Sgt Pepper, le meilleur album des Beatles?

Beatles, Rolling Stones, Led Zeppelin, Pink Floyd, The Who, The Doors...
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Pablitta
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Re: Sgt Pepper, le meilleur album des Beatles?

Message par Pablitta » sam. 23 sept. 2023 14:47

dark pink a écrit :
sam. 23 sept. 2023 14:27
Il paraît que des profs d'anglais font étudier des chansons des Beatles régulièrement maintenant mais ça semble trop tard, les mômes ne les connaissent pas et préfèrent du rap ou des machins récents...
Ou alors, pour être plus optimiste, cela peut leur faire découvrir la pop ...
Au collège, la prof utilisait The Fool on the Hill. Comme pour Cooltrane, cet anglais est rentré direct dans ma tête, bien plus vite qu'avec les autres modes d'enseignement. A partir de là, l'anglais a été un plaisir.
A tel point d'ailleurs, que quelques années plus tard j'épousais un Irlandais qui, à l'époque, ne parlait pas un mot de français :)

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dark pink
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Re: Sgt Pepper, le meilleur album des Beatles?

Message par dark pink » dim. 24 sept. 2023 15:34

- « I don’t really want to stop the show », Tu sais ce que ça veut dire ?
- Non… Ça veut dire quoi ?
- Je ne veux pas vraiment arrêter le show !
- Ouais, d’accord.
C’est mon premier contact avec Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Sans savoir que le mec parlait d’un disque. Il m’avait abordé comme ça, sans même un salut. Il faut dire qu’on n’était pas venus pour causer mais pour fumer en cachette dans la cabane du jardin d’un troisième larron. Il apportait les cigarettes, des Disque Bleu sans filtre, l’autre avait un briquet et j’étais chargé des pastilles Vichy pour pas que nos parents sentent l’odeur du tabac. Ces bonbons à la menthe me servaient aussi et surtout à calmer l’incendie qui faisait rage dans ma bouche après ces séances enfumées. En 1967, j’avais 11 ans, mes premières cigarettes composées du scaferlati de la SEITA (Société d’Exploitation Industrielle des Tabacs et Allumettes) dans un papier grossier étaient particulièrement agressives pour ma sphère ORL, comme disent les gens qui savent causer.
Après trois cigarettes, on avait la gueule en feu, la nausée, une drôle d’envie d’aller aux cabinets et les yeux larmoyants. On écoutait Mathieu, plus vieux que nous de 5 ou 6 ans, dont l’âge avancé et l’expérience tabagique bien entamée lui permettaient d’être moins atteint et de tenir un discours bien plus cohérent que le nôtre. Aujourd’hui, c’est le nouveau disque des Beatles, mot qu’il prononce très bien à l’anglaise, qui le motive. Il nous cite des bribes de paroles tout en disant que ce disque est le meilleur de tous les temps : « Tous les autres disques valent quasiment que dalle face à celui-là ! ». Je n’avais pas tout retenu, j’étais plus préoccupé à faire bonne figure et cacher ma souffrance causée par la cigarette. J’avais quand même gardé en tête le nom du groupe que j’avais déjà entendu et j’essayais de le prononcer comme Mathieu mais sans faire le rapprochement avec l’article sur eux que j’avais vaguement lu dans le Paris Match que la voisine avait prêté à ma mère. Pour moi on ne parlait pas de la même chose. A cause de mon ignorance de l’anglais, je lisais un texte sur les « Béats t’laissent ». Rien à voir !

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Quand la petite sœur de Mathieu, Sandrine, me prêtera le disque quelques années plus tard je me rendrai compte que j’avais eu des contacts avec ce fameux Sgt Pepper plusieurs fois avant cet après-midi enfumé sans le savoir par l’intermédiaire de la radio de ma mère. J’avais déjà entendu certaines de ces chansons. When I,m Sixty-Four en faisait partie à coup sûr. J’étais au lycée, cette fois, je faisais de l’anglais et l’idée que ces mecs se préoccupaient de leur vie « quand ils auraient 64 ans » me semblait complètement hors de propos. Mais la musique et ses arrangements un peu surannés me plaisaient beaucoup. Lors d’une discussion avec un prof, j’avais affirmé avec tant de conviction que je n’atteindrai pas 30 ans que ce prof avait demandé sérieusement à ma mère si je n’étais pas affublé d’une maladie incurable quelconque qui me terrasserait avant d’atteindre cet âge. A ce moment précis, ma déception devant les attitudes autoritaires et les compromissions des adultes s’était transformée en dégoût profond et plus qu’un mal caché qui me rongeait, j’exprimais mon vœu de ne jamais devenir un adulte, en tout cas pas comme ça. Ce qui tombait bien, c’est que la musique des Beatles agaçait les vieux et exprimait dans certaines chansons cette révolte que je ressentais très fort, trop fort. Je ne voulais pas non plus foutre les jetons à ma mère qui avait été ébranlée par la révélation de ce connard de prof.

Pour fustiger l’autoritarisme et le manque d’empathie des adultes qui avaient pourtant été des enfants avant de devenir ces êtres détestables, She’s leaving home, l’avant dernière chanson de la face A de Sgt Pepper, me plaisait particulièrement. Je le disais en ricanant ma traduction libre des paroles : « Elle se barre le mercredi matin, elle laisse un mot sans fioritures, ses vieux n’ont qu’à piger, mais comme ils ont rien pigé avant… Le vendredi elle rencontre un mec et elle baise. Après ça elle se marre et si vous voulez mon avis, elle baise tout ce qui bouge, ça coûte rien. Et ses vieux n’ont plus qu’à chialer avec leur pognon et leur bonne éducation. Et j’ajoutais sous les rires gras de mes complices : Moi, si je me barre un mercredi matin, je fais comme elle dès le mercredi soir !»

On voulait se barrer. Foutre le camp. Me concernant, ce n’était pas pour aller bien loin, juste habiter seul, ou avec une copine, dans un appart sans parents. Et ne plus aller au lycée. Comme ce n’était évidemment pas possible, mon évasion contrariée trouvait des échappatoires dans l’écoute de la musique que j’aimais. Pour ça, les albums des Beatles étaient et restent un support idéal. Sgt Pepper, puisqu’on parle de lui, est un modèle. Sa suite de chansons, qui fait attendre la suivante comme un élément d’un tout cohérent fait merveille pour constituer un voyage musical. Comme quand on va quelque part en bagnole, on démarre, on quitte la ville, on prend le périph, on en sort, on prend l’autoroute, etc. Jusqu’à la destination finale. On ne s’arrête pas tant qu’on n’est pas arrivé. Mais la pauvre métaphore s’arrête là : les chansons de ce disque sont un festival de mélodies, de trouvailles, de sons, de rythmes et d’ambiances, rien à voir avec la monotonie d’un trajet routier. Donc, on l’écoute en entier sans omettre un passage. Il faut admettre qu’il existe parfois des raccourcis. Ils sont interdits dans le cas d’un voyage aussi parfait mais ils peuvent tenter. Et je dois avouer que lors d’une dizaine de mes premières écoutes, j’ai sauté la première chanson de la face B, Within And Without You. C’était facile, une fois le disque retourné, il suffisait de poser la tête de lecture sur la deuxième plage au lieu du bord du disque. J’avais conscience de l’hérésie que je perpétrais mais j’avais besoin de ce court-circuit pour m’habituer à la chanson qui entame la face B du 33 tours. Elle était trop bizarre, elle m’énervait, je ne savais pas comment bien l’écouter et l’apprécier. Quand j’ai pu l’apprivoiser, elle est devenue indispensable encore plus que certaines autres à tel point que je pouvais écouter toute la face A plus Within And Without You et accepter d’arrêter mon écoute à la fin de ce morceau. Il y avait des raisons comme : « A table ! » ou : « Faut partir au lycée ! Tu as déjà 10 minutes de retard ! » qui ne pouvaient pas être ignorées bien que ne montrant aucun respect pour la musique. Sgt Pepper est un disque, parmi d’autres, qui suggère que la musique doit être une priorité absolue de la vie. Avoir entamé son écoute devrait exempter celle ou celui qui l’a fait de toute autre tâche tant que le bras du phono n’a pas atteint la fin de la face B. C’est une des théories que je soutenais à l’époque mais les vieux, guindés dans leur mépris des jeunes, n’y prêtaient aucune attention voire en riaient.

Quand même, imaginez une société où on n’interromprait pas une écoute de musique en cours !

Alors, bien entendu, on fait ce qu’on veut ! Il manquerait plus que ça ! Mais il est bon de savoir que certains albums ont été fabriqués pour être écoutés en entier dans l’ordre et surtout que de procéder ainsi procure un grand plaisir ! Ce n’est pas un diktat, c’est juste une possibilité qui fonctionne très bien voire à merveille quand la conception a été rusée. Pour les Beatles et un certain nombre d’autres groupes et artistes c’est extrêmement bien fait.
Sgt Pepper a un début, un déroulement et une fausse fin. Puis une vraie fin. Un peu comme un rappel à la fin d’un show. Le fait qu’ils aient décidé d’arrêter de faire des concerts à partir de ce disque n’y est peut-être pas pour rien. Le titre « en plus » s’appelle : A Day In The Life. C’est peut-être un hasard. Ou mon imagination qui galope trop…

Dans sa présentation originale, l’album est dans une pochette ouvrante. Dans le second volet est rangé le disque et dans le premier, on a un carton imprimé comportant des trucs à découper pour se déguiser très succinctement en Sgt Pepper intitulés : « Sgt. Pepper Cut-Outs. »
1 - Moustache
2- Picture Card
3 – Stripes
4 – Badges
5 – Stand Up

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J’ai mis plus de 10 ans après sa sortie initiale pour acheter ce disque. Mon premier exemplaire venait de la réédition de 1978. Pourtant, je l’ai eu chez moi très souvent pendant tout ce temps. Je me le faisais prêter à chaque occasion où c’était possible. C’est arrivé une dizaine de fois par des personnes différentes. A chaque fois, la planche à découper était présente et intacte. A chaque fois, je jaugeais la ou le propriétaire en me demandant si je pouvais me permettre de découper cette planche sans provoquer un casus belli. Je n’avais pas l’intention de le faire, c’était juste une question récurrente qui m’amusait, je n’aurai jamais dégradé un objet ne m’appartenant pas. J’étais toujours étonné que les enfants des heureux propriétaires ne soient pas passés à l’acte en douce. J’ai 4 exemplaires de Sgt Pepper, différentes versions et mixages, et je n’ai découpé aucun de leurs inserts. Je me demande toujours si la moustache qui est censée tenir dans le nez par un crochet fait mal aux narines. Dans les versions CD, l’insert est reproduit à la taille CD, riquiqui. La moustache aurait certainement l’air d’une crotte de nez si on la plaçait là où elle est censée s’installer… Mais là non plus, je ne l’ai pas découpée.

Au dos de la pochette, on a droit à l’intégralité des paroles. C’est ce qui avait permis à Mathieu de nous abreuver de citations. Ça ne veut pas forcément dire que si on les lit, on les comprend mieux ! Et selon son humeur ou peut-être son âge, on peut considérer qu’on en a ras la casquette que certains se permettent de nous remplir de leurs règles (« Filling me up with your rules ») ou que tout va de mieux en mieux (« It’s getting better all the time »). Mais il n’est pas nécessaire de comprendre l’anglais pour aimer ça. Je crois que c’est P.J. Harvey qui refuse de mettre les paroles écrites de ses chansons dans ses disques. Elle explique, en gros que si on fournit les paroles, on devrait ajouter aussi les partitions. Qu’est-ce que j’aurais aimé ça ! En plus des paroles, avoir les partitions de ces morceaux ! Avant l’ère internet, il fallait acheter à prix d’or des gros bouquins de partitions dans des boutiques spécialisées, quand, par chance, ils avaient été édités. J’ai passé un temps fou à chercher les accords de ces chansons, souvent sans aucun résultat tangible. Il faut dire que les ruses déployées par les « Fab Four », qui méritent bien ce nom sur ce disque, incluaient, entre autres, l’accélération ou le ralentissement des bandes. Va trouver la bonne tonalité après ça !

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La force de ce disque est toujours présente plus de 50 ans après sa sortie. Je l’ai écouté pour trouver des souvenirs à écrire ici mais aucun n’est revenu en plus de ceux dont j’ai déjà parlé. La musique m’a captivé et j’ai oublié mon but initial. On peut faire des écoutes nostalgiques, documentaires, techniques, etc. Les œuvres les plus fortes vous emportent, celle-là le fait pratiquement à chaque fois. D’autant plus facilement que je n’ai plus à aller au lycée. A ce moment précis, on n’est plus un lycéen en rogne ou un vieux collectionneur de disques, on est soi. C’est comme la valeur absolue en maths : -10 et +10 ont la même valeur absolue : 10.
La question était : Est-ce que Sgt Pepper est le meilleur album des Beatles ? La réponse est : Oui, bien sûr ! Tout comme l’est Let It Be, Le Double Blanc, Abbey Road et les autres ! Le meilleur disque des Beatles est celui qu’on est en train d’écouter. Jusqu’au prochain ! Il suffit d’en remettre un sur la platine, c’est sans fin. En tout cas ça l’est pour moi. Et ce n’est pas seulement parce que : « I don’t really want to stop the show ».

lienard
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Re: Sgt Pepper, le meilleur album des Beatles?

Message par lienard » dim. 24 sept. 2023 18:07

Alors la, je te tire mon chapeau et aux hauts risques de faire craquer mes genoux, je tente la chose vu que le sujet en vaut largement la peine .. :chapozzz:

Pas à redire mais les Beatles reste et resteront les NUMBER ONE de la zique, je n'ai encore jamais trouvé un Band dont la progression (et la fin) a été aussi galopante .. :)

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Re: Sgt Pepper, le meilleur album des Beatles?

Message par nunu » dim. 24 sept. 2023 18:39

lienard a écrit :
dim. 24 sept. 2023 18:07
(et la fin) a été aussi galopante .. :)
Ah ça si tous les groupes savaient s'arreter au bout d'un moment ça serait bien pour tout le monde (je citerais pas de nom mais on a tous les mêmes). Même si la fin des Beatles a pas été si géniale que ça.

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Re: Sgt Pepper, le meilleur album des Beatles?

Message par Danzik » lun. 25 sept. 2023 12:26

Bravo encore un sans faute ! :)

Je cite Dark pink : "Le meilleur disque des Beatles est celui qu’on est en train d’écouter. Jusqu’au prochain ! Il suffit d’en remettre un sur la platine, c’est sans fin."

J'aime beaucoup cette conclusion, presque évidente en fait (encore fallait il y penser et l'écrire) concernant les Beatles. :chapozzz:
Le Grand Bazar Vinylique : pleins de 45 tours EP & SP avec de vrais morceaux de vinyles dedans !
Citation : "Elle est pas électrique ta guitare... c'est une vieille, elle est encore à vapeur" Dupont et Pondu (1964)

C.V. (archives2) : ICI

lienard
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Re: Sgt Pepper, le meilleur album des Beatles?

Message par lienard » lun. 25 sept. 2023 17:54

Sans doute le meilleur résumé à propos des Beatles .. :chapozzz:

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dark pink
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Re: Sgt Pepper, le meilleur album des Beatles?

Message par dark pink » ven. 29 sept. 2023 12:12

Merci les mecs. Je dois rendre à César, malgré tout. J'ai lu récemment je ne sais plus où un article sur Pink Floyd ou le mec disait un truc du genre :"Il faut un meilleur album de Pink Floyd ? Ok, aujourd'hui ça sera Obscured By Clouds". Ce qu'il laissait entendre par là était assez clair, j'ai donc exprimé cette idée sans sous-entendu et en l'appliquant aux Beatles, c'est tout ;)

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