J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 19 oct. 2025 03:03

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Brötzmann, Friis Nielsen, Uuskyla – Medicina – (2003)

Cette bonne « médecine » est issue d’un travail en studio au « Bohus », le seize mars deux mille trois. Ils sont donc trois coresponsables, le trépidant Peter Brötzmann joue des saxs ténor et alto, de la clarinette alto et du tarogato, Peter Friis Nielsen tient la basse électrique et Peeter Uuskyla joue de la batterie.

L’album est plein à mort, normal donc qu’il se range côté tuerie. Mais il est lourd, massif et même assez lent, comme difficile à déplacer. Pourtant Uuskyla frappe dur et fort, il déménage avec une grande puissance et balance sévère. Le troisième Peter, à la contrebasse, fait le liant entre les deux autres qui s’acharnent à nous faire ingurgiter ces bons remèdes !

Forcément c’est Brötzm le héros, celui qui se tient droit dans la tempête et envoie la masse sonore. D’abord à l’alto sur « Rocket Tango » puis enchaîne avec « One, Two, Three, Free ». Ensuite il embouche le sax ténor et envoie « Artemesia » puis « Justicia », il campe, planté au sol et souffle avec cette puissance hors du commun, généreux et énergique, des phrases courtes qui se succèdent en rafales, et vous envoie son traitement revigorant, l'universelle panacée autrefois promise par un autre…

A ce stade on est bien pris, prisonnier d’une furie qui s’étale déjà sur plus de trente six minutes sans la moindre pause, captés et passifs, c’est là que ça bascule avec « Some Ghosts Step Out », une histoire d’ascenseurs ridiculement étroits qui montent et redescendent, habités par d’étranges fantômes, à l’hôtel « Adlon » de Stockholm... La rythmique reprend des couleurs vers l’avant, la basse de Friis Nielsen lâche des bordées informes et Brötzm qui lève un peu les pouces sur cette pièce qui frise le quart d’heure.

Place à la clarinette alto pour « Here And Now », une pièce lente et quasi contemplative où chacun joue sa partie à l’avant, les trois s’écoutent et se parlent, chacun dans son créneau, la pièce est très réussie. « Bones And Beans » qui suit, voit arriver le fameux tarogato avec ce son terreux et animal, Brötzm le maîtrise parfaitement et en tire des sons inhabituels et parfois inouïs.

La dernière pièce est grandiose et conclue merveilleusement cette excellente cuvée. « Hard Time Blues » qui dépasse les treize minutes est exceptionnel, une montée lente et progressive comme on les aime, avec un final somptueux.

Rocket Tango
Artemisia
One, Two, Three, Free
Hard Times Blues
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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 19 oct. 2025 10:47

MARION BROWN:

"BLUES FOR BEB"

LENKA LENTE 2020

Confinement #4 (lors du premier confinement)
(Edition limitée .../50)

Collection dirigée par Guillaume Belhomme
Nantes



Paris, 15 février 1981. Un dimanche matin ensoleillé. Bonjour tristesse. J’ai le blues. Si j’étais chez moi, ce matin, j’en finirais pour toujours avec ce blues. Personne n’en souffrirait. Mais si je faisais ça ici, à Paris, on appellerait la police. Je respecte la loi et mes voisins du dessous, alors j’écris, pour chasser le blues.

En Europe, tu as été le premier à jouer de la basse avec moi. Tu t’en souviens ? Moi, oui. Je revois ce voyage en train qui nous emmena à Lugano. Il y a longtemps. Te souviens-tu que tu m’as dit, en franchissant les Alpes, que nous entrions dans le pays des « neiges éternelles » ? La neige recouvrant les cimes me faisait songer à des cheveux gris, comme ceux que l’on voit sur la tête des vieillards. Ce fut un voyage magnifique. Je buvais du regard ce paysage de montagnes enneigées, ce jour qui glissait vers la nuit, comme un milkshake. C’était bon. Tu sais, je suis romantique.

Pourquoi as-tu fait ça ? Nous t’aimions plus que tu ne pouvais l’imaginer. Mais Voilà, il est difficile de montrer son amour en termes concrets, des termes qui permettent d’en donner la mesure. Je regrette que nous n’ayons pas enregistré ensemble, je sais que le résultat aurait été bon. J’étais heureux à cette époque. Maintenant je suis triste. Moi aussi j’ai été rejeté. Souvent et de diverses façons. Savais-tu que je n’ai jamais joué à Newport, Nice, San Francisco, Philadelphie ? T’ai-je dit qu’en dépit de plus de trente disques je gagne très mal ma vie en jouant ma musique ? Que le milieu du jazz, ici comme aux Etats-Unis, refuse de reconnaître mon évolution, mon existence, même ? Que ma femme m’a quitté, est partie avec mon fils, ma chaîne stéréo, la vaisselle, les couverts ? Que des gens ont menacé de me tuer ? Non, je n’avais pas le temps de te dire tout ça.

Tout ce que nous avons fait ensemble est gravé dans ma mémoire. Le voyage à Lugano, mon premier concert au Musée d’Art Moderne (Paris, 1967), toi me racontant que tu avais dû mettre ta basse au clou pour payer ton loyer, et que tu devais aller te laver dans les bains-douches municipaux, faute de douche ou de baignoire là où tu habitais. La dernière fois que je t’ai rencontré, c’était en gare d’Avignon (1972). Tu y étais pour jouer avec Colette Magny. T’en souviens-tu ? Je savais ce que tu avais ressenti en mettant ta basse au clou et en devant te laver hors de chez toi : J’ai eu des expériences du même genre. Mais, ami, je n’ai jamais vu dans ton visage ou ta musique, des indices indiquant que tu pourrais en venir à mettre fin à tes jours. Pourquoi l’as-tu fait ? C’est ce que nous voulons savoir. Tu ne nous as pas aidé en agissant ainsi-on n’aide jamais comme cela. Ça nous fait mal. Dans des cas comme le tien, les gens demandent rarement de l’aide. Pourquoi ?

Je n’ai jamais pensé que les choses allaient aussi mal. Je te croyais capable d’affronter la vie comme tu avais supporté cette hernie qui te faisait tant souffrir quand nous jouions ensemble. Tu jouais magnifiquement pour moi, en dépit de ta souffrance. Pourquoi as-tu fait ça ? On ne peut pas toujours avoir ce qu’on veut. Tu le savais. T’ai-je dit que j’aimerais bien porter de magnifiques vêtements de chez Pierre Cardin ou Saint Laurent ? T’ai-je dit que je gagnais si peu d’argent ici, en Europe, que tout ce que je pouvais m’offrir, c’était les bleus de travail fabriqués par Adolphe Lafont, et vendus au BHV à ceux qui balaient les rues de Paris ? Non, je ne te l’ai pas dit. Nous n’avions pas le temps d’en parler. Je n’avais que le temps d’essayer de t’expliquer ce que nous devions faire sur le plan musical. Pourquoi as-tu fait ça ?

Je suis retourné en Suisse de nombreuses années après notre concert à Lugano. Je suis allé jouer à Willisau. Y as-tu joué ? C’est un très bel endroit. J’y ai rencontré un certain Ernst, un prénom courant dans cette partie de l’Europe. Il m’a dit qu’il était de Zürich et qu’il y était professeur à l’Université. Nous nous sommes rencontrés pendant l’entracte. Ernst m’a serré la main. Il a serré si fort, si intensément, que j’ai senti que s’il avait pu il ne m’aurait plus jamais lâché la main. J’ai d’abord été effrayé. Je me suis dit qu’il était peut-être homosexuel. C’est devenu une certitude pour moi quand j’ai vu son regard, plus intense et plein d’amour que sa main désespérément accrochée à la mienne. J’ai eu de la sympathie pour lui, en dépit du sentiment de malaise qu’il m’inspirait. Il m’a dit ce qu’il aimait, dans le jazz, c’était la vérité qu’il portait en lui. Quoi qu’on joue ce sera beau si ça vient du cœur ; et nous savons que la beauté, c’est toujours la vérité. Ernst n’aimait pas être obligé de mentir à ses étudiants sur la réalité de la vie ; mais il devait le faire, pour payer son loyer. Les gens comme lui ne vont pas au Mont de Piété, ils ne vivent pas au jour le jour. Alors il a accepté de jouer ce rôle, d’enseigner ce qu’il devait.

J’ai revu Ernst chaque fois que j’ai joué à Willisau et une fois, aussi, quand j’ai joué à Zurich. C’est là qu’il m’a confié : « Quand je t’ai rencontré pour la première fois, je pensais sérieusement à me tuer. Après avoir regardé tes yeux tristes et t’avoir entendu jouer, j’ai compris que tu avais souffert plus que moi, que si tu ne t’étais pas tué, je ne pouvais pas le faire, moi non plus. Tu m’as sauvé la vie. »

J’ai alors compris pourquoi il m’avait serré la main aussi fort, pourquoi il avait plongé son regard dans le mien avec une telle intensité. J’ai cru tout ce qu’il m’avait dit. Il n’y avait aucune raison de ne pas le croire. J’ai revu Ernst le 15 janvier dernier à Willisau. Il paraissait heureux. Il me semblait qu’il avait trouvé le moyen de supporter toutes les merdes de notre vie. Puis Frank Wright (qui jouait également à Willisau) m’a appris ce qui t’étais arrivé, Beb. Ça m’a fait mal, j’en ai pris plein la gueule. Après j’ai pensé à Ernst : peut-être bien que ce qui lui a sauvé la vie, ce n’est ni moi ni ma musique, ou « mes yeux tristes ». Il avait appris que tout le monde ment, que nous vivons tous dans le mensonge, qu’il n’est pas mauvais de mentir pour ne pas perdre pied dans la société. Vivre c’est mourir (Céline, Mort à crédit). Chaque jour de vie nous rapproche de la mort. Pourquoi courir vers elle ? Elle vient à nous, quelle que soit notre vie : riche ou pauvre, gagnant ou perdant. Je crois qu’il vaut mieux vivre, résister, lutter, se battre contre tous les obstacles qui se dressent devant nous. Le suicide est trop étrange : que s’est-il passé ? C’est cela que nous devons savoir. Pourquoi as-tu fait ça ? POURQUOI ?

Pourquoi as-tu choisi de nous laisser ici, sur cette misérable terre, sans que nous sachions ce qui n’allait pas ? Nous aurions peut-être pu t’aider. Nous aurions sans doute essayé. Et sachant combien étaient nombreux ceux qui t’aimaient, nul doute que l’un de nous aurait réussi. Comme pour toutes les questions essentielles de la vie. Il n’y a pas de réponse : ne reste que la réalité de ton absence.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 19 oct. 2025 10:49

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Modifié en dernier par Douglas le dim. 19 oct. 2025 10:58, modifié 2 fois.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 19 oct. 2025 10:57

23 octobre 1966-

Marion Brown - saxophone alto
Stan Cowell - piano
Norris "Sirone" Jones - contrebasse
Rashied Ali - batterie

The Marion Brown Quartet - La Sorella
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » dim. 19 oct. 2025 14:43

Un peu de Jazz Rock bien barré avec le quatuor américain FRIENDS en 1973 sur le label Oblivion.

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Line-up : Clint Houston, Jeff Williams, John Abercrombie, Marc Copland
:chapozzz:

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