J'ai été mandaté pour tourner 2 clips: un de musique que je ne saurai qualifier, peut être RnB de nos jours et un de Rap: j'ai écouté les musiques, j'ai pas tenu pour le rap plus de 8 secondes: la cliente (fille d'amis et petite célébrité à The Voice) m'envoie des exemples de clips à chier de chez à chier qui récoltent 11 millions de vues !!!!
Bon; je relève le défi, je suis vraiment capable de faire mieux que ça.
MAIS:
-impossible d'avoir une réunion de préparation, impossible d'aller voir le lieu de tournage avant, impossible de joindre la cliente la veille (trop de messages dans son téléphone)
Je me pointe quand même à l'heure dite, à Aix-en-Pce: impossible d'entrer dans la ville en auto: donc garé à deux kilomètres et transport du matos sur la couenne !!! Ça commence bien, plus 3 étages.
Découverte des lieux et des "gens": lieu sympa et clair mais les "gens"....des branleurs jet-set, champagne à 9h du mat !!! Herbe fumée de partout...Ô misère.
J'argumente avec ma petite cliente, tu veux quoi, on fait où, voilà ce que je te propose, OK qu'elle me dit. Seul, je prépare le plateau pendant que la maison résonne de "muzak à gerber" ça glousse, ça picole....courage Hulot !
Tournage: chaque plan que je tourne, je montre ce que j'ai fait, c'est validé d'un "Wouha c'est super, quelle image !!!!" à chaque plan tourné, -un peu mon n'veu, je suis le meilleur quand même !-
Arrive un grand flandrin, branleur en chef, casquette et mauvais genre qu'il se donne: je capte illico qu'il va me casser les couilles: c'est le "producteur" (en clair, c'est lui qui va me payer) et aussi le petit copain de la fille; il me demande si j'ai déjà tourné...

Pause à 15H, commande pour 200 euros de sushis et on continue: le flandrin a une idée: "et si tu te mettais nue dans la baignoire ?" il m'impose ce plan fixe, ok je cadre j'éclaire et shoote le plan, c'est "cadeau de la maison, ça me fait plaisir" (tu parles Charles, c'est juste pour me l’amadouer, entre temps il est reparti se coucher !)
Bon, bref, je vous la fait courte, je fabrique au passage un plan sublime en contre-champ lumière avec découpe du visage, les filles en sont baba.
Le lendemain j'exporte, je cale son/image et je fais un premier montage "statique" sans effet Ken Burns (travelling numérique dans l'image très à la mode) que je compte appliquer le jour d'après et, impatient de montrer à la petite nana, je lui envoie le "clip" (wetranfer, 5h d'attente, attente qu'elle charge, attente du retour, angoisse du créateur) et là, un sms:
"Merci pour ton professionnalisme, mais c'est pas du tout l'image de moi que je veux montrer. Tu peux m'envoyer le plan "baignoire"?"
Blessé, touché, humilié, j'envoie aussi ce plan fixe "baignoire" et depuis...j'attends mes sous !

Comme je n'ai pas été payé pour ce très beau travail, je reste donc propriétaire des images, j'échappe au clip de rap (Deo gratias) et rien ne m'empêche de faire pression en menaçant de les diffuser jusqu'à ce que je sois payé ?
Je compte aussi envoyer le clip à ses parents, des amis, inquiets de la main-mise par le flandrin sur leur fille, le flandrin est issu d'une très grosse fortune aixoise mais se donne des airs de racaille, aux parents donc, pour "info" et pour archive, car, dans 25 ans, tout le monde sera très content de se revoir si jeune et si bien filmé !
On tue la culture et cette expérience (j'ai tiqué dès le départ, sentant l'embrouille mais bon, fille d'amis...) m'apprend que je sais désormais dire NON au rap. Allez vous faire enculer avec votre propre merde. Je boude.