J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 5 mai 2022 03:21

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Mats Gustafsson & Craig Taborn – Ljubljana (2017)

On reste un peu dans les mêmes standards pour cet autre vinyle du label « Clean Feed », encore une fois un titre par face pour un album issu d’un concert donné le deux juillet 2015 au « Jazz Festival de Ljubljana », ce lieu devenant le titre de l’album. Pourtant la pochette du vinyle est assez curieuse, dépassant en largeur et en hauteur la norme habituelle, elle est très rigide et contient, en plus du vinyle un bon de téléchargement. Le tirage est signalé « épuisé », mais il se trouve sans trop se donner de mal, cet enregistrement n’existe que dans ce format.

Deux grands musiciens sont à l’œuvre, Mats Gustafsson, très aimé sur ce fil, joue ici des saxophones, le baryton dont il est un grand spécialiste mais également du « slide saxophone », une sorte de croisement entre le trombone et le sax, inventé par Snub Mosley à la fin des années trente. Craig Taborn est un pianiste né en 1970, de très grande réputation, il a beaucoup enregistré, pour John Zorn et beaucoup d’autres, il n’y a rien de surprenant à le trouver aux côtés d’une sommité comme Mats, les talents souvent se cherchent et se reconnaissent.

Il s’agit ici de la première rencontre entre ces deux musiciens, elle donnera lieu à deux improvisations, chacune gravée sur une face de l’album. La première se nomme « The Eyes Mouving.Slowly. » C’est une pièce autour des dix-huit minutes, pendant laquelle Taborn joue une partie très étal, un peu à la Cecil Taylor, pianotant une sorte de tapis sonore où la multiplicité des notes semble tresser un paysage au-dessus duquel Mats évolue sans que les deux ne se rejoignent.

Puis nous bifurquons dans une seconde partie plus lente ou Gustafsson et Taborn semblent entrer dans une sorte de jeu, Mats émettant des sons brefs, comme des appels auxquels Craig répond par des jaillissements soudain.

La seconde face est encore meilleure, « The Ears Facing The Fantasies. Again. » débute par une complémentarité remarquable entre le jeu de piano très puissant et appuyé de Taborn qui crée une forte tension sur laquelle Mats prend appui dans un premier temps et la pousse plus loin encore. Après cette introduction un retour au calme s’opère pour un dialogue à faible bruit où chacun avance à petit pas. La conversation prend forme et devient féconde, l’occasion également de faire le beau en montrant toute sa technique, avec un Mats absolument ébouriffant et un Craig pas moins convaincant.

Ni essentiel, ni ennuyeux.

The Eyes Moving. Slowly.


The Ears Facing the Fantasies. Again.
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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 6 mai 2022 03:21

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Alabaster DePlume – Gold - Go Forward In The Courage Of Your Love (2022)

Voici donc l’autre album d’International Anthem dont j’annonçais la venue il y a quelques temps. L’album précédent d’Alabaster Deplume, « To Cy & Lee: Instrumentals Vol. 1 » avait fait l’effet d’une déflagration lors de sa parution en 2020, contrairement au duo avec Danalogue, «I Was Not Sleeping » beaucoup plus moyen, pour ceux qui se souviennent.

Celui-ci est passé, via une clef USB, entre les oreilles de madame qui a été enthousiaste, ce qui est notable, car elle est le plus souvent d’une discrétion réservée concernant ce genre de choses, il faut dire qu’elle est assez malhabile à l’identification des fichiers qui défilent sur le tableau de bord de son véhicule.

Cette fois-ci Deplume a laissé les instrumentaux à l’intérieur de son carquois, dardant quelques flèches cependant, qui s’accrochent au ciel, sans jamais retomber… en suspension, pour nous faire rêver, au son du sax si hésitant, frêle et fragile, qui écrit quelques sons poétiques, des vibrations, des tremblements qui viennent de l’intérieur. Ainsi son jazz, s’est envolé, transporté par le vent au profit de la création d’un autre monde autour des airs et des chansons, d’ailleurs et de partout, d’un universel fragile et rassurant, si chaud, d’une délicatesse infinie, de dentelle, de souffle et d’air.

Cette musique est de Paradis.

L’album est double, une telle suspension, si longtemps, n’est pas naturelle. Les morceaux s’enquillent bien les uns après les autres, les uns dans les autres, en une vaste farandole où les mains se donnent. Il se nomme « Gold » et, je le jure sur la cloche à minette, les lettres et les enluminures qui ornent la couverture de la pochette sont d’or fin, ou alors c’est bien imité.

C’est également un album de « passage », comparable au « Bardo Thodol », mais du point de vue sonore, qui guide pour passer de la mort à la prochaine renaissance, ou, plus modestement pour passer d’un état à un autre, meilleur, plein de sagesse retrouvée et de sérénité.

Pour une fois, ni nom de musicien, ni ti titre, ni rien, que la beauté car...

Cette musique est de Paradis.

A Gente Acaba (Vento Em Rosa)


Alabaster DePlume - "Mrs Calamari"


Don’t Forget You’re Precious


[FULL ALBUM] Alabaster DePlume - GOLD - Go Forward in the Courage of Your Love
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Cooltrane » ven. 6 mai 2022 11:09

Bon, c'est sorti fin décembre 2021, mais on va compter ceci comme 2022

2è album du Levitation Orchestra
[media]https://levitationorchestra.bandcamp.com/[/media]

vient de sortir un nouvel album de High Pulp

[media]https://highpulpmusic.bandcamp.com/[/media]

Le 2.5è (leur premier était un EP) album de Yokaï

[media]https://yokaibxl.bandcamp.com/releases[/media]

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 6 mai 2022 14:20

A ce propos j'avais parlé du Levitation Orchestra au moment de sa sortie.
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Message par Douglas » sam. 7 mai 2022 02:37

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Rashied Al Akbar, Muhammad Ali, Earl Cross, Idris Ackamoor – Ascent Of The Nether Creatures (2014)

En fouillant dans les rayons j’ai retrouvé cet album que je m’étais procuré au moment de sa sortie, aujourd’hui il semble épuisé mais continue une carrière via les fichiers bandcamp. C’est un quatuor qui s’est formé pendant la scène des lofts à New-York, une scène assez underground qui ne faisait pas trop de bruit, mais dont on exhume un à un les enregistrements qui ont été faits à l’époque, parfois dans des conditions un peu difficiles, avec des prises de son souvent approximatives.

C’est un peu le cas ici, bien que ça reste très largement écoutable, nous sommes en Hollande, l’autre pays du jazz, le douze juillet mille neuf cent quatre-vingts. Commençons par celui dont on ne sait rien, Rashied Al Akbar, contrebassiste, connu pour cet unique enregistrement sur Discogs.

C’est dans ce genre de cas qu’on se dit que la notoriété ne veut pas dire grand-chose et que ça tient au sort, à la chance ou au destin, car ce gars, c’est un fameux bassiste. Le son même de sa basse est impressionnant, très boisé, vibrant sous l’archet, se concentrer sur son jeu est un réel plaisir, d’autant qu’il aime se promener dans les sons graves de son instrument.

Le batteur Muhammad Ali est présent également, dans un registre free pour cette fois, la période funk n’est pas encore arrivée. Il joue comme on sait, solide et puissant, précis et millimétré, c’est le frère de Rashied et il sait comme lui, lâcher les chevaux comme il faut.

Idris Ackamoor au sax alto et ténor, issu des célèbres « Pyramids » a connu une résurrection assez récente et même un certain succès commercial. Pour l’heure il joue de façon très inspirée, il est aussi l’auteur du morceau titre « Ascent Of The Nether Creatures », le plus réussi de l’album, hélas fractionné en deux parties par nécessité, il faudra donc se lever au milieu de la pièce…

Enfin Earl Cross est un merveilleux trompettiste, il a joué aux côtés de Charles Tyler et Noah Howard, on peut l’entendre avec son sextet, sur un split avec Sam Rivers. Il est également l’auteur du morceau d’ouverture, très vif et très technique il possède encore le feu de ces trompettistes bop qui envoyaient beaucoup en quelques salves destructrices.

Bien entendu il y a également des impros pour faire juste mesure, un bel album qui brûle encore.

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Message par Douglas » dim. 8 mai 2022 03:06

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Zusaan Kali Fasteau – Sensual Hearing (1997)

Zusaan Kali Fasteau a grandi entre Paris et New-York, citoyenne du monde et curieuse envers toutes les cultures dont elle s’abreuve et se nourrit. Elle a étudié les musiques du monde entier et a voyagé sans discontinuer durant treize années, pendant lesquelles elle s’est rendue en Inde, en Turquie, au Népal, au Maroc, au Sénégal, au Zaïre, en Italie, en Hollande, au Danemark, en Belgique, en Suisse, en Yougoslavie, en Grèce, à Haïti et bien entendu en France et aux States.

Ce long parcours a été émaillé de nombreuses rencontres musicales et de concerts dont quelques-uns ont donné naissance à cet album. Sont présents des enregistrements de quatre-vingt-quatorze et quatre-vingt-quinze, en Californie, à Paris et quatre dates différentes à New-York City. Chaque concert a été soumis à une sélection d’une ou plusieurs pièces que l’on entend ici, elles sont au total au nombre de seize.

Zusaan Kali Fasteau compose et joue du sax soprano, du piano, du violoncelle, de la flûte Ney et Shakuhachi, de la batterie, des percussions et de la voix. Elle maîtrise tous ces instruments à la perfection et est entourée par de nombreux accompagnateurs au fil des concerts et des morceaux qui défilent. Ainsi on rencontre William Parker, Bobby Few, Somalia Richards au violon, Ron McBee au djembe, berimbau et cuica, Daniel Carter au ténor, Malick Saw, Jin Hi Kim, Goksel Baktagir et Ferruh Yarkin.

L’album est donc dominé parce qu’il est convenu de nommer la « World Music », en gros des musiques venues de partout avec une influence jazz ou free, folk ou tribale. De quoi se perdre la tête dans un tourbillon de musique universelle, toujours de qualité et souvent improvisée, mais avec une prise de son un peu éloignée, révélant un très léger effet de résonance. Disons qu’on n’est pas plongé à l’intérieur du son comme arrivent à le faire les majors qui ont des sous. L’album sort sur « Flying Note » le propre label de Zusaan.

J’espère que j’ai réussi à peu près à situer cette musique, perso j’adore vraiment et sans réserve, l’album ne court pas les rues, alors si vous en voyez un passer, ne le laissez pas partir et donnez-lui rapidement un petit coup de tapette à mouches, personne n’osera vous disputer votre prise et on vous regardera avec le respect qu’on doit aux hommes qui savent ce qu’ils veulent.

Kumba Mela


Elixir


Bamboo Forest


Lament to Wake the World
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 9 mai 2022 03:48

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William Hooker – Earth's Orbit (2010)

Voici un double LP de William Hooker, paru sur NoBusiness Records, dont je me souviens encore de l’excellente impression qu’il m’avait laissée dès la première écoute, l’occasion de partager cet engouement ancien. Le vinyle est limité à 500 et numéroté à la main, mais on le trouve encore facilement.

L’album se partage en deux parties distinctes, la première correspond au premier album et se nomme « Bliss East », et la seconde, sur l’autre volet « Bliss West ». La date des concerts est différente, la formule et le personnel également. Toutes les compositions sont de William Hooker.

Un trio réunit William Hooker à la batterie, Darius Jones au sax alto et Adam Lane à la basse, pour le concert donné le vingt-cinq mars deux mille sept, au « Stone » de New-York City. Cinq titres au total et un concert de feu. Dès la première pièce nous sommes saisis. William Hooker a la réputation d’être assez souvent versatile, n’hésitant pas à quitter sa chapelle et à mélanger les genres, ici rien de tout ça.

La prise de son très précise permet de profiter à plein du jeu de William à la batterie, puissant et très volubile, très axé sur les peaux, la restitution très ample se distribue sur la totalité de l’axe stéréophonique, ce qui donne une extraordinaire impression de richesse et de variété, les cymbales bruissent et claquent à souhait et les déplacements sur les toms sont aisés à suivre, pour un peu on pourrait imaginer le voir à l’image !

Les deux autres sont absolument infernaux, Adam Lane à la basse ne s’arrête pas une seconde, bien calé au centre droit, sa basse ronde offre de perpétuelles relances ainsi qu’une assise sans faille, son jeu est varié, très créatif, garantissant à ses partenaires une extraordinaire sécurité. Darius Jones est un feu follet, il s’engage à fond dans chaque solo, ne s’arrêtant guère sinon pour laisser la place, très imaginatif et brillant, il délivre un post bop créatif qui balance une énergie considérable. Ce premier volet est extrêmement convaincant.

Avec le second album nous passons côté West, en deux mille neuf, à la « Hemlock Tavern » de San Francisco. Hooker est entouré de Aaron Bennett au sax ténor, Weasel Walter à la guitare et Damon Smith à la basse. Une longue suite est jouée, « Tensegrity » répartie sur l’entièreté du second album.

Il faut bien reconnaître que les flammes attisées sur le premier volet ne rendent pas vraiment service à cette seconde partie, qui semble tout à coup un peu empruntée, dans un projet différent et lancinant, à tel point qu’une pause est presque nécessaire pour se « vider » de l’intensité de l’étape New Yorkaise avant d'écouter celle-ci.

Le son lui-même semble plus compacte, moins aéré, le partage est moins généreux pour chaque instrument. Aaron Bennett au ténor est bien servi au centre droit, après un départ un peu balourd il vocifère et réussit à libérer pas mal de puissance, bien poussé par William toujours aussi bon, qui lance et relance. La basse ici est moins véloce, elle prend son temps, souvent, et l’intensité générale n’est pas vraiment tenue.

La guitare donne une couleur plus rock, qui va bien. La seconde face est plus free, peut-être, plus échevelée, avec un final presque dramatique qui fait son petit effet. Pour une fois un double album qui demande -presque- à être écouté séparément, en aucun cas on ne pourra être déçu par un tel album et particulièrement pour ce premier concert, me semble-t-il, pour peu qu’on aime le bon jazz !

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 10 mai 2022 02:35

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Keith Jarrett, Jan Garbarek, Palle Danielsson, Jon Christensen - Sleeper (2012)

Keith Jarrett fait partie des grands oubliés de ce fil, peut-être trop évident, trop star ou tellement incontournable que je le contourne par mauvais esprit. Pourtant je l’ai beaucoup écouté, surtout dans les années soixante-dix ou quatre-vingts, et même après, mais plus souvent par intermittence. J’ai même quelques albums où il joue plutôt free, pendant les années soixante, dans le groupe de Charles Lloyd.

C’est un incontournable et il prend une bonne place dans les rayons, avec ces albums « Impulse » que j’aime toujours autant, et ces ECM également, ce label qu’il a tant aidé à s’épanouir et qui lui doit tant. Je retiens particulièrement dans mon panthéon personnel, « Ruta And Daitya », « Treasure Island », « Death and The Flower » et « The Survivors' Suite », ces deux derniers représentent le couronnement de cette période, je ne cite pas le « Köln Concert » que tout le monde connaît. Évidemment il y en a plein d’autres également, mais j’ai suivi Keith plus épisodiquement dans les années quatre-vingt-dix et après, pour autant l’attachement reste.

Et puis il y a cet album, paru seulement en 2012, et qui provient d’un concert donné à Tokyo le seize avril 1979, et nous revoilà à nouveau au milieu de cette belle période. Keith est entouré de sa « Team européenne », avec Jan Garbarek au sax ténor et soprano, ainsi qu’à la flûte et aux percus, Palle Danielsson est à la basse et Jon Christensen à la batterie et aux percus également.

J’ai souvent jugé un peu sévèrement Jan Garbarek, peut-être en comparaison avec Dewey Redman, je le trouvais froid, avec un son immédiatement reconnaissable, mais très prévisible. Aujourd’hui je me dis que c’est idiot, ce qu’il apporte est important et, finalement, si Jarrett est si bon en quartet c’est aussi grâce à lui.

Car ici tout est parfait, évidemment les amateurs savent à peu près à quoi s’attendre, mais on sent que quelque chose se passe, sans doute la cohésion entre les musiciens, le plaisir de jouer si évident, peut-être la magie du lieu aussi. Toutes les pièces sont excellentes, mais les deux plus longues me fascinent, « Personnal Mountains » et « Oasis », cinquante minutes à elles deux, véritablement envoutantes.

Je vous dis ça comme ça mais le double Cd se trouve facilement à petit prix, pour ceux qui écoutent encore ce support. Je n'ai pas trouvé d'extrait de cet album alors je vous propose le "Keith Jarrett 'European' Quartet 1st Set 1974" à Hanovre, qui donne idée, c'est le même personnel mais quatre années plus tôt, le son ici n'est évidemment pas au même niveau...

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 11 mai 2022 03:00

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Ken Vandermark – The Field Within A Line (2021)

Un album du mois de décembre dernier, le premier paru sur les « Black Cross Solo Sessions », il porte d’ailleurs le n°1, c’est d’ailleurs l'auteur de cet album qui est l’inspirateur de cette série. On retrouve le symbole de cette grosse croix noire qui figure sur les quatre disques parus. Un nouvel album du début du confinement donc, de la solitude et du « fait à la maison ».

Douze nouvelles pièces plutôt courtes, elles tiennent toutes dans l’heure et sont signées de Ken Vandermark. C’est bien en solo tout du long, mais les couleurs sont changeantes et variées finalement, car Ken fait alterner les instruments. Ainsi il joue du saxophone ténor, mais aussi du baryton, de la clarinette et de la clarinette basse.

Chaque pièce est dédiée à deux artistes, des musiciens comme Joe McPhee, Anthony Braxton ou Coleman Hawkins, mais aussi des peintres, des photographes, chorégraphes, réalisateurs ou écrivains. Une façon de « croquer » des artistes en quelques notes, comme un croquis rapide et ressemblant.

Dans les notes de pochettes il cite également Jean-Michel Basquiat : « "Si tu veux parler d'influence, mec, alors tu dois réaliser que l'influence n'est pas de l'influence. C'est simplement l'idée de quelqu'un qui traverse mon nouvel esprit" et Ken Vandermark de poursuivre « Comme une ligne dans un champ, comme un champ dans une ligne », ce qui est le titre de l’album.

Chaque pièce est ciselée, épaisse, malgré le silence et la maigreur du solo, comme frappée d’une densité inattendue et surprenante. Par exemple « Another Household Word » est jouée à la clarinette basse et dédiée aux cinéastes Robert Bresson et Abbas Kiarostami , la ligne est à la fois grave et poétique, souple et vive.

Sur « Shared Testament » il s’inscrit dans une sorte de blues qu’il dédie à Joe McPhee et à son père Stu Vandermark, qui était également compositeur de jazz. La pièce ne dure qu’une minute, serrée et condensée. Une sorte de Haïku sonore. Mais il y a plus court encore, « Capture Chaos » pour Tarsila do Amaral et Hélio Oiticica.

Oui, « le champ est bien dans une ligne », tant d’immensité rassemblées dans le souffle frêle et fragile du musicien face à son instrument. Un album « pourquoi pas ? »

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 11 mai 2022 17:29

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Roswell Rudd & Duck Baker – Live (2021)

Voilà un album qui fait vraiment plaisir, Roswell Rudd, bien que venant du dixieland, est une des figures historiques les plus importantes du free jazz, même si on ne lui accorde généralement pas un rôle de premier plan. Il joue du trombone et, dès les années soixante, a fait partie de l’historique « New York Art Quartet », du « Liberation Music Orchestra » et du « Jazz Composer's Orchestra » il a côtoyé tant de légendes qu’il est impossible de faire la liste. Il nous a quitté en novembre 2017.

Duck Baker est guitariste, il ne possède sans doute pas la même notoriété que son complice du jour, mais il est, lui aussi, un as de son instrument, c’est ce qu’on appelle un « guitariste pour guitariste », sa renommée est très grande parmi ses pairs qui lui vouent une grande admiration. Son répertoire est jazz, mais aussi folk ou blues, voire country. Il a été un moment basé à Londres.

Cet album, absolument inédit, n’est pourtant pas tout jeune. Il est issu de deux concerts, le premier au « Tonic » de New York, le cinq janvier deux mille deux et le second à l’Outpost d’Albuquerque, le vingt-huit mars deux mille quatre. Cinq pièces par concert, mélangées sur l’album, ce qui n’est en aucun cas gênant d'autant que cet enregistrement est peut-être unique dans son genre.

Il est en effet extrêmement rare d’entendre ces deux instruments en duo sur un album, pour ma part je ne vois pas d’autres exemples, mais il y en a peut-être… Allons directement au but, c’est extrêmement réussi, cet album est un enchantement pour peu que l’on aime la sonorité du trombone. Autrefois cet instrument était le roi du jazz à l’époque de la Nouvelle Orléans, puis, le temps passant, il s’est fait peu à peu chiper la vedette par les saxophones.

Mais il est encore là, car il possède des arguments, déjà c’est un cuivre, avec un son très rond et ce petit quelque chose d’imprécis qui lui donne du charme, comme s’il jouait en faisant des bulles. Il n’a pas son pareil pour faire pleurer les sons et, quand il est dans les mains de musiciens comme Roswell Rudd, ou Paul Rutherford que je rajoute pour faire plaisir, quasiment rien ne lui est impossible, si ce n’est d’échapper au carcan de sa tessiture, encore que…

Les deux sont également fan du légendaire pianiste Herbie Nichols avec lequel Roswell a travaillé au début des années soixante et à qui Duck Baker a rendu un hommage sur l’entièreté d’un album. Ici tout est léger et frais, il y a des relectures somptueuses, « Well, You Needn’t » et « Bemsha Swing » de Thelonious Monk, « Buddy Bolden’s Blues » de Jerry Roll Morton qui nous ramène loin dans le temps. Je pense qu’il doit y avoir une ou deux pièces d’Herbie Nichols car c’est l’admiration commune qu’ils ont pour ce musicien qui a motivé leur première rencontre, mais, en l’absence de crédit sur la pochette je n’ai rien trouvé, il est aussi possible qu’il n’y en ait pas.

Quoiqu’il en soit il y a des citations que l’on reconnait ici ou là, au milieu d’impros remarquables, les deux sont doués d’une complémentarité essentielle au service d’une même quête, c’est tellement évident qu’on les pense compères depuis des décennies, bien que ce ne soit pas le cas.


The Happenings (Live)


Well You Needn't (Live)


Buddy Bolden's Blues (Live)


Going West (Live)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 12 mai 2022 06:17

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Chet Baker – Albert's House (1969)

Chet n’est pas un ange, non, non. Il en a fait des conneries, plus qu’à son tour, pas des graves en tout cas, rien qui puisse l’envoyer très longtemps derrière les barreaux. De la dope, beaucoup de dope, et trouver l’argent pour se l’offrir, ça peut vous foutre en l’air, quand on a vendu pour la nième fois son instrument de musique, son instrument de survie…

C’est arrivé en 1966, à San Francisco, trop de passage derrière les barreaux, trop de dépendance à l’héro, et cette affaire qui a mal tourné, des dealers lui ont cassé les dents et fracturé la mâchoire, dur quand on est trompettiste, bon cette histoire tout le monde la connait, mais en fait, c’est l’après qui est absolument extraordinaire, cet homme qui se relève et joue d’une façon si sublime…

Les années sont passées, trois entières, avant qu’il ne puisse retourner en studio, pour que cet album paraisse, précisément celui-ci, en soixante-neuf. Alors forcément, il fait parfois un peu peine, Chet, ici. Oui, c’est certain, c’est pas avec cet album qu’on va grimper au rideau, ni danser la troïka. Mais on retiendra que c’est l’album du retour, une étape nécessaire dans la reconstruction, avec quelques-uns qui sont là, pour que ce soit possible.

Ceux de Beverly Hills, le label, déjà. Mais aussi Steve Allen, qui a apparemment organisé la session, et apporté avec lui onze des douze titres qui figurent ici. Rien d’exceptionnel les compos, du basique, des romances, des titres qui filent, quand l’ascenseur monte et redescend. Des musiciens aussi, Paul Smith qui joue du piano et de l’orgue, sans doute n’aide-t-il pas l’album à sortir de la naphtaline, mais ce n’est pas grave, c’est cool quand on monte et qu’on descend.

Il y a aussi Barney Kessel, qui a encore tous ses doigts, et qui est génial ici, quand on l’entend. A la rythmique il y a Frank Capp à la batterie et Jim Hughart à la basse, ils font le boulot, sans génie mais avec sérieux. Et puis il y a Chet qui a perdu les sons aigus de sa trompette, et qui se cantonne aux sons graves, il réapprend, refait le long chemin, on entend les hésitations, qu’il doit être difficile de réajuster la fertilité de l’imagination à l’étroitesse des moyens.

Cet album est peut-être le plus touchant de Chet, il suffit qu’il soit là pour que l’album ne soit plus banal, ni même oublié, car c’est l’album de l’espoir, de la petite graine qui pousse par la volonté d’un homme qui lutte pour que la vie soit possible. Il faudra encore attendre, avant qu’un jour Chet ne remonte sur scène, en 1973, et qu’il nous éblouisse encore et encore, avant la rechute…

Chet Baker - Albert's House


Chet Baker - End of the Line


Chet Baker - Pretty People


How Dare You Sir
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 13 mai 2022 02:38

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Healing Orchestra – Free Jazz For The People (2022)

Voici un double Cd commandé il y a quelques temps via bandcamp, et pas mal écouté depuis. C’est un groupe de treize musiciens qui en est à l’origine, sous la direction de Paul Wacrenier qui est également compositeur, pianiste et vibraphoniste. J’avoue ne pas le connaître avant cette parution, dont j’ai entendu parler sur les magazines spécialisés.

Le terme de « free jazz » dans le titre m’aurait plutôt envoyé un signe encourageant et positif, mais il ne faut pas se méprendre, même s’il existe une partie de l’album assez free, ce n’est pas ce qui domine ici, on pourrait plutôt dire « jazz moderne » qui plonge ses racines chez Gil Evans, Carla Bley ou Willem Breuker, dans une veine assez proche du Surnatural Orchestra.

Il y a un invité ici Sylvain Kassap qui joue de la clarinette et de la clarinette basse, ainsi qu’un groupe de musiciens tous épatants et véritablement excellents. A l’intérieur de la pochette chaque soliste est crédité personnellement, cette initiative est vraiment judicieuse elle permet de mettre en évidence tous ces talents que j’imagine jeunes, en tout cas brillants.

Car l’album est vraiment bon, dès le premier titre « Article 35 de l’an I » qui envoie sévère et vise haut, sur un album très dense qui ne semble jamais à court d’imagination et d’idées. L’album est issu de deux enregistrements en public, le premier en octobre 2020 au Petit Faucheux à Tours et le second, pour « The Fraternity Suite » qui se trouve sur une grande partie du second Cd, en janvier 2020 lors du Festival Sons d'Hiver, au Théâtre Jacques Carat de Cachan.

Bien qu’il y ait deux Cds l’album n’est pas démesurément long, moins de soixante-dix minutes au total, mais de grande qualité. La face une connaît également une suite en quatre parties, « Free Jazz For The People » qui emporte bien, sans pour autant se déstructurer exagérément, juste ce qu’il faut de folie pour vous emporter et vous offrir un voyage bien trippant. On peut citer également « Confluences », avant dernière partie sous la direction de Sylvain Kassap.

Finalement le véritable « free » tient sur les dernières secondes du très beau « Fraternity » et sur « A rare but Pleasant Feeling » qui enchaîne. La toute dernière pièce « Blooming in Though Days » est également magnifique. A noter également « Spirit Of Mal » qui est chantée par la voix de Fanny Ménégoz, également flûtiste, celle-ci côtoie également le Surnatural Orchestra, évoqué plus haut.

Un groupe qui mérite certainement du soutien car ils n’ont rien à envier à quiconque, le Cd est arrivé avec un petit mot accompagnant, le label qui le produit se nomme « Le Fondeur de Son », c’est celui que dirige… Paul Wacrenier !

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 14 mai 2022 01:54

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Kali Z. Fasteau – Oneness (2003)

Le monde de Zusaan Kali Fasteau est totalement à part, il apparaît ici dans toute sa bizarrerie et son étrangeté, et même dans sa différence pourrait-on dire, tellement elle se place et met l’accent là ou les autres ne vont plus, ne cherchent plus. Ici on trouve des petites pièces, des extraits d’œuvres, comme des carottages, pour saisir la substance essentielle, pas le truc qui plaît et qui fait mouche, on n’en est plus là depuis longtemps, non juste saisir l’essence, l’énergie première.

La démarche est presque sociologique, branchée directement à l’origine, là où tout a commencé. Elle explore les traditions musicales, les traditions ethniques pour en extraire sa vision d’artiste, qu’elle nous livre ici, à l’état brut. Qu’importe si les extraits sont coupés au mauvais endroit, si l’emballage est amateur. Il y a seize pièces plutôt courtes qui se succèdent. L’impression est double, toutes ces idées qui se succèdent à une vitesse folle, et déferlent sur vous sans prévenir, vous font perdre pied et tourner la tête. C’est étourdissant, où veut-elle en venir ? Quel sens donner à cet album ? Y a-t-il un message ? Quelque chose à comprendre ?

L’album commence par une pièce dantesque, deux minutes et cinquante-deux secondes, le temps d’apercevoir Coltrane lui-même dans un nuage de fumée, c’est l’extraordinaire Mixashawn Rosie et son ténor qui joue, en provenance de l’esprit « d’A Love Suprême », il revient un peu plus tard sur la douzième pièce, « Advice and Dissent », fantôme heureux et pimpant. Ce même Mixashawn qui joue également de la flûte de bambou et du djembe.

Mais il y a également la violoncelliste coréenne Okkyung Lee qui est là, je vous ai donné des nouvelles d’elle il y a peu à propos de ses malheurs pendant le confinement. Il y a aussi tous ces percussionnistes, Newman Tayler Baker, Marvin « Bugalu » Smith et Ron McBee qui jouent également du djembe, l’Afrique est là, mais aussi l’Amazonie et les tribus Indiennes d’Amérique du Nord. On entend tout cela sur cet album incomparable.

C’est brut, riche et fouillis, du copieux, le mieux c’est de se laisser glisser sur la pirogue et d’attendre, laisser faire, et juste ouïr, il n’y a pas de mal à ouïr, alors oyons de bon cœur ! L’album est paru sur le propre label de Kali Fasteau « Flying Note », il comprend comme souvent, plein de souvenirs de ses voyages et des sons nouveaux, non encore répertoriés, de quoi se faire un bon « décrassage » d’oreille.

Les amateurs de la saxophoniste, pianiste, flûtiste, chanteuse et percussionniste ne seront pas déçus ici !

Beyond Words


Elephants' Dance


Whales' Reverie


Coming Together
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 15 mai 2022 04:07

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Michel Portal – Dockings (1998)

« Dockings » est un album enregistré aux studios « Gil Evans » à Amiens en juin 1997 et paru l’année suivante sur le « Label Bleu ». Il se distingue par un accompagnement vraiment au top, avec Joey Baron à la batterie, une étoile de la galaxie Zorn, l’énorme Steve Swallow à la basse électrique, je suppose que c’est à sa présence qu’on doit la magnifique reprise de « Ida Lupino » signé par Carla Bley, avec laquelle il a déjà tant partagé.

Côté Europe il y a le fameux Serbe Bojan Zulfikarpašić, dont le nom sera, dans un très proche avenir, raccourci à « Bojan Z », qui deviendra pendant une période assez longue un incontournable de la scène française, et même une sorte de « chouchou », il faut dire qu’il est énormément talentueux. Il y a également le trompettiste Markus Stockhausen, fils du célèbre compositeur et soliste éprouvé. Bruno Chevillon est à la contrebasse, en dialogue avec Steve Swallow et, bien sûr, l’hôte du jour, Michel Portal, compositeur et homme plein de sagesse et d’expérience, qui joue du saxophone alto, du bandonéon, de la clarinette et, majoritairement, de la clarinette basse dont il nous régale.

Par bonheur il y a cohérence entre le personnel et la qualité de l’album, il est vraiment bien réussi et crée une grande variété de climats, de titres avec atmosphère, de magnifiques bulles qui racontent des histoires ou campent des personnages, libèrent l’imagination et la fantaisie, les mystères et les charmes. Par surcroît le disque est d’une grande accessibilité, on y entre facilement, il suffit de pousser la porte. Chacun brille à son poste et sublime son solo, ainsi on vole haut, même si les pièces sont plutôt courtes ou moyennes pour ce qui concerne leur durée, elles se transcendent par l’éclat des musiciens, la brillance du propos.

Incontestablement un album parfait du maître de séance, qui a su réunir et fédérer de très grosses pointures.

Michel Portal - Barouf


Michel Portal - Dolphy


Michel Portal - Ida Lupino


Michel Portal - Lion's Dream
Modifié en dernier par Douglas le lun. 16 mai 2022 10:23, modifié 1 fois.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 16 mai 2022 01:47

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All Included – Satan In Plain Clothes (2015)

« All Included » est un quintet scandinave formé de suédois et de norvégiens. Côté Norvège on trouve le bassiste Jon Rune Strøm, le batteur Tollef Østvang et le trompettiste Thomas Johansson. Côté Suède il y a le tromboniste Mats Äleklint et le saxophoniste Martin Küchen. Cinq musiciens réunis à Oslo en décembre 2014 pour un concert à la « Nasjonal Jazzscene », celui-là même qui a donné lieu à cet album, Satan en civil, délivré de son encombrant uniforme et de ses accessoires, tel que vous le voyez sur la pochette, donc.

C’est un album enregistré en vinyle sur le label portugais Clean Feed, un de ceux qui compte, bien au-delà de l’étrangeté de cette pochette. Ces musiciens sont redoutables, la section rythmique déjà est une machine efficace, ancrée dans le sol, elle y puise une phénoménale énergie qui se transforme en tension sous les doigts de Strøm, du groove et de la souplesse, ça va bien pour faire avancer le drakkar sans trop tanguer, ou alors juste ce qu’il faut.

Les souffleurs sont géniaux, ce sont des surdoués hyper-créatifs qui ne font qu’un, tantôt à l’unisson, ça pulse, tantôt croisés, ça relance, tantôt à l’aventure, ça libère. L’album est puissant, dynamique, il balance et envoie, donne envie de taper du pied et de balancer la tête. La musique s’adresse au corps et vous invite à capter l’énergie qui passe, juste pour saisir les bonnes ondes et en profiter.

Il y a de l’esprit tribal ici, du hard bop en herbe qui aurait mal poussé et se serait encanaillé au son d’Ayler, histoire de parler aux esprits et aux anges, aux démons et au diable lui-même, fut-il en costume trois pièces. L’album possède également ses titres calmes, ses envolées lyriques mêmes, avec des pulsions, des embardées et toujours cet impeccable jeu à trois, qui emporte et fascine.

Recommandé.

Satan in Plain Clothes


Tune for Martin


I've Been Lied To


Despair Is in the Air
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 17 mai 2022 03:51

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Mike Osborne Trio ‎– Border Crossing (1974)

Mike Osborne est un musicien anglais, saxophoniste, plutôt à l’alto, mais également clarinettiste et même pianiste à l’occasion. Né en 1941, il a passé dix années de sa vie au sein des orchestres de Mike Westbrook, il a côtoyé des musiciens de renom, comme Alan Skidmore ou John Surman, chez qui il restera également.

En 1970 il forme un trio avec le batteur Sud-africain Louis Moholo et le bassiste Harry Miller. C’est dans ce contexte qu’il enregistre cet album sous son nom. Au titre de l’anecdote c’est également la même année et chez le même éditeur qu’Harry Miller a sorti le fameux « Children At Play », bien aimé des amateurs de contrebasse.

S’il fallait rechercher dans la vitrine des altistes contemporains de Mike Osborne, il me semble que deux noms surgissent très rapidement, des influences sans doute, mais quel altiste n’a pas été influencé par ces deux-là ? Je pense à Jackie McLean pour l’attaque et la puissance et à Steve Lacy pour le phrasé et l’art répétitif également. Il y a un peu tout cela mélangé dans le son de Mike Osborne.

La formule du trio est d’ailleurs très révélatrice du jeu de chacun et particulièrement de celui de Mike, très carré, expressif avec un côté « rentre dedans » qui fait bien, comme sur « Riff ». Mais il est également pourvoyeur de mélodie et peut se montrer très sensible dans les passages lents. Son éventail est assez large, son expression sincère et sans fard. A cette époque déjà il faisait partie des saxophonistes britanniques les plus en vue.

Louis Moholo se montre également à son avantage, son jeu est très en évidence sur cet enregistrement, autodidacte il a su se forger sans mal un style personnel qui évoque toutefois le grand Elvin Jones, avec lequel il partage le goût de la liberté. Il assure et en même temps joue un peu comme un soliste, ce qui deviendra la marque des batteurs de cette époque.

Avec Harry Miller on trouve l’autre pivot de la section rythmique du « Chris McGregor's Brotherhood Of Breath » qui, cette même année, va graver le très bon « Live At Willisau », une période très riche en effet ! Harry joue le plus souvent pizzicato, mais il sort de temps en temps son archet comme sur « Ist » et ses airs de folklore. Très solide il est la troisième pierre brute ici, c’est l’axe autour duquel tout se passe. La seule compo qui n’est pas signée « Osborne » est de lui, « Awakening Spirit ».

Un bon album, âpre et sec, direct et sincère.

Mike Osborne Trio - Border Crossing 1974 - Full Album

1. Ken's Tune,
2. Stop and Start, 08:50
3. Awakening Spirit, 12:50
4. Ist, 23:00
5 Animation,
6. Riff,
7. Border Crossing

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 17 mai 2022 15:09

Je remonte cet excellent album paru il y a moins d'un an...
Douglas a écrit :
mer. 26 janv. 2022 05:45
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Retour à l’actualité de 2021 avec cet album sorti en hommage à un autre grand du free, Cecil Taylor. Ce sont trois musiciens qui le côtoyèrent à un moment ou à un autre qui sont ici réunis, le bugliste Enrico Rava, le contrebassiste William Parker et le batteur Andrew Cyrille. L’album se nomme « 2 Blues For Cecil », il est sorti sur « Tum Records » un label finlandais. Il a été enregistré il y a environ un an, en février 2021, à la suite du festival « Sons d’Hiver ».

On y trouve des improvisations, des titres signés par chacun des musiciens, ainsi qu’une reprise de « My Funny Valentine », en fin d’album. Encore un Cd bien plein, il dépasse les soixante-dix minutes. Il contient un livret intérieur assez complet qui reprend la bio des musiciens ainsi que différents renseignements et quelques photos.

Celui qu’on n’attendait peut-être pas dans ce trio c’est Enrico Rava qui joue du bugle ici. C’est sans doute lui qui joua le moins longtemps aux côtés de Cecil Taylor parmi les trois, mais j’ai bien écouté l’album qu’il enregistra en 1988 en compagnie du « Cecil Taylor European Orchestra », et c’est bien l’un des meilleurs du pianiste. J’imagine sans peine que chaque membre qui participa à ce chef d’œuvre fut marqué par cet enregistrement, et envié par ses pairs qui auraient sans doute aimé prendre part à ce grand orchestre phénoménal.

William Parker a fait partie du Cecil Taylor Unit entre 1980 et 1991 et Andrew Cyrille participa aux légendaires « Unit Structures » et « Conquistador ! » ainsi qu’à un grand nombre d’albums. Ce sont des proches qui connaissaient intimement l’intègre musicien.

On sent à la fois le respect et l’admiration qu’ils avaient pour le géant en écoutant ce magnifique album. On pourrait hâtivement le classer dans le free mais ce serait une erreur, il y a également beaucoup de blues ici, la musique bleue de la peine et de la tristesse que l’on ressent parfois…

Ce que je voudrais dire c’est qu’ici on a probablement un des meilleurs albums d’Enrico Rava, sans jamais tomber dans l’esbroufe ou la vélocité gratuite, nous sommes, bien au contraire, face à un album où le feeling et la simplicité transpirent dans son jeu. Mais il faudrait ajouter aussitôt que c’est aussi probablement un des meilleurs de William Parker, c’est lui le grand timonier celui qui donne le cap et l’assise à ses deux compères.

Mais, ce serait encore aller un peu vite, si on oubliait de souligner qu’il se pourrait bien que ce soit également un des meilleurs enregistrements de Cyrille qui, ici, donne du tambour et des cymbales tel un décorateur- ornementiste des grands espaces, marquant le tempo comme sans y prendre garde, y compris à l’aide de trous d’air, de vides, tel un grand magicien des rythmes.

Ballerina - Andrew Cyrille, William Parker, and Enrico Rava
Modifié en dernier par Douglas le mer. 18 mai 2022 04:33, modifié 1 fois.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par nunu » mar. 17 mai 2022 16:21

Michel Portal, le Miles Davis Francais comme dirait un collegue :hehe:

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 17 mai 2022 17:52

nunu a écrit :
mar. 17 mai 2022 16:21
Michel Portal, le Miles Davis Francais comme dirait un collegue :hehe:
Ça me fait penser à un vieux papier lu sur un numéro de Rock&Folk ou le journaliste (je ne sais plus son nom) parlait du "Mick Jagger français" c'était...

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Julien Clerc!
Ça a fortement et durablement dégradé l'image du vénérable R&F dans mon esprit.
:gratzzz:
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 18 mai 2022 04:38

Revoici un autre album qu'il est bon et dont j'ai rétabli la pochette récemment:

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Marc Ribot's Ceramic Dog - Hope

Je suis avec assiduité le « Marc Ribot's Ceramic Dog », autrefois plus simplement nommé Ceramic Dog, sans doute des raisons commerciales poussent à mettre en avant le guitariste et principal compositeur pour le groupe, Marc Ribot, qui jouit d’un grand prestige bien au-delà du jazz.

Et d’ailleurs si ses racines sont bien jazz, cet album s’en éloigne d’une certaine façon, en rejoignant la musique rock et plus largement celle qui se moque des petites cases et des étiquettes. Cet album est fait pour plaire à tout le monde…

C’est un album du confinement, Marc Ribot a réuni son trio, Shahzad Ismaily à la basse et aux claviers en compagnie de Ches Smith, batteur, percussionniste et à l’électro. Les trois se sont rencontrés sans se toucher, séparés par des cloisons dans le studio, communiquant au travers des micros, le casque sur les oreilles, sans même pouvoir se voir…

De quoi laisser place à l’imagination, à l’intuitif, au feeling et, parfois les effets sont grands car l’album est magistral. C’est vrai, je suis fan, donc pas compliqué à convaincre, mais il me semble que cet album est une véritable réussite, en premier lieu par sa diversité, on glisse d’un style à l’autre sans que jamais ça n’étonne, un peu comme si la route le décidait et que le fil qui se déroule est à la fois sinueux et nécessaire.

Le premier vinyle est le plus immédiat, parfois carré, direct, qui touche au cœur, à d’autres moments il frappe par le côté, avec de petites banderilles qui arrivent au bon endroit, comme sur « The Activist » qui vise Donald Trump. Le format chanson est très usité et c’est plutôt un régal. Sur le second vinyle c’est un peu plus expérimental mais toujours aussi passionnant, musique de climat, de sensations, l’esprit s’envole et fait cache-cache avec le dehors où tout se ferme. La face D se fige pendant seize minutes, elle n’existe que sur quelques versions vinyles, un son continu qui varie parfois un peu, gagne puis perd en intensité, comme un drone…

« Hope » nous dit Marc Ribot, « c’est cela, oui… »

B-Flat Ontology


The Activist


Maple Leaf Rage


They Met in the Middle
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