une chanteuse remarquable et un final éblouissant, la durée de la représentation était habituelle.

Pour en revenir à l’album il y a quelques invités, George Clinton, Andre 3000, le rappeur D Smoke, le bassiste Thundercat, et d’autres encore car ils sont très, très nombreux à s’afficher dans les crédits, au point qu’il n’est même pas envisageable de lister. On retrouve également le goût, désormais assez commun, de vouloir fusionner les musiques cousines en une seule.

Ainsi le rap, le rythm’n blues, le hip hop fusionnent-ils avec le jazz, créant cette couleur « mode » à laquelle beaucoup succombent désormais. A ce titre Kamasi s’éloigne de l’idiome jazz tel qu’il est communément admis, reléguant tous les post bop et la « free music » dans les vieilleries et les curiosités. Son jeu au sax est d’ailleurs plutôt conventionnel, si ce n’est qu’il aime se frotter aux sonorités électriques nouvelles.

Sans surprise, dans ce décor, l’introduction et la conclusion sont très soignées, entre « Asha The First » et « Prologue » d’Astor Piazzolla, et constituent ce que l’on pourrait considérer comme le meilleur, même si, bien sûr il y a des fulgurances tout du long, mais aussi parfois un peu de mou, que l’on oublie vite sur cet album marathon, qui restera, tous comme les précédents, un marqueur parmi les sorties annuelles.

Kamasi Washington - Asha The First (feat. Thundercat, Taj Austin, Ras Austin)


Kamasi Washington - Computer Love (feat. Patrice Quinn, DJ Battlecat, Brandon Coleman)


Kamasi Washington - Dream State (feat. André 3000) (Official Visual)


Kamasi Washington - Together (feat. BJ The Chicago Kid)


Kamasi Washington - Prologue (Official Music Video)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 28 mai 2024 04:25

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Lage Lund – Most Peculiar – (2024)

Je vous avais parlé du précédent album de Lage Lund, « Terrible Animals », qui m’avait bien plu. La sortie d’un nouvel album cette année ne pouvait me laisser indifférent. Lage est norvégien, guitariste, et installé aux Etats-Unis depuis quatre-vingt-quinze, avec quelques virées au pays natal de temps en temps, comme pendant le Covid.

Il consacrait une partie de sa vie à son instrument, histoire de faire quelque chose, d’avoir un projet au long cours, avec une exigence et le désir d’entretenir la « machine », et de ne pas succomber au « laisser aller », il confie : « C’était un peu comme une retraite, ou une résidence d’artiste ».

Cet album est en sorte une sorte de concrétisation de cette période-là, il réunit un quartet, avec le fidèle et génial batteur Tyshawn Sorey, Sullivan Fortner au piano, et Matt Brewer à la contrebasse, en lieu et place de Larry Grenadier. Dix pièces sont présentées et admirablement exécutées, dans un style post-bop de bon aloi. Du bon goût et du bon sens, une interprétation lumineuse et claire, de quoi satisfaire le public avide de bon jazz relativement « propre » et classique…

Là où il y a une originalité c’est dans les titres et les domaines abordés, qui proviennent tout droit de l’exil « Covid » avec sa famille, où les deux parents faisaient travailler leurs deux enfants autour de thèmes qui arrivaient un peu au hasard, lancés par l’un ou l’autre membre de la sphère familiale. Alors chacun travaillait autour d’une recherche et présentait une trace écrite en rapport avec le sujet du jour, « Trees », « Warsaw » ou Antartica » ou bien encore « Elephants » …

Lage Lund, lui aussi, s’entraînait à l’instrument, en considérant la thématique du jour, ainsi les titres de l’album sont en droite ligne issus de cette hibernation volontaire. « Cigarettes », le titre d’ouverture n’appartient pas au programme scolaire alors établi. Les amateurs de bonne guitare ne seront pas déçus, parfois on pense à Bill Frisell ou encore au vieux Wes Montgomery, le jeu de Lund est à la fois virtuose et très imaginatif.

Je n’ai évidemment rien contre le pianiste Sullivan Fortner qui fait magnifiquement le job, mais je rêverais d’un album de Lund en trio, avec l’incroyable Tyshawn Sorey et Larry Grenadier, et ainsi voir se multiplier les soli du guitariste et mieux savourer encore les dialogues avec la section rythmique.

Attention à ne pas confondre la pochette avec le précédent, les deux se ressemblent terriblement…

Cigarettes


Circus Island


Elephants


Trees
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 29 mai 2024 04:09

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Paul Lytton ˄ Nate Wooley + Ikue Mori & Ken Vandermark – The Nows – (2012)

Un chouette double Cd bien free qui se déguste en plusieurs menus, au total il contient une heure cinquante de musique, ce qui est bien copieux. L’idée c’est d’entendre un duo formé par Paul Lytton aux percussions et Nate Wooley à la trompette avec effets, lors de deux concerts différents.

Le premier s’est déroulé au club « The Stone » de new York le deux mars deux mille onze, trois pièces sont jouées, « Free Will, Free Won’t » est la principale, d’une durée de trente-cinq minutes. Puis Ikue Mori, l’invitée du soir, participe aux deux dernières compos avec son ordinateur.

Le second concert est un plus court, on retrouve notre duo sur les deux premières pièces, puis Ken Vandermark s’ajoute avec ses nombreux instruments, clarinette basse, clarinette, saxo ténor et baryton. Ils terminent le concert en trio, pendant les trois dernières pièces. Nous sommes alors au club « The Hideout » de Chicago, le seize mars.

Paul Lytton fait partie de l’école historique free de Londres, il a côtoyé les plus grandes figures du free européennes et mondiales, et s’est illustré sur de très nombreux albums, particulièrement aux côtés d’Evan Parker et de Derek Bailey. L’écouter est une expérience, il est véritablement étonnant, faut-il dire exubérant ? La question pourrait se poser, mais il sait également se montrer parfois discret et sans ostentation, jouant des silences et de la retenue. Ainsi il s’est bâtie une grande réputation auprès de ses collègues, par ailleurs il est également agréable à regarder lors des concerts, toujours juste et souvent spectaculaire.

Nate Wooley est beaucoup plus jeune et appartient à une autre génération, né en soixante-quatorze, il n’a pas trop attendu pour se faire remarquer dans la sphère free, sans doute est-ce lié à sa capacité à modifier considérablement le son de sa trompette, dont il arrive à sortir des sons inédits et surprenants. Il possède, malgré son jeune âge, une discographie déjà considérable. Cet album fait partie de ceux qui lui font honneur.

Les pièces où ils jouent sans invité sont remarquables et passionnantes sur les deux albums, démontrant qu’ils ont quelque chose à nous dire et à faire partager. La pièce d’ouverture au Stone est une véritable démonstration, Nate Wooley tire des sons improbables de son instrument, jouant parfois de façon très organique, ou, à d’autres moments, semblant utiliser la respiration circulaire. Lytton est également expressif, parfois dans le lointain, vigoureux, il semble ne jamais vouloir s’arrêter…

Les deux pièces avec Ikue Mori sont également intéressantes, mais elles ne clarifient en rien la situation, et semblent, au contraire, ajouter à la confusion. Ikue s’insère sans mal dans cette dissertation inouïe et finit par imposer le trilogue sur « Abstractions and Replications ». De même elle offre un dialogue intéressant à la fin de « The Ripple effect » où elle joue avec le percussionniste.

Évidemment le second album est transfiguré par l’arrivée de l’exceptionnel Ken Vandermark, qui signe, le temps de trois pièces, une sorte de retour à une certaine orthodoxie. Paul Lytton s’en donne à cœur joie et s’échappe en un long parcours créatif qui régale. Les amateurs de free peuvent y aller, cet album ne devrait pas les décevoir.

Free Will, Free Won't


Abstractions and Replications


Automatic


The Ripple Effect
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Message par Douglas » jeu. 30 mai 2024 02:39

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Ernest Dawkins – Afro Straight – (2012)

Je reviens rapidement sur la carrière d’Ernest Dawkins, membre de l’AACM de Chicago, de l’Ethnic Heritage Ensemble et figure emblématique de jazz made in Chicago. Une sommité qui enregistre, toujours sur Delmark, cet « Afro Straight », pièce de sa composition d’une minute trente-quatre, entièrement consacrée aux percussions.

Il signe également le très beau « Old Man Blues » assez génial, qui me fait tant rêver quand je l’écoute. Tout le reste de l’album, qui dépasse les soixante-sept minutes, est consacré aux standards, à une vision de la tradition et du répertoire de jazz US, il faut dire qu’il y a de quoi faire.

Ça commence direct avec une reprise du « Mr.PC » de Coltrane, une version dans la ligne du « Giant Steps », mais très fraîche, bien enlevée et parfaitement envoyée. On revient à Coltrane un peu plus loin avec « Central Park West » en provenance du « Coltrane's Sound » de soixante-quatre, une ballade qui va bien.

Un autre saxophoniste est à la fête côté reprise, c’est Wayne Shorter dont Ernest reprend le fameux « United » joué pour la première fois par les Jazz Messenger’s d’Art Blackey en soixante et un et popularisé par Woody Shaw, pour son album du même nom. Ici le génial trompettiste Corey Wilkes participe grandement à la réussite du titre.

Wayne Shorter contribue encore sur cet album avec deux autres titres « Footprints » provenant d’« Adam's Apple » et « Juju » de l’album du même nom, deux standards énormes. Ernest ne lésine pas et frappe fort, nous régalant, il faut dire qu’il a ramené du gros dans sa formation.

Willerm Delisfort est au piano, Junius Paul à la basse, Isaiah Spencer à la batterie, Ben Paterson à l’orgue Hamond B3, et rien moins que Ruben Alvarez, Greg Carmouche et Greg Penn aux percussions, alors forcément ça chauffe dur par ici et rien n’est laissé à l’abandon, de l’énergie de A à Z dans l’esprit du post bop des années soixante.

Mais on remonte bien peu plus loin avec « Woody ‘n You » de quarante-deux signé Dizzy Gillespie, et joué dans l’esprit de l’époque, il y a également une reprise de « God Bless The Child » standard des standards, avec l’orgue Hammond aux avant-postes qui régale, sur lequel le sax d’Ernest fait merveille…

Mais il faut citer également « Softly As in a Morning Sunrise » qui remonte à mille neuf cent vingt-huit, encore un joyau classique indémodable, resté pour moi fameux grâce à une version de Sonny Rollins au Village Vanguard qui me hanta longtemps…

Un grand album qui fait bien plaisir et fait remonter les souvenirs.

Mr. PC


United


Old Man Blues


God Bless the Child


Softly As In A Morning Sunrise
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 31 mai 2024 03:16

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Hamid Drake & Bindu – Bindu – (2005)

Après de multiples albums parus en collégialité, voici probablement le premier où Hamid Drake porte sur ses seules épaules le leadership d’une formation. Pour autant il est majestueusement entouré. La première pièce « Remembering Rituals » rassemble un duo formé avec l’invitée de l’album, la flûtiste Nicole Mitchell. Lui-même joue de la batterie, du simple tambour sur cadre et du tabla, à l’occasion il chante aussi.

Cette pièce en duo frôle les quatorze minutes, Hamid joue principalement du tambour sur cadre et accompagne la flûtiste dans une partie à deux mémorable, un petit bijou et une formidable introduction pour ce très bel album, de quoi mettre l’auditeur sur de bons rails. Dès la seconde pièce la formation réunie par le percussionniste se met en branle. Daniel Carter joue de la clarinette et des saxs alto et ténor, Ernest Dawkins joue également de ces mêmes instruments, ainsi que des percussions, Sabir Mateen joue lui aussi de ces mêmes saxophones, mais ajoute des clarinettes, alto et basse, Greg Ward joue lui aussi de la clarinette et du sax alto !

Je n’insiste pas davantage sur la qualité des musiciens, nous soulignerons simplement l’absence de piano et de basse, la partie rythmique se résumant au seul Hamid Drake, mais ce n’est même pas un défi pour lui, tellement il parvient haut la main à tenir son rôle avec une grande efficacité. Mais c’est également fort brillant côté souffleurs, les quatre nous proposent un ballet élégant et aérien, avec des dialogues extraordinaires, très riches, clarinettes et saxos échangeant avec brio.

Certaines pièces sont dédicacées, comme la seconde « Bindu #2 for Baba Fred Anderson » qui joua longtemps en partenariat avec Hamid, ou la suivante « A Prayer for the Bardo, for Baba Mechack Silas », deux autres pièces lumineuses sont également dédicacées au batteur défunt Ed Blackwell, « Bindu #1 for Ed Blackwell » et « Bindu #1 for Ed Blackwell, from Bindu to Ojas ». On imagine que sa position de leader et compositeur autorise Hamid Drake à diriger ses pensées vers ceux qu’il aime et qui ont marqué sa vie.

En dehors de ces hommages qui sont en fait des « prières », comme le signifie « Bindu » pour ceux qui pratiquent le yoga, il y a également de merveilleux titres comme « Meeting and Parting », une magnifique pièce bluesy chargée de tristesse, qui chemine longuement en charriant son vague à l’âme, un nouveau sommet de cet album.

Il y a également le très beau « Born upon a Lotus » où chante Hamid, à moins que ce ne soit Sabir, accompagné des seules percussions, pour ce qui est la pièce la plus courte ici, au format single. La dernière pièce « Do Khyentse’s Journey, 139 Years and more » consiste en un long et passionnant solo de batterie du héros du jour, la pièce dépasse les treize minutes.

A ce stade il est bon d’indiquer que le Cd est plein, soixante-quatorze minutes et plus de bonne musique, pour un long et inoubliable voyage au pays d’Hamid Drake, l’album n’a pas pris une ride malgré ses vingt ans, du genre qui revient sur la platine !

Le seul très court extrait que j'ai trouvé de ce pourtant magnifique album, se trouve vers le milieu de cette page, un court extrait de "meeting and parting", cliquer sur le petit triangle rouge, moins de deux minutes:

https://roguart.com/product/bindu/4

Je posterai donc une nouvelle chroniquette en fin de matinée...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 31 mai 2024 11:31

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Monsieur Mâlâ – Monsieur Mâlâ – (2024)

L’album a été enregistré en deux mille vingt-trois, mais est paru cette année. Monsieur Mâlâ est une formation française, et même parisienne, qui s’est faite connaître par quelques E.P. bien vus, du coup la sortie du Lp ( gatefold) était attendue et ne déçoit pas, bien qu’elle soit amputée de trois morceaux par rapport au Cd, du coup il file très vite, seulement trente minutes, presque indécent. Ishkero avait fait le même coup, si je me souviens bien...

Parmi les jeunes groupes issus de cette vague parisienne, même si elle n’est pas très grosse, la vague, comprenant essentiellement Ishkero et Daïda, Monsieur Mâlâ est celui qui tient peut-être la corde (un peu raide la corde, comme indiqué plus haut) …

Ils sont cinq, Robin Antunes (de l’or dans les doigts celui-ci) au violon et à la mandoline acoustique et électrique, Balthazar Naturel (ne le chassez pas, sinon il revient au galop…) au saxophone, cor anglais aka hautbois, clarinette et flûte, Nicholas Vella (toute la nuit) au piano, Fender Rhodes et différents autres claviers, Swaeli Mbappé (en transfert apparemment) à la basse et aux guitares électriques et Yoann Danier (ne sert à rien) à la batterie et aux percus.

Bon, les huit titres qui restent nous montrent un album plutôt sympa, bien qu’étriqué. Mais je n’insiste pas trop parce que, moi aussi, j’ai envie de faire court, je m’en vais écouter Serge Lâmâ chanter « Je suis Mâlâdeu » ….

Monsieur MÂLÂ - MISEMO (Official Video)


Monsieur MÂLÂ - Cor Anglais in E Minor (op. 3) [Official Music Video]


Monsieur MÂLÂ - 'Til Daylight [Official Music Video]


Monsieur Mâlâ "Fly Fly" en session TSFJAZZ!
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Seric » ven. 31 mai 2024 18:02

Du jazz comme cela j'en écouterais tous les jours. C'est moderne, mélodique et éthéré...
Merci de ta proposition. C'est une découverte pour moi. :super:
Sauvegarde du patrimoine musical : Pour écouter et plus si affinité... http://memorhits.blogspot.fr/

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 1 juin 2024 01:05

Seric a écrit :
ven. 31 mai 2024 18:02
Du jazz comme cela j'en écouterais tous les jours. C'est moderne, mélodique et éthéré...
Merci de ta proposition. C'est une découverte pour moi. :super:
Super! je vois que j'ai réussi ma mission, tu pourrais approfondir ce sillon du côté d' Ishkero ou Daïda, ou bien encore en regardant côté Thomas de Pourquery pour son dernier album, ou encore Laurent Bardainne & Tigre d'eau douce, dont je parlerai bientôt...
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