J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Blues traditionnel ou blues blanc, jazz, soul, funk, c'est ici.
Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 23 avr. 2022 04:09

Image

Keith Tippett ‎– Blueprint (1972)

Après la volubilité et le grandiose « Septober Energy » de Centipede, dont je vous avais parlé il y a quelques temps, keith Tippett est revenu vers plus de modestie, plus de mesure et même, pourrait-on dire, plus de silence et de recueillement, pour cet album produit par Robert Fripp lui-même.

La musique est improvisée dans sa totalité, entièrement acoustique, elle est un geste, quelques mouvements, beaucoup d’écoute, de concentration et d’immersion pour créer et bâtir des mondes sonores nouveaux. Ils sont cinq qui parfois se relaient, keith Tippett au piano est le seul musicien qui figure sur les six compositions.

Julie Tippetts, née Julie Driscoll, chante et joue de la guitare et même de la mandoline sur « Blues II », Roy Babbington de la basse et Keith Bailey ainsi que Frank Perry des percussions. Ainsi les pièces sont réparties entre duo et quartet.

Elles sont très diverses et d’une accessibilité différente, les deux premiers thèmes sont assez faciles d’accès et même assez addictifs. « Song » qui ouvre l’album est très mélodique, enlevé et assez jazzy, un titre qui marche bien. « Dance » qui lui succède est encore plus « fielleux » avec cette guitare qui bat et autour de laquelle tout s’articule, jusqu’à une sorte d’explosion extatique, c’est un des sommets de cet album.

Le silence fait son entrée avec la troisième pièce, « Glimpse » et devient même moteur de la cinquième pièce « Woodcut », ces deux pièces partagent en commun cette communauté silencieuse qui ne rend pas l’écoute des plus faciles, en plongeant les auditeurs dans la musique contemporaine ou d’avant-garde.

Woodcut est particulièrement aride par sa longueur, presque treize minutes où tout se joue sur des sonorités, souvent fluettes qui emplissent l’espace à bas bruit, d’ailleurs le silence n’est souvent que faussement présent, réfugié dans le manque d’intensité. Il semblerait qu’une bande magnétique intervienne également. A un certain moment, lorsque vos sens sont endormis et que votre imagination vagabonde, à la chasse aux vibrations les plus ténues, avec des silences de plus en plus présents, un vacarme tout à coup se produit, et le corps sursaute, surpris par cette perfidie…

Et puis il y a « Blues I » en quatrième position et « Blues II » qui termine l’album, des pièces simples et agréables, la première est toute en rondeur et mollesse, rythmée, mais au ralenti, avec des dialogues entre les musiciens qui échangent, j’aime beaucoup, mais ça n’a l’air de rien.

« Blues II » est également très chouette, avec cette mandoline, très dans l’esprit de l’album, avec ce temps qui prends son temps. Ensuite l’intensité gagne et nous sort de la torpeur, sans doute pour nous signifier que c’est fini.

Sans doute pas un album majeur de la part de Keith Tippett, mais de jolies choses un peu partout, quelques surprises aussi, de quoi passer un agréable moment, un jour de pluie, ou un jour de grosse chaleur, les deux vont bien.

Keith Tippett - Song (Blueprint)


Keith Tippett - Dance


Keith Tippett - Blues I


Keith Tippett - Woodcut
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 24 avr. 2022 03:53

Image

Marion Rampal – Tissé (2022)

Il y a quelques temps je vous avais parlé de l’album « Secret » de Marion Rampal, une manière de vous parler de la sortie prochaine de « Tissé », alors tout juste annoncée. Depuis, le temps est passé, j’avais beaucoup aimé « Le secret » et vous en avais fait part, particulièrement pour les liens tissés entre Marion et Archie Shepp, elle était de tous les projets du saxophoniste, les plus ambitieux ou, plus simplement, la choriste de passage. Il y avait également l’autre album « Main Blue » de 2016, un peu moins intense, mais qui contenait sa part de bons moments, dans un registre souvent bluesy.

Et puis voilà, « Tissé » est arrivé, je l’ai un peu snobé au départ, déposé dans la pile, sans plus de considération, comme un p’tit con un peu blasé, des fois on ne se rend pas compte... Et puis est venu le moment de l’écouter et là, la baffe ! Encore un album de peu de poids, trente-cinq minutes, mais une densité vraiment exceptionnelle, quand je pense à cette notion, me revient toujours le « Melody Nelson » de Serge Gainsbourg, si court et si bon !

Ici, artistiquement rien à voir, sinon les chansons. Oui, un album où tout tourne autour des trois minutes, le format commercial « chanson » le plus commun. Alors oui, du jazz, un peu, une pincette ici ou là, des airs des îles lointaines de chez nous, dans la voix de Marion, parfois. Du folk, sans doute, des airs vieux et traditionnels ? Juste une pincée.

Juste des chansons simples, qui touchent, une sorte d’épure, c’est fort et puissant « l’épure » quand c’est réussi, ça arrive, direct et évident, et ça vous parle en dedans. Alors trente-cinq minutes à ce régime, c’est toute une éternité…

C’est Marion qui a écrit les paroles, sauf le superbe « Où sont passés les roses », qu’elle a composé et interprète avec Piers Faccini et Alma Sarrazac. Elle a écrit également toutes les musiques avec Matthis Pascaud, sauf « Calling To The Forest » qu’elle a écrit seule.

Elle chante ce titre en compagnie d’Archie Shepp, c’est très émouvant. Archie joue très rarement du sax désormais et quand il le fait, les larmes coulent, et pas seulement les siennes, mais aussi celles de tous ceux qui sont là et qui écoutent, et aussi celles de ceux qui les voient par l’intermédiaire des écrans, alors toutes ces larmes qui débordent, on s’y noie. Du coup Shepp, il se contente de chanter, pour continuer à nous émouvoir, sans trop qu’on perde notre dignité.

Il y a aussi « D’autres soleils » avec Anne Paceo, le sympathique Tony Paeleman aux claviers ainsi que PF Blanchard au Rhodes également, Sebastian Llado au trombone, tuba et sousaphone, Raphaël Chassin à la batterie et aux percussions et le fameux Matthis Pascaud aux guitares, aux claviers et aux percus, du beau monde pour un bel album. Une des meilleures sorties de ce début d'année.

Tisser


Où sont passées les roses (feat. Piers Faccini)


Marion Rampal - "Calling to the Forest (ft. Archie Shepp)" @ New European Songbook 2021


L'île aux chants mêlés


Marion Rampal: D'autres soleils − Live


A volé
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 25 avr. 2022 02:19

Image

Gregory Porter – Water (2010)

Pour rester dans le monde des vocalistes, place à Gregory Porter et à son premier album sorti en 2010, peut-être son meilleur, en tout cas certainement un de ceux qui sont emplis de l’esprit Jazz. Cette pochette au contre-jour très prononcé, plonge sa silhouette dans le noir, particulièrement son visage qui reste indistincte.

Dès le disque suivant il ne jouera plus les timides, et se montrera avec sa célèbre cagoule surmontée d’une casquette. C’est qu’enfant il a été victime d’un accident domestique qui lui a laissé des cicatrices, aussi, il choisira désormais de cacher une partie de son visage.

Par bonheur, cela n’aura aucune incidence sur ses capacités vocales, et il deviendra un grand technicien du chant qui sera récompensé dès son premier album. En effet l’accueil sera dithyrambique et bien vite il est élevé au rang de « star ». C’est un véritable auteur et il signe un bon nombre de titres ici, sept sur les onze de l’album.

Ce sont essentiellement des chansons d’amour, souvent tristes, mais il y a également un titre engagé, le septième de l’album, « 1960 What? » qui dure plus de douze minutes sur cette version Cd, il le chante encore aujourd’hui à tous ses concerts. C’est un titre épique, qui retrace les émeutes de 1967 à Détroit qui durèrent cinq jours, après-que la ville ait été déclarée en insurrection, par le président américain Lyndon B. Johnson. Il y eut quarante-sept morts et quatre cent soixante-sept blessés. De mon point de vue le titre le plus fort de l’album.

Il y a également une reprise de « Black Nile » de Wayne Shorter sur lequel il ajoute des paroles, on remarque également la dernière pièce de l’album, « Feeling Good » qu’aimait tant chanter Nina Simone dont il donne une version « a cappella ». Des standards également, « But Beautiful » et «Skylark ». Ainsi Gregory Porter coche un grand nombre de cases et offre un album fort, de styles variés et de convictions.

Il aime par-dessus tout l’accompagnement du piano, ici c’est Chip Crawford qui assure principalement ce rôle de soutien. Mais de nombreux autres instruments s’ajoutent au fil des pièces, ainsi, outre la basse et la batterie, de beaux solos de trompette, trombone ou de sax alto viennent colorer la musique et lui donner les plus beaux atours.

Un chouette « Blue Note », pour les amateurs de Gregory Porter, qui se trouve désormais à petit prix, en Cd.

Gregory Porter - 1960 What?


Black Nile


Wisdom


Feeling Good
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 26 avr. 2022 04:37

Image

Okkyung Lee – 나를 (Na-Reul) (2021)

Voici le troisième de la série des « Black Cross », j’ai choisi de commencer plutôt vers la fin, pour l’instant ils ne sont que quatre. Le son du violoncelle correspond bien à l’humeur du moment, peut-être le vent qui souffle fort et fait pencher les branches, ou la chaleur du soleil qui frappe et s’impose déjà comme seule alternative possible.

Le Cd est un bel objet traité ici avec considération, nous sommes sur le label « Corbett vs. Dempsey » basé à Chicago. Cette série des « Croix Noires » est uniquement consacrée aux enregistrements solos, et celui-ci possède une histoire qui le rend particulier, quand la grande histoire s’entrechoque avec la destinée individuelle.

Okkyung Lee est Sud-Coréenne, elle vit à New York mais doit se rendre en Corée, car son père est mourant, elle prend le premier avion mais, dans l’urgence, ne peut y joindre son instrument de musique. Mais voilà que le Covid balaye la planète, et qu’un verrouillage strict lui interdit de quitter son pays, c’est ainsi qu’elle est restée bloquée pendant des mois sans pouvoir jouer de son instrument.

Lorsqu’elle retourna aux Etats-Unis, l’envie de musique l’avait quittée, se sentant comme une feuille sèche tombée de l’arbre et ballotée par le vent. Feuille semblable aux autres feuilles que le destin charrie, bouscule et composte. Ainsi la force implacable du destin mène-t-elle vers l’arrachement, vers la mort.

Mais il se fit que, deux mois après son retour, le label « Corbett vs Dempsey » la contacta pour lui proposer un enregistrement. Le voici, fruit du travail recommencé et enregistré en studio, à New York. Grâce au re-recording le violoncelle dialogue bien souvent avec lui-même, cordes frottées avec l’archet ou pincées avec les doigts se combinent.

Une immense tristesse est souvent palpable, les sentiments douloureux remontent et quelques grincements s’échappent du bois de l’instrument qui geint sous la peine. Ces gémissements sont aussi de la musique. Un long chemin est ici parcouru, vers l’acceptation nécessaire et inéluctable, pour que la vie continue.

We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 27 avr. 2022 05:18

Image

Various – Black Lives From Generation To Generation (2022)

Stefany Calembert est productrice et, dans le même temps, à l’origine du label « Jammin’ColorS ». S’inscrivant dans l’actualité chaude de ces dernières années, et pour promouvoir l’égalité des droits et la lutte contre le racisme, elle est à l’initiative de ce projet, qui se concrétisera sous la forme d’un double Cd ou d’un double LP, au choix.

Il est important de noter que la réunion des pièces ici n’est en aucun cas une compilation, mais bien une œuvre originale, ou chacune des formations participantes amène avec elle un ou plusieurs morceaux originaux, en écho à la thématique générale « Black Lives ». On comprend bien que l’unité des pièces musicales n’est en aucun cas artistique, mais uniquement corrélée à la lutte contre le racisme.

Ainsi la musique est un peu disparate, mais cela peut également avoir son charme, car il y a tout de même une couleur commune dans un spectre assez large réunissant le jazz, la musique caribéenne et africaine.

Ainsi on côtoie Check Tidiane Seck, Immanuel Wilkins, Sonny Troupé, Grégory Privat, Jean-Paul Bourelly, Koyaki ou Jérémy Pelt, pour n’en citer que quelques-uns. Chacun faisant sa petite soupe dans son coin, c’est Stefany Calembert qui organisera le tout et s’occupera de la parution sur son label. Pour être très clair, il ne s’agit pas non plus d’une opération caritative, car les droits et bénéfices seront versés aux artistes.

Treize titres ont pour origine les Etats-Unis, trois l’Afrique, à travers le Mali, le Togo/Bénin et l’Afrique du Sud, et trois la Guadeloupe et la Martinique avec Troupé, Privat et l’excellent saxophoniste Jacques Schwarz-Bart. Il y a tout de même une surprise avec Alicia Hall Moran qui inscrit sa performance, sur « Walk », dans un registre plutôt de chant classique.

Pour parler strictement musique, on ne peut pas être déçu par un tel album car on tombe fatalement sur d’excellentes pièces, c’est même majoritairement le cas, on fait même quelques découvertes d’artistes encore inconnus qui donnent envie d’en savoir davantage. Mais, malgré tout, on tombe également sur d’autres qui plaisent moins, c’est un peu la loi du genre.

Si vous aimez le jazz et ses musiques cousines, plutôt avec des sonorités modernes, et que vous deviez recevoir un cadeau, vous pouvez discrètement souffler le nom de cet album à l’oreille amie qui saura quoi faire…

Colored Man Singin' The Blues! - Adam Falcon


Black Lives - from Generation to Generation / Cheick Tidiane Seck "Sanga Bô" (Official Video)


Praying · Immanuel Wilkins


Togged To The Bricks (feat. Kokayi)


Pre-Existing Conditions · Reggie Washington · Oliver Lake · DJ Grazzhoppa · Reggie Washington
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 28 avr. 2022 04:51

Image

Image

The Peter Brötzmann Sextet / The Peter Brötzmann Quartet ‎– Nipples (1969)

Il y a bien longtemps que je ne suis pas parti en quête d’une pièce de collection, mais c’est arrivé, récemment, pour un album que j’avais vainement cherché, il y a longtemps. Il s’agit de l’original de « Nipples », une pièce de Brötzmann qui date de 1969, sur « Calig », label allemand basé à Munich. Pourquoi un tel engouement ? Eh bien, il traînait la sale réputation d’être encore pire que « Machine Gun », plus fort, plus puissant, plus extrême. Lâs, je m’étais rabattu sur « More Nipples », un Cd issus des mêmes sessions.

Puis c’est arrivé alors que j’achetais un ou deux Cd sur Discogs, il était dans le magasin du gars et paraissait très écoutable d’après ce qui en était dit. C’est pour moi le point essentiel sur lequel il ne faut pas transiger. C’était juste trop cher, alors j’ai juste envoyé une proposition chiffrée, elle commençait par « Si vous souhaitez vendre votre exemplaire de « Nipples » dès maintenant, je vous en offre… », une proposition honnête et acceptable de mon point de vue.

Rien pendant deux, trois jours, puis une acceptation, et le voilà en écoute, juste un très léger voile fin de face une, mais c’est bon, la chose est faite et réglée, bientôt classée dans les rayons. Comme souvent quand on se penche sur les enregistrements lointains, la rage n’apparaît pas si folle, si immédiate, alors il faut un peu monter le son et recréer les moments d’alors avec son imaginaire.

Et là c’est l’inverse qui s’impose, quelle force et quel culot ! La face une en sextet et la deuxième en quartet, Brötzmann, Van Hove, Niebergall et Bennink à quatre, les mêmes avec Derek Bailey et Evan Parker à six, chacun à lui seul est une légende et un phare dans la nuit du free. Ces graines, plantées il y a cinquante-trois années ont créé tant de fruits, générées tant de musique dans une multitude de directions, que les écouter là, à travers ce témoin arraché au temps, c’est un peu comme s’offrir un vin rare et ancien, un cépage millésimé.

D’autant que la pochette de cet album est particulière et même unique dans sa conception, il y a en effet un dépliant collé sur la couverture. Sur un volet on peut lire une petite note manuscrite de l'artiste coréen Nam June Paik :

« I own only ten Records. 2 Mozarts, 1 Chopin, 1 Schuman, 1 ravi Shankar, 1 Beethoven and 2 Blötzman and Brötzmann records stand up very well among those masterpieces ».

Alors « Nipple » ou « Machine Gun » ? Lâchement je ne choisis pas et vous recommande les deux, avec « More Nipple » en sus, si vous aimez le free sauvage et débridé, certifié d’époque…

Peter Brötzmann - Nipples


Tell A Green Man
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 28 avr. 2022 12:22

je remonte un peu le temps...
Douglas a écrit :
dim. 21 nov. 2021 05:30
Image

Un album que j’ai écouté au moins six ou sept fois ces derniers temps, un truc qui fait du bien et qui peut se conjuguer avec l’endormissement (je suis doué pour l’endormissement) ou la lecture, en général la musique s’efface derrière les mots, mais elle berce et aime les voyages. Mais cette galette est surtout agréable lors de l’écoute – écoute, sans accessoire, avec l’esprit bien éveillé.

Byard Lancaster est à l’œuvre et il fait tout ici, voix, piano, flûte, piccolo, basse clarinette, sax alto et soprano, percussions, bref, tout ! L’album s’appelle « Personal Testimony » avec un sous-titre, « Then And Now », mais attention il y a une duplicité ou plutôt un piège qui se dévoile en regardant le verso de la pochette : en fait il faut lire « Then » un enregistrement de soixante-dix-neuf, et « Now » qui, lui, date de deux mille sept.

Deux œuvres jumelles mais éloignées dans le temps, ça tourne autour des vingt-neuf minutes pour le premier volet et des vingt-huit minutes pour le second, un équilibre apparent qui cache tout de même une certaine disparité, « Then » me régale un peu plus que « Now », mais ce dernier s’accorde tout de même parfaitement avec son prédécesseur, alors ne pinaillons pas.

Byard Lancaster est un homme rusé, il trompe sa solitude et notre attention en utilisant la bonne vieille technique du re-recording, se démultipliant ainsi de temps en temps. On l’a compris également, il varie les instruments et ne laisse pas s’installer un son monocorde qui pourrait engendrer la monotonie.

Le plus souvent il joue doux, caresse en tendresse et batifole folâtre. Juste un glissement sur le dernier titre de « Then », « Mind Exercise » un solo d’alto saxé désaxé qui vrille un peu, avant de passer à « Prayer Cry » premier titre de « Now » avec les voix qui arrivent, tribales, un air d’Afrique.

Quinze titres au total qui nous proposent un cheminement varié, mais toujours dépouillé, minimal et intimiste, d’ailleurs Byard nous offre une grille de lecture en choisissant un sous-titre évocateur pour chacune des pièces ici.

Le plaisir de l’écoute est au rendez-vous et se renouvelle sans jamais lasser, ah ! comme je me dis de temps en temps, je suis content de l’avoir celui-là !

Miss Nikki


In Lovingkindness


Byard Lancaster - Loving You


Global Key
Modifié en dernier par Douglas le ven. 29 avr. 2022 04:39, modifié 1 fois.
We will dance again...

Avatar du membre
Homeward
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 156
Enregistré le : mar. 10 sept. 2019 12:49

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Homeward » jeu. 28 avr. 2022 20:08

Quel festin Sharrock tu nous as offert Douglas, merci! J'avais pas mal de choses à rattraper dans son oeuvre, ce sera un excellent guide!! Content que tu ai apprécié Ask The Ages d'ailleurs :chapozzz:

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 29 avr. 2022 04:46

Homeward a écrit :
jeu. 28 avr. 2022 20:08
Quel festin Sharrock tu nous as offert Douglas, merci! J'avais pas mal de choses à rattraper dans son oeuvre, ce sera un excellent guide!! Content que tu ai apprécié Ask The Ages d'ailleurs :chapozzz:
Merci pour ce petit mot, je te remercie encore pour la reco, pour être complet il ne faut surtout pas oublier le BYG dont je n'ai pas trop parlé mais qui est dans le top de ses albums selon moi.
Il y a également le cas de "Paradise", celui-ci je l'ai en rayon mais franchement je ne le conseille pas, ou alors écoutez-le avant, perso j'ai vraiment du mal.
Ce que je préfère c'est la pochette.
Ceci dit, pour être honnête, il y a des personnes qui l'aiment bien, vous savez les goûts et les couleurs comme on dit...

Image

Sonny & Linda Sharrock - Miss Doris


Sonny & Linda Sharrock - Apollo
Modifié en dernier par Douglas le ven. 29 avr. 2022 05:04, modifié 2 fois.
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 29 avr. 2022 05:00

Image

Patrick Dorobisz – Experimental Guitar 1973 (2022)

Encore une sortie de ce début d’année, celle-ci est due aux chasseurs de trésor du fameux label « Vapeur Mauve », des gars qui passent une partie de leur temps à fouiller dans l’histoire du rock des trucs de fous, et à dégoter des merveilles inédites, tombées du côté sombre du destin, souvent pour un rien, mais jamais par manque de talent !

Huit se sont succédés, et voici le petit dernier, et pas le moindre ! C’est millésimé 1973 et le gars sur la pochette est guitariste, c’est Patrick Dorobisz, il joue de la guitare électrique certifiée son d’époque. L’album est dédié à Jean-Michel Dutouquet, joueur de clavier et son binôme alors, aujourd’hui disparu, en même temps que les bandes enregistrées dont il était en possession.

L’album se nomme « Experimental Guitar », ce qui fait forcément référence à la musique expérimentale, jugée souvent ardue ou peu accessible. A l’époque, en 1973, il est vrai, le contexte était encore plus difficile. Stockhausen avait sorti « Hymnen » en 66 et son influence se répandait lentement dans ce qui deviendra la « kosmiche music », se concrétisera autour d’Amon Düül II et du krautrock naissant, qui éblouira les années soixante-dix et plus.

C’est dans cette lignée, me semble-t-il, que l’on peut ranger ce magnifique album, aujourd’hui on parlerait d’ambiant car, même sans les synthés, l’esprit est là ! Du coup c’est terriblement moderne, on peut même affirmer, sans risque de se tromper, que le précurseur du passé a encore une bonne longueur d’avance sur pas mal de monde, encore maintenant.

On pourrait faire une référence assez immédiate à la musique planante, nous n’y couperons pas car c’est tout à fait exact. Pourtant c’est aussi une musique particulièrement dynamique, en constante évolution, où les boucles se chargent en énergie continuellement, l’impression sonore est celle d’un bouillonnement permanent, circulaire, avec des effets de musique répétitive et un enrichissement continuel qui gagne en force et en énergie jusqu’au terme des pièces.

Celles-ci sont au nombre de cinq sur le Cd joint à l’intérieur de la pochette vinyle, ce dernier ne peut contenir que trois morceaux, il faut donc remercier les concepteurs de l’album qui n’ont pas hésité à joindre les deux formats, de façon à respecter au mieux le musicien et son œuvre. Les deux pièces supplémentaires figurant sur le Cd sont tout à fait excellentes et s’articulent parfaitement bien dans la suite musicale, au point que je conseille de privilégier son écoute.

En soixante-quinze arrivera l’heure de Ash Ra Tempel et Manuel Göttsching ‎pour l’album « Inventions For Electric Guitar » qui s’inscrit dans une suite possible, mais moins glorieuse, les yeux tournés vers un plus large public. Aujourd’hui, pour prolonger le genre, on peut écouter Richard Comte, en solo particulièrement, ou même, mais là c’est tout autre chose, avec le groupe « Hippie Diktat », et continuer la route pour de nouveaux frissons musicaux.

Patrick Dorobisz - Paysage


Patrick Dorobisz - Undetermined Sensation (For Guitar)


Patrick Dorobisz- Erased Drawing (for guitar)


Patrick Dorobisz - Monochrome baby (for guitar)
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 30 avr. 2022 03:53

Image

Vincent Peirani – Jokers (2022)

On arrive bientôt au mois de mai et de nombreuses nouvelles parutions et sorties excellent par-dessus tout, et si ça continue au même rythme, l’année deux mille vingt-deux promet d’être un grand cru côté jazz et musiques apparentées. J’ajoute cette dernière « qualification » car souvent on ne sait plus trop où l’on est, non pas pour remarquer la qualité des sorties, mais pour les mettre en boîte, dans les petites cases étroites qui ont été créées pour ça.

En voici un exemple avec cet album remarquable de Vincent Peirani, tout le monde le classera côté jazz, une grande partie de son éducation musicale s’est structurée autour de cette musique, question d’habitude. Pourtant certaines pièces de l’album, présentées à un auditeur peu versé en jazz, pourraient être classées rock par ce dernier, et il n’aurait pas forcément tort ! D’ailleurs il y a quelques reprises qui pourraient apporter de l’eau à son moulin, « This is The New Shit » est signé Marilyn Manson, « River » de Bishop Briggs et « « Copy Of A » est de Nine Inch Nails.

De plus Peirani s’essaie au trio, pour la première fois semble-t-il, après avoir énormément joué en duo et aussi en quartet. Il joue d’une impressionnante série d’instruments sur cet album, accordéon bien sûr mais aussi « accordina », l’accordéon du voyageur, clarinette, claviers, glockenspiel, music box et voix. Il est accompagné par l’italien Federico Casagrande à la guitare et l’israélien Ziv Ravitz, que nous avons entendu aux côtés d’Avishai Cohen, à la batterie.

Un disque sans faiblesse, avec quelques pièces très énergisantes, branchées à l’électricité saturée de la guitare de Federico Casagrande, qui fait plaisir tout au long de l’album, se souvenant de sa culture rock. Ziv Ravitz est lui aussi dans la puissance, mais aussi dans la finesse, son jeu, parfois discret, sait être tout en délicatesse.

La dernière pièce, « Ninna Nanna » de Frederico Alagna est jouée en duo entre Vincent et Federico, la formule la plus habituelle pratiquée par le Niçois. Ce serait difficile de sortir du lot les pièces car elles ont toutes un intérêt, celles qui attirent la curiosité sont évidemment les reprises, mais il y a également une jolie compo de Federico, « Twilight » et quatre pièces de Vincent, toutes intéressantes, « Circus of Light », « Heimdall », « Salsa Fake » …

Vraiment un bel album, de ceux qu’on aime réécouter souvent, il y a un petit livret à l’intérieur du Cd, avec un texte en français, en anglais, mais pas en allemand cette fois-ci, bien que nous soyons sur le label ACT.

Vincent Peirani - JOKERS - This Is The New Shit


Vincent Peirani - JOKERS - Les Larmes de Syr


River


Salsa Fake


Vincent Peirani - Copy of A (Nine Inch Nails cover)
We will dance again...

Avatar du membre
Piranha
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 1305
Enregistré le : mar. 30 juil. 2019 22:13
Localisation : Angers
Contact :

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » sam. 30 avr. 2022 11:56

Douglas a écrit :
ven. 29 avr. 2022 05:00
Image

Patrick Dorobisz – Experimental Guitar 1973 (2022)

Encore une sortie de ce début d’année, celle-ci est due aux chasseurs de trésor du fameux label « Vapeur Mauve », des gars qui passent une partie de leur temps à fouiller dans l’histoire du rock des trucs de fous, et à dégoter des merveilles inédites, tombées du côté sombre du destin, souvent pour un rien, mais jamais par manque de talent !

Huit se sont succédés, et voici le petit dernier, et pas le moindre ! C’est millésimé 1973 et le gars sur la pochette est guitariste, c’est Patrick Dorobisz, il joue de la guitare électrique certifiée son d’époque. L’album est dédié à Jean-Michel Dutouquet, joueur de clavier et son binôme alors, aujourd’hui disparu, en même temps que les bandes enregistrées dont il était en possession.

L’album se nomme « Experimental Guitar », ce qui fait forcément référence à la musique expérimentale, jugée souvent ardue ou peu accessible. A l’époque, en 1973, il est vrai, le contexte était encore plus difficile. Stockhausen avait sorti « Hymnen » en 66 et son influence se répandait lentement dans ce qui deviendra la « kosmiche music », se concrétisera autour d’Amon Düül II et du krautrock naissant, qui éblouira les années soixante-dix et plus.

C’est dans cette lignée, me semble-t-il, que l’on peut ranger ce magnifique album, aujourd’hui on parlerait d’ambiant car, même sans les synthés, l’esprit est là ! Du coup c’est terriblement moderne, on peut même affirmer, sans risque de se tromper, que le précurseur du passé a encore une bonne longueur d’avance sur pas mal de monde, encore maintenant.

On pourrait faire une référence assez immédiate à la musique planante, nous n’y couperons pas car c’est tout à fait exact. Pourtant c’est aussi une musique particulièrement dynamique, en constante évolution, où les boucles se chargent en énergie continuellement, l’impression sonore est celle d’un bouillonnement permanent, circulaire, avec des effets de musique répétitive et un enrichissement continuel qui gagne en force et en énergie jusqu’au terme des pièces.

Celles-ci sont au nombre de cinq sur le Cd joint à l’intérieur de la pochette vinyle, ce dernier ne peut contenir que trois morceaux, il faut donc remercier les concepteurs de l’album qui n’ont pas hésité à joindre les deux formats, de façon à respecter au mieux le musicien et son œuvre. Les deux pièces supplémentaires figurant sur le Cd sont tout à fait excellentes et s’articulent parfaitement bien dans la suite musicale, au point que je conseille de privilégier son écoute.

En soixante-quinze arrivera l’heure de Ash Ra Tempel et Manuel Göttsching ‎pour l’album « Inventions For Electric Guitar » qui s’inscrit dans une suite possible, mais moins glorieuse, les yeux tournés vers un plus large public. Aujourd’hui, pour prolonger le genre, on peut écouter Richard Comte, en solo particulièrement, ou même, mais là c’est tout autre chose, avec le groupe « Hippie Diktat », et continuer la route pour de nouveaux frissons musicaux.

Patrick Dorobisz - Paysage


Patrick Dorobisz - Undetermined Sensation (For Guitar)


Patrick Dorobisz- Erased Drawing (for guitar)


Patrick Dorobisz - Monochrome baby (for guitar)

Merci beaucoup pour cette très belle chronique.
Nous sommes heureux de savoir que le disque te plaît. Effectivement il nous semblait important de pouvoir proposer les 5 titres aux acquéreurs du vinyl. (Comme nous avions proposé la version non éditée d'Evohé sur le cd dans les références précédentes du label).

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 30 avr. 2022 17:28

Piranha a écrit :
sam. 30 avr. 2022 11:56

Merci beaucoup pour cette très belle chronique.
Nous sommes heureux de savoir que le disque te plaît. Effectivement il nous semblait important de pouvoir proposer les 5 titres aux acquéreurs du vinyl. (Comme nous avions proposé la version non éditée d'Evohé sur le cd dans les références précédentes du label).
Hélas on a vu certains labels tenir un raisonnement inverse et présenter des vinyles amputés de certains morceaux, c'est ennuyeux d'autant que l'acheteur n'est pas forcément prévenu et peut, dans certains cas, acheter les deux versions pour obtenir l'enregistrement complet, même s'il en reste très amer!
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 1 mai 2022 03:33

Image

Hamiet Bluiett – Birthright: A Solo Blues Concert (1977)

Voici un saxophoniste bien connu des amateurs de free-jazz, car il est un des meilleurs spécialistes mondiaux d’un instrument un peu moins usité que les autres membres de la famille, le baryton. Il est attaché historiquement à l’école de St Louis et fait partie du « Black Artist Group », d’ailleurs il est membre fondateur du « World Saxophone Quartet » avec Oliver Lake, Julius Hemphill et David Murray, ce dernier étant le seul à ne pas faire partie du BAG.

Il joue également de la clarinette et dirige « The Hamiet Bluiett Clarinet Family », un ensemble qui s’appuie sur une section rythmique, ce qui n’est évidemment pas le cas du quatuor de saxophones. Il est à noter également qu’il a été très présent sur la scène des Lofts, particulièrement au studio Rivbea de Sam et Beatrice Rivers, qu’il fréquentait assidument. Il a aussi joué aux côtés de Charles Mingus, du « 360 Degree Music Experience » dont on a parlé ici, de l’«Human Arts Ensemble », aux côtés de Beaver Harris également. Il a participé à une multitude d’albums avant de décéder, en 2018.

On le voit il y a beaucoup d’entrées pour écouter Hamiet. Cet album où il joue en solo du saxophone baryton peut sembler un peu ardu pour un premier contact, pourtant c’est certainement l’un de ceux qui marquent, l’austérité que l’on pourrait y trouver est largement compensée par l’engagement du saxophoniste qui met « tout » dans sa musique, on perçoit en effet beaucoup d’émotions dans son jeu.

L’album est sous-titré « A Solo Blues Concert », pourtant on n’y entend pas réellement de blues tel qu’il est compris habituellement, Hamiet parle plutôt de son « blues intérieur », des sentiments, des souvenirs et des personnes qui l’ont émotionnellement marqué. Ainsi chaque pièce est l’occasion d’un hommage, les membres de sa famille, de sa grand-mère jusqu’à son fils.

Il dédicace également une pièce à George Hudson, son professeur et mentor qui faisait tourner un orchestre où il figurait en compagnie de Ahmad Jamal, Clark Terry, Oliver Nelson, et d’autres… Mais surtout, l’album est entièrement dédicacé à la personne qui fut la plus importante dans sa vie, sa tante Hattie Watson, qui dirigeait une chorale religieuse, et qui l’a initié la première, à la musique.

Un beau vinyle sur « India Navigation » à ne pas négliger si vous le dénichez lors d’une pérégrination.

Dolly Baby, aka Song Service (A Solo Blues Concert)


My Father's House-1. Hamiet 2. Deborah 3. Karen (A Solo Blues Concert)


The Village of Brooklyn, Illinois (A Solo Blues Concert)


The Mighty Denn (A Solo Blues Concert)
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 2 mai 2022 04:16

Image

Fred Pallem & Le Sacre Du Tympan – Fred Pallem & Le Sacre Du Tympan (2022)

Un beau jour je reçois dans ma boîte mail une demande pour une souscription, il s’agissait de cette réédition du premier album de « Fred Pallem & Le Sacre Du Tympan » paru il y a vingt ans sur le label « Le chant du Monde ». Je recevais cette demande en fin de course, il ne restait pas trop de temps avant la fin de l’opération et il manquait quelques pépettes, je décidais alors de participer. Fred Pallem est un bon gars, j’aime ce qu’il fait et je possède une bonne partie de sa discographie, il doit m’en manquer juste trois ou quatre !

J’optais pour le double vinyle, avec des badges, une affichette signée du l’ami Fred, des écrits retraçant l’histoire de l’album et un bon de téléchargement de haute qualité. C’est évidemment plus cher que d’acheter l’album à sa sortie, mais il y a les bonus et surtout le sentiment d’aider à la naissance de l’album, rien qu’en participant financièrement à la précommande, donc aux coûts engendrés par le projet.

J’ai reçu l’album il y a un bon bout de temps, mais en fait je suis trop rétrograde pour être le cœur de cible de ce genre de truc. Je suis un homme simple, et pour moi un enregistrement c’est un vinyle ou un Cd, si je peux glaner un enregistrement immatériel ça fait plaisir et permet de l’écouter en voiture, faire circuler, ou donner l’envie d’acheter le disque.

Quand j’acquiers un bon de téléchargement je l’utilise de suite pour ne pas l’oublier, c’est une habitude, souvent ça passe par bandcamp ou la maison de disque. Bon là, ce fut une longue galère, il fallait passer par « Qobuz », je téléchargeais très longuement, car j’habite en zone zoulou, là où internet avance à la vitesse d’un escargot au galop. Rien que d’installer l’application ce fut lourd, à un moment ils m’ont même demandé de passer par une inscription à FaceBook pour accéder à la suite, j'ai eu des sueurs froides…

Je leur ai envoyé un petit courrier par l’intermédiaire de la rubrique aide, à l’équipe de Qobuz, afin de m’aider à retrouver les fichiers sur mon disque dur, j’attends toujours la réponse… Clairement cet univers n’est pas le mien et n’écouter que des fichiers dématérialisés, n’est pas dans mes habitudes, ce n’est pas fait pour moi, mais sans doute pour les jeunes générations qui voyagent léger, et pour ceux qui ont l’esprit plus souple que le mien.

Ceci dit je n’en veux surtout pas à l’ami Fred, d’autant que l’album est très bon et d’une qualité d’écoute tout à fait exceptionnelle: l’occasion également de faire briller la qualité de votre chaîne Hi-Fi ! C’est un enregistrement live à la base, je ne possède pas l’original, mais je ne pense pas qu’il puisse rivaliser au niveau de la finesse de la restitution sonore, même s’il garderait l’avantage déterminant du poids des ans et de son corollaire historique.

Alors côté musique c’est comme on pense, un son léché, une précision diabolique, du ludique également et même un poil de dérision, de la vivacité, de l’humour et du décalé forcément. Pourtant, en arrière-plan, un sérieux très pro, mais dans la bonne humeur, toujours, pour juste le plaisir de faire au mieux, sans avoir peur de rajouter le petit truc supplémentaire qui fait que jamais, non jamais, on ne se prend trop au sérieux !

Je recommande, évidemment.

Le Sacre Du Tympan - Fred Pallem - La procession des illuminés


Tu es belle et tu sens bon


La danse des ours


Poursuivi par des éléphants géants
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 3 mai 2022 02:19

Image

Sélène Saint-Aimé – Potomitan (2022)

Après un premier album pas trop mal, dont je vous avais parlé lors de sa sortie, revoici Sélène Saint- Aimée avec « Potomitan », la seconde sortie de la contrebassiste, que je me suis procuré, cette fois-ci en Cd, le premier vinyle montrait hélas de légers défauts de pressage. Le cd tient bien la route, rien à redire.

Sélène habite l’île… de France, bien que d’origine martiniquaise et ivoirienne. Sa musique est puisée dans les folklores caribéens et africains, mais sa route l’emmène vers la Martinique où se déroule une quête identitaire à travers l’image de la « Femme- Potomitan », celle qui règne à l’intérieur du foyer.

Le symbole de ce retour au pays s’entend à travers le « bèlè », tambour traditionnel de la Martinique, et le « ka » qui, lui, est originaire de la Guadeloupe. Le premier est joué par Boris Reine-Adélaïde et le second par Sonny Troupé, qui joue également de la batterie.

On entend également Guillaume Latil au violoncelle et Mathias Lévy au violon, les deux ajoutés à la basse de Sélène apportent une couleur assez dominante aux cordes en général, conjuguées à une rythmique centrée sur les tambours. Irvin Acao au sax ténor et Hermon Mehari à la trompette apporte une couleur plus jazz sur certains titres, particulièrement l’hommage à Charlie « Bird » Parker, le bien nommé « The Bird ».

Et puis il y a la voix de Sélène qui chante ici ou là, et colorie quelques compos, avec peut-être, de façon très brève, un léger excès dans les aigus, mais, ce n’est qu’une appréciation personnelle. On trouve un thème signé de Sibélius, « Melisande », ce qui peut surprendre, mais c’est un hommage à « Mamie Jacqueline ».

Ce n’est sans doute pas tout à fait l’album qu’on attendait, celui de la consécration, mais un pas de plus en avant tout de même, on remarque les titres « Indigo Bay » et « Esili » qui résument le mieux l’esprit de l’album.

Ezili


Indigo Bay


Arawak Uhuru - Sélène Saint-Aimé


The Bird
We will dance again...

Avatar du membre
Leutte
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 1235
Enregistré le : mer. 31 juil. 2019 07:28
Localisation : Toulouse

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Leutte » mar. 3 mai 2022 10:55

Un "nouveau" Fred Pallem et son sacré tympan.. Je jette une oreille sur Qobuz dans la journée
compositions énergiques, incisives, mélodies accrocheuses, voix et harmonies au cordeau, fuzz et distorsions à gogo

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 3 mai 2022 14:07

Leutte a écrit :
mar. 3 mai 2022 10:55
Un "nouveau" Fred Pallem et son sacré tympan.. Je jette une oreille sur Qobuz dans la journée
C'est bien de vivre avec son temps, pas comme les vieux dinos accrochés aux habitudes des années soixante-dix!
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 4 mai 2022 00:50

Image

Made To Break – Lacerba (2013)

Cet album est sorti sur l’excellent label portugais « Clean Feed », son enregistrement représente une étape décisive dans la vie du label puisqu’elle coïncide avec l’anniversaire de sa dixième année. Cependant la sortie physique sera ultérieure, deux ans environ, le temps de boucler le projet. Il est à noter que c’est le premier vinyle du catalogue, et qu’il n’est sorti que sur ce format. Probablement sur une base d’un tirage assez optimiste, car on en trouve encore aujourd’hui neufs, sous cello, pas le violoncelle (je précise pour éviter les récidives) …

« Made to Break » ce n’est pas n’importe qui, Ken Vandermark est aux saxophones, baryton et alto ensuite, il est également le compositeur des deux titres, un par face. Christof Kurzmann est signalé au « Lloopp », comprendre à l’électro, c’est lui l’homme des machines, il joue un rôle important dans cet album, bien qu’il soit tout de même dominé par la présence tentaculaire du grand saxophoniste étatsunien. Devin Hoff est à la basse électrique et Tim Daisy à la batterie.

« Lacerba » n’est qu’une première étape pour cette formation qui va prendre une grande ampleur au fil du temps qui passe. Quelque part entre free-jazz et improvisations d’un côté, mélangé aux expérimentations électro, frayant avec la musique contemporaine à la John Cage. Mais la musique reste chaude et vive, jamais anesthésiée par le poids des machines, à certains moments c’est même assez funky, la rythmique sait impulser cette dynamique dansante qui emmène et balance.

Ce mélange entre radicalité et groove permanent est assez unique. A ce jeu Vandermark gagne une stature impressionnante, même s’il ne reste que l’un des quatre de cette communauté musicale. Christof Kurzmann est autrichien, il a même créé un petit label indépendant, c’est également un homme engagé, objecteur de conscience, il apporte ici un côté ambient, une touche plus « européenne », électro et minimaliste, il aime rester dans l’ombre pour tisser ses toiles.

L’album a été enregistré lors des trois journées du festival au « TBC » de Lisbonne, en novembre 2011. A l’origine « Lacerba » était un mouvement littéraire italien qui tournait autour d’une revue dont c’était le nom. Picasso, Apollinaire ou Mallarmé y ont contribué, le thème principal se concentrait autour de l’avenir et du futur en général. A cette lumière, on comprend mieux l’esprit de cet album, de ce mélange jazz/funk/électro qui file vers du coup vers un véritable « futurisme », cette fois.

Vraiment un album attachant !

Ce n'est pas un extrait de l'album, mais une performance live à une date très proche de son enregistrement. Côté son ça n'a rien à voir avec le rendu du vinyle.
Ken Vandermark's Made to Break
We will dance again...

Avatar du membre
Douglas
Membre VIP
Membre VIP
Messages : 4105
Enregistré le : mer. 11 sept. 2019 06:12

Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 5 mai 2022 03:16

Je remonte cet excellent album de Kali Fasteau que j'écoute pas mal en ce moment...
Douglas a écrit :
lun. 26 juil. 2021 07:49
Image

Retour vers une sélection FJMt° avec cet excellent Cd de Kali Fasteau. Trop peu connue cette musicienne a pourtant de nombreuses cordes à son arc, c’est à Paris qu’elle a grandi avant de s’établir dans la région de New York. Née dans une famille de musiciens elle a d’abord joué du piano puis du violoncelle. Elle apprend l'improvisation jazz avec Ken McIntyre et Clifford Thornton, se rend en Turquie et y apprend à jouer de la flûte Ney, puis apprend le chant indien à Bénarès et à Mumbai. Il semblerait qu’elle ait joué aux côtés de John Coltrane et enregistré avec Shepp sur l’album « Bijou ».

A l’écoute de cet album il est sûr qu’elle est une remarquable compositrice, ici elle joue du saxophone soprano, des flûtes Ney & Kaval, du violoncelle et du sheng, « l’orgue à bouche chinois ». Elle est entourée par de fantastiques musiciens, pour la session de mars 97 en compagnie de Bobby Few au piano et de Michael Winberly, ce dernier joue du Djembe, du « Talking Drum » et des percussions.

Pour l’enregistrement du concert au Homefront Theater à New York, le vingt-cinq octobre 1997, elle est accompagnée par Noah Howard au sax alto, Joe McPhee au ténor, Sonelius Smith au piano et Warren Smith à la batterie. Des accompagnateurs de grande classe et de grande renommée, par contre ce qui est original dans la sélection des pièces, c’est que tout est mélangé, Kali Fasteau est la seule à faire le lien, tantôt c’est une formation et tantôt c’est l’autre.

Bien que les deux formations soient dissemblables l’unité de l’album reste forte et le passage entre les pièces se fait de façon naturelle, c’est aussi une des magies de cet album réussi de bout en bout. On navigue d’un bout à l’autre de l’album, tantôt spiritual music, tantôt musique typée moyen ou extrême Orient, trio jazz intime ou free débridé en quintet. Si on ajoute la qualité exceptionnelle des musiciens rassemblés ici, on comprend la sélection de cet album qui fera très bonne figure au mlieu des historiques.

Ethiopia


Blessings


Whispersong


Tender Optimism
We will dance again...

Répondre