J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 27 juin 2022 04:06

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Minino Garay – Speaking Tango (2022)

Voici un album dont le jazz n’est que l’un des ingrédients, certes important et même essentiel, mais il partage les premiers rôles avec le « Spoken Words », car ici ça papote tout le temps, plutôt en espagnol, le dernier ingrédient est argentin, le tango qui figure dans le titre bien sûr, mais plus largement la musique traditionnelle de là-bas. On pourrait également ajouter une pincée d’influence parisienne, car Minino est installé à Paris.

L’album a été enregistré en partie à Paris en novembre 2020 et également à Buenos Aires en janvier 2021 pour l’autre moitié, ensuite il a été finalisé à Paris, histoire de fignoler tout ça. Il est vrai qu’il sonne bien, il est très dynamique, sautillant et dansant, donnant l’envie de bouger le pied. Allez savoir pourquoi il me fait penser à Paolo Conté, pourtant italien, peut-être cette chaleur dans la voix ou ce piano très en avant, c’est d’ailleurs le nom du pianiste de l’album, Hernan Jacinto qui est mis en avant sur la photo de la pochette.

D’ailleurs côté personnel il y a vraiment beaucoup de monde, Dédé Ceccarelli à la batterie sur quatre titres et Pipi Piazolla, le petit-fils d’Astor Piazzolla, à la batterie également, Manu Codjia est à la guitare, David lynx chante sur une piste, Alex Pandev sur une autre en français « Boca con Boca » et Magic Malik à la flûte, il parlotte aussi. Il y en a d’autres qui sont là également mais je ne cite que les plus connus.

L’ambiance est très chaude, sensuelle, voire érotique, malgré que je ne comprenne pas les paroles, il est des signes qui ne trompent pas. Les rythmes également sont riches, en effet Minino Garay est essentiellement percussionniste, mais il est également co-auteur de pas mal de titres ici.

Un album qui respire les voyages, le sud et la chaleur, la danse enlacée, le tango. Et ces rythmes latinos qui envoûtent et tissent une trame qui s’adresse aux sens et fait bouger les corps, musique de danse et de séduction, des soirées longues et des nuits chaudes, à la virile étreinte et au charme moustachu de ces musiciens latins, à la barbe sans cesse naissante…

Un album très sympathique donc, orienté plutôt grand public, qui passe très bien, même sans comprendre la langue.

Amame online


Boca con boca


Que carajo


Señora Doña Igualdad
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 27 juin 2022 20:19

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Biréli Lagrène – Solo Suites (2022)

Pour situer, pour ceux qui ne connaissent pas, Biréli Lagrène a été souvent qualifié d’héritier de Django Reinhardt, il faut dire qu’à l’âge de treize ans il a joué aux côtés de Stéphane Grappelli, ça vous marque forcément, surdoué donc. Quelque part on pourrait dire qu’il a toujours gardé ce côté en avance, précoce, devenant une sorte de prodige.

Le jazz manouche ça lui a longtemps collé à la peau, son côté virtuose éblouit les foules et fascine les autres guitaristes, il a même créé le « Biréli Lagrène Ensemble » puis le « Gipsy Project », mais Biréli n’est pas de ceux qui exploitent les filons à fond, ce qui l’intéresse avant tout c’est la musique, l’émotion, un gars simple et honnête qui laisse un grand souvenir partout où il passe, alors le jazz manouche oui, il l’aime, le joue et le défend, mais il ne s’enferme pas dans un genre ou un style.

La musique c’est sa vie, son carburant il a atteint un tel niveau technique, harmonique, de telles facilités pour écrire ou improviser qu’il ne s’intéresse qu’à l’essentiel, déclarant même que « le silence est parfois plus important que la musique ». Cette maxime est son moteur ici, pour ce premier véritable enregistrement en solo.

La guitare est jazz, mais elle sonne parfois presque folk, toute nue, exceptée sur le dernier titre « Angel From Montgomery », une reprise, où sa fille Zoé chante à son côté. Bien entendu Biréli a réfléchi à son projet, l’a préparé et organisé, pensé, mais il ne l’a pas répété, il est entré en studio et s’est lancé dans les improvisations, dix-sept titres au total, éblouissantes, délicates. Un morceau supplémentaire se cache également, au fond du fond.

Il y a bien quelques reprises, comme « Nature Boy », « Caravan », My Foolish Heart » et « Put Your Dreams Away » mais les interprétations qu’il en fait sont toutes personnelles et permettent d’en créer une autre vision. Ce qui caractérise le mieux son style c’est la pureté des lignes, claires et directes, simples, comme il est. Une musique toute en sincérité qui vient du cœur, généreuse, comme une offrande. Il a beaucoup travaillé les harmonies et sa technique n’est qu’un outil parmi d’autres pour arriver à cet « essentiel » qu’il nous livre ici.

Vraiment un magnifique album, sorti en même temps que celui de John Scofield dont je vous ai parlé également. Il faut souligner également la performance au niveau de la prise de son qui nous plonge à quelques centimètres des cordes…

Nature Boy


Caravan


Blue Blues


Angel for Montgomery
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 28 juin 2022 16:31

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Franck Vigroux / Elliott Sharp – Hums 2 Terre (2007)

Avant de parler de l’album lui-même un petit mot concernant le label « Signature » qui concerne les enregistrements de Radio France. C’est un label particulièrement intéressant, orienté vers les musiques nouvelles, électroniques, d’avant-garde ou de musique contemporaine, il n’est pas rare d’y entendre des musiciens de free jazz ou de musique expérimentale, j’en ai un petit rayon en bas d’une armoire, c’est à chaque fois une surprise sonore qui ne déçoit pas.

On les remarque facilement, particulièrement les premiers de la série qui avaient pour couverture une lettre de l’alphabet ou un signe typographique, ce sont des digipacks deux ou trois volets qui ferment au contact de deux aimants. Les premiers volumes datent du début des années deux mille, il est prudent de les ouvrir délicatement avec un couteau pour séparer les deux aimants, si l’exemplaire est ancien et n’a jamais été ouvert, en effet il n’est pas rare de les trouver neuf, si vous en rencontrez, soyez curieux.

Celui-ci contient un très grand poster qui reproduit la couverture, une peinture de Bertrand Bonnafous, au verso quelques mots de chacun des musiciens ainsi que des renseignements. Ainsi on apprend que Frank Vigroux joue de la guitare, de la platine, du clavier et du « minidisc ». Elliott Sharp joue également de la guitare, du piano, d’instruments à anche, de l’électro et du « computer processing ».

Les deux se sont rencontrés à la « Knitting Factory » de New-York en septembre deux mille cinq, ils sont partis ensuite en tournée et ont profité de quelques trous dans les dates pour enregistrer cet album, en mai et décembre de deux mille six. Cet album contient uniquement de la musique improvisée intégrant des enregistrements type field recording.

Tout ici est question d’énergie, les deux utilisent les guitares électriques dont les sons sont souvent mélangés aux tessitures sonores électroniques. Ainsi se lient et se combinent bidouillages électro, effets divers, rythmes pré-enregistrés et bruits de rue ou de conversation. La multitude des sons ainsi générés sont habilement mis en scène et intégrés dans une structure improvisée.

Les deux se connaissent et ont l’habitude de jouer ensemble si bien que tout semble couler de source, dix séquences sont répertoriées avec des titres évocateurs, « Cheval de Frise », « Bétonnière », « Fatal Error », « Hum de Terre », « Bang Sang Hang » on le voit, les noms eux-mêmes sont évocateurs.

Un album riche, véhiculant une forte puissance évocatrice, ceux de la terre et du métal, des éléments premiers, comme cet « Homme de terre » caché dans le titre.

Hum de terre


Cheval de frise


Fatal error


Contrario
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Message par Douglas » mer. 29 juin 2022 09:24

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Pharoah Sanders- Moon Child (1990)

Voici une nouvelle aventure de Pharoah, enregistré à Paris les douze et treize octobre mille neuf cent quatre-vingt-neuf aux Studios Davout pour le label batave « Timeless Records ». Sans doute cet album ne constitue-t-il pas un poids lourd de la discographie de Pharoah mais regardons ça de plus près.

Le saxophoniste joue du ténor et même du soprano, et plus encore il chante sur la première pièce, « Moon Child », sans être crédité sur l’album, c’est également le seul titre de sa composition ici, une ballade sans véritable relief mais qui passe bien, gentillet mais pas mémorable. On se souvient de l’album « Welcome To Love » dont nous avons déjà parlé, enregistré sur le même label, à la suite de celui-ci pour quelques mois.

On retrouve également cette dominante dans le genre ballade, comme « Moon Rays» d’Horace Silver qui suit dans l’ordre des pistes. C’est sans doute la troisième pièce la plus intéressante et la plus dynamique, avec un Pharoah qui gronde un peu, allant chercher les sons anciens au fond de sa mémoire et ressuscitant le souvenir de la raucité antérieure. « The Night Has A Thousand Eyes » est aussi la pièce la plus longue, dépassant les douze minutes. Pour autant elle ne tranche pas avec les autres titres, restant tout de même assez mesurée, bien que plaisante.

Pharoah s’est bien entouré de musiciens confirmés dont le plus connu sera le percussionniste Cheick Tidiane Fall qui fera une belle carrière, mais les autres sont également bons, William Henderson au piano, Stefford James à la basse et Eddy Moore à la batterie. Le son de l’album est également parfait, mettant en valeur chacun des musiciens.

Deux standards suivent, « All Or Nothing At All » et « Soon » qui s’inscrivent dans ce post bop un peu convenu sans bouleverser, même si le timbre du saxophone reste aisément reconnaissable et appuie sur les mécanismes du cerveau qui envoie le bon feeling, tout cela est bien sage et ne saurait se comparer à la fureur juvénile ou même à la transe qui présidait aux concerts anciens.

On attendait avec appétence la dernière pièce, « Moniebah » signée d’Abdullah Ibrahim ou Dollar Brand, est-il spécifié sur le livret, bon, l’espoir est un peu déçu, c’est bien fait, mais dans les pas de l’auteur, sans véritable prise de risque, ça ne décollera pas…

L’album est donc agréable, mais très en deçà des espérances, forcément, a-t-on envie de rajouter aussitôt.

The Night Has a Thousand Eyes


Moon Child


Moon Rays


Moniebah
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 30 juin 2022 03:15

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Pharoah Sanders Quintet - Pharaoh (1965)

Et voilà que l’envie me prend de continuer un peu la route avec Pharoah, du coup autant choisir son premier album en leader, « Pharaoh », paru en mille neuf cent-soixante-cinq sur le mythique label ESP consacré en bonne partie au free-jazz et aux musiques alternatives, je ne mets pas en photo l’original, mais la réédition de soixante-neuf que je possède avec le nom de la formation inscrit sur la pochette, c’est toujours un plaisir de poser la galette sur la platine et de toucher ces pochettes anciennes, souvent pleine d’histoires, parfois dissemblables, car fabriquées de bric et de broc.

En gros le contexte est le suivant, à New York Pharoah commence à être connu, il joue avec Billy Higgins, Don Cherry, Rashied Ali, John Gilmore et Sun Ra, on trouve des témoignages sonores de ses performances avec le Grand Mage. Cet enregistrement est effectué en septembre 1964, avant des rencontres qui vont bouleverser son destin, celle d’Ornette Coleman avec lequel il enregistrera la sublime « Chappaqua Suite », et celle de John Coltrane avec lequel il sera invité sur « Ascension », on connaît tous la suite de cette extraordinaire aventure.

Pour l’heure le voici leader d’un quintet où il joue du ténor, Stan Foster est le trompettiste, Jane Getz est au piano, William Bennett à la basse et Marvin Patillo aux percussions. Deux longues pièces sont jouées, une par face, la première se nomme « seven by seven » et la seconde « bethera ».

Peut-être que certains s’attendent à un album fou furieux plein de rage et de cris, free et libertaire, et bien ce n’est pas le cas. Il serait faux de dire que Pharoah reste constamment sage et classique, particulièrement sur la face une où il se montre plus rageur dans son approche, lâchant un peu de mordant dans ses solos, ce sont d’ailleurs les meilleurs passages de l’album. Il faut faire attention car les labels sont inversés, par conséquent les noms des morceaux également.

Il est évidemment intéressant d’écouter cet album si on veut aborder l’évolution de ce grand musicien, incontestablement il y a déjà à cette période en germe ce qui deviendra la spécificité du son de Pharoah, ce sur quoi il va travailler et creuser, pour développer ce son majestueux et solennel, entier et incandescent. Déjà, au milieu de ce contexte hard bop, il secrète la petite flamme qui grandira.

On remarque également sur la piste une, décidément intéressante, des passages où l’orchestre n’est pas si loin de suivre l’exemple coltranien, particulièrement dans le jeu de la pianiste Jane Getz et du bassiste William Bennett.

L’album est bon, il saura satisfaire les amateurs de Pharoah qui possèdent déjà l’ensemble de ses albums sur Impulse, ceux-ci semblent tout de même prioritaires, même s'il est utile de les différencier.

Pharoah Sanders Quintet Seven by Seven (labelled Bethera on the disk)


Pharoah Sanders Quintet Bethera (labelled Seven by Seven on the disk)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 1 juil. 2022 01:11

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John Coltrane Featuring Pharoah Sanders – Live In Seattle (1971)

Laissons John Coltrane s’exprimer : « Physiquement je ne peux aller au-delà de ce que je fais actuellement dans la forme que je pratique. Cela m’effraie toujours de penser que je vais devoir encore changer. Très souvent, quand je suis à un tournant je repousse l’échéance afin que tout le monde puisse ma comprendre avant que j’ai déjà changé. »

L’une des réponses aux interrogations que John Coltrane pose, sera l’arrivée de Pharoah Sanders. Ce dernier va jouer sur beaucoup d’albums qui suivront, on peut citer parmi d’autres « Ascension (1965) », Kulu Sé Mama (1966) », « Meditations (1966) », « Expression (1967) », « Live At The Village Vanguard Again! (1967) », « Om (1967) », « Cosmic Music (1968) » et bien sûr ce « John Coltrane Featuring Pharoah Sanders – Live In Seattle » qui sera enregistré au « Penthouse » de Seattle, le trente septembre mille neuf cent soixante-cinq, trois mois après « Ascension ».

Cet enregistrement est le premier « set » où les deux jouent ensemble, on le sait, John est malade, il a besoin d’un autre souffleur à ses côtés. Il a eu sa première rencontre avec le jeune Pharoah en mille neuf cent cinquante-neuf, ces derniers temps il a beaucoup parlé avec lui et Pharoah défriche des territoires nouveaux, où Coltrane n’a pas posé le pied, ce sera donc lui, et pas un autre, qui sera choisi.

Cet album voit intervenir un autre musicien nouveau, Donald Garrett à la clarinette basse, les trois autres sont les musiciens attendus, le pianiste McCoy Tyner, le bassiste Jimmy Garrison et le batteur Elvin Jones. C’est John lui-même qui fait intervenir un technicien pour enregistrer le concert, le son n’est pas parfait mais on s’en contente largement, malgré les petits défauts : Coltrane, les amis, Coltrane qui innove encore pour nous !

J’écris à partir du double Lp sorti en France à l’époque, il n’y a donc pas les deux titres que l’on peut entendre sur les rééditions Cds. Ça s’ouvre avec « Cosmos » qui nous plonge directement au cœur du sujet, c’est une nouvelle pièce au répertoire qui ne s’intéresse guère à la mélodie, Coltrane a quitté ces territoires et ne s’intéresse qu’à « l’harmonie primitive » et surtout à l’atonalité.

C’est là où il en est, chaque renoncement, chaque avancée vers une autre musique est un pas qui le rapproche de l’essentiel, un endroit qu’il cherche à atteindre et où lui seul peut nous mener. La musique est âpre, grave, sans compromission aucune, dont la conclusion fatale sera, entre autres, la disparition du quartet idéal, les trois qui le suivent depuis si longtemps devront faire la place, mais pour l’heure chacun est à sa tâche et tente de s’inscrire dans le projet de John.

Coltrane est encore très vaillant au ténor et c’est bien lui qui performe le plus, tandis que, dans le lointain, s’entend la performance de Pharoah qui donne de l’épaisseur au discours de John, en suivant un chemin différent. La seconde pièce est « Out Of This World » dont une partie siège sur la première face et l’autre sur l’entièreté de la face deux.

Certains, parmi les admirateurs de Coltrane, auront du mal à franchir le pas de cette nouvelle musique et feront porter une certaine responsabilité de cette évolution au pauvre Pharoah qui deviendra une sorte de « bouc émissaire » responsable de ces changements, c’est évidemment ridicule, ou alors il ne faut pas faire grand cas de la personnalité de Coltrane qui a passé l’entièreté de sa vie à chercher et à se dépasser. Pour dire les choses, et malgré les imperfections techniques, Pharoah n’a jamais aussi bien joué qu’aux côtés de Coltrane, comme ici quand il dialogue avec lui, s’époumonant avec force, second rôle sacrificiel et indispensable.

« Evolution » occupe la face C et les deux tiers de la face D, on y entend une intro avec Coltrane et Donald Garrett à la clarinette basse auxquels se joint Pharoah, Jimmy Garrison à lui seul soutient le trio, il constitue bien souvent le « liant », celui qui permet à l’ensemble de tenir, jouant également un rôle d’équilibre entre Coltrane d’un côté, et McCoy Tyner et Elvin Jones de l’autre.

La musique de Trane, débarrassée de ses scories, comme ici, est une musique de tension, sans confort, un son brut auquel il faut faire face. Il y a de la rusticité ici, mais aussi du souffle Aylerien, comme le fait émerger Garrett, et c’est au sortir des flammes de l’enfer que la beauté apparaît. Ainsi le son de Trane lui-même est-il une voix déchirée, un cri qui hurle et vocifère, un gémissement, une plainte, une multitude qui se dresse et se lève. L’album se termine par une belle impro de Jimmy Garrison à la basse, ramenant quiétude et sérénité…

Au fil de l’écoute on comprend également la nécessité de la séparation, McCoy se raccroche à ses vieilles lunes, cherchant dans les thèmes de quoi se nourrir, malgré les efforts, le grand Elvin, si généreux, également. C’est que « OM » sera enregistré dès le lendemain de ce concert, une improvisation collective dont Coltrane reculera sans cesse la sortie, le trouvant encore imparfait…

Une étape assez radicale de l’épopée Coltranienne qu’il vaut mieux, pour la comprendre, aborder dans la continuité, entrer dans le tunnel et n’en sortir qu’à la fin, si vous en avez le temps, le courage et l’envie.

John Coltrane / Live in Seattle (Disc1)


John Coltrane / Live in Seattle (Disc2)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 1 juil. 2022 10:59

Je remonte un autre album qui nous parle d'un concert qui s'est déroulé le 11 novembre 1966 une période très dense pour Pharoah...
Douglas a écrit :
mer. 18 mars 2020 08:37
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Quand il est paru en 2014, je l’avoue, cet album m’a bouleversé. Tant d’années passées en compagnie de la discographie du géant, à l’écouter, à la scruter même, à me fondre dans sa musique, les albums de toutes les époques, mais celle qui m’a le plus fasciné, interrogé, remis en cause, c’est la dernière, celle qui dépasse l’entendement, dépasse l’idée même de musique…

Il est arrivé en 2014, son nom, Offering: Live At Temple University, double LP cossu avec des cartes postales à l’intérieur, insert, pochette Impulse US, numéroté, du solide. Pour ce qui est de l’enregistrement la qualité technique est assez moyenne, la prise de son imprécise, un morceau est incomplet, le rendu est très imparfait mais un effort est fait pour l’écoute des ténors. Je conseille de monter le son.

Le contexte de ce concert n’a rien de réjouissant, il s’est déroulé à Philadelphie en 1966, le onze novembre. L’époque n’était pas très propice au jazz d’avant-garde, le lendemain la presse titrera « Une pauvre affluence au show de Coltrane », un tiers de la salle est remplie et elle se vide pendant le concert. L’échappée commence dès le début avec une version de « Naïma » transfigurée. Et puis il y a « Crescent » le premier chef d’œuvre ici, Pharoah dépasse tout, une expérience d’écoute difficile à transmettre tellement elle est intense, mais certains n’y entendront que du bruit. Je pense qu’encore aujourd’hui beaucoup n’iront pas au bout de cet album, y’a des trucs qui ne sont pas fait pour tout le monde, on ne peut rien y faire, c’est comme ça...

Pourtant, en 2014, entendre Coltrane ressuscité des morts, ce fut un cadeau extraordinaire, miraculeux, particulièrement pour ce concert précis, pour ces moments de sincérité totale arrachés au temps, cette version de « Léo » complètement allumée, irréelle, transcendée par le souffle du ténor de Pharoah qui se donne totalement, se vide de son énergie, tout au bout du souffle et du don de soi. Place ensuite à une tornade de rythmes engagée par Rashied Ali et l’armée des percussionnistes qui se consume, complètement survoltés, chose inouïe, Coltrane scande une mélopée, il chante ! Micchael Brecker était présent il raconte sur Jazzmag n° 665 : « Je me souviens que Coltrane tapait sur sa poitrine en criant. J’étais abasourdi, je ne m’attendais pas à ça. En découvrant le CD (un pirate) je me suis aperçu qu’il ne criait pas mais qu’il chantait magnifiquement, très fort, tout en intervalles. La musique était très free. Coltrane était évidemment incroyable, et Sanders au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. » Vient le solo de Trane, le souffle est plus court désormais, les phases sont brèves mais s’enchaînent fiévreusement donnant un sentiment d’urgence, la musique s’emballe… puis tout à coup s’arrête d’un coup, le bras se lève : Il faudra imaginer la fin de son solo.

De l’autre côté de la galette, face D, « Offering » qui claque, lumineux, Coltrane quasi seul, bien que l’on entende Alice au loin, la courte pièce s’achève avec un solo de basse de Sonny Johnson. « My Favourite Thing » au soprano pour finir, un tapis de percussions incessant et Steve Knoblauch, au soprano lui aussi qui déchire à son tour… Coltrane a dû batailler encore et encore pour imposer sa musique, si belle, si incomprise, il y a quelque chose de pathétique, là.

Sept mois avant la fin.

Naima (Live At Temple University/1966)


Crescent (Live At Temple University/1966)


Leo (Live At Temple University/1966)


Offering (Live At Temple University/1966)


My Favorite Things (Live At Temple University/1966)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 2 juil. 2022 02:21

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Pharoah Sanders – Tauhid (1967)

« Tauhid » est l’album suivant dans la discographie de Pharoah Sanders, c’est également son premier sur « Impulse », le label qui verra parmi ses plus belles œuvres, d’ailleurs « Tauhid » se range d’emblée dans cette catégorie. L’album a été enregistré le quinze novembre mille neuf cent soixante-six dans le mythique Van Gelder Studio, à Englewood Cliffs dans le New Jersey, on se souvient des musiciens de la Note Bleue, chargés dans des taxis, allant en caravane avec sandwichs et provisions, qui y descendaient, après avoir passé le pont, pour y enregistrer la crème des Blue Note.

La magie est encore là, sous les doigts de ces jeunes musiciens. Trois titres seulement, le premier sur la première face dure dix-sept minutes, il s’appelle « Upper Egypt and Lower Egypt » et est tout simplement magnifique, il est habité par une structure qui sera souvent utilisée dans les compositions de Pharoah. D’abord une longue introduction basée sur les rythmes et les percussions, transe hypnotique doucement induite, puis, passage de flûte et entrée du piano, accompagnée d’une première montée des tensions, puis arrivée explosive du ténor qui agit comme une déflagration. Ce ne sont que des points de repères qui fonctionnent souvent assez bien.

Il est vrai que Pharoah joue peu ici, mais son esprit veille et préside au recueillement, et ce long travail préparatoire est juste magique, il prépare la suite qui sera belle, sereine et libératrice. Pour peu qu’on soit bien dans la musique, dedans, on peut même s’y sentir bouleversé, et ce ténor qui arrive après douze minutes et trente secondes, n’a aucun mal à faire chavirer les âmes. Même le chant ténu de Pharoah passe bien ici…

Mais il faut également souligner le talent et la notoriété des accompagnateurs, Sonny Sharrock est à la guitare, Dave Burrell au piano, Henry Grimes à la basse, Roger Blank à la batterie et Nat Bettis aux percussions. Soulignons également qu’outre le ténor, Pharoah joue de l’alto et de la flûte piccolo, il chante également.

La face B débute par le court « Japan » où précisément Pharoah déploie à nouveau ses qualités de chanteur. Il est intéressant de noter l’ouverture vers les autres cultures, le groupe s’inscrit en effet dans une trame musicale d’inspiration nipponne. Du folklore donc, mais il n’y a pas de hasard, Pharoah en revient et il a été ému par le respect qui lui a été porté.

Les titres suivants sont au nombre de trois et forment une suite d’un quart d’heure environ, bien qu’à l’origine ces trois pièces étaient distinctes. Qu’importe, la suite est belle et laisse deviner les parties qui la compose. La première, « Aum » est très free, Pharoah joue de l’alto et dialogue férocement avec Sonny Sharrock, tandis que la rythmique se déstructure, laissant place à « Venus » le thème suivant, très lyrique, typique du son d’époque et de la musique à venir de Pharoah.

Il en est de même pour « Capricorn Rising », mais cette fois-ci dans un registre free pour l’introduction, puis arrive une nouvelle séquence très lyrique où le ténor, au timbre si intense et puissant, déchire l’espace et le temps, jusqu’au paroxysme et à la déchirure.

Un album majeur, un coup de maître.

1 - "Upper Egypt and Lower Egypt" 0:00
2 - "Japan" 16:15
3 - "Medley:Aum/Venus/Capricorn Rising" 19:39

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 2 juil. 2022 15:06

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John Coltrane – The Olatunji Concert : The Last Live Recording (2001)

Voici l’album qui est souvent présenté comme le dernier concert de John Coltrane, enregistré le 23 avril mille neuf cent soixante-sept à l’«Olatunji Center of African Culture » à New York, pourtant, si c’est bien son dernier album, il y aura encore un concert, à Baltimore, le sept mai, qui lui sera véritablement l’ultime chant du cygne.

Cet enregistrement a été réalisé en vue d’une diffusion sur la station de radio locale de Billy Taylor, « WLIB ». C’est ce dernier que l’on entend lors de la brève introduction de ce concert. Coltrane se partage entre le ténor et le soprano, Pharoah Sanders joue également du ténor, Alice Coltrane est au piano, Jimmy Garrison à la basse, Rashied Ali à la batterie et Algie DeWitt au batà drum, un tambour en forme de sablier en provenance du Nigéria. On signale sur l’album la présence possible de Jumma Santos aux percussions.

Deux pièces sont jouées, « Ogunde » qui était le titre d’ouverture de l’album « Expression », et « My Favorite Thing » cette pièce fétiche que John a dénaturé au fil de sa vie, pour en faire une sorte d’hymne qui recueillait, au fil de son évolution, de nouvelles formes et de nouveaux atours, comme un témoin du temps qui conserve à chaque interprétation une nouvelle empreinte. Cette version démentielle frôle les trente-cinq minutes.

La qualité sonore de ce document est aléatoire. L’orchestre jouait au second étage de la bâtisse et une foule se présenta qui s’installa dans l’escalier et jusqu’à l’extérieur, si bien qu’une circulation se fit qui causa quelques nuisances sonores, obligeant l’ingénieur du son à d’incessants réglages, mais qu’importe le son pourvu qu’on ait l’ivresse !

De l’ivresse il y en eut, car le concert est bouleversant, fou, entre beauté ultime et tristesse majeure. De la créativité encore et toujours, comme si elle ne pouvait s’arrêter, grandir et s’épuiser dans le cri avant de renaître aussitôt. Comme s’il fallait que gagne la vie, malgré les cris et la douleur, l’épuisement qui gagne dans le secret du corps. Rashied Ali confie « Je n'ai toujours pas pensé qu'il était malade, parce que quand il a mis l’anche à sa bouche, il n'y avait pas d'hésitation, le feu était allumé à plein régime. »

Sans doute un peu sacrifié, comme d’autres, lors de cet enregistrement, Pharoah laisse entendre une réelle furia, avec une fougue qui se libère et s’emploie, avec une énergie féroce. Il faut bien accepter l’enregistrement tel qu’il se présente et profiter sans dépit de ce don qui nous est offert, et qui restera à jamais sublime.

John Coltrane - Ogunde (Olatunji Concert)


John Coltrane - My Favorite Things (The Olatunji Concert: The Last Live Recording)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 3 juil. 2022 14:41

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The Latin Jazz Quintet - Featured Guest Artist Pharoah Sanders – Oh! Pharoah Speak (1971)

Cet album fait figure d’événement anecdotique dans la discographie de Pharoah Sanders, pourtant il existe, alors parlons-en. L’énigme principale concerne sa date d’enregistrement, mille neuf cent soixante et onze est la date de sa première parution, mais sur la pochette il n’y a aucun renseignement discographique précis concernant l’histoire de la rencontre qui vaut ce titre, « Oh ! Pharoah Speak ».

Habituellement on se borne à indiquer les « sixties » sans autre précision, mais après avoir assez longtemps cherché, vu que j’ai une des premières rééditions de l’album, on peut trouver une estimation plus précise, qui daterait l’enregistrement en mille neuf cent soixante-sept, ce qui est plausible. L’album est paru sur le label « Trip ».

Pour tout dire l’album est un peu frauduleux en laissant croire que Pharoah possède un rôle éminent sur cet enregistrement, il est là bien sûr, mais noyé au milieu de dix-sept autres invités. Le « Latin Jazz Quintet » comme son nom l’indique est réduit à cinq, deux percussionnistes, un guitariste électrique, un bassiste et un trompettiste qui hérite de pas mal de solos, ainsi qu’un des deux trombonistes invités, d’ailleurs.

Les titres défilent et Pharoah n’est que l’un des trois saxophonistes, un soprano et deux ténors, il y a également quatre cuivres du côté des invités ainsi que cinq percussionnistes, deux pianistes, un guitariste et un bassiste, ceci pour expliquer qu’ici ça grouille sans qu’on sache trop qui fait quoi. Ceci dit c’est un honnête album de musique latine, comme il doit y en avoir beaucoup, même s’il ne casse pas trois pattes à un canard, Eric Dolphy lui-même fut autrefois l’invité de cette formation, mais je n’ai pas écouté cet autre album.

La première pièce présentée comprend des problèmes de son, « The Dues Payer » couine de temps en temps, après ça va, en l’écoutant je me suis dit que Pharoah y est reconnaissable, mais rien d’évident pour moi à cause du timbre et de la prise de son, toutefois meilleure sur la réédition de soixante-treize. Probablement joue-t-il lors de la dernière coda de « Midnight Montuno » pour un très bref solo, sans doute aussi sur « Haarlem », « Daria » et sur « Oh ! Pharoah Speak » puisqu’on nous le dit, mais globalement c’est au sideman Pharoah que l’on a affaire.

Bref l’album est certes écoutable, mais n’espérez pas y trouver la patte de Pharoah, ni même le bout d’un ongle.

PHAROAH SANDERS AND THE LATIN JAZZ QUINTET - THE DUES PAYER.


DARIA / Paroah Saders The Latin Jazz Quintet


Pharoah Sanders with The Latin Jazz Quintet - Harlem


Pharoah Sanders & The Latin Jazz Quintet • Midnight Montuno
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 4 juil. 2022 00:57

Pharoah Sanders - Izipho Zam (My Gifts) - 1973

Toujours en se référant non pas aux dates de sorties mais à celles d'enregistrement, nous voici en janvier soixante-neuf avec "Izipho Zam" qui ne parut que sur le tard, en 1973 sur le mythique label Strata East.
Douglas a écrit :
mar. 10 mars 2020 18:47
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Voici un bel album sorti par le label Strata East, le second de la « Dolphy Series », il s’agit de Izipho Zam (My Gifts) de Pharoah Sanders. Souvent quand on parle de la discographie de Pharoah on a tendance à la classer à gros traits en trois phases.

La première, c’est évident, c’est quand il jouait aux côtés de John Coltrane, second ténor devenu nécessaire quand le souffle venait à manquer. Déjà il avait une forte personnalité, à mon avis il est possible qu’il n’ait jamais aussi bien joué qu’à cette période, du moins il a atteint des cimes auxquelles il s’est peu aventuré par la suite.

La seconde correspond à la période Impulse avec une discographie tout à fait réussie et même quelques albums cultes, jusqu’en 1974. Pour la suite c’est un peu plus compliqué, il y a clairement une baisse de régime mais, s’il y a des bas, tout n’est pas à jeter…

Izipho Zam est un peu à part, car, tout comme pour l’album de Cecil Payne, il n’est pas sorti l’année de son enregistrement, paru en 73, il a été enregistré en janvier 69, un mois avant « Karma » l’album le plus souvent plébiscité dans la discographie de Pharoah Sanders ! Cette proximité de calendrier attire l’attention avec raison, l’album est vraiment très bon.

Le premier titre de l’album est "Prince Of Peace", qui deviendra plus tard "Hum-Allah-Hum-Allah-Hum-Allah" sur Jewels Of Though. Leon Thomas est déjà présent, il s’illustre par son chant, mais c’est surtout le second titre « Balance » qui est exceptionnel avec un magnifique solo de Pharoah et un Sonny Sharrock extrêmement brillant qui illumine la pièce de toute sa classe.

La face deux est entièrement dédiée à Izipho Zam d’une durée proche de vingt-neuf minutes. On trouve ici ce qui fera longtemps la marque de Pharoah, de longues phases dominées par le jeu de multiples percussions sur lesquelles interviennent à tour de rôle chants, solos des uns et des autres. C’est le Pharoah que l’on aime, celui qui deviendra une icône de la Great Black Music.

Pharoah Sanders ‎- Izipho Zam (My Gifts) (1973) FULL ALBUM
00:00 A1. Prince Of Peace
08:51 A2. Balance
21:34 B1. Izipho Zam


Pharoah Sanders - tenor saxophone, flute, percussion, vocals
Howard Johnson - tuba
Sonny Fortune - alto saxophone, flute
Lonnie Liston Smith - piano
Sonny Sharrock - guitar
Sirone (Norris Jones), Cecil McBee - bass
Billy Hart - drums
Chief Bey - African drums
Nat Bettis, Tony Wiles - percussion
Leon Thomas - percussion, vocals
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 4 juil. 2022 11:07

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Pharoah Sanders – Karma (1969)

Cet album a été enregistré en février mille neuf cent soixante-neuf, c’est le second album pour « Impulse », il est souvent considéré comme le point culminant de la discographie de Pharoah, il y a des raisons à cela, notamment parce qu’il cumule une certaine facilité d’accès et un fort pouvoir attractif. Tout d’abord par la simplicité de la structure du titre phare « The Creator Has A Master Plan », qui se tient en entier sur la première face. Mais aussi par la beauté du chant de Leon Thomas et enfin par l’arrivée sublime du son du saxophone ténor, merveilleux et libérateur.

A ce stade il est bon de rappeler que le label « Strata East » sortira en 1973 un album de Pharoah, « Izipho Zam (My Gifts) » enregistré le quatorze janvier soixante-neuf, soit exactement un mois avant « Karma ».

Pharoah est habité par un mysticisme qui l’envahit et le guide, toute sa musique en est empreinte et cette première pièce possède tout d’une prière. Bien que les paroles soient d’Amosis Leontopolis Thomas, communément nommé Leon Thomas, chaque mot semble venir de son cœur. Bien entendu chacun y trouvera ce qu’il souhaite, cette fois naïve et première est sans doute enfantine, mais les mots les plus simples sont souvent les mieux compris.

Ce qui est sûr c’est que Leon Thomas a formidablement bien chanté, avec une exquise modération, quant au leader il nous livre un jeu plein d'émotion, au-delà du souffle, en un lieu où seul le cri s'avère possible pour exprimer l'indicible.

Un mot sur les musiciens, Richard Davis et Reggie Workman à la basse, énormes, Julius Watkins au cor, James Spaulding à la flûte, Lonnie Smith au piano, William Hart à la batterie et Nathaniel Bettis aux percussions. Sur la pièce de la face B Frederick Waits est à la batterie et Ron carter à la basse.

Sur l'album d'origine il y a un titre par face et « Colors » occupe l'entièreté de la face deux. « Colors » a été enregistré cinq jours plus tard, et commence comme une liesse, une fête où chants et musique se lient pour exprimer une sorte de béatitude, une ode à la nature et à la joie, une fête collective. Leon Thomas se lâche grave dans cet océan de plénitude et de transe collective. Pas de lente montée ici, nous nous baignons dans ce milieu marin, portés par les voix et les clochettes, les airs chantés et les tambourins magnifiques. La basse groove et « The Créator a toujours ce fameux Masterplan » alors pas d’inquiétude, tout va…

Une phase conclusive toute en lyrisme termine ce merveilleux album que l’on pourrait inscrire dans une suite possible de la musique de Trane, Leon Thomas chante « Mother Nature » et nous assure que « sans lui, il ne peut y avoir d’harmonie ».

Un album fondateur, magistral et incontournable.

The Creator Has A Master Plan


Colors
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Message par Douglas » mar. 5 juil. 2022 03:52

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Pharoah Sanders – Japan/Colors (1969)

Ce petit 45 tours est sorti en 1969 et ce sont bien deux pièces courtes de Pharoah Sanders qui sont ici gravées. La face A contient « Japan » issu de l’album Tauhid et la B « Colors » en provenance de Karma.

L’inscription « Free Jazz ou Slow de l’Hiver » provient d’un petit sticker collé sur la pochette. C’est un BIEM, « Made in France » comme indiqué au verso, produit par Pathe Marconi et distribué par « Les Industries Musicales et Electriques ». Le petit label se nomme « Stateside ». Est présente également une étiquette (languette) pour le réassort.

Au verso figurent également les paroles de Colors :

« Mother Nature Seems To Love Us So
When She Smiles There Is A subtle Glow
And With Tears Of Joy, The Happiness Flows
I See Red And Orange And Purple
Yellow And Blue And Green

People Say That Life Is Misery
But In Him There Is No Mystery
So he Sends To Us His Rainbow Of Love
I See Red And Orange And Purple
Yellow And Blue And Green

Without Him There Is No Harmony
»

Pharoah est au ténor, Leon Thomas au chant, Lonnie Smith au piano, Frederick Waits à la batterie, Reggie Workman et Ron Carter à la basse et Julius Watkins au bugle. La pièce est écoutable sur le sujet du dessus, "Karma".

Pharoah Sanders - Japan (1966)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 5 juil. 2022 09:26

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Pharoah Sanders – Jewels Of Thought (1970)

Cet album a été enregistré le vingt octobre 1969, dans l’ordre il suit « Karma » duquel il est assez proche. On retrouve quelques musiciens communs aux deux enregistrements, comme Leon Thomas au chant et aux percussions, Lonnie Smith au piano et Richard Davis à la basse sur la seconde pièce. D’autres arrivent comme Cecil McBee à la basse et aux percus dans le canal droit, Idris Muhammad à la batterie et aux percus et Roy Haynes à la batterie uniquement sur le premier titre, je ne détaille pas trop les percussionnistes car tout le monde y va de bon cœur.

On retrouve à nouveau deux longues compositions, le premier titre « Hum-Allah-Hum-Allah-Hum-Allah » dure un quart d’heure, le second est beaucoup plus long « Sun In Aquarius » dure plus de vingt-huit minutes, il est donc fractionné en deux parties, la première sur la face une et la seconde sur l’entièreté de la seconde face, les deux pièces sont également différentes pour ce qui est du style et de l’accessibilité, si on peut dire. Il va de soi que dans les versions modernisées, sur Cd, les choses sont différentes, mais là j’écris d’après l’exemplaire français d’époque.

« Hum-Allah-Hum-Allah-Hum-Allah » reste tout à fait dans la continuité de « Karma », le chant de Leon Thomas l’illumine de suite, et je dois dire qu’il fait partie des premiers albums de Pharoah que j’ai écoutés, et ré-écoutés jusqu’à en être imprégné, chaque note est sue, devinée connue. Le charme est grand, il provoque un balancement de tout le corps qui groove en même temps que la musique.

Sa structure est simple et lumineuse, Pharoah le jouera souvent à la fin de ses concerts car il sème la joie et la lumière, les rythmes et la danse. Il procure une transe positive et ravit celui qui l’écoute, Outre Leon Thomas il faut mettre en évidence, Lonnie Smith qui joue un superbe solo, et bien sûr Pharoah, mais là c’est sans surprise.

Le titre suivant est très différent, « Sun In Aquarius » est plus free et d’un accès moins facile, son premier nom était « Explorations » et ça lui va bien. Si les percus sont là dès l’introduction, point de joie ni de fête, mais un piano plus sombre et mystérieux, sans repères mélodiques, juste un bruit grave qui gonfle et s’accentue, jusqu’au tumulte, les cymbales sont énormément présentes, elles palpitent et s’agitent. Cette première partie annonce un univers très différent, nouveau.

L’arrivée du ténor sur la face B apporte le cri de Pharoah, la petite histoire raconte qu’il ne joue pas de son instrument habituel qu’il a égaré, n’arrivant à le retrouver qu’une fois la séance terminée, quoiqu’il en soit, après le cri et son élévation, arrive une période plus lyrique, on entend à nouveau la voix de Leon Thomas, c’est le retour des chants, des clochettes et des tambourins. On entend également les solos des deux basses qui régalent avec toutes ces percus à l’arrière qui ne cessent d’agiter ce petit monde.

Tout à coup la colère à nouveau retentit, et le ténor monte dans les aigus puis redescends vers les sons les plus graves, le « cri » à nouveau qui se manifeste, puissant, féroce même, ça gronde et vrombit avant que tout ne redevienne calme et enchanteur, Leon et son chant, la joie, l’effervescence heureuse, le cycle immuable de la vie…

Je recommande, évidemment.

Pharoah Sanders - Hum-Allah-Hum-Allah-Hum-Allah


Pharoah Sanders - Sun In Aquarius
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 6 juil. 2022 03:06

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Alice Coltrane Featuring Pharoah Sanders And Joe Henderson – Ptah, The El Daoud (1970)

Parmi les trois albums enregistrés par Pharoah Sanders en mille neuf cent soixante-dix, celui-ci est le premier dans l’ordre chronologique, il a été en effet enregistré le vingt-six janvier au « Coltrane Home Studio », dans les sous-sols, à New-York. Pour dire vrai, à l’époque tout ne s’est pas passé comme on croit pour ce qui concerne Alice Coltrane. Le regard, aujourd’hui largement partagé, était vraiment différent, dans nos contrées.

Parlons de l’hexagone et des vecteurs médias de l’époque, c’est-à-dire essentiellement la presse jazz, qui bien souvent était le reflet de ce qui se passait aux States et ailleurs, avec le décalage temporel que l’on imagine bien. Alice Coltrane était assez largement descendue. On ne lui pardonne rien, curieusement ostracisée, un peu comme Yoko Ono, si je puis me permettre une analogie.

Ça témoigne d’un certain malaise envers John Coltrane, son choix de fin de vie, le free jazz, le nouvel orchestre surtout, avec Alice à la place de McCoyTyner, un truc pas facile à encaisser. Mais surtout s’ajoutent les accroches sur sa façon de gérer l’œuvre de son défunt mari, qui étaient souvent très critiquées, la sortie d’« Infinity » et du choix des cordes, par exemple. Du coup Alice a pris, et ses albums se faisaient descendre fissa. Ainsi, il m’a fallu du temps pour m’affranchir de tout ça, et la disco d’Alice n’est arrivée à mes oreilles que sur le tard.

Dont ce fameux « Ptah, The El Daoud » si bien millésimé. Alors c’est sûr ce n’est pas un album de John, et il est bien qu’il en soit ainsi, il reste de jazz c’est indéniable, mais il se parfume aux essences lointaines, à la musique indienne, et sans doute à une certaine quiétude, une sérénité retrouvée, une paix mélangée de tristesse. Un album recueilli.

Alice joue du piano, formidablement, et de la harpe, aussi. Ceux qui sont là sont des grands et ne sont pas devenus des quiches du seul fait de partager la peine d’Alice, Pharoah le premier qui stationne côté droit, avec son ténor, sa flûte et ses clochettes. Joe Henderson, au ténor et à la flûte aussi, garé côté gauche, et Ron carter avec sa basse, magnifique, et Ben Riley, efficace et sobre, à la batterie.

Toutes les compos sont d’Alice, dont le morceau titre qui porte le nom d’un Dieu Egyptien, « El Daoud » signifiant « le bien aimé » nous indique-t-on. L’heure n’est pas à la rigolade, c’est certain, chacun se tient plutôt dans le respect et la retenue. Du coup une certaine distance s’installe qui tient l’album, on goûte les solos des ténors, Joe Henderson plus classique et Pharoah qui balance ses émotions à nue, mais sagement, en attendant son tour.

Alice est une merveilleuse pianiste, il faut bien le dire, peut-être n’est-elle pas si riche en swing mais quelle tension dans son jeu, et toujours cette « tenue » qui tient haut l’album. La seconde pièce regarde du côté des Indes, « Turiya And Ramakrishna » à visée mystique se préoccupe du Nirvana, Ramakrishna étant lui-même un grand mystique qui prêchait l’universalité de la piété et des dévotions. Ces thèmes rejoignent les préoccupations de Pharoah qui s’implique fort quand son tour arrive, mais nul doute que les pièces ici sont avant tout des prières.

« Blue Nile » marque le retour à l’Afrique, au calme et à la quiétude, Alice joue de la harpe et nos deux souffleurs de leurs flûtes, la pièce est champêtre et bucolique, Ben Riley et Ron Carter jouent eux aussi un duo magnifique et la harpe berce et envoute tandis que les flûtes chantent et s’évertuent.

Pour finir « Mantra » est la pièce la plus longue, dépassant les seize minutes, grave plutôt dès l’intro, quelque chose entre tension et hallucination se déploie. Une manifestation de l’hindouisme ou peut-être du bouddhisme qui habite Alice. L’occasion pour Joe Henderson de prendre le rôle de Trane sur son long solo de ténor, il n’en a pas le volume mais les accents sont bien là, réveillant les esprits endormis. C’est très beau. Pharoah répond droit, avec ferveur en évitant le cri, qui serait trop, mais en déchargeant une forte dose émotionnelle, des larmes sincères gouttent. L’album s’achève ainsi dans la peine et la gravité.

Alice Coltrane - Ptah, The El Daoud


ALICE COLTRANE, PHAROAH SANDERS & JOE HENDERSON ‎– TURIYA & RAMAKRISHNA (AS-9196)


Alice Coltrane Featuring Pharoah Sanders And Joe Henderson - Blue Nile


Ron Carter - Mantra - from Ptah the El Daoud by Alice Coltrane
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Pills » mer. 6 juil. 2022 07:32

J'attends désespérément un repress officiel de ce Ptah, The El Daoud :pleur2:

J'avais pris une vraie claque émotionnelle le jour où j'ai entendu Turiya And Ramakrishna, morceau d'une élégance et d'une beauté hors norme :love1:

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 6 juil. 2022 15:02

Pills a écrit :
mer. 6 juil. 2022 07:32
J'attends désespérément un repress officiel de ce Ptah, The El Daoud :pleur2:

J'avais pris une vraie claque émotionnelle le jour où j'ai entendu Turiya And Ramakrishna, morceau d'une élégance et d'une beauté hors norme :love1:
Ah oui j'ai été voir, il est vrai que ces rééditions non officielles peuvent sembler suspectes, en vinyle il faut remonter à 74 pour trouver un exemplaire officiel, du coup le Cd est peut-être le meilleur choix, il offre en plus l'avantage d'un prix correct...
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Message par Douglas » jeu. 7 juil. 2022 02:49

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Pharoah Sanders – Summun Bukmun Umyun - Deaf Dumb Blind (1970)

Près de six mois sont passés, une session d’enregistrement est organisée aux Studios A&R à New York, le premier juillet soixante-dix. Leon Thomas n’est plus là, et la formation a subi quelques bouleversements. Le premier concerne Pharoah lui-même qui ne joue pas du ténor mais du soprano et aussi de pas mal d’instruments de percussions, il faut dire qu’il a été à l’école de Sun Ra où chaque musicien est d’abord un percussionniste. Ainsi il joue également du piano à pouces, du sifflet de la flûte, des cloches.

Il en va de même pour Gary Bartz principalement à l’alto et aux instruments accessoires, Lonnie Liston Smith au piano, piano à pouces et percussions, Woody Shaw à la trompette aux maracas et aux percussions diverses, Cecil McBee est à la basse, Clifford Jarvis à la batterie, Nathaniel Bettis aux percussions africaines, Anthony Wiles à la conga et aux percussions africaines également.

Déjà on peut parler d’une sorte de tournant, l’album porte une pièce par face, « Summun, Bukmun, Unyun » se tient sur la face A et pèse vingt et une minutes, « Let Us Go Into The House Of The Lord » se tient au-delà des dix-huit minutes sur la face B. Les notes de pochette nous expliquent que le titre de l’album est une citation provenant du Coran qui signifie « Sourd, muet, aveugle ».

Cette première face marque déjà un tournant avec les deux albums « Impulse » précédents, pourtant elle est également révélatrice d’un virage stylistique qui s’affirmera assez souvent par la suite. Après une courte introduction à la basse, les percussions en nombre établissent un fort tapis sonore propice aux envolées des solistes qui se succèdent, ou même jouent en même temps.

Tous ces rythmes, sifflets, cloches et instruments de percussions divers s’agglomèrent joyeusement autour de la basse de Cecil Mcbee qui maintient invariablement le cap, Pharoah a bien appris de Sun Ra, les saxs, trompette fusent en solos, se relançant avec abondance. Une place est également offerte au piano qui offre un solo et marque des rythmes répétitifs entêtants, ainsi se crée ce sentiment de transe qui habite la pièce. Pourtant il est bon de pousser le son, même sur les versions d’origine.

« Let Us Go Into The House Of The Lord » est un traditionnel arrangé ici par Lonnie Liston Smith. La pièce se déroule sur un mode extatique que l’on entendait parfois chez Coltrane lorsque la quête était abandonnée. Cet état de grâce et de béatitude sera assez souvent présent dans la musique de Pharoah qui semble avoir trouvé ce qu’il cherchait, une façon d’extérioriser sa paix intérieure et son bien être spirituel. La musique est contemplative et même béate, le soprano va bien à cette illumination, tout comme les vagues formées par les notes du piano qui déferlent sereinement, et la basse frottée doucement de l’archet de Cecil McBee.

Ainsi va la musique de Pharoah, ici moins essentielle et pourtant pleine de grâce.

Summun, Bukmun, Umyun


Let Us Go Into The House Of The Lord
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 8 juil. 2022 11:41

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Alice Coltrane Featuring Pharoah Sanders – Journey In Satchidananda (1970)

Cet album est paru le huit novembre mille neuf cent soixante-dix, c’est-à-dire dix mois environ après « Ptah, The El Daoud », le personnel a beaucoup évolué, même si on y retrouve Pharoah Sanders. D’autres grands sont arrivés, Vishnu Wood à l’oud, Cecil McBee et Charlie Haden aux basses, Rashid Ali à la batterie, Tulsi au Tamboura, une sorte de drone indien, ainsi que Majid Shabazz aux clochettes et au tambourin. Alice joue de la harpe et du piano.

Cet album est sans doute le meilleur qu’elle ait enregistré, l’esprit Coltranien y souffle avec toute sa bienveillance, celui encore apaisé d’A love Suprême, avec la retenue, le recueillement et la paix qu’il secrète, même s’il y manque le feu brûlant sous-jacent. Cet album fait l’effet d’un baume, il apaise la douleur et calme les plaies, pour qu’après une autre vie soit possible, même hors des chemins parcourus, c’est la voie d’Alice et ce sera également celle de Pharoah. C’est ce qui rend cet album si important.

Le premier titre de l’album « Journey In Satchinanda » marque, une route, un chemin mystique qui apaise et calme, répare et guérit, ainsi au son de cette basse qui avance tranquillement, nous faisons ce voyage, dans ce tunnel balisé par l’oud et le saxophone, vers un point lumineux qui marque la paix et le retour à ce que nous sommes, à notre état naturel et authentique.

« Shiva-Loka » poursuit ce voyage et dessine une voie mystique et apaisée, Pharoah se fond dans les sonorités hindoues et s’inscrit dans les délicieux bruissement de cordes de la harpiste, s’y glisse et repose, tranquille et serein. « Stopover Bombay » marque une étape, une brève escale, à la ville, là où tout trépide et secoue, sauf pour celui dont l’esprit est clair, calme et reposé.

La seconde face commence par l’hommage à John Coltrane sobrement intitulé « Something About John Coltrane », on retrouve un esprit plus jazz car Alice joue du piano, seul le son du tamboura joué par Tulsi nous rappelle aux sonorités orientales, mais Pharoah lors de son solo s’inscrit bien dans un formidable espace dédié, à la croisée des musiques, entre la musique de John, celle de l’Orient et d’un ailleurs mystique et rêvé.

« Isis and Osiris » est la pièce la plus longue, elle a été enregistrée en juillet et comprend Charlie Haden à la basse ainsi que Visnu Wood à l’oud, Alice a retrouvé sa harpe et Pharoah son soprano. La pièce s’étire assez longuement et laisse percer un sentiment d’improvisation, d’une ligne de conduite moins ferme et plus libre où chacun trouve sa place, elle est jouée en public et les applaudissements qui la concluent nous ramène gentiment dans la réalité, un instant dépassé.

S’il y a un album qui mérite de figurer dans la catégorie spiritual musique c’est bien celui-ci, il se nourrit de musique spirituelle et réussit à calmer nos chagrins et nos peines, par les seules vertus qu’il contient, ce qui est déjà beaucoup !

Alice Coltrane ft. Pharoah Sanders - Journey In Satchidananda


Alice Coltrane - Shiva-Loka


Alice Coltrane - Stopover Bombay


Alice Coltrane - Something About John Coltrane
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 9 juil. 2022 02:38

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Pharoah Sanders – Thembi (1971)

« Thembi » a été enregistré en deux parties distinctes, la première le 25 Novembre mille neuf cent soixante-dix, cinq mois après « Summun Bukmun Umyun - Deaf Dumb Blind », elle correspond à la première face de l’album. La seconde est enregistrée l’année suivante, le douze janvier soixante et onze et correspond donc à la seconde face, le temps de passer de L.A. à New York.

« Astral Traveling » qui ouvre l’album ne saurait mieux convenir, tant il se situe dans la même veine extatique que le précédent, atmosphère contemplative et introspective toute en douceur et sérénité. Le tournant amorcé sur l’album précédent semble se confirme donc, même si le titre suivant « Red Black & Green » va aussitôt infirmer cette affirmation.

En effet nous voilà soumis au feu et à la tempête, l’explosion de « karma » surgit à nouveau sur ce titre, le re-recording utilisé semble même multiplier par deux le déchirement et la colère, après ce bref épisode plein de fureur tout se calme et repose, le violon de Michael White participe à ce retour à la paix et à l’atténuation des chaleurs que délivre encore la braise fumante, cette pièce est magnifique et semble symboliser la dualité qui existe dans le cœur de chaque homme, soumis aux forces contraires, déchiré entre la vie et la mort…

« Thembi » qui suit marque un retour au calme et à la sérénité, au soleil, au ciel bleu et aux fleurs des champs, il faut dire que c’est le prénom de la compagne de Pharoah. Certes le thème est beau mais le contraste avec la pièce antérieure est élevé et il est difficile de s’acclimater à cette béatitude un peu niaise, après avoir été tant chaviré et bousculé. Mais c’est désormais la voie de Pharoah, lui-même écartelé entre des sentiments contraires, le soprano convient bien à la sonorité ambiante, dialogue avec le violon, sautillement léger de la basse de Cecil McBee et percussions multiformes. La quatrième pièce, « Love », est un superbe solo de Cecil McBee à la contrebasse, pizzicato puis à l’archet, très beau.

La seconde face voit quelques changements dans le line-up, je ne me suis pas trop attardé sur les musiciens car ce sont souvent les mêmes, mais jamais tout à fait. « Morning Prayer » est le premier titre de cette face qui en contient deux. Pharoah joue de la flûte, puis des percussions, on peut y entendre un nouvel hommage à l’Afrique et à la danse, Lonnie Liston Smith qui est co-auteur de la pièce déroule un très beau solo assez lancinant puis laisse le champ à Pharoah qui déroule un superbe solo au ténor.

C’est le grand Roy Haynes qui tient la batterie et participe à ce magnifique bouillonnement rythmique qui habite la pièce et nous emmène petit à petit au cœur de la jungle. L’impression d’immersion est réelle, lente et admirable, une belle pièce dont se nourrira la musique de plus en plus riche et variée de Pharoah Sanders.

La dernière pièce « Bailophone Dance » continue dans cette même veine où les percussions prennent le pouvoir, entre une basse répétitive côté gauche et le piano de Lonnie qui percute les touches, Pharoah se déchaîne entre flûte, fifre, koto, anches diverses, ballophone, maracas, avec le re-recording ça assure bien côté richesse sonore, la transe est au bout du chemin.

Encore un grand album de Pharoah, diversifié, à la croisée des chemins…

0:00:00 A̲s̲t̲r̲a̲l̲ ̲T̲r̲a̲v̲e̲l̲i̲n̲g̲ ̲
0:05:50 R̲e̲d̲,̲ ̲B̲l̲a̲c̲k̲ ̲&̲ ̲G̲r̲e̲e̲n̲ ̲
0:14:48 T̲h̲e̲m̲b̲i̲ ̲
0:21:57 L̲o̲v̲e̲ ̲
0:27:10 M̲o̲r̲n̲i̲n̲g̲ ̲P̲r̲a̲y̲e̲r̲ ̲
0:36:23 B̲a̲i̲l̲o̲p̲h̲o̲n̲e̲ ̲D̲a̲n̲c̲e̲

We will dance again...

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