
Du coup, et pour continuer le fil, me voici presque contraint, dans une saine logique, de vous parler un peu du duo Dewey Redman/Ed Blackwell, sur l’album « Red And Black In Willisau», enregistré le trente et un août mille neuf cent quatre-vingts, lors de ce même festival de Willisau, ce dernier faisant figure d'institution désormais.
Un duo saxophone ténor/ batterie de haut niveau, il faudrait cependant ajouter que Dewey Redman joue également d’un autre instrument appelé sur le Cd « musette », en fait il s’agit du suona chinois qu’il nomme ainsi. Pour tout dire, il est particulièrement savoureux de l’écouter ici en jouer, nous offrant quelques moments rares et jubilatoires sur la seconde pièce de l’album: « We Hope ». Il est à noter que c’est lui le compositeur de toutes les pièces ici. Pour compléter les informations le concernant, et pour ceux qui ne le sauraient pas, il est également le père du saxophoniste Joshua Redman.
Entre soixante-sept et soixante-quatorze il a joué de façon discontinue dans le quartet d’Ornette Coleman aux côtés d’Ed Blackwell, son partenaire sur ce magnifique album. Ils faisaient également tous deux partis de la formation menée par Don Cherry, « Old and New Dreams », avec Charlie Haden à la basse, on retrouve d’ailleurs Dewey Redman avec ce dernier sur le fameux et historique « Liberation Music Orchestra » de mille neuf cent soixante-dix.
C’est dire si les duettistes se connaissent bien et partagent un long parcours en commun, ils sont d’une complicité redoutable, ce qui s’apparente à une évidence lors de l’écoute de l’album. Il n’est pas anodin que James Brandon Lewis fasse une reprise de « Willisee » sur son album en compagnie de Chad Taylor, l’hommage est rendu avec beaucoup de respect au regard de ces anciens qui nous livrent une copie sans faille.
Dewey est un remarquable saxophoniste volubile et tripant, sa sonorité est puissante et profonde, avec souvent un léger vibrato, il a su s’imprégner des codes ECM lorsqu’il a participé à « Survivors’Suite » l’un des plus fameux albums de Keith Jarrett.
Ed Blackwell est lui aussi l’une des figures historiques majeures du jazz, ce prodigieux album marque pour lui une sorte de « retour » car il a connu des problèmes de santé, mais il est grandiose ici. Il fait partie de ces batteurs qui font « chanter » leur instrument, c'est aussi une des particularités que Chad Taylor a su faire sienne, dans son propre jeu.
Ed est un grand-maître bien sûr, dans le classicisme, mais aussi dans le free débridé, il sait également se montrer pointilliste et commentateur, il donne l’impression de savoir tout faire, à l’égal d’un Max Roach, d’un Billy Higgins, d’un Paul Motian ou d’un Andrew Cyrille.
Déjà un air de classique, celui-ci !
Dewey Redman & Ed Blackwell
A1 Willisee 14:11
A2 We Hope 9:22
B1 F 1 2:00
B2 Communication 14:10
B3 S 126 T 6:40