Sans doute l’album le plus connu de l’organiste, avec « Lawrence Of Newark » qui sortira en soixante – treize, celui-ci profite d’un excellent millésime pour son enregistrement, soixante-cinq, année bénie du jazz qui verra paraître tant de merveilles, il sortira l’année suivante en soixante-six sur le prestigieux label Blue Note.
Larry Young c’est avant tout un spécialiste de l’orgue Hamond B3, tout comme Jimmy Smith dont il se distingue par un usage et un style très différent, il faut bien se démarquer et surtout faire évoluer la pratique de l’instrument, depuis toutes ces années où il semble pourtant que Jimmy en ait extirpé toutes les possibilités.
Il appartiendra à Larry Young d’en moderniser la pratique en l’inscrivant dans un post bop encore innovant. Vu d’aujourd’hui ces distinctions peuvent sembler désuètes, le temps ayant tendance à gommer les différences et uniformiser le passé, mais autrefois les oreilles notaient bien ces fines distinctions, l’approche subtile de l’orgue, son travail de soutien si habile en toile de fond, le toucher qui évoque le piano plus que les larges développements en nappes qui plaisaient tant autrefois.
L’accompagnement est géant, Woody Shaw à la trompette, Joe Henderson au saxophone ténor et la légende Elvin Jones à la batterie, de quoi renverser dix fois la table. Le principal compositeur est Woody Shaw avec la moitié des pièces c’est-à-dire trois. Le titre d’ouverture « Zoltan », l’hommage à Coltrane « The Moontrane » et « Beyond all Limits » qui ferme l’album sur une très bonne note !
Une reprise de Monk, « Monk’s Dream » qui voit le piano s’effacer au profit de l’orgue, un standard « Softly as a Morning Sunrise », titre sublimé ici, et « If » signé par le saxophoniste Joe Henderson. Pas de titre de Larry Young qui signe cependant l’album, c’est l’esprit Blue Note où chacun met « au pot » ce qu’il possède, et ça va bien comme ça.
Un album à classer dans les classiques « Blue Note », avec cette pochette conçue par Reid Miles, devenue légendaire, en même temps que l’album.
Monk's Dream (Rudy Van Gelder 24Bit Mastering/Digital Remaster/1998)
The Moontrane (Rudy Van Gelder 24Bit Mastering/Digital Remaster/1998)
Zoltan (Rudy Van Gelder 24Bit Mastering/Digital Remaster/1998)
(L’endroit flouté sur la pochette cache le nom du label : « Silkheart presents the new American Jazz »)
Ernest Dawkins New Horizons Ensemble – Chicago Now - Thirty Years Of Great Black Music Vol.1 (1995)
Voici le premier volet d’une série de deux volumes dont j’ai déjà exposé le second élément, en expliquant à quel point sa musique me comblait de joie, il me fallait cette pièce manquante, voilà qui est fait ! il va bien avec l’album du dessus, lui qui fit partie également de l’Ethnic Heritage Ensemble de kahil El’Zabar. Nous sommes toujours à Chicago, au Streeterville Studios, les neuf et dix septembre mille neuf cent quatre-vingt-quatorze, sur le label «Silkheart ».
L’équipe est la même que pour le volume déjà présenté, pour faire vite, Ernest Dawkins aux saxophones alto et ténor ainsi qu’à la flûte et aux percussions, Steve Berry au trombone et aux percus, Ameen Muhammad à la trompette et aux percus, Jeff Parker à la guitare électrique, Yosef Ben Israel à la contrebasse et Reggie Nicholson à la batterie et aux percussions. L’album s’ouvre sur une improvisation totale, simplement nommée « Improvisation #1 », il y en aura une autre sur la troisième plage. Cette façon d’ouvrir les ébats promets un album organisé sous les hospices du free jazz, pourtant il n’en est rien, bien vite une structure rythmique et répétitive se forme sous la forme de riffs répétés autour desquels les improvisateurs se manifestent, mais très rapidement on bascule sur la seconde pièce : « The Times has come » pour un quart d’heure d’explorations sonores.
C’est la plus longue pièce de l’album, à l’image du titre de l’album qui se veut une sorte de photographie du jazz au moment où il se joue, la pièce se veut actuelle, ancrée dans la musique du milieu des années quatre-vingt-dix, ayant incorporé le free en le mélangeant à une sorte de post bop actualisé. Thème bref et prenant, sur lequel on joue et qui se transforme volontiers, libérant des espaces aux solistes qui se succèdent, le sax, la guitare, la basse, la trompette, trombone, chacun dit l’essentiel en quelques notes, avec un feeling inouï, le message est brut direct et vise juste et droit.
Seize ans qu’ils bourlinguent ensemble, tout est au point et l’efficacité est maximum, impressionnant ! la seconde improvisation est sous-titrée « My baby Blues », ce qui en dit long sur sa structure et ce qui s’y joue, personne ne sera déçu de ce court voyage au pays de la note bleue.
« Bold Souls » est un des thèmes les plus anciens joués par cette formation puis qu’elle date de la fin des années soixante-dix. Dawkins explique qu’ils ont arrêté de jouer cette pièce quand il s’est fait voler son saxo soprano, car il était essentiel dans l’élaboration du morceau. Il est vrai que le titre est très structuré et tout semble s’ancrer avec une précision extrême, comme l’atteste son exécution ici. On remarque tout de même la place faite à l’extraordinaire Jeff Parker, royal ici… et ailleurs !
La pièce suivante est un hommage au saxophoniste Rahsaan Roland Kirk écrite par Steve Berry, tromboniste ici je rappelle. Le morceau est tout en douceur et délicatesse, nostalgie et souvenir guident sonorités et timbres, pour que reste, à travers le temps, la douceur excentrique de ce surdoué du jazz, toujours prompte à donner tout ce qu’il pouvait au public qu’il aimait tant. Jeff éblouit encore, par ici.
« Zera » et « Flowers For The Soul » arrivent enfin, ils représentent un peu la partie « Colemanienne » du concert auquel Ernest Dawkins désire rendre hommage au travers de ces titres, tant dans l’exécution personnelle des solos, que dans la structure des pièces, leur conception et leur écriture. Les deux titres à cet égard sont justes parfaits.
C’est sur « Runnin’ From The Rain » que s’achève ce premier et excellent volume, on sait déjà que le second est énorme, il aurait fallu passer un peu plus de temps à vanter les qualités des solistes ici car ils le méritent, mais, déjà plus d’une heure vient de s’écouler…
John Zorn - Masada Quintet Featuring Joe Lovano – Stolas (Book Of Angels Volume 12) - (2009)
Commençons par l'invité, Joe Lovano au sax ténor, le Masada Quintet, lui, est formé de Dave Douglas à la trompette, d'Uri Caine au piano, de Greg Cohen à la basse et et de Joey baron à la batterie, on entend également John Zorn himself sur "Rahtiel", une des meilleures pièces de l'album, lyrique et investie.
Tous ces proches de Zorn sont aussi d'énormes musiciens, quasi une sorte de super groupe. Dans un premier temps nous avons affaire à un jazz de bon aloi, parfaitement interprété, qui tourne avec une admirable précision, de façon quasi horlogère. On pourrait même parler de jazz quasi traditionnel dans le style des années cinquante, dans la forme c'est même très be bop !
Il faut attendre le quatrième morceau "Sartael" pour quitter la route bien balisée et prendre des chemins de traverse. Joe Lovano fait un peu figure de star sur cet album, il est vrai qu'il s'acquitte avec maestria de sa tâche et qu'il brille dans les solos, mais Dave Douglas n'est pas en reste, ni aucun autre musicien d'ailleurs...
Douglas, je ne sais pas si tu l'as présenté ce brulot que je ne le mettrai pas tous les jours, mais ça décape, du jazz hardcore, faites du noise, bordel ! Peter Brötzmann Octet - Machine Gun
Douglas, je ne sais pas si tu l'as présenté ce brulot que je ne le mettrai pas tous les jours, mais ça décape, du jazz hardcore, faites du noise, bordel ! Peter Brötzmann Octet - Machine Gun
Douglas, je ne sais pas si tu l'as présenté ce brulot que je ne le mettrai pas tous les jours, mais ça décape, du jazz hardcore, faites du noise, bordel ! Peter Brötzmann Octet - Machine Gun
Un totem!
Quand on pense qu'il a été enregistré en mai 68!
Une véritable déflagration!
je crois l'avoir déjà raconté ici, le dernier que j'ai vu faire un truc pareil, c'était il y a quelques années Kenny Garrett à Marciac. Il ouvre son concert (en quintet si je me souviens bien) dans un maelstrom sonique de 20 minutes, avant que peu à peu le groupe "se mette en place" pour offrir un decrescendo superbe, du chaos à la douceur. Certains ne comprenaient pas, restant ébahis, d'autres jubilaient.
Douglas, je ne sais pas si tu l'as présenté ce brulot que je ne le mettrai pas tous les jours, mais ça décape, du jazz hardcore, faites du noise, bordel ! Peter Brötzmann Octet - Machine Gun
Un totem!
Quand on pense qu'il a été enregistré en mai 68!
Une véritable déflagration!
je crois l'avoir déjà raconté ici, le dernier que j'ai vu faire un truc pareil, c'était il y a quelques années Kenny Garrett à Marciac. Il ouvre son concert (en quintet si je me souviens bien) dans un maelstrom sonique de 20 minutes, avant que peu à peu le groupe "se mette en place" pour offrir un decrescendo superbe, du chaos à la douceur. Certains ne comprenaient pas, restant ébahis, d'autres jubilaient.
Je n'imaginais même pas qu'une telle chose fût possible de la part du "doux" Kenny Garrett, une belle anecdote !
Voici le retour du guitariste Nguyên Lê, cette fois-ci en tant que leader de trio, cette formule à trois qu’il a déjà beaucoup pratiquée, ici il est accompagné par le contrebassiste Chris Jennings et par le percussionniste et joueur de gumbri Rhani Krija, marocain d’origine , qui est un homme et non pas une femme comme indiqué sur mon journal favori qui a tout de même lâché quatre étoiles, cette fois-ci ça brille au firmament !
Je connais et apprécie plutôt bien Nguyen, et plus particulièrement son jeu à la guitare que je trouve très souvent éblouissant, il est capable de fulgurances étonnantes, qui vous soulèvent et vous entraînent. Il est également compositeur et là, parfois et seulement parfois, c’est moins évident, des passages un peu convenus et anodins entachent un peu le tableau. Mais ça reste anecdotique.
Sa musique est un bain de jazz-rock maîtrisé, souvent passé à la moulinette de la musique traditionnelle vietnamienne dont il parfume sa musique, ici les percussions Gnawa nous saisissent également, Rhani Krija apporte des couleurs bienvenues, comme sur le morceau titre par exemple. Nguyên est une sorte de phare pour la world music au sein du label Act dont il est l’un des plus anciens membres.
La formule à trois n’est le plus souvent qu’un point de départ ici, et oui, Nguyen cache dans sa large manche quelques invités, Sylvain Barou par exemple qui joue de la flûte bansuri sur « Thar desert Dawn » et du doudouk sur « Becoming Water » qui ferme l’album.
Miron Rafajlovic joue de la trompette et du bugle sur « Moonstone » et Etienne Mbappé de la basse électrique sur « Baraka », de quoi apporter des couleurs différentes et de la variété sonore sur l’album !
Ce-dernier est très correct et nul doute qu’il mérite ses quatre étoiles, n’oublions cependant pas « Streams » ou « Overseas » qui se tiennent également bien parmi ses albums les plus récents.
Zoltan (Rudy Van Gelder 24Bit Mastering/Digital Remaster/1998)
Ah là là comme j'aimerais le toper en vinyle celui-ci ne serait-ce que pour le boulot d'Elvin sur Zoltan. La production est une merveille et on dirait que le remastering lui rend service. Je vais voir pour le cd. Superbe, et en effet pochette aussi culte que la zique. Grand album !
Pour ma part, j'écoute ce que pas mal de fans considèrent comme leur meilleur album jazz de tous les temps. Dans un des commentaires du lien YT, un gars dit, en gros, "Ornette Coleman, je n'y arrive pas pas Ayler, j'y arrive". Je ne suis pas loin d'être dans son cas. Beau boulot de Gary Peacock, je trouve.
Pour ma part, j'écoute ce que pas mal de fans considèrent comme leur meilleur album jazz de tous les temps. Dans un des commentaires du lien YT, un gars dit, en gros, "Ornette Coleman, je n'y arrive pas pas Ayler, j'y arrive". Je ne suis pas loin d'être dans son cas. Beau boulot de Gary Peacock, je trouve.
Albert Ayler - Spiritual Unity, '64)
Je dois dire que dans ta revue du free jazz de mon point de vue tu ne te trompes pas en sortant "Machine Gun" et celui-ci. On pourrait juste lui opposer "In Greenwich Village " mais uniquement pour son accessibilité plus aisée, car tout l'Esprit d'Albert est contenu dans le sublime "Spiritual Unity".J'aime beaucoup Ornette Coleman qui a sorti de fabuleux albums et j'en parle beaucoup trop peu. Il faudra réparer.
J'avais écrit y'a longtemps au sujet de Spirutual Unity, bien que ce soit un peu long:
Albert Ayler Trio - Spiritual Unity (1965)
« Spiritual Unity » est enregistré en trio juste avant le départ pour l’Europe, donc avant "Ghost" et l’arrivée de Don Cherry, et après « Spirits ». Historiquement c’est aussi le premier album sorti par la firme ESP. Les trois lettres sont les trois premières du mot Espéranto, qui est parfois utilisé (comme ici) sur le label. D’autres parlent d’un second sens, caché. ESP signifierait aussi Extra Sensory Perception ("Perception Extra Sensorielle"), une jolie porte d’entrée pour cette « new thing » aux sons inouïs.
La formule du trio est donc la caractéristique principale de cet album, le groupe y puise une cohérence forte, un impact puissant.
Ghosts : first variation ouvre l’album, « Holy, Holy » sur Spirits avait déjà esquissé les contours de cette fameuse pièce qui deviendra l’un des chevaux de bataille d’Albert Ayler, sans cesse rejouée, toujours différente. Le thème est exposé avec cette ligne claire, presque naïve et puérile, la mélodie est jouée de la façon la plus simple et la plus joyeuse. Il se dégage une grande beauté et une calme sérénité lors de l’exposé du thème et de sa reprise, en fin de morceau. Sunny Murray accompagne les solistes en ne jouant, essentiellement, que des cymbales, seuls de légers frottements sur les peaux soutiendront l’effort de Gary Peacock lors de son solo. Celui-ci montre, comme à son habitude, un refus total de pulsation rythmique régulière, révélant cette liberté absolue qui est sa marque lors de ses enregistrements aux côtés d’Albert Ayler. Celui-ci, après l’exposé du thème entreprend un travail de déconstruction mélodique, escaladant les notes et les redescendant en une coulée virtuose, point de cri ni de fureur ici, tout est joie et plénitude.
Le titre “The Wizard “ correspond bien à l’imaginaire d’Ayler, le thème est extrêmement bref et, d’emblée, nous voici plongé au milieu d’un fabuleux solo de saxophone ténor, tout est fièvre et chaos, les sons forment de sortes de vagues déferlantes qui vous emportent, descendant vers les graves abruptes et rugueux et remontants vers les aigus les plus ténus. Le jeu de Gary Peacock est particulièrement mis en valeur sur cet enregistrement, l’absence de pulsation régulière ne l’empêche pas de relancer sans cesse le soliste en lui envoyant des impulsions continuelles. Son jeu, à lui seul, mérite une écoute attentive et concentrée, il semble porter la musique du trio, comme un point d’équilibre autour duquel le saxophone d’Albert Ayler gravite sans cesse, dans une course sans fin, il en émane une impression diffuse mais cohérente comme si une ligne était suivie. Un titre virtuose et sublime.
Une nouvelle version de « Spirits » débute la seconde face. Albert se fait lyrique et son jeu est tout en retenue, en émotion contenue, comme souvent à fleur de peau. Sa sonorité accompagnée par les pincements sur les cordes de la basse se fait plainte, et se prolonge vers une sorte de dénouement que l’on devine sans retour, créant un sentiment de tristesse voire d’angoisse. Sunny Murray se montre un partenaire attentif, jouant des cymbales en envolées dramatiques qui ponctuent la gravité de la funèbre ballade.
Ghosts: second variation est la dernière composition de ce très court album. L’ouverture du morceau s’effectue par l’exposé du thème, tout en douceur, dans les tons graves, si chers à Albert pour la beauté simple qu’ils présentent. Le solo qui prolonge le thème est, à l’image de cet album, magnifique, de pure inspiration free, les notes d’Albert peignent un paysage sonore fait de montée, de descentes, de courbes et de volutes, décrivant des contours et des formes sans verser ni dans la colère, ni dans le cri, en une sorte d’apaisement et de sérénité.
Très court, cet album n’en est pas moins l’un des plus beaux. La formule du trio est gagnante. Un classique qui a eu, en son temps, une influence énorme.
Modifié en dernier par Douglas le sam. 3 juin 2023 16:06, modifié 1 fois.
John Zorn - Mycale – (Book Of Angels Volume 13) (Mycale Sings Masada Book Two) - (2010)
Un des albums les plus originaux et étonnants de la série. En effet le groupe Mycale qui l'interprète a été formé pour l'occasion, il est composé de quatre chanteuses habitant New-York mais issues de quatre cultures différentes, il y a une américaine, une israélienne, une marocaine et une argentine. Elles chantent a cappella en plusieurs langues différentes, anglais, français, arabe, hébreux, yiddish ou espagnol. On comprend le message d'universalité véhiculé par l'album.
Le résultat est à la hauteur du projet et se montre détonnant!
Ray Russell est un des guitaristes les plus complets et les moins connus du jazz, je vous en avais parlé à propos de son premier album « Live At The I.C.A. » enregistré en soixante et onze, il devint une des plus belles pages de « Free Jazz Manifesto ». Ici nous le retrouvons bien des années après, en compagnie du vénérable Gil Evans auquel cet album est dédié : « Svengali » n’est autre que l’anagramme de Gil Evans que lui donna une autre légende, Gerry Mulligan. C’est également le nom d’un bel album de Gil.
Ce dernier est présent, en personne, ressuscité parmi les morts, il joue du Fender Rhodes et du piano sur le titre quatre, « Goodbye Pork Pie Hat » cette magnifique pièce écrite par Charles Mingus. C’est un duo entre le guitariste et l’homme aux claviers, une très belle version, en même temps qu’un chouette hommage, enregistré dans les années quatre-vingts, avant que Gil ne s’en aille, bien qu’il vive encore à travers sa musique, qui nous abreuve encore...
Ray Russell aime ce genre de duo, il le pratique dès le second titre où il fascine avec « Without A Trace » qu’il partage avec un autre amoureux des touches blanches et noires, Phil Peskett. Un peu plus loin il va à nouveau ferrailler, cette fois-ci avec Gary Husband, lui-même échappant à l’électricité en jouant d’une simple guitare sèche classique.
Ray nous gratifie également de deux titres en solo, sur « So Far Away » à lui-seul il joue à la fois de la guitare et des claviers, tandis que sur « Waiting Wall » il joue un solo de guitare électrique et d’une pédale à effets, un titre magnifique… A l’origine cet album ne devait contenir que des duos, mais bien vite Ray dû changer sa guitare d’épaule quand l’inspiration et le plaisir de partager s’en mêlèrent…
Car cet album est une merveille et devrait plaire à tous les amateurs de guitare, c’est en quartet que Ray se plaît le plus, finalement, bien que les formations évoluent au fil des pièces, le fil tissé par sa guitare assure une belle homogénéité à l’album, à moins que ce ne soit l’esprit de Gil qui soit le fil rouge, présent dans les pensées et les cœurs, on sent le désir d’apaisement, de recherche de sérénité, pour que l’âme s’élève et monte, vers les espaces intersidéraux…
Il n’y a que de bons titres ici, entre musique planante et jazz-rock inspiré, difficile d’en recommander un dans ce geyser de créativité et de beauté tranquille, je vois bien qu’au fil de l’écoute, les noms de tant de guitaristes remontent à notre souvenir, il ne peut en être autrement, mais il se peut que Ray Russell soit autant l’inspirateur que l’inspiré, alors profitons, tout simplement…
John Zorn, The Dreamers (7) – Ipos (Book Of Angels Volume 14) - (2010)
Encore un personnel de fou:Cyro Baptista aux percussions, Joey Baron à la batterie,Trevor Dunn à la basse, Marc Ribot et sa guitare, Jamie Saft aux claviers et Kenny Wollesen au vibraphone.
Encore un album original dans sa démarche, cette fois-ci par son accessibilité et son évidence, entre musique et muzak, ça frôle même l'Easy listening, mais avec une classe folle. Les morceaux sont sont un peu disparates, même si aucun ne tombe dans la facilité. C'est de la musique enlevée, joyeuse et frivole, elle s'écoute dans son canapé en compagnie d'un bon livre, en voiture fenêtre ouverte, dans un lit, tout en faisant l'a... sieste !
Quand même, les solos de gratte sont classieux, le son du vibraphone délicieux, les percus d'enfer, la basse hypnotique, les claviers chauds et chatoyants, la batterie feutrée...
Un album à écouter quand rien d'autre n'est essentiel.
The Blue Series Continuum – Sorcerer Sessions (Featuring The Music Of Matthew Shipp) – 2003
Après « GoodandEvil Sessions » déjà présenté, on retrouve « The Blue Series Continuum » c’est-à-dire l’articulation Matthew Shipp, William Parker, entourés de nouveaux musiciens. Gerald Cleaver est à la batterie, Daniel Bernard Roumain au violon, Evan Ziporyn à la clarinette et à la clarinette basse et Flam à la programmation et aux synthés.
On rappelle que William Parker tient la basse et que Matthew Shipp joue des claviers et du synthé. C’est le genre d’album un peu compliqué, à l’écoute il se passe tellement de choses qu’il est difficile de s’y retrouver, c’est à la fois extrêmement sollicitant et en même temps virevoltant, des sensations multiples et diverses, parfois même contradictoires se croisent, c’est à en perdre la tête…
Il y a une très grande richesse qui grouille ici, des moments de pause également, où on se pose, accroché à un thème comme à une branche, « X6 » est de cette catégorie, il permet de reprendre pied après « Urban Shadows », le bien nommé, qui vous aspire et vous broie…
Alors forcément c’est un peu free, dissonant, brinquebalant, informe, casse-gueule et le tout en forme de point d’interrogation, mais ici tout est sensation, le ressenti est physique, il vous percute directement et s’adresse à vous sans dire « bonjour », ni passer par la case « s’il vous plaît » … Après être passé par « Fixed Point » il vous faudra gravir les « Invisible Steps », je vous le disais ce n’est pas sans risque…
Pourtant, une fois embarqué, c’est extrêmement addictif, bien plongé dans cet antre on s’y attache, et même on s’y plaît, malgré ou grâce aux embûches… Rien n’est poli, gracieux ou gratuit, tout se gagne, au prix d’un léger désagrément, d’une petite terreur passagère, d’une promesse à venir de plus sordide encore …
Les concepteurs d’un tel monde sont évidemment des malades, pas étonnant que les Cds se trouvent à trois francs cinquante dans les bacs à solde, et encore au-dessous de la pile, on vous les offrirait presque, pour s’en débarrasser, voire exorciser le sort, je ne serais pas surpris plus que çà.
Mais si vous franchissez le pas, couvrez vos oreilles d’un casque, vous pourriez peut-être vous habituer, et découvrir un autre monde, celui de « Modulate » un peu étrange, mais doux, trouver un sens à ce parcours inhabituel qui vous bouscule finalement gentiment, bien coincés au fond de votre fauteuil, alors du coup vous pourriez participer à la marche glorieuse, à l’intérieur de la « dernière chambre », avant de vous enfoncer, pour finir, dans la brume qui vous ouvre les bras…
John Zorn - Ben Goldberg Quartet – Baal (Book Of Angels Volume 15) - (2010)
On retrouve un personnel habituel ici: Jamie Saft au piano, Greg Cohen à la basse et Kenny Wollesen à la batterie qui a mis de côté son vibraphone. Le leader de la session est le clarinettiste Bob Goldberg qui habituellement mène le "New Klezmer Trio". John Zorn supervise et produit.
Le jazz enregistré est fidèle en qualité et au niveau de la série, il penche de temps à autres côté free et sage démesure, ce qui est un attrait certain de l'album. Bob Goldberg est un maître de l'instrument et sa virtuosité éblouit et subjugue, la clarinette est un instrument important de la tradition klezmer, musique dont l'esprit traverse particulièrement les compositions de cet album.
