
Le contrebassiste britannique Barry Guy possède une solide formation de musique classique et surtout contemporaine, mais l’improvisation l’intéresse également, il participe même au Spontaneous Music Ensemble. Cet éclectisme nous rappelle le basque Michel Portal dont on a parlé un peu au-dessus, Barry est juste un peu plus jeune d’une dizaine d’années.
Il est également compositeur et a su, au fil de sa carrière, multiplier les rencontres et les expériences. Cet album, le sixième du label NoBusiness Records a été enregistré live le 11th Janvier 2009, à l’église Sainte-Catherine de Vilnius. Barry y joue en solo sur deux titres et en duo sur trois avec Mats Gustafsson qui joue du sax baryton et de la flûte. Je ne m’appesantis pas sur la passion que je nourris pour ce musicien.
Dès le titre d’ouverture, « Can Ye Wheeple, Puggy ? » la magie opère, après une courte introduction, Mats Gustafsson trouve les sons déchirants qui vous emportent, sortant direct du buffet les cartes maîtresses ! De ces moments saisissants qui vous arrachent en quelques secondes. La tension qui précède et le relâchement qui suit sont la marque des grands !
Arrive ensuite la première pièce en solo de Barry Guy, « Odyssey », titre grâcieux et lyrique, avec ce son de basse ample, volumineux, la compo est vraiment très belle, le chant d’un grand maître de l’instrument qui offre à la basse le rang qui lui revient, celui d’un instrument mélodieux aux possibilités tout simplement extraordinaires, loin de l’austérité que parfois on lui prête.
Le second duo « Flisk The Thrapple » est une impro qui se développe par bribes, comme si les deux se cherchaient, des points, des traits, des vaguelettes, un bref cri et un ronronnement, puis la lente montée en tension du duo qui conjugue ses efforts, avant de lentement varier les motifs, se défiant presque…
La face B est occupée par deux titres, chacun d’une dizaine de minutes. Elle s’ouvre par le second solo de Barry Guy, « Sleep Leaper (for Alan Davie) », il y joue alternativement de l’archet et pizzicato, l’occasion d’entendre un des grands maîtres de l’instrument créer un univers tourmenté, par la seule force de sa basse, c’est à la fois inouï et fascinant.
La dernière pièce, « Blad As Skelloch » voit le retour du duo, c’est énorme, presque effrayant, j’imagine la quiétude habituelle de ces lieux, habités par cette musique plus inquiétante que sacrée, ouvrant des blessures dans ce chœur, dont la fonction est d’apporter la paix aux hommes, le réconfort lors de la peine.
Cette sauvage musique est-elle impie ? Ne représente -t-elle pas l’âme humaine dans sa vérité, avec les tourments et les douleurs ? Et la quiétude aussi, qui arrive également, possiblement, en fin de piste…