J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 4 juil. 2025 04:15

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The Charlie Mingus Jazz Workshop – Pithecanthropus Erectus – 1956

Souvent les gens se posent la question : « Alors, Charles Mingus, il est free ou pas ? » Un peu comme s’il stationnait en zone intermédiaire, dans un entre-deux de bon aloi. La réponse à cette question pourrait se tenir dans cet album, au regard de son année de parution, et du mois également, janvier cinquante-six !

Nous sommes deux années avant qu’Ornette ne sorte son premier album, « Something Else ! The Music Of Ornette Coleman », Sun Ra n’a pas enregistré « Jazz By Sun Ra Vol. 1 », ni « Super-Sonic Jazz » et joue encore des Doo-wop ! Coltrane repousse les limites du hard bop et Mingus sort cet ovni assez incroyable !

Il a appelé son groupe un « Workshop », une sorte d’atelier du jazz où, pourtant en quintet, ils sonnent comme s’ils étaient trois fois plus nombreux, l’impression est de se tenir face à un big band tant l’énergie est puissante, dès le titre d’ouverture, l’extraordinaire « Pithecantrhropus Erectus » l’auditeur est subjugué, difficile d’imaginer aujourd’hui l’impact d’un tel album lors de sa sortie, qui éclata au monde tel une déflagration !

Pour atteindre un tel effet Charles a eu la main lourde, Jackie McLean au sax alto, J.R. Monterose au saxophone ténor, Mal Waldron au piano et Willie Jones à la batterie, lui-même à la contrebasse, à son habitude, Il signe également trois des quatre titres.

« Pithecanthropus Erectus » est une suite en quatre parties qui ouvre l’album », on y retrouve l’amour de la tradition bop que porte Mingus, en même temps que des audaces folles dans le monde du « free ». La pièce est à la fois très évocatrice, narrant une plongée de l’homme accompli vers l’esclavage et sa propre destruction, en même temps que d’une puissance descriptive rare, ainsi nous sommes à la merci des forces destructrices qui nous broient, propices à des désordres free extraordinaires ! Chef d’œuvre.

La seconde pièce est la reprise du standard « A Foggy Day » des Gershwin, une description d’une balade à San Francisco où s’entendent divers bruits, klaxons, sifflets, sirènes et même pièces de monnaie, tous ces effets sonores et d’autres sont joués par les différents interprètes, ouvrant les portes de l’imagination visuelle, car c’est véritablement un paysage sonore qui défile devant nous.

« Profile of Jackie » qui ouvre la face B est une courte ballade de trois minutes, dédiée à McLean. La dernière pièce « Love Chant » frôle de quelques secondes le quart d’heure, ce qui est un peu inhabituel en ces temps anciens. Ce « Chant d’amour » très ouvert est propice aux solos des uns et des autres qui offrent le « sel » de la pièce, structurée autour du piano de Mal Waldron qui est central ici. La pièce connaîtra une longue vie lors des concerts pour les opportunités qu’elle offre aux uns et aux autres lors des solos.

Un album de Mingus tout à fait décisif et indispensable, mais il y en aura d’autres !

"Pithecanthropus Erectus" by Charles Mingus
Charles Mingus, "A foggy day", album Pithecanthropus erectus, 1956
Profile of Jackie
"Love Chant" by The Charlie Mingus Jazz Workshop
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Message par Douglas » sam. 5 juil. 2025 04:16

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Francesco Bearzatti – Tinissima Special Edition – (2016)

Je suis très fan du « Tinissima Quartet » de Francesco Bearzatti, sous cette forme cinq albums sont parus entre deux mille huit et deux mille vingt, tous considérables et aptes à vous fendre le cœur, ils sont comme ça ces italiens, ils visent juste, et avec une adresse diabolique.

Celui-ci est un peu particulier car il fonctionne un peu comme une sorte de « best of… » en allant piocher dans le répertoire du groupe, réparti sur les quatre premiers albums, histoire de faire la revue de ces quatre étapes, toutes hors du commun.

Tout ça se passe en live, avec Francesco Bearzatti au sax ténor, à la clarinette, ainsi qu’aux arrangements et aux compositions, il y a également le grand Giovanni Falzone à la trompette, Danilo Gallo à la basse électrique et Zeno De Rossi à la batterie. Deux invités sont également présents, ce qui transforme la formation en sextet, Mauro Ottolini au trombone et Enrico Terragnoli à la guitare et au banjo.

La « Suite For Tina Modotti » est leur premier album, engagé, il est superbe. « Mandi Friul », « México », « Why » et « Hermana No Duermes » en sont issus et réinterprétés, je me souviens que lors des concerts un film illustrait la musique et présentait la vie de Tina, c’était bouleversant.

Le second album, « X (Suite For Malcolm) » est également un hommage au célèbre militant défenseur des droits de l’homme, il est symbolisé par « Prince Of Crime », « Cotton Club » et « Kinshasa », très fort et puissant cet album achève de me fidéliser à cette formation.

Le troisième effort est différent, il prend le nom de « Monk'N'Roll » et se consacre au célèbre pianiste, il n’y a donc pas d’extrait ici puisque le répertoire est tout à la gloire de Monk ! Le suivant, dont le titre « This Machine Kills Fascists » est évidemment un hommage à Woody Guthrie qui avait gravé cette maxime sur sa guitare en quarante et un. On y trouve des reprises de « Okemah », « Long Train Running » et « Hobo Rag », soit un total de dix reprises qui constituent le présent album.

Pour la petite histoire le « Tinissima 4et » sortira encore l’album « Zorro » en deux mille vingt, que je vous ai certainement présenté, le contraire paraissant impossible. C’est un jazz assez conventionnel, avec de bons solistes, comme Bearzatti mais également l’extraordinaire Giovanni Falzonne à la trompette, qui a fait paraître sous son nom quelques albums d’excellente qualité.

Je signale que je vous avais présenté également un des tout meilleurs albums consacrés à la clarinette, « Portrait Of Tony », paru en vingt et un, et signé Bearzatti, une pépite.

Mandi Friul
Why?
Prince Of Crime
Hermana No Duermes
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Message par Douglas » dim. 6 juil. 2025 02:47

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Jan Garbarek – Visible World – (1996)

Intéressant cet album de Jan Garbarek, en quatre-vingt-seize il est au sommet de sa gloire, houspillé par les uns et adulé par les autres. Il est un peu le symbole de ce fameux « son ECM » qui fut un temps critiqué…

C’est qu’avec ce son si pur, si cristallin, le « jazz » lui-même s’est un peu barré, et Jan a suivi sa pente, il a créé un nouveau monde, un peu jazz, un peu folk, qu’on a également appelé new âge, enfin je crois. Cette particularité a orienté notre musicien vers d’autres lieux, un peu loin de la scène jazz usuelle.

Ainsi les notes de pochettes indiquent que les pièces 1, 2, 4, 12 et 13 font partie d'une « Suite Mangas Coloradas » en rapport avec les descendants du chef Apache Chiricahua Mangas Coloradas. Les pièces 3 et 4 sont les musiques du film « Trollsyn » décrivant la vie d’un petit miraculé de la peste noire au quatorzième siècle.

Les pièces 5 et 8 ont été réalisées pour le ballet « Bønn ». Enfin la dernière pièce « Evening Land » a été réalisée pour une production vidéo musicale intitulée « Aftenlandet ». Tous ces projets réunis bâtissent une œuvre de plus d’une heure quinze, parfois un peu « baroque » où se télescopent des styles de musique très différents, ainsi par exemple, on passe d’une danse moyenâgeuse à une musique spatiale vouée aux synthés et à la musique électro.

L’unité stylistique est préservée par le musiciens réunis, Rainer Brüninghaus au piano et au synthé, Eberhardt Weber à la basse, Marilyn Mazur aux percus et à la batterie, Manu Katché est également à la batterie. Par ailleurs deux invités sont de passage Trilog Gurtu au tabla et Mari Boine au chant. Mais tout ce petit monde joue le plus souvent en petite formation, ainsi on va du simple solo au quartet, au fil de ces seize compos.

J’avoue ne pas être un fan de cet album, mais je ne le trouve pas désagréable non plus, il y a des titres bien foutus, souvent avec de belles mélodies et de beaux arrangements, je ne le dénigre donc pas, mais je ne pense pas en faire une grande consommation non plus. J’aime Jan Garbarek dans un environnement plus jazz, dans les formations de ses débuts.

« Red Wind » qui ouvre l’album et « « Evening Land » qui le ferme sont deux compos à fort potentiel, mélodies accrocheuses qui plairont probablement, ne boudons pas notre plaisir...

Red Wind
The Healing Smoke
The Survivor
Evening Land
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Message par Douglas » lun. 7 juil. 2025 01:39

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Jessica Pavone – Army Of Strangers – (2011)

J’avais déjà évoqué Jessica Pavone à propos de l’album « Departure Of Reason » enregistré cette même année deux mille onze avec Mary Halvorson. Elle joue du violon et de l’alto et se retrouve ici en compagnie d’un entourage qui pourrait tout aussi bien convenir à un environnement rock, avec Pete Fitzpatrick à la guitare électrique, Jonti Siman à la basse et Harris Eisenstadt à la batterie.

Cet album brouille un peu les cartes côté catégorisation, où le ranger ? D’un autre côté c’est plutôt bon signe cette liberté retrouvée, hors des pistes conventionnelles. Incontestablement l’alto ajoute également une couleur folk qui se marie fort bien avec le sens mélodique de Jessica et son excellence à la composition.

La pièce d’ouverture « Cast Of Characters » est très impactante et attire l’oreille immédiatement à la façon d’un tube, mais chaque compo porte son petit mystère, son charme indéfinissable qui fait de Jessica une musicienne d’un grand intérêt. Elle a également joué avec Anthony Braxton, s’est frottée aux « Songs of Love and Hate » de Leonard Cohen, est passée par Tzadik et j’en passe, sa trajectoire est assurément originale et sans tabou.

Cet album paru chez « Porter Records » est assurément une pièce de plus dans un parcours hors norme. Les morceaux sont souvent courts, entre deux et cinq minutes, excepté « There Won't Be Walking In The Daylight », la pièce la plus longue qui se développe avec intérêt mais ne franchit pas le seuil des sept minutes. Quatre titres sont joués au violon et les six autres à l’alto.

D’une pièce à l’autre la newyorkaise distille des ambiances très particulières, créant de petits univers gérants des émotions très différentes, souvent d’inspiration très rock, le trio à l’arrière se montre très efficace à ce jeu, comme sur « Karmic deservation ».

Il faut dire que tout semble très écrit, ce sont des instrumentaux, mais qui ne résistent pas au format chanson pourrait-on dire, avec une écriture serrée et précise qui ménage ses effets. C’est en effet une des particularités de Jessica que de passer d’un format « corseté » à un autre très libre selon les rencontres…

Il va falloir encore creuser un peu, à la recherche d’une musicienne qui en a encore long à raconter…

Cast of Characters
Karmic Deservation
April Is Over
Tired Soul
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Message par Piranha » lun. 7 juil. 2025 19:55

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Bob Downes – Solo

Les aventures en solo du flutiste anglais (qui a joué avec Julie Driscoll, Manfred Mann, Keith Tippett...)
Si vous aimez les déambulations de Paul Horn dans les monuments, ce disque pourrait vous plaire :chapozzz:

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Message par Douglas » mar. 8 juil. 2025 02:19

Un artiste propice pour la relaxation d'après ce qu'il semble...
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Message par Douglas » mar. 8 juil. 2025 02:32

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Charles Mingus – Mingus At Antibes – (1979)

Cet album, du genre extraordinaire, est paru en mille neuf cent soixante-dix-neuf, mais le concert original, celui qui créa la légende, s’est donné le treize juillet mille neuf cent-soixante, à Antibes-Juan Lès-Pins.

Pour être plus précis il a connu une existence intermédiaire, dès soixante-seize au Japon, sous le titre « Charles Mingus Live with Eric Dolphy », avec une édition partielle des titres. L’album est phénoménal de par les membres réunis autour du grand Mingus, à commencer par l’immense Éric Dolphy au saxophone alto, et à la clarinette basse sur « What Love ? », le génial Booker Ervin au saxophone ténor et le pétillant Ted Curson à la trompette, le batteur est l’immuable Dannie Richmond, toujours fidèle au contrebassiste.

La première remarque consiste à noter qu’il n’y a pas de pianiste dans ce quintet, toutefois, un historique fit une apparition sur le titre « I’ll Remember April », il s’agit de Bud Powell, légende vivante du be-bop qui surgit ici. A l’époque du bop, il était mieux considéré que Monk, jugé trop excentrique !

L’album total dure soixante et onze minutes, le temps d’un feu d’artifice exceptionnel qui en fera un des plus grands albums de jazz de tous les temps. Par chance, il existe une vidéo assez longue, pour l’époque, de ce groupe qui joue en quintet, dans une version en noir et blanc, le genre de docu extraordinaire qu’il est plaisant de visionner, si l’occasion se profile, afin de toucher du doigt ce qui se produisit ce soir-là, à Antibes.

Il pourrait y avoir également un débat sur l’ordre des pièces, il n’y en a que six, mais elles apparaissent en ordre dispersé selon les rééditions, là je ne saurais vous aider pour reconstituer le fil exact, mais qu’importe tellement le double LP est d’une facture si extraordinaire, que l’ordonnancement des pièces n’est qu’une sorte de coquetterie. Les versions en Cd ont également leur intérêt, permettant l’écoute d’un trait sans trop bouger.

Mais les puristes, les vrais, s’ils ont des pépettes, s’orienteront vers les pressages japonais qui gardent, dit-on une légendaire avance de ce côté. L’important est de s’imaginer en situation, juillet mille neuf cent soixante, ressentir une telle déflagration, un tel torrent surpuissant qui déferle avec cette force, alors qu’ils ne sont que cinq à la barre, mais tous géniaux, hors-normes, hors catégorie, presque surhumain vous dis-je !

Il n’y a plus grand-chose à dire finalement, sinon que chacun est au meilleur de sa forme et que ça envoie du diable ! Ça chef d’œuvre du début à la fin sous la houlette du patron qui bûcheronne tel un demi-Dieu. C’est lui qui a composé toutes les pièces sauf le standard « I’ll Remember April » qui permet à Bud Powell de marquer son retour, pour le plaisir de tous, de Mingus et des autres, car il bénéficie du respect de chacun.

Certainement un des grands live de Mingus, en même que l’un de ses meilleurs albums !

Wednesday Night Prayer Meeting
Prayer for Passive Resistance
Folk Forms I
Better Get Hit in Your Soul
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 9 juil. 2025 03:27

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The Cecil Taylor Unit – Live At Fat Tuesday's February 10, 1980 First Visit – (2024)

Voici le troisième volume d’une série de trois enregistrés « at Fat Tuesday’s à New-York entre le huit et le dix février mille neuf cent quatre-vingts. Le premier volume est paru sur Hat Hut en double vinyle, dès quatre-vingt-un, les enregistrements provenaient du huit et du neuf…

Le second est paru très récemment sous le nom de « Live at Fat Tuesday’s february 9, 1980 » et ce troisième volume, également récent, clôt la série d’enregistrements en proposant « Live At Fat Tuesday's February 10, 1980 First Visit », concentré sur la journée du dix. Ces deux derniers volumes sont parus sur le sous label « ezz-thetics », la qualité des deux précédents plaide également en faveur de celui-ci.

On retrouve Jimmy Lyons au sax alto, Ramsey Amin au violon, Alan Silva à la contrebasse et au violoncelle, Jérome Cooper à la batterie et au balafon africain, ainsi que le prodigieux Sunny Murray à la batterie. Soixante et onze minutes de musique se partagent en cinq parties numérotées, les pièces s’échelonnant entre une durée de onze minutes, jusqu’à dix-huit minutes pour la plus longue. Précisons tout de même que bien qu’il y ait des séquences, cinq au total, la musique est un long enchaînement non séquencé, avec un début et une fin.

C’est tout simplement parmi ce qui se fait de mieux en free jazz, Cecil Taylor est évidemment un grand maître du genre et cet album ne fait pas défaut, depuis la première note qui vous prend et vous emmène, jusqu’à la dernière qui vous lâche, hébété et heureux qu’un tel voyage soit possible…

Il suffit de larguer les amarres et c’est tout. Après vous laissez l’unit de Cecil s’occuper de tout, vous êtres entre de bonnes mains, les meilleures, faites leur confiance et tout se passera bien, pourvu que vous ayez prévu l’isolement nécessaire, le casque sur les oreilles c’est parfait, si vous êtes familier du pianiste, vous savez que vous pouvez vous en remettre à lui.

La mise en place est un peu particulière avec les duos de cordes, Alan Silva et Ramsey Ameen, ou entre les deux batteurs Cooper et Sunny Murray, de quoi doter cet album d’une énergie survitaminée, quand on songe que chaque section, même virtuelle, est consacrée plus particulièrement à un musicien, il y a vraiment de quoi tracer la route.

Ainsi se profilent Jimmy Lyons en I, Ramsey Amine en II, Alan Silva au violoncelle en III, Cecil Taylor en IV, et enfin Sunny Murray en V. Ce petit guide peut vous orienter au milieu de cette richesse dynamique et rythmique toujours en bouillonnement, mais chaque seconde qui passe pèse son lot de surprise et son poids d’énergie disséminée !

Une étape supplémentaire dans la quête d’absolu du plus irréductible des musiciens free.

February 10, 1980 I
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 10 juil. 2025 03:16

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Pat Martino – Interchange – (1994)

Le véritable album du retour, après les problèmes de santé et le réapprentissage, s’appela simplement « The Return », un enregistrement live de quatre-vingt-sept, mais celui qui consacra le come-back du guitariste fût plutôt cet « Interchange », avec en pochette ce long couloir, symbole d’un nouveau départ à la sortie d’un trop long tunnel…

La rencontre qu’il fit avec le pianiste James Ridl dans un club de Philadelphie est probablement la cause de cet enregistrement. L’idée d’une sorte de partenariat s’établit autour des compos de Pat. Marc Johnson à la contrebasse et Sherman Ferguson complétèrent la formation.

Le projet terminé, on constata la décontraction de l’album, le relâchement qui l’habite, tout ce qui est virtuosité gratuite a été oublié, et les pièces sont assez souvent des ballades ou des pièces mid-tempo. Il est vrai que Martino a été souvent sujet aux fièvres démonstratives lors de ses prestations, éblouissant son auditoire par sa vélocité et son côté prodige qui impressionne, un peu comme le faisait Alvin Lee dans le rock pour ceux de ma génération.

Ici on ne se presse pas forcément, on prend le temps, on visite le salon, mais également la cave et le grenier, les pièces sont plutôt autour des huit ou neuf minutes avec une pointe à plus de dix pour le morceau titre, mais on ne traîne pas non plus, Martino c’est un peu le Lucky Luke de la gratte, quand ça va doucement pour lui c’est encore rapide pour les autres…

Ce qui est sûr c’est que ce quartet convient bien à cette affaire, chacun à sa place pour une gestion idéale de l’espace sonore avec Pat au milieu et à l’avant, Ridl qui le stimule, un peu à l’arrière et côté droit, la contrebasse plein centre à l’arrière, et Sherman Ferguson, souvent discret, plein de finesse et doté d’un touché délicat.

« Blue in Green » est une reprise de Miles Davis, la seule pièce qui ne soit pas signée par Pat, pure ballade dans un style romantique, qu’affectionnait autrefois Miles, qui la déposa en troisième pièce sur le chef d’œuvre « Kind Of Blue ». Pat s’en sort bien…
Un bel épisode discographique !

Pat Martino - Catch
Black Glass
Just For Then
Blue In Green
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 11 juil. 2025 03:42

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Nels Cline Trio – Silencer – (1992)

Nels Cline fait certainement partie des musiciens les plus intéressants, particulièrement parmi la famille des guitaristes dont il est un membre éminent. Contrairement à d’autres, bien qu’il en ait les qualités et les moyens, Cline ne cherche pas à éblouir avec la virtuosité, il ne voit pas dans l’exploration technique l’alpha et l’omega d’un bon guitariste, il s’intéresse autant à l’environnement immédiat, le travail sur le son via les pédales et les effets, ou même aux capacités d’un bon studio…

Nels a déjà bien bourlingué quand il crée, à la fin des années quatre-vingts, le Nels Cline Trio avec Mark London Sims à la basse et Michael Preussner à la batterie. C’est la formation que l’on trouve sur cet album, mais qui n’en enregistrera qu’un seul sous cette forme, Sims laissant la place à Bob Mair dès le suivant.

Il aime les belles envolées, dessiner dans l’air des tracés inédits, laisser la place à l’imagination, son art est délicat en même temps qu’imprévisible. Il ne cherche pas les racines, il s’en va même à l’opposé, jouant avec les abstractions, vers un ailleurs à construire. A ce jeu les impros sont de mise et tout un ensemble relationnel invisible agite les trois à l’unisson.

C’est tout de même Nels Cline qui signe les compos, excepté le titre d’ouverture, « Las Vegas Tango » qui est une composition de Gil Evans. Parfois Cline penche franchement côté rock et s’énerve un peu, comme sur « Lucile’s Trip » ou encore « « Broasted » aux couleurs jazz/rock, jouant de ses plus beaux effets et des distorsions. Ces pièces un peu mordantes donnent de la personnalité à l’album ainsi qu’un peu de caractère.

Evidemment, on goûte à la fraîcheur immatérielle de « Angels Of The Harbor » et on se laisse embarquer dans une rêverie reposante, qui semble flotter dans un coin d’espace, sur un petit nuage cotonneux, avec Sims et Preussner bien barrés également, qui participent grandement à cette lévitation temporelle plutôt magnifique, dotée d’un chouette final.

Silencer, le morceau titre, assez bref, semble une impro du moment, mais « Lapsing (part 1&2) » de près d’un quart d’heure est d’une autre trempe, après un début qui ressemble à une sorte d’errance, la pièce prend forme autour d’une exploration sonore qui peu à peu se met en place autour d’un thème entraînant, voire entêtant, qui en appelle un autre plus intense encore…

Ainsi va cette musique aux mille facettes, passant d’un climat à l’autre, d’une ambiance éthérée à une phase plutôt tendue, jouant des textures et des impressions, ne se laissant pas apprivoiser…

Las Vegas Tango
Lucile's Trip
Broasted
Angels Of The Harbour
Lapsing Part 1 & 2
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 12 juil. 2025 03:48

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Peter Brötzmann Chicago Tentet – American Landscapes 1 – (2007)

Le Chicago Tentet de Peter Brötzmann est la réunion de musiciens en provenance d’Europe et des Etats-Unis autour du free Jazz. Cet orchestre réunit des pointures telles, que la rencontre fait naître de grands espoirs et, il faut bien reconnaître, nous ne sommes généralement pas déçus. Il faut dire qu’avec le temps les parties improvisées s’étendent grandement, ce qui n’est pas pour me déplaire.

Il s’agit ici du volume un, car il existe un volume deux, que je n’ai pas écouté. Il y a d’ailleurs une erreur concernant le minutage, sur le cd est indiqué celui de l’autre volume, pour être précis la pièce unique, « American Landscapes 1 » dure cinquante-deux minutes et quarante-quatre secondes. Le tentet réuni est également innovant car il intègre un tromboniste, Hannes Bauer, ainsi qu’un tubiste, Per-Ake Holmlander.

Ces ajouts sont précieux et permettent une diversité sonore encore plus folle. Autrement sont présents Peter Brotzmann à la clarinette, au tarogato, au saxs alto et ténor, un peu l’équipement habituel. Mats Gustafsson est également dans ses standards avec le sax baryton et le « slide-sax », Ken Vandermark joue de la clarinette, et des saxs baryton et ténor. Joe McPhee joue de la trompette de poche et du sax alto. Fred Lonberg-Holm est au violoncelle, Kent Kessler à la contrebasse, Paal Nilssen-Love et Michael Zerang aux batteries.

On n’évite pas la lente montée vers le zénith, mais c’est ce que l’on aime et ce pourquoi nous sommes-là, donc on n’est pas déçu. Pour tout dire on pense même à la genèse de cette musique, à « Machine Gun » qui tirait dans tous les coins, alors, ici, ça y va également, et les balles arrivent de tous côtés…

Mais il y a des éclaircies notables et des petites formations se forment de temps en temps, et même dès le début avec l’assemblage Brötzmann, Vandermark et Gustafsson, puis un quintet réunissant Zerang, Nilssen-Love, Lonberg-Holm, Holmlander et McPhee, puis le quintet devient sextet, puis septet avec des musiciens qui s’ajoutent. Ainsi la formation grossit avec des nouveaux éléments puis se met au régime en en perdant d’autres…

Dis comme ça, ce n’est pas forcément évocateur, mais avec le casque sur les oreilles les sensations sont bonnes, puissantes et même stridentes, c’est même tout à fait énorme, d’une intensité rare et volubile, vers une explosion qui atteint son paroxysme avec une sorte de boulimie rythmique qui se forme et envoie la sauce vers la quarante-troisième minute.

Puis grand calme avec une tentative de silence sans cesse contrariée, jusqu’à ce que s’achève en clapotant cette première partie !

American Landscapes 1
https://okkadisk.bandcamp.com/album/ame ... ndscapes-1
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