J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 4 juil. 2025 04:15

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The Charlie Mingus Jazz Workshop – Pithecanthropus Erectus – 1956

Souvent les gens se posent la question : « Alors, Charles Mingus, il est free ou pas ? » Un peu comme s’il stationnait en zone intermédiaire, dans un entre-deux de bon aloi. La réponse à cette question pourrait se tenir dans cet album, au regard de son année de parution, et du mois également, janvier cinquante-six !

Nous sommes deux années avant qu’Ornette ne sorte son premier album, « Something Else ! The Music Of Ornette Coleman », Sun Ra n’a pas enregistré « Jazz By Sun Ra Vol. 1 », ni « Super-Sonic Jazz » et joue encore des Doo-wop ! Coltrane repousse les limites du hard bop et Mingus sort cet ovni assez incroyable !

Il a appelé son groupe un « Workshop », une sorte d’atelier du jazz où, pourtant en quintet, ils sonnent comme s’ils étaient trois fois plus nombreux, l’impression est de se tenir face à un big band tant l’énergie est puissante, dès le titre d’ouverture, l’extraordinaire « Pithecantrhropus Erectus » l’auditeur est subjugué, difficile d’imaginer aujourd’hui l’impact d’un tel album lors de sa sortie, qui éclata au monde tel une déflagration !

Pour atteindre un tel effet Charles a eu la main lourde, Jackie McLean au sax alto, J.R. Monterose au saxophone ténor, Mal Waldron au piano et Willie Jones à la batterie, lui-même à la contrebasse, à son habitude, Il signe également trois des quatre titres.

« Pithecanthropus Erectus » est une suite en quatre parties qui ouvre l’album », on y retrouve l’amour de la tradition bop que porte Mingus, en même temps que des audaces folles dans le monde du « free ». La pièce est à la fois très évocatrice, narrant une plongée de l’homme accompli vers l’esclavage et sa propre destruction, en même temps que d’une puissance descriptive rare, ainsi nous sommes à la merci des forces destructrices qui nous broient, propices à des désordres free extraordinaires ! Chef d’œuvre.

La seconde pièce est la reprise du standard « A Foggy Day » des Gershwin, une description d’une balade à San Francisco où s’entendent divers bruits, klaxons, sifflets, sirènes et même pièces de monnaie, tous ces effets sonores et d’autres sont joués par les différents interprètes, ouvrant les portes de l’imagination visuelle, car c’est véritablement un paysage sonore qui défile devant nous.

« Profile of Jackie » qui ouvre la face B est une courte ballade de trois minutes, dédiée à McLean. La dernière pièce « Love Chant » frôle de quelques secondes le quart d’heure, ce qui est un peu inhabituel en ces temps anciens. Ce « Chant d’amour » très ouvert est propice aux solos des uns et des autres qui offrent le « sel » de la pièce, structurée autour du piano de Mal Waldron qui est central ici. La pièce connaîtra une longue vie lors des concerts pour les opportunités qu’elle offre aux uns et aux autres lors des solos.

Un album de Mingus tout à fait décisif et indispensable, mais il y en aura d’autres !

"Pithecanthropus Erectus" by Charles Mingus
Charles Mingus, "A foggy day", album Pithecanthropus erectus, 1956
Profile of Jackie
"Love Chant" by The Charlie Mingus Jazz Workshop
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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 5 juil. 2025 04:16

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Francesco Bearzatti – Tinissima Special Edition – (2016)

Je suis très fan du « Tinissima Quartet » de Francesco Bearzatti, sous cette forme cinq albums sont parus entre deux mille huit et deux mille vingt, tous considérables et aptes à vous fendre le cœur, ils sont comme ça ces italiens, ils visent juste, et avec une adresse diabolique.

Celui-ci est un peu particulier car il fonctionne un peu comme une sorte de « best of… » en allant piocher dans le répertoire du groupe, réparti sur les quatre premiers albums, histoire de faire la revue de ces quatre étapes, toutes hors du commun.

Tout ça se passe en live, avec Francesco Bearzatti au sax ténor, à la clarinette, ainsi qu’aux arrangements et aux compositions, il y a également le grand Giovanni Falzone à la trompette, Danilo Gallo à la basse électrique et Zeno De Rossi à la batterie. Deux invités sont également présents, ce qui transforme la formation en sextet, Mauro Ottolini au trombone et Enrico Terragnoli à la guitare et au banjo.

La « Suite For Tina Modotti » est leur premier album, engagé, il est superbe. « Mandi Friul », « México », « Why » et « Hermana No Duermes » en sont issus et réinterprétés, je me souviens que lors des concerts un film illustrait la musique et présentait la vie de Tina, c’était bouleversant.

Le second album, « X (Suite For Malcolm) » est également un hommage au célèbre militant défenseur des droits de l’homme, il est symbolisé par « Prince Of Crime », « Cotton Club » et « Kinshasa », très fort et puissant cet album achève de me fidéliser à cette formation.

Le troisième effort est différent, il prend le nom de « Monk'N'Roll » et se consacre au célèbre pianiste, il n’y a donc pas d’extrait ici puisque le répertoire est tout à la gloire de Monk ! Le suivant, dont le titre « This Machine Kills Fascists » est évidemment un hommage à Woody Guthrie qui avait gravé cette maxime sur sa guitare en quarante et un. On y trouve des reprises de « Okemah », « Long Train Running » et « Hobo Rag », soit un total de dix reprises qui constituent le présent album.

Pour la petite histoire le « Tinissima 4et » sortira encore l’album « Zorro » en deux mille vingt, que je vous ai certainement présenté, le contraire paraissant impossible. C’est un jazz assez conventionnel, avec de bons solistes, comme Bearzatti mais également l’extraordinaire Giovanni Falzonne à la trompette, qui a fait paraître sous son nom quelques albums d’excellente qualité.

Je signale que je vous avais présenté également un des tout meilleurs albums consacrés à la clarinette, « Portrait Of Tony », paru en vingt et un, et signé Bearzatti, une pépite.

Mandi Friul
Why?
Prince Of Crime
Hermana No Duermes
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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 6 juil. 2025 02:47

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Jan Garbarek – Visible World – (1996)

Intéressant cet album de Jan Garbarek, en quatre-vingt-seize il est au sommet de sa gloire, houspillé par les uns et adulé par les autres. Il est un peu le symbole de ce fameux « son ECM » qui fut un temps critiqué…

C’est qu’avec ce son si pur, si cristallin, le « jazz » lui-même s’est un peu barré, et Jan a suivi sa pente, il a créé un nouveau monde, un peu jazz, un peu folk, qu’on a également appelé new âge, enfin je crois. Cette particularité a orienté notre musicien vers d’autres lieux, un peu loin de la scène jazz usuelle.

Ainsi les notes de pochettes indiquent que les pièces 1, 2, 4, 12 et 13 font partie d'une « Suite Mangas Coloradas » en rapport avec les descendants du chef Apache Chiricahua Mangas Coloradas. Les pièces 3 et 4 sont les musiques du film « Trollsyn » décrivant la vie d’un petit miraculé de la peste noire au quatorzième siècle.

Les pièces 5 et 8 ont été réalisées pour le ballet « Bønn ». Enfin la dernière pièce « Evening Land » a été réalisée pour une production vidéo musicale intitulée « Aftenlandet ». Tous ces projets réunis bâtissent une œuvre de plus d’une heure quinze, parfois un peu « baroque » où se télescopent des styles de musique très différents, ainsi par exemple, on passe d’une danse moyenâgeuse à une musique spatiale vouée aux synthés et à la musique électro.

L’unité stylistique est préservée par le musiciens réunis, Rainer Brüninghaus au piano et au synthé, Eberhardt Weber à la basse, Marilyn Mazur aux percus et à la batterie, Manu Katché est également à la batterie. Par ailleurs deux invités sont de passage Trilog Gurtu au tabla et Mari Boine au chant. Mais tout ce petit monde joue le plus souvent en petite formation, ainsi on va du simple solo au quartet, au fil de ces seize compos.

J’avoue ne pas être un fan de cet album, mais je ne le trouve pas désagréable non plus, il y a des titres bien foutus, souvent avec de belles mélodies et de beaux arrangements, je ne le dénigre donc pas, mais je ne pense pas en faire une grande consommation non plus. J’aime Jan Garbarek dans un environnement plus jazz, dans les formations de ses débuts.

« Red Wind » qui ouvre l’album et « « Evening Land » qui le ferme sont deux compos à fort potentiel, mélodies accrocheuses qui plairont probablement, ne boudons pas notre plaisir...

Red Wind
The Healing Smoke
The Survivor
Evening Land
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 7 juil. 2025 01:39

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Jessica Pavone – Army Of Strangers – (2011)

J’avais déjà évoqué Jessica Pavone à propos de l’album « Departure Of Reason » enregistré cette même année deux mille onze avec Mary Halvorson. Elle joue du violon et de l’alto et se retrouve ici en compagnie d’un entourage qui pourrait tout aussi bien convenir à un environnement rock, avec Pete Fitzpatrick à la guitare électrique, Jonti Siman à la basse et Harris Eisenstadt à la batterie.

Cet album brouille un peu les cartes côté catégorisation, où le ranger ? D’un autre côté c’est plutôt bon signe cette liberté retrouvée, hors des pistes conventionnelles. Incontestablement l’alto ajoute également une couleur folk qui se marie fort bien avec le sens mélodique de Jessica et son excellence à la composition.

La pièce d’ouverture « Cast Of Characters » est très impactante et attire l’oreille immédiatement à la façon d’un tube, mais chaque compo porte son petit mystère, son charme indéfinissable qui fait de Jessica une musicienne d’un grand intérêt. Elle a également joué avec Anthony Braxton, s’est frottée aux « Songs of Love and Hate » de Leonard Cohen, est passée par Tzadik et j’en passe, sa trajectoire est assurément originale et sans tabou.

Cet album paru chez « Porter Records » est assurément une pièce de plus dans un parcours hors norme. Les morceaux sont souvent courts, entre deux et cinq minutes, excepté « There Won't Be Walking In The Daylight », la pièce la plus longue qui se développe avec intérêt mais ne franchit pas le seuil des sept minutes. Quatre titres sont joués au violon et les six autres à l’alto.

D’une pièce à l’autre la newyorkaise distille des ambiances très particulières, créant de petits univers gérants des émotions très différentes, souvent d’inspiration très rock, le trio à l’arrière se montre très efficace à ce jeu, comme sur « Karmic deservation ».

Il faut dire que tout semble très écrit, ce sont des instrumentaux, mais qui ne résistent pas au format chanson pourrait-on dire, avec une écriture serrée et précise qui ménage ses effets. C’est en effet une des particularités de Jessica que de passer d’un format « corseté » à un autre très libre selon les rencontres…

Il va falloir encore creuser un peu, à la recherche d’une musicienne qui en a encore long à raconter…

Cast of Characters
Karmic Deservation
April Is Over
Tired Soul
We will dance again...

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