J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 23 mars 2023 05:08

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Vortex – Vortex (1975)

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Vortex - 1975-1979 (2003) - La compile

Vortex c’est d’abord l’histoire d’une fratrie, les frères « Vivante », le plus jeune, Jean-Pierre âgé de seize ans, est lycéen à Lyon. Il côtoie quelques amis avec lesquels il fonde un groupe, il y a Jean-François Trouillet qui joue de la flûte et François Gérald qui est batteur, est présent également un guitariste, le frère de Gérard, mais il ne fait que passer dans cette histoire. Ceux-là s’intéressent à Hendrix, bien sûr, à cette époque qui ne s’intéressait au génial guitariste? mais ils aiment également Soft Machine qui projette une grande influence sur leur jeu, d’ailleurs ils reprennent le répertoire de la formation.

Arrive enfin Jacques Vivante, étudiant ingénieur et frère de Jean-Pierre, souvent à Paris, il pratique la guitare, tout ce petit monde se rencontre et s’essaie à la composition à l’intérieur du groupe « Urantia », ce nom est issu d'un livre un peu ésotérique qui porte ce titre, mi-bible, mi livre philosophique. Puis c’est le grand choc, un truc terrible qui les marquera à jamais, un soir d’été, à Saint-Cyprien, ils assistent à un concert de Magma ! La connexion entre l’univers du petit groupe et celui de Magma s’impose lorsque Vander récite un passage tiré d’Urantia, la boucle est bouclée, ils ne s’en remettront pas !

Le groupe s’étoffe autour des deux frères et de François Gérald, un saxophoniste se présente, Gérard Jolivet, Jeff Trouillet est toujours là, il joue de la flûte et des percussions. Ils sont donc cinq et décident de s’appeler désormais "Vortex". Nous sommes en soixante-quinze, le groupe doit jouer au festival d’Avignon, ils décident alors de faire un album, après s’être préparé très sérieusement lors d’innombrables répétitions.

L’album sort à mille exemplaires avec des défauts assez conséquents liés à des problèmes de masterisation. Enfin si vous en possédez un, vous avez là une belle pièce de collection ! Pour ce qui me concerne je possède le double Cd de la compile du groupe, avec les deux albums augmentés de quatre titres bonus, c’est aujourd'hui ce qu’on peut trouver de plus complet à propos de ce groupe mythique.

Le titre d’ouverture est l’excellent « Haroun’ Thasckouack », un clin d’œil au vulcanologue Haroun Tazieff, la pièce est très belle, on y entend une musique qui balance dans la sphère « jazz-rock » et même un peu prog, assez dans la lignée des musiques d’alors qui foisonnaient entre nos oreilles. C’est Jacques qui tient la basse et Jean-Pierre est au piano Fender, les deux solistes sont tout à fait excellents, Gérard au saxo et Jeff à la flûte suffisent à donner cette couleur jazz qui fait tant plaisir.

L’album original contient quatre titres, le second s’appelle « Ahsquoumboum », dont le nom provient d’une "private joke" appartenant au groupe. Après le tourbillonnant « Haroun’ Thasckouack » qui donne le tourni, cette seconde compo est à la fois plus théâtrale et plus libre, elle possède des airs d’Orient et semble très composée, non sans rappeler un peu Magma avec ses « faux départs ».

« Délicieuse créature » qui enchaîne est la plus longue pièce ici, presque un quart d’heure au compteur, elle correspond au début de la face B. Pas de baisse de régime, ici l’atmosphère se fait parfois un peu mystérieuse et le titre possède quelques moments calmes qui servent de point de départ au lancement orbital de la machine, et ça fonctionne plutôt bien.

Le Cd contient deux titres bonus d’égale qualité, « C’est Cool, Raoul » et « Prolégo 1 » qui assurent parfaitement, ils offrent une valeur particulière à cette édition tant ils sont réussis. Il faut également saluer l’excellente qualité du son, cette fois-ci, ainsi que du livret intérieur très complet et qui nous plonge dans les détails de la vie du groupe, que j’ai tenté de résumer un peu ci-dessus.

Vortex ► Haroun' Thasckouack [HQ Audio] 1975


Vortex ► Ahsquoumboum [HQ Audio] 1975


Délicieuse créature


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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par whereisbrian » jeu. 23 mars 2023 07:49

Douglas a écrit :
jeu. 23 mars 2023 05:08
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Vortex – Vortex (1975)

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Vortex - 1975-1979 (2003) - La compile

Vortex c’est d’abord l’histoire d’une fratrie, les frères « Vivante », le plus jeune, Jean-Pierre âgé de seize ans, est lycéen à Lyon. Il côtoie quelques amis avec lesquels il fonde un groupe, il y a Jean-François Trouillet qui joue de la flûte et François Gérald qui est batteur, est présent également un guitariste, le frère de Gérard, mais il ne fait que passer dans cette histoire. Ceux-là s’intéressent à Hendrix, bien sûr, à cette époque qui ne s’intéressait au génial guitariste? mais ils aiment également Soft Machine qui projette une grande influence sur leur jeu, d’ailleurs ils reprennent le répertoire de la formation.

Arrive enfin Jacques Vivante, étudiant ingénieur et frère de Jean-Pierre, souvent à Paris, il pratique la guitare, tout ce petit monde se rencontre et s’essaie à la composition à l’intérieur du groupe « Urantia », ce nom est issu d'un livre un peu ésotérique qui porte ce titre, mi-bible, mi livre philosophique. Puis c’est le grand choc, un truc terrible qui les marquera à jamais, un soir d’été, à Saint-Cyprien, ils assistent à un concert de Magma ! La connexion entre l’univers du petit groupe et celui de Magma s’impose lorsque Vander récite un passage tiré d’Urantia, la boucle est bouclée, ils ne s’en remettront pas !

Le groupe s’étoffe autour des deux frères et de François Gérald, un saxophoniste se présente, Gérard Jolivet, Jeff Trouillet est toujours là, il joue de la flûte et des percussions. Ils sont donc cinq et décident de s’appeler désormais "Vortex". Nous sommes en soixante-quinze, le groupe doit jouer au festival d’Avignon, ils décident alors de faire un album, après s’être préparé très sérieusement lors d’innombrables répétitions.

L’album sort à mille exemplaires avec des défauts assez conséquents liés à des problèmes de masterisation. Enfin si vous en possédez un, vous avez là une belle pièce de collection ! Pour ce qui me concerne je possède le double Cd de la compile du groupe, avec les deux albums augmentés de quatre titres bonus, c’est aujourd'hui ce qu’on peut trouver de plus complet à propos de ce groupe mythique.

Le titre d’ouverture est l’excellent « Haroun’ Thasckouack », un clin d’œil au vulcanologue Haroun Tazieff, la pièce est très belle, on y entend une musique qui balance dans la sphère « jazz-rock » et même un peu prog, assez dans la lignée des musiques d’alors qui foisonnaient entre nos oreilles. C’est Jacques qui tient la basse et Jean-Pierre est au piano Fender, les deux solistes sont tout à fait excellents, Gérard au saxo et Jeff à la flûte suffisent à donner cette couleur jazz qui fait tant plaisir.

L’album original contient quatre titres, le second s’appelle « Ahsquoumboum », dont le nom provient d’une "private joke" appartenant au groupe. Après le tourbillonnant « Haroun’ Thasckouack » qui donne le tourni, cette seconde compo est à la fois plus théâtrale et plus libre, elle possède des airs d’Orient et semble très composée, non sans rappeler un peu Magma avec ses « faux départs ».

« Délicieuse créature » qui enchaîne est la plus longue pièce ici, presque un quart d’heure au compteur, elle correspond au début de la face B. Pas de baisse de régime, ici l’atmosphère se fait parfois un peu mystérieuse et le titre possède quelques moments calmes qui servent de point de départ au lancement orbital de la machine, et ça fonctionne plutôt bien.

Le Cd contient deux titres bonus d’égale qualité, « C’est Cool, Raoul » et « Prolégo 1 » qui assurent parfaitement, ils offrent une valeur particulière à cette édition tant ils sont réussis. Il faut également saluer l’excellente qualité du son, cette fois-ci, ainsi que du livret intérieur très complet et qui nous plonge dans les détails de la vie du groupe, que j’ai tenté de résumer un peu ci-dessus.

Vortex ► Haroun' Thasckouack [HQ Audio] 1975


Vortex ► Ahsquoumboum [HQ Audio] 1975


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Merci pour la découverte.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 23 mars 2023 11:06

whereisbrian a écrit :
jeu. 23 mars 2023 07:49

Merci pour la découverte.
Ça compensera, juste un peu, pour la demie tonne que je te dois!

:hehe:
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 24 mars 2023 03:40

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Vortex – Les Cycles De Thanatos (1979)

Le second album de Vortex est d’une autre trempe, plus complexe, préparé, avec de nouveaux entrants, sans doute plus prog également, tout en conservant ses influences premières dont il ne se départira pas. C’est également le dernier album de la formation qui ne donnera pas suite. On retrouve les deux frères Vivante à leur poste, Jacques à la guitare basse et Jean-Pierre au piano, Fender et orgue Yamaha.

Le batteur François Gérald quitte le groupe et est remplacé par Jean-Michel Belaich, après des auditions. Jean-François Trouillet quitte également le navire, un poly-instrumentiste, Christian Boissel est recruté, il joue des claviers, du hautbois et du cor anglais, il possède une solide formation de musicien. Le début de l’enregistrement des « Cycles de Thanatos » commence en juillet soixante-dix-sept.

Les conditions sont telles, et la musique si complexe, qu’il faudra bannir toute forme d’impro et écrire au fur et à mesure, quitte à regretter un manque de spontanéité et tomber dans une certaine froideur. La moitié de l’album est bouclée en un mois et demi. La première pièce, « God is good for you, John » n’est pas dédiée à Coltrane mais à John… Mclaughlin ! Nous sommes en pleine période jazz/rock et l’accent est souvent mis sur la virtuosité.

« Hipopotalamus Negrus » est également composé et se retrouve ici sur les bonus du second Cd. Dans le même temps le groupe donne des concerts et côtoie l’ARFI, « les « Cycles de Tatanos » se rôdent progressivement, la pièce sur l’album dépasse les vingt-cinq minutes.

Alain Chaléard et Maurice Sonjon jouent des percussions, du xylophone, du vibraphone des timbales et des cloches, ils se joignent au groupe, ainsi que le saxophoniste Jacques Guyot et Gérard Jolivet, qui joue de la clarinette basse et du sax également. Des invités occasionnels jouent aussi sur l’album, Michel Boissel au basson et Sunny James au violon.

On cite généralement cet album comme étant la référence principale du groupe, ça peut s’entendre, mais perso je lui trouve une certaine grandiloquence et un côté très écrit, un peu froid. Pour autant on ne s’y ennuie jamais car il possède un côté labyrinthique assez unique qui lui donne un grand intérêt.

Mais pour un gars simple comme moi, le premier essai « Vortex », frais et léger est celui que je préfère…

Vortex - Les Cycles De Thanatos 1979 FULL ALBUM
1. God Is Good For You, John (4:28)
2. Prolegomenes (11:43)
3. Les Cycles De Thanatos (25:16)

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 25 mars 2023 05:15

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Archie Shepp – A Sea of Faces (1975)

Black Saint est un label indépendant Italien créé en 1975 par Giacomo Pelliciotti. Il est dédié aux musiques d’avant-garde et plus particulièrement à la Great Black Music, donc au free jazz. Il jouera un rôle important pour la pérennité de cette forme musicale, particulièrement pour les musiciens de l’AACM de Chicago qui verront quelques portes ainsi s’ouvrir en Europe, d’autres suivront : Horo, Hat hut, Circle...

Il fallait pour lancer le label quelques musiciens éprouvés ayant déjà une bonne notoriété, capables de générer une dynamique positive. Le premier enregistrement sera signé Billy Harper avec l’album « Black Saint » et pour le second, Giacomo fera appel à la mémoire vivante du jazz en la personne d’Archie Shepp. Pour la petite histoire, « A sea of faces » sera l’un des très rares albums du label à bénéficier d’une superbe pochette « gatefold » d’un coût de fabrication plus élevé, mais quand on aime...

Cet album est le point de départ d’une longue aventure pour Black Saint mais aussi une sorte de point d’aboutissement pour Archie Shepp. Au sens propre, à travers la fin d’une longue tournée qui l’a mené à travers la France et l’Italie, mais aussi, d'une certaine façon, dans son art.

« Hipnosis » qui étend ses vingt-six minutes sur toute la première face est une pièce signée de Grachan Moncur III. Archie Shepp se lance dans une longue chevauchée qui n’est pas sans rappeler les flamboyances du passé, on pense aux albums "Magic of Juju", "Life At The Donaueschingen Music Festival", "Black Gipsy" ou "Coral Rock"… Il est propulsé par une rythmique compacte et répétitive, Dave Burrell au piano développe des variations sur une suite d’accords maintes fois rejoués, martelant le rythme en intégrant ici ou là quelques improvisations circulaires qui reviennent avec entêtement vers le thème primitif.

Beaver Harris, Bunny Foy et Cameron Brown assurent le foisonnement rythmique indispensable à la bonne tenue de l’ensemble. Le solo de Shepp n’a plus qu’à s’envoler, explorant les possibles, sans toutefois trop s’arrêter dans le cri, comme si, dans cette démesure, le « raisonnable » avait maintenant sa place. Peut-être un signe des temps, mais sa sonorité est si belle et inimitable, qu’elle lui confère indiscutablement un des tous premiers rangs dans le peloton de tête des meilleurs ténors de cette fin de siècle.

Charles Grenlee au trombone prend le relai de Shepp et n’est pas en reste, son solo est vraiment passionnant, le son cuivré se fond admirablement dans le bleu de Shepp. Dave Burrell qui se démène depuis le début dans son rôle rythmique, abandonne à la basse sa fonction vitale, puis développe un assez court solo qui intervient comme une pause, en autorisant une certaine respiration, mais la tension revient très vite avec le retour d’Archie Shepp qui nous plonge à nouveau dans un univers sans merci.

La face deux s’ouvre avec «Song for Mozambique», dans un premier temps chanté par Bunny Foy, un peu à la façon d’un blues. Puis Archie Shepp dit le poème «A sea of Faces» : « Joue de ce banjo/garçon noir/c’est le son de la musique/qui fait ton âme/bondir de joie/Uhuru ! » accompagné en background par une douce voix féminine qui tisse un écrin sur lequel la voix grave dépose les mots avec profondeur. Certainement un des moments forts de cet album.

« I Know About the Life » est une superbe ballade toute en retenue et délicatesse chantée par Bunny Foy accompagnée, par Shepp au piano. Sur « Lookin' for Someone to Love » de son ami cal Massey, Archie reprend son saxophone ténor et délivre un solo fiévreux sur un rythme enlevé, terminant cet album sous le signe de la tradition…

Encore un magnifique album de la part de l’immense Shepp.

Archie Shepp - Hipnosis


Song For Mozambique


Lookin' For Someone To Love


I Know 'bout The Life
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 26 mars 2023 06:59

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MEV – United Patchwork (1978)

Un album Horo de mille neuf cent soixante-dix-huit, il est signé par le sigle MEV qui signifie « Musica Elettronica Viva », un projet assez expérimental fondé en soixante-six, à Rome, par des artistes non italiens. On en retrouve quelques traces sur le label Byg, dans la série « Actuel », sur l’album « The Sound Pool » ou encore avec « Leave The City »…

Cet album regroupe des musiciens remarquables dont le nom figure sur la pochette, Steve Lacy au saxophone soprano, Alvin Curran au piano, au synthé et au bugle, Richard Teitelbaum au synthé et à la conque, Garrett List au trombone et Karl Berger au piano, piano électrique, vibraphone et au mélodéon, un accordéon diatonique.

L’album est double, la première pièce se nomme « Via Della Luce », elle est signée par Richard Teitelbaum et se déploie sur l’entièreté de la première face pendant près de vingt-quatre minutes. Elle est très ouverte et s’ouvre aux improvisations des musiciens qui s’en emparent avec beaucoup de verve, la pièce est un régal, souvent planante entre impros jazz et électro.

« Fox » la compo de Steve Lacy qui suit est typique du travail de ce dernier, assez perchée, elle oscille entre la répétition et l’emphase, se gonflant de force en avançant, Steve installe une sorte de continuité sur le court titre qui suit, puis sur la compo du tromboniste Garrett List.

La troisième face s’ouvre sur « Psalm » d’Alvin Curran, sa voix, en effet, semble psalmodier une prière à la mode orientale, Alvin est un des premiers à s’être engagé dans l’aventure MEV, on le retrouve sur pas mal d’albums de la formation, cette pièce un peu mystérieuse et intimiste est une des belles réussites de cet album. La pièce suivante est très différente « What is Freedom » de Frederic Rzewski, elle se veut une chanson de Noël dans une ville futuriste, Karl Berger au vibraphone lui donne un cachet mélodique et dansant.

La présence de Steve Lacy qui s’ajoute aux trois historiques, Alvin Curran , Frédéric Rzewski et Richard Teitelbaum, est tout à fait déterminante dans cette aventure sonore et ajoute une réelle énergie sur ce superbe album, sans doute l’un des plus aboutis de la formation.

Il semblerait qu’une réédition non officielle ait été effectuée en deux mille vingt sur le label Alternative Fox que je ne connais pas…

MUSICA ELETTRONICA VIVA ~ Via Della Luce (Un très bref extrait de la pièce)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 27 mars 2023 03:46

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Prince Lasha, Sonny Simmons, Clifford Jordan & Don Cherry - It Is Revealed (1963)

Voilà un album que je ne connaissais pas avant d’entrer dans cette boutique, « Le Trou Noir », le gars assis derrière sa console est un véritable amateur de jazz, éclairé, riche d’une longue fréquentation de concerts avec une expérience qui grandit en même temps que les années passent… Oui, je me sentais bien et je n’ai pas eu grand mal à trouver quelques vinyles irrésistibles.

Celui-ci est le premier, une formation hors-normes, Prince Lasha à la flûte, Sonny Simmons au sax alto, Clifford Jordan au ténor, Don Cherry à la trompette, Fred Lyman au bugle, Orville Harrison et Bill Wood aux basses et Charles Moffett à la batterie ! Comment la réunion d’un tel équipage a pu échapper à mon attention si longtemps ? Bien vite l’album se retrouve sur la platine et emplit de sonorités familières l'air ambiant, et ce que j’entends me va, je suis conquis.

C’est enregistré à New-York au mois de mai mille neuf cent soixante-trois, ça sent le « bootleg » mais le son est correct et l’expérience sonore très stimulante. J’ai dû remplacer ma platine qui m’a lâché, et je l’écoute sur ma toute nouvelle « Project », ce n’est évidemment pas un album idéal pour dévoiler les finesses audios, mais je perçois malgré tout une belle finition sonore.

Il est généralement admis que c’est Prince Lasha qui serait le leader ici, « Doxy » est un petit label d’époque qui faisait ce genre de coup, organiser ce genre de « jams » où se réunissaient des musiciens en train de se faire un nom, ici c’est carrément bien vu et bien senti ! Il se raconte que Don Cherry n’était pas prévu à cette fête, et que les musiciens le rencontrèrent par hasard dans la rue, du coup ils l’informent du projet et l’invitent à les rejoindre, fou-fou, non ?

Prince Lasha leader pourrait fonctionner car il est, avec Sonny Simmons, l’auteur d’une première version de « Lost Generation », sortie un peu avant. Elle dépassait tout juste les cinq minutes, mais ici elle est magnifiée, vingt et une minutes quinze au compteur, laissant de l’espace à tous, les soli s’enchaînent et chacun s’exprime dans l’esprit que l’on connaît, c’est juste magnifique…

Face B deux compos, « The Trane » interprété toujours dans cet esprit de jam session où chacun s’exprime en tant que soliste, laissant la place aux thèmes ou aux codas. La dernière pièce, « Prelude To Bird » serait elle aussi inspirée de notre Prince local, bien qu’au dos il soit indiqué que « toutes les compositions sont l’œuvre de l’orchestre ».

Le bugliste Fred Lyman a donné une version un peu différente où le « rassembleur », plus que le leader, serait Clifford Jordan qui a réuni tout ce beau monde dans l’intention de « faire un bœuf », mais qu’importe, l’album est bon, entre post-bop et pré-free, un entre deux typique de ces années où pouvait s’entendre ce curieux « entre-deux » si savoureux…

Prince Lasha | Sonny Simmons | Clifford Jordan | Don Cherry – It Is Revealed [Full Album]

00:00 Lost Generation
21:15 The Trane
32:52 Prelude To Bird

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 28 mars 2023 01:51

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Steve Lacy with Wynton Kelly – Soprano Today (1958)

A l’intérieur de cette boutique il y avait ce vieil album également, mais dans sa livrée plus récente en version française chez « Carrère », d’où son nom, « Soprano Today », mais il est sorti en version originale avec un autre patronyme, « Soprano Sax » qui le fait bien également. Ça a été enregistré à Hackensack, dans le New Jersey, le premier novembre mille neuf cent cinquante-sept sous la supervision de Rudy Van Gelder.

Un album « Prestige », et le tout premier dans la très longue et sinueuse discographie de Steve Lacy. Il ne s'étale pas trop, trente-trois minutes et trente-trois secondes, ce qui était correct pour l’époque, mais ça file vite, trois titres par face. Essentiellement des reprises. Deux titres signés Ellington, « Work » de Thelonious Monk, une évidence pour ce qui concerne Steve Lacy, un traditionnel « Little Girl, Your Daddy Is Calling You », « Easy to Love » de Cole Porter et « Alone Together » le standard.

La période est au be-bop, l’album s’inscrit dans ce style et le quatuor appartient à cette génération, tous nés au début des années trente. C’est la première session d’enregistrement de Steve Lacy en tant que leader, et, si on admire la technique parfaite, le bon goût et l’assurance de la formation, on ne sent à aucun moment le virage futur qui verra le sopraniste s’envoler vers des sommets de créativité.

Pourtant, pour qui le fréquente assidument on devine quelques signes, présents ici dans la cire. Le pianiste Wynton Kelly est l’invité principal, gardien de la tradition, évidemment parfait dans son rôle, ainsi que Buell Neidlinger à la basse et Dennis Charles à la batterie, deux qui joueront plus tard en compagnie de Cecil Taylor.

Cet album est le point de départ de l’une des plus créatives et des plus riches aventures au pays du jazz, avec de multiples rencontres et des étapes discographiques hors du commun…

Alone Together


Day Dream


Easy To Love


Work
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 29 mars 2023 05:01

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Steve Lacy Gang – Roba (1972)

Déniché également un exemplaire de « Roba », un autre album de Steve Lacy sorti sur « Saravah », vous auriez fait comme moi et glissé rapido l’album avec ceux à mettre de côté, certes l’écoute dans l’antre du « Trou Noir » révèle un album qui a bien servi, mais dès que l’humeur se réchauffe il ne reste plus que la passion…

C’est un enregistrement live du quinze juin soixante-neuf, capté à Rome, à la galerie « L'Attico », rien que la date suggère une expérience free et innovante, c’est bien le cas, « Roba » est un titre qui s’étale sur les deux faces de l’album, frôlant les quarante-deux minutes de musique entièrement improvisée.

Steve Lacy joue bien entendu du saxophone soprano, ce qui ne surprend pas, mais également du sopranino, ce qui est assez inhabituel. Sont présents également Enrico Rava à la trompette, Claudio Volonté à la clarinette, Italo Toni au trombone, Irène Aebi au violoncelle et Carlo Colnachi à la batterie. Irène deviendra la compagne de Steve, elle participera à de nombreux albums sur lesquels elle chantera parfois…

« Roba » est le second enregistrement de Steve Lacy paru sur Saravah, bien qu’il contienne une piste assez ancienne. Pierre Barouh est enthousiaste et encourage ces musiques libres, si fascinantes par les développements qu’elles autorisent. Cinq albums sortiront sur le label, Lapis (71), Scraps(74), Dreams(75), et The Owl(79).

Bien entendu cet album ne saurait plaire qu’aux véritables amateurs de free music, car ici la matière est toute en flottement, co-construite au fil du temps, vivante, elle respire et se nourrit de la créativité inspirée des musiciens jusqu’à la dernière note, un "Gang" comme on aime…

Sur le tube la version de la compile "Scratching The Seventies / Dreams" qui collecte les enregistrements Saravah.

Roba (Part 1)


Roba (Part 2)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 30 mars 2023 04:51

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Tchangodei, Louis Sclavis – Ballade Obscure (1983)

Voici un album en duo réunissant le pianiste Tchangodei et le clarinettiste Louis Sclavis. La pochette semble souligner la prédominance de Tchangodei, ce qui n’est sans doute pas faux, mais le verso reprend la même esthétique de pochette avec cette fois-ci une photo de Louis Sclavis.

Les deux sont des musiciens plutôt à leur début pour ce qui est de l’aventure discographique, le pianiste s’est peu frotté à la complicité musicale, jouant plutôt en solo, cet album-ci est le premier qui le voit dialoguer avec un autre musicien, tout au moins pour ce qui concerne les traces enregistrées.

C’est son empreinte qui est la plus forte ici, bien qu’il soit le plus jeune il présente une personnalité musicale très affirmée, avec une forte identité musicale. Il joue avec déjà beaucoup de maîtrise et se plaît tant à dialoguer et à soutenir son partenaire, comme sur le titre d’ouverture « Attente en Automne », qu’à improviser et créer des mondes sonores très denses et contrastés sur les deux pièces qu’il joue en solo, « Sources du Silence » et « Confession ».

En fait Louis Sclavis ne joue que sur les deux autres pièces de l’album, celles qui ouvrent les faces. Il impose sa personnalité très lyrique et offre une belle contrepartie au pianiste, celui-ci est en phase avec son alter ego et la magie opère avec efficacité, comme sur « Ballade Obscure » qui se révèle à la fois contemplatif et mystérieux, voire inquiétant.

Tchangodei est évidemment un fils de Monk, ce « Dieu du tonnerre » a été à bonne école, son style est souvent très contrasté et marie les contraires, jouant souvent avec puissance et force et l’instant d’après avec beaucoup de retenue, mais son discours est toujours très prenant et passionnant, évocateur et démonstratif, qui ne peut laisser indifférent. Bien souvent il nous semble nous tenir face à un peintre qui tisserait une toile sonore, tellement sa musique fait naître en nous des images évocatoires, comme s'il se branchait sur notre propre vie intérieure …

Puis, arrive l'heure de quitter ce "trou noir" et son monde sidéral, avant d'enfin faire tourner les disques!
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 31 mars 2023 04:48

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Elvin Jones – Dear John C. (1965)

Histoire de se faire un petit plaisir je mets sur la platine ce vieil album de soixante-cinq, dans sa version mono, juste pour goûter le son, pour le frisson d’époque. Le maître Elvin Jones lui-même, sur Impulse, période « A love Supreme », sans le génie sans doute, mais avec une certaine magie malgré tout !

On pourrait le ranger avec les albums de post bop, comme tant d’autres, mais il y a Elvin tout de même, énorme ici, vraiment parfait, comme on l’aime, avec sa force et sa puissance, mais aussi son doigté et son jeu de cymbales souvent nuancé. Mais ce n’est pas tout, il y a également Richard Davis à la basse, certainement un des plus grands de l’instrument, royal ici.

L’album est enregistré lors de deux sessions espacées de deux jours, l’une du vingt-trois février, l’autre du vingt-cinq, aussi la disponibilité des musiciens n’est pas assurée, ainsi Hank Jones, le frère aîné d’Elvin, tient-il le piano lors de la première session, et est remplacé par l’excellent Roland Hanna lors de la seconde.

Mais il faut bien un souffleur pour suppléer à John Coltrane à qui l’album est dédié, et bien, rien d’évident au premier abord, mais c’est le saxophoniste alto Charlie Mariano qui est l’élu, et, croyez-moi si vous voulez, mais il est tout simplement extraordinaire, en fait à son meilleur pour ceux qui le connaissent !

Le format de l’album est sans surprise, neuf titres au total, cinq d’un côté et quatre de l’autre, des reprises, des standards. « Dear John C. » qui ouvre l’album est la pièce la plus imprégnée de l’énergie spirituelle Coltranienne, signée par le patron du label Bob Thiele ainsi que par Bob Hammer.

Mais il y a des pièces de Mingus, Parker ou Duke, de quoi naviguer dans les styles et les ambiances, et aussi des standards comme « Everything Happens To Me » ou « Smoke Rings », les pièces sont assez courtes, s’arrêtent toujours avant les six minutes et livrent leurs secrets assez rapidement, soumises à la verve bouillonnante d’un Charlie Mariano qui nous éblouit par sa très grande classe.

De ces albums qui resteront sans doute mineurs, et qui pourtant libèrent une grande beauté et beaucoup de positivité.

Dear John C.


Everything Happens To Me


Feeling Good


Love Bird (Reincarnation Of A Lovebird) - Elvin Jones
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 1 avr. 2023 05:33

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Elvin Jones – Live At The Village Vanguard (1974)

Un batteur iconique, un lieu historique et vénéré de la musique jazz, et il faudrait ajouter également la date d’enregistrement, et non celle de parution, car l’album a été capté le vingt mars mille neuf cent soixante-huit, c’est-à-dire quelques mois après la disparition de John Coltrane, on sent sa présence dans les têtes, dans la musique, avec le saxophoniste George Coleman dans le rôle du saxophoniste, d’ailleurs il lui succéda en tant que ténor stable dans le groupe de Miles Davis, après que Coltrane l’ai quitté…

Un trio donc, Elvin Jones, George Coleman et Wilbur Little à la basse, ce dernier a joué avec tout ce qui porte un nom parmi les musiciens de sa génération, grand bassiste et assurance tous-risques, le trio est d’enfer. Il faut également ajouter la présence du trompettiste Marvin Peterson le temps d’une pièce, « Mister Jones » qui ouvre la face B pendant un bon quart d’heure.

Mais avant ça il faut parler du boss, l’immense Elvin Jones qui étale son savoir-faire et sa grande classe pendant cet enregistrement, il est central ici, tentaculaire et universel, une grande leçon de batterie, un truc énorme, mais finalement il joue comme il a toujours joué, volubile, avec ses six mains et tous les doigts qui vont avec !

Il joue même en solo pendant le « Mister Jones » que je viens d’évoquer, peu après que Marvin Peterson n’aie fait éclater les spots avec son souffle puissant, gravissant les aigus à pleine puissance… l’album s’ouvre avec « By George » de George Coleman et se poursuit avec le standard « Laura » qui clôt la face, et c’est un autre standard « You Don’t Know What Love Is » qui termine l’album.

Le set est excellent et souvent même époustouflant vu la personnalité des musiciens, on se trouve dans une sorte de post-bop assez exploratoire, modale, entourés de musiciens chevronnés qui connaissent leur affaire !

By George


Laura


Mister Jones


You Don't Know What Love Is
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 2 avr. 2023 03:32

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Elton Dean Quintet – The Bologna Tape (1985)

Evoquons, le temps de cet album, une autre face d’Elton Dean, connu plus souvent comme membre de Soft Machine et de son rôle sur la Scène de Canterbury. Mais tout ça appartient au passé, nous voici en quatre-vingt-cinq et Elton a viré sa cuti côté jazz, le voici à la tête d’un quintet en Italie, à Bologne où il se livre à deux « jams » intenses et épiques, ici ça transpire et les chevaux sont lâchés !

L’album est bon et les intervenants sont de qualité, se libérant assez vite des carcans dans cette douceur italienne. Elton Dean joue du saxello, une variation du saxophone soprano, Harry Beckett de la trompette et du bugle, Nick Evans du trombone, l’irlandais Liam Genockey de la batterie et Marcio Mattos est le bassiste brésilien de ces sessions, live à « l’Osteria Delle Dame » de Bologne, ce dix-huit avril quatre-vingt-cinq.

Deux improvisations sont le fruit de ce concert, chacune sur une face, « Port Of Call » qui dépasse les vingt minutes sur la première face et « Dust Up » encore plus étendue sur la seconde. Le tout est entièrement improvisé et ça fonctionne du diable ! Il faut dire que ces musiciens se connaissent parfaitement et, le temps d’une brève introduction, la machine qui se met en branle est tout simplement extraordinaire…

Chacun sait où se mettre en place, et les articulations semblent couler de source, l’habitude de jouer ensemble très certainement, une sorte d’union s’établit d’office et chacun apporte sa touche à l’édifice avec une redoutable efficacité. Les solistes sont exceptionnels et, à tour de rôle, les musiciens apportent, qui sa « patte », qui son génie propre, aucune faiblesse ici, seuls les rétifs à la musique « libre » trouveront à redire.

C’en est même impressionnant d’observer la « bâtisse » se construire, elle semble obéir à des plans, à une structure préétablie. C’est là le secret des impros quand elles se déroulent mieux que bien, qu’elles avancent avec une certaine gourmandise, pleine d’à-propos et de verve inépuisable, le premier jet est le bon, même s’il se joue à cinq !

Alors je ne sais si l’album plaira aux amateurs de l’école de Canterbury, mais je leur souhaite de goûter, par ce biais, aux bienfaits de la musique libre, si belle et créatrice, quand elle se joue comme ici, avec la plus belle des décontractions…
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 3 avr. 2023 03:55

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Eje Thelin / Pierre Favre / Jouck Minor ‎– Candles Of Vision (1972)

Un album, me semble-t-il, dont on ne parle jamais, nulle part, ni en bien, ni en mal, c’est comme ça, inconnu au bataillon, juste ignoré, rien, nada.

Ceci étant posé il a sa fiche sur discogs, environ soixante-dix possesseurs, donc des admirateurs, et c’est bien le moins, car l’album est bon, très original dans sa forme, un trio assez extravagant et des pointures aux trois extrémités. Eje Thelin, le suédois, est tromboniste, Pierre Favre, le suisse, est batteur percussionniste, et Jouck Minor, le français, est sarrussophoniste, il joue également du saxophone baryton et du sopranino.

Jouk, cette fois-ci sans la lettre « c », a été entendu sur « Esprit de sel » d’Armonicord, ou encore sur « La Guêpe » de Bernard Vitet et a même fait un petit tour avec « Un drame musical Instantané », et également sur « Sonoris Causa » dont on a parlé par ici. Je n’insiste pas sur Pierre Favre, il possède déjà une belle renommée et Eje Thelin est un as de son instrument qu’il pratique avec une grande expertise.

L’enregistrement présent rend d’ailleurs justice aux trois qui jouent ici, c’est une véritable démonstration, pas seulement technique mais également musicale, car la musique est véritablement inouïe, cet édifice à trois si original est une merveille d’équilibre, de justesse, d’idées et d’innovations. Les pièces sont de durée souvent assez courte, entre une minute cinquante-quatre et sept minutes vingt, sept au total qui se succèdent.

Ça s’est passé le seize juin soixante-douze, il faisait beau à l’ORF-Studio Steiermark de Graz en Autriche, et l’album est paru sur « Calig ». Les compos ont été préparées, libérant des espaces d’improvisations dans des structures souvent mélodiques ou dynamiques, libérant des timbres parfois cuivrés et très graves, des sonorités peu usités qui embarquent bien par leur étrangeté.

Bien qu’il n’existe pas de version Cd et que l’album ne jouit pas d’une très grande diffusion, il pourrait pourtant plaire à beaucoup, à ceux qui sont en quête de sons nouveaux et d’originalité, car bien qu’il soit âgé de plus d’une quarantaine d’années, il n’a rien perdu en vitalité et en énergie, il paraît même très moderne, et encore en avance avec ce côté expérimental, très accessible, habité d’une sorte d’optimisme qui revigore.

De brefs extraits sur le tube, de quoi se faire une idée...

Eje Thelin , Pierre Favre , Jouck Minor / Candles Of Vision


Eje Thelin , Pierre Favre , Jouck Minor / Candles Of Vision
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 4 avr. 2023 04:23

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Eddy Louiss – Orgue (1972)

On ne parle plus guère d’Eddy Louiss, pourtant il semble qu’autrefois il faisait partie du paysage, la faute à Nougaro, peut-être, qui le cita même en chanson pour lui rendre hommage, lui qui fut son accompagnateur :

« Hors de l'eau un orgue a surgi
C'est pas Némo c'est Eddy
À l'horizon l'orgue se hisse
Oh hisse et oh, c'est Louiss
».

Eddy c’était l’homme à l’orgue Hammond B3, et son truc c’était les tirettes, pour faire durer le son, le faire swinguer et le faire danser tant que faire se peut. Sur la pochette de cet « America » on le voit les yeux dirigés vers le ciel, comme hypnotisé ou subjugué, peut-être pense-t-il à la Martinique, de là où il vient, ou bien encore à son père, trompettiste qui le guida vers le jazz, mais pas n’importe quel jazz, non ce qu’il aime c’est le « jazz à Papa » qui balance et fait tourner et danser toute la nuit…

Cet album est magnifique, millésimé soixante-douze, Eddy est accompagné par Jimmy Gourley à la guitare, un fabuleux musicien qu’on écoutait alors, au temps d'avant, il m'avait enchanté sur les ondes de France Musique, je m'en souviens encore. Il y a Guy Pedersen à la basse sur les deux titres où il joue, et rien moins que Kenny Clarke à la batterie, inutile de dire que ça tourne rond ici et que tout balance à la perfection.

Tout se déroule dans une certaine tradition, y compris le répertoire, ça commence avec « Night In Tunisia » de Dizzy Gillespie, de quoi faire chauffer l’ambiance rapido, comment ne pas taper du pied en même temps que le disque tourne ? Les soli de Jimmy Gourley sont absolument remarquables en écho aux attaques de l’orgue B3, on pense au fabuleux Jimmy Smith, même si, une fois, le saxophoniste Stan Getz a laissé échapper : « Pour moi Eddy Louiss est le plus grand organiste du monde ! » En même temps c'est pas faux, ils peuvent se serrer un peu, au Panthéon!

De quoi se chopper le melon pendant quinze jours un truc pareil ! J’ai oublié de vous citer les gens avec qui il avait joué, mais il y en a trop et ce serait trop long, d’autres s’y sont essayé et la page A4 n’a pas suffi ! restons au B3 avec « Blusinef » la seule compo d’Eddy ici, il y aura encore une reprise de Dizzy pour clore la face « Tin Tin Deo ».

Deux titres occupent la face B, c’est ça l’orgue, ça s’étale un peu et ça prend son temps, le temps d’une clope ou deux qui finiront dans le cendrier pas loin… « Automne Leaves » puis « Four And Six » de Wes Montgomery et « Summertime » de Gershwin dans un medley bien mené.

Ici tout est bon et c’est le genre d’album qui se trouve à pas cher, comme de la bonne musique populaire qui fait pas de chichi et ne fait pas de manière, alors si vous tombez dessus ne le loupez pas !

Eddy Louiss - Tin Tin Deo


Four And Six / Summertime


Eddy Louis - Autumn Leaves


Bluesinef
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Bebeto » mar. 4 avr. 2023 17:20

Douglas a écrit :
mar. 4 avr. 2023 04:23
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Eddy Louiss – Orgue (1972)
J'ai la chance de le posséder en vinyle. Et l'enregistrement est fabuleux. Sur mes Clipper il sonne du tonnerre. Je peux me séparer de mes disques de jazz, mais celui-ci sera parmi les derniers.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 5 avr. 2023 04:39

Bebeto a écrit :
mar. 4 avr. 2023 17:20
Douglas a écrit :
mar. 4 avr. 2023 04:23
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Eddy Louiss – Orgue (1972)
J'ai la chance de le posséder en vinyle. Et l'enregistrement est fabuleux. Sur mes Clipper il sonne du tonnerre. Je peux me séparer de mes disques de jazz, mais celui-ci sera parmi les derniers.
Pour ma part, en matière de possession vinylique, je me comporte comme un immortel, s'il t'arrivait de vouloir vraiment t'en séparer, il se pourrait qu'il y ait quelques pièces que j'aimerais écouter avant que de m'évaporer...

Le volume deux de cet "Orgue" par exemple, ou le concert avec Stan Getz "Dynasty" de 71, pour rester avec Eddy Louiss...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 5 avr. 2023 04:52

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Eric Gale – Forecast (1973)

Voici un album que j’avais récupéré il y a pas mal de temps, c’est une version US avec le tampon « Van Gelder » situé dans la Dead Wax, l’album a été en effet enregistré sur le label « Kudu », dans les studios de Rudy Van Gelder en janvier soixante-treize, par l’ingénieur lui-même qui enregistre et masterise.

L’autre pendant très important, c’est que ce fameux label dépend de CTI et est supervisé par Creed Taylor lui-même, qui produit l’album, c’est une précision d’importance car tous les albums qui passent sous sa houlette sont imprégnés de sa « patte », de son coup de main. Ici c’est un poil moins visible que pour d’autres car il ne joue pas la carte du « funk » maison mais plutôt celle des cordes, bien présentes ici sur quelques titres.

Ajoutons que les albums produits par Creed Taylor se vendent souvent très bien, il sait y faire pour faire sonner un album et le rendre agréable pour le plus grand nombre, encore aujourd’hui les albums qui sont passés entre ses mains sont recherchés par un public sensible à ce « son » très travaillé.

Eric Gale est un guitariste de style jazz qui a réussi, au fil des ans, à se faire un nom. A l’origine il avait le profil d’un requin de studio qui enregistrait au cachet, il était très recherché et cet album est le premier sous son nom, il sera suivi par une quinzaine d’autres avant qu’il ne décède en quatre-vingt-quatorze.

Ainsi ce « Forecast » ne manque pas d’intérêt, il est même souvent assez irrésistible, comme le titre d’intro, une reprise du hit « Killing Me Softly With His Song » de Roberta Flack, ou le magnifique « Cleopatra » ou encore l’excellent « White Moth » qui ouvre la face B mais il faudrait les citer tous en fait, dans ce genre c’est absolument parfait !

Côté personnel il y a vraiment du monde, commençons par l’excellent batteur maison, Idris Muhammad lui-même, deux sections de cuivres, trompettes et bugles ainsi qu’une autre de trombones, Pepper Adams au sax baryton, Jerry Dodgion et Joe Farrell au ténor, Hubert Laws à la flûte et au picollo, il y a également une section complète de cordes.

Les moyens sont là et tout ça s’entend, pour vous plaire, très certainement… Signalons que les albums d’Eric Gayle bénéficient d’un grosse cote d’amour au Japon où il se rendait de temps à autres.


Killing Me Softly With His Song - Eric Gale


Eric Gale White Moth


Eric Gale - Cleopatra


Eric Gale - Forecast 1973
Modifié en dernier par Douglas le mer. 5 avr. 2023 10:21, modifié 1 fois.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 6 avr. 2023 04:40

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Enrico Rava – Il Giro Del Giorno In 80 Mondi (1972)

Cet album qui fleure bon les années soixante-dix est le tout premier d’Enrico Rava, il connaîtra une seconde vie lors d’une réédition sur le label Black Saint en soixante-seize, qui lui accordera le bénéfice d’une plus grande notoriété. Enrico sort cet album après un passage dans l’orchestre de Carla Bley et commence ainsi une carrière de leader.

Le trompettiste s’entoure d’excellents musiciens accompagnateurs, le guitariste Bruce Johnson par exemple qui brille excellemment sur cet album, il est soutenu également par Marcello Melis à la basse Fender et Chip White à la batterie. Cet ensemble constitue un quartet qui oscille entre musique funky et courts passages parfois un peu free.

Enrico est l’auteur de toutes les compos excepté la dernière de l’album « Ohlos De Gato » qui est signée Carla Bley. Il manifeste un certain don pour l’écriture des thèmes, le titre d’ouverture par exemple « C.T.’s Dance », probablement un hommage à Cecil Taylor, est particulièrement réussi avec un Bruce Johnson très en forme, le genre de thème très affûté qui touche direct.

« Back To The Sun » est également bien vu, le morceau titre « Il Giro Del Giorno In 80 Mondi » ouvre la face B, c’est une sorte de ballade qui laisse transpirer une grosse dose de lyrisme, le trompettiste s’en donne à cœur joie, bien accompagné par les sons de la guitare. La pièce suivante est plus enlevée, le duo trompette basse, bien soutenu par la rythmique se lâche bien, chaque pièce nous prouve que la formule du quartet sans piano, mais avec guitare, est très efficace.

Aujourd’hui Enrico Rava joue encore, il n’a renoncé ni à sa musique, ni à ses idéaux, il prend encore des risques en choisissant de jouer ce qu’il aime avant tout, la musique libre, son dernier album sorti en deux mille vingt-deux, « 2 Blues For Cecil » regarde toujours du côté de Cecil Taylor l’irréductible, y-a-t-il de plus forts témoignages et de plus indéfectible fidélité ?

C.t.'s Dance


Back To The Sun


Olhos De Gato


Il Giro Del Giorno In 80 Mondi
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 6 avr. 2023 21:48

Un petite remontée pour un bel album d'Enrico Rava, William Parker et Andrew Cyrille...
Douglas a écrit :
mer. 26 janv. 2022 05:45
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Enrico Rava, William Parker, Andrew Cyrille - 2 Blues For Cecil (2021)

Retour à l’actualité de 2021 avec cet album sorti en hommage à un autre grand du free, Cecil Taylor. Ce sont trois musiciens qui le côtoyèrent à un moment ou à un autre qui sont ici réunis, le bugliste Enrico Rava, le contrebassiste William Parker et le batteur Andrew Cyrille. L’album se nomme « 2 Blues For Cecil », il est sorti sur « Tum Records » un label finlandais. Il a été enregistré il y a environ un an, en février 2021, à la suite du festival « Sons d’Hiver ».

On y trouve des improvisations, des titres signés par chacun des musiciens, ainsi qu’une reprise de « My Funny Valentine », en fin d’album. Encore un Cd bien plein, il dépasse les soixante-dix minutes. Il contient un livret intérieur assez complet qui reprend la bio des musiciens ainsi que différents renseignements et quelques photos.

Celui qu’on n’attendait peut-être pas dans ce trio c’est Enrico Rava qui joue du bugle ici. C’est sans doute lui qui joua le moins longtemps aux côtés de Cecil Taylor parmi les trois, mais j’ai bien écouté l’album qu’il enregistra en 1988 en compagnie du « Cecil Taylor European Orchestra », et c’est bien l’un des meilleurs du pianiste. J’imagine sans peine que chaque membre qui participa à ce chef d’œuvre fut marqué par cet enregistrement, et envié par ses pairs qui auraient sans doute aimé prendre part à ce grand orchestre phénoménal.

William Parker a fait partie du Cecil Taylor Unit entre 1980 et 1991 et Andrew Cyrille participa aux légendaires « Unit Structures » et « Conquistador ! » ainsi qu’à un grand nombre d’albums. Ce sont des proches qui connaissaient intimement l’intègre musicien.

On sent à la fois le respect et l’admiration qu’ils avaient pour le géant en écoutant ce magnifique album. On pourrait hâtivement le classer dans le free mais ce serait une erreur, il y a également beaucoup de blues ici, la musique bleue de la peine et de la tristesse que l’on ressent parfois…

Ce que je voudrais dire c’est qu’ici on a probablement un des meilleurs albums d’Enrico Rava, sans jamais tomber dans l’esbroufe ou la vélocité gratuite, nous sommes, bien au contraire, face à un album où le feeling et la simplicité transpirent dans son jeu. Mais il faudrait ajouter aussitôt que c’est aussi probablement un des meilleurs de William Parker, c’est lui le grand timonier celui qui donne le cap et l’assise à ses deux compères.

Mais, ce serait encore aller un peu vite, si on oubliait de souligner qu’il se pourrait bien que ce soit également un des meilleurs enregistrements de Cyrille qui, ici, donne du tambour et des cymbales tel un décorateur- ornementiste des grands espaces, marquant le tempo comme sans y prendre garde, y compris à l’aide de trous d’air, de vides, tel un grand magicien des rythmes.

Ballerina - Andrew Cyrille, William Parker, and Enrico Rava
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