Les années 60 en immersion.

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Punker paname
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Punker paname » jeu. 1 avr. 2021 08:51

Cela rappelle de bons souvenirs... Mes parents aussi ont eu une 4 CV (enfin deux à la suite) blanche.Quand j'y repense .. on tenait à 4 là dedans et faisait de la route.
Et puis l'électrophone..ça s'est passé presque exactement comme tu le racontes.
Le coup de la craie est un grand classique aussi
Mes parents avaient eu une Simca 1000 achetée d'occase puis une 404 Peugeot avec laquelle on traversa toute l'Europe pour rejoindre le proche et moyen orient

Pour la musique vers 1964 mon père avait monté sa propre chaine stéreo en Kit (sauf la platine et les baffles qui étaient des Phillips ) mais c'est que vers 1970 que mon frère et moi avons eu notre premier électrophone, un Phillips mono en plastique blanc

Mes premier gros émois musicaux j'adorais ces disques sans penser a l'époque qu'il avaient été conçus par un sacré et génial compositeur

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Mes seconds emois musicaux POP MUSIC serons ne rigolez pas (Ça la fout mal pour un futur Painque de 1977 :hehe: :hehe: :hehe: :hehe: ) le premier Santana 1970, le fameux Classic In Pop d'Ekseption , mais aussi le 45 tour de Titanic I See No Reason (part. 1 & 2), le Lp' de Santana m'avait été offert pour un de mes anniversaires par Gerard , un très bon guitariste classique Franco Italien, fils d'un ami de mon père qui était l'ainé une famille ou ils jouaient tous d'un ou plusieurs instruments de musique, il deviendra par la suite vers 1976 guitariste d'un groupe Prog qui fut interviewé par le fanzine Antirouille, honte pour moi je ne me souvient plus de leur nom. :/ :gene3: :gene3: :gene3:

Dans les sixties a mes hit parade hors musiques il y avait bien sur les journaux Spirou et Tintin ou Pilote de temps à autre mais mes préféré étaient les fabuleux Tout l'Univers que j’empruntai à la bibliothèque de l'école qui y était abonné :) :) :)

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Et pour les jouets un Buggy Tonka qui m'a suivi longtemps quelques Matchbox et quelques Norev sans oublier un peu plus tard vers 1976 le fameux Télecran

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Pablitta » jeu. 1 avr. 2021 13:14

Le Telecran !!! :ghee:
Celui qui laissait une fine poussière argentée sur les doigts.

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » jeu. 1 avr. 2021 13:14

à Punker. Chez tous les punks, il y a un minot qui ne sommeille pas forcément. Je dirais même qu'il doit être un brin éveillé pour pogoter :) Picolo Saxo :super: J'ai toujours un Télécran, on en avait parlé dans un sujet du style: "Les objets des sixties" et j'avais écrit un truc en rapport avec le forum sur mon Télécran et je l'avais photographié. Faut que je retrouve ça, sinon, je vais en faire une autre :)

à Pilgrim. Des chewing-gums à la Limpidol !!!! :o En plus d'être dangereux à ingérer, ça devait être vraiment pas bon du tout, non ? :hehe: 2 4CV, pareil :alcool1: Sacrée bagnole avec une gueule à figurer dans des dessins animés.

à Pablitta. J'ai lu ton lien, merci ! C'est tentant de se faire flasher les neurones pour se rappeler de tout mais ce n'est peut-être pas très recommandé. :gratzzz:

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Pablitta » jeu. 1 avr. 2021 13:15

:hehe: :hehe:

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par bushi » ven. 2 avr. 2021 17:36

Lu ce texte un peu à la bourre, mais c'est toujours aussi jouissif de retrouver ces ambiances de mioches.
Merci Dark, et comme dit plus haut, c'eût été dommage que tu ne continuasses pas, tu nous ravis :)
Il ne faut pas confondre profond attachement et haute fidelité - Franquin

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Pilgrim » ven. 2 avr. 2021 21:00

Telecran bien sûr (on pouvait jamais refaire les dessins proposés en modèle ::d )
Les Tout l'univers j'ai une grosse collec avec les grosses reliures rouges.
Mon électrophone était un Clarville (?)

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » sam. 3 avr. 2021 16:34

Monsieur-Hulot a écrit :
mer. 31 mars 2021 15:41
C'est beau, on dirait de l'Antique ! Pas écrit de la main gauche en tous cas ! :hehe: L'encrier, sachiez qu'en 1973, on les utilisait encore dans mon CM2 !!!!!!!! Je me suis régalé, entre Pagnol et Cavanna ! BRAVO !
gabuzomeuzomeu a écrit :
mer. 31 mars 2021 15:50
Monsieur-Hulot :
Bé, tu nous fends le cœur
bushi a écrit :
ven. 2 avr. 2021 17:36
Lu ce texte un peu à la bourre, mais c'est toujours aussi jouissif de retrouver ces ambiances de mioches.
Merci Dark, et comme dit plus haut, c'eût été dommage que tu ne continuasses pas, tu nous ravis :)
:gene3: :gene3: :gene3:
Je ne sais pas quoi dire d'autre...
La suite demain. J'espère qu'elle sera à la hauteur de vos éloges :gene3:

La lumière décline à cette heure et j'en ai besoin pour des photos de trucs terribles ! Le CE1, c'est sérieux :hehe:

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Pilgrim » sam. 3 avr. 2021 20:09

dark pink a écrit :
sam. 3 avr. 2021 16:34
Monsieur-Hulot a écrit :
mer. 31 mars 2021 15:41
C'est beau, on dirait de l'Antique ! Pas écrit de la main gauche en tous cas ! :hehe: L'encrier, sachiez qu'en 1973, on les utilisait encore dans mon CM2 !!!!!!!! Je me suis régalé, entre Pagnol et Cavanna ! BRAVO !
gabuzomeuzomeu a écrit :
mer. 31 mars 2021 15:50
Monsieur-Hulot :
Bé, tu nous fends le cœur
bushi a écrit :
ven. 2 avr. 2021 17:36
Lu ce texte un peu à la bourre, mais c'est toujours aussi jouissif de retrouver ces ambiances de mioches.
Merci Dark, et comme dit plus haut, c'eût été dommage que tu ne continuasses pas, tu nous ravis :)
:gene3: :gene3: :gene3:
Je ne sais pas quoi dire d'autre...
La suite demain. J'espère qu'elle sera à la hauteur de vos éloges :gene3:

La lumière décline à cette heure et j'en ai besoin pour des photos de trucs terribles ! Le CE1, c'est sérieux :hehe:
Tu n'avais pas de "Témoignage de Satisfaction" quand tu avais bien travaillé?C'était une carte décorée,avec ton nom inscrit dessus;Le top des récompenses.

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » sam. 3 avr. 2021 20:45

Pilgrim a écrit :
sam. 3 avr. 2021 20:09
Tu n'avais pas de "Témoignage de Satisfaction" quand tu avais bien travaillé?C'était une carte décorée,avec ton nom inscrit dessus;Le top des récompenses.
Je ne sais pas comment écrire cette phrase pour ne pas "faire mon crâneur" :hehe: Pour nous, le top était les "Billets d'honneur" et je n'ai eu que ça étant premier ou parfois deuxième. A partir du troisième ou du quatrième, je ne sais plus, et jusqu'au cinquième, on avait des "témoignages de satisfaction" et ensuite rien. Ma mère les avait tous gardés et je les ai encore quelque part. Faut que je retrouve ça avec le Télécran :)

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » dim. 4 avr. 2021 11:39

1963-64, CE1, classe de Madame Debas.

- Donne-moi celui qu’a les cerceaux !
Chantal veut l’indien qui tient un lasso. Il fait un cercle au-dessus de sa tête avec son lasso, au bout de son bras tendu, pour le lancer. Et la corde en fait un autre, plus petit, dans son autre main. C’est son indien préféré parmi mes figurines de cowboys et d’indiens. Pour elle, il ne tient pas un lasso, il joue avec des cerceaux et danse. Je trouve ça mignon. Tous mes cowboys et mes indiens sont en train de se battre, je les ai choisis comme ça pour jouer avec mes potes, on ne rigole pas, on fait la guerre, il nous faut des combattants, mais Chantal les voit comme des danseurs. C’est touchant.

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- Tiens, Chantal. Tu veux que des indiens, Chantal ? Ou tu veux des cowboys aussi ?
J’insiste sur son prénom et elle ne râle pas pour que je l’appelle Zizi comme elle le faisait il y a encore peu de temps. J’en suis ravi. J’ai appris que le mot zizi veut aussi dire robinet, j’ai aussi appris quéquette. Je ne veux pas que Chantal ait de la peine si on se moque d’elle en l’appelant zizi. Mes parents m’ont bien dit que le prénom Zizi existait et qu’il y avait une chanteuse qui s’appelait Zizi Jenmaire mais elle doit arrêter de vouloir cet autre prénom, du moins je le pense. Et Chantal est un beau prénom. Dedans, il y a « chante ».

Je descends toujours dans la cour avant tout le monde. J’ai fini mes devoirs très vite. Chantal aussi. Avant que tous les enfants de l’immeuble soient descendus, ils sont plus vieux que nous et ont des devoirs et des leçons plus difficiles, nous avons un bon moment ensemble. Je joue avec elle seule. On ne fait pas la guerre. Elle dispose les figurines comme si elles exécutaient des chorégraphies statiques. On a le temps de mettre en place plusieurs plans. Elle commence et bien souvent, je la regarde faire en l’aidant un peu. Elle a toujours des idées amusantes. Elle sait disposer les bonshommes en ayant le nez dessus pour qu’ils représentent des dessins ou des figures à tendance géométriques si on les regarde de haut. Je me mets souvent debout pour contempler le résultat. Elle n’a pas besoin de se lever pour savoir ce que ça va donner. Elle fait des cercles, des spirales, des étoiles sans vraiment les voir, c’est tout juste si elle prend un peu de recul de temps en temps en se redressant pour avoir une vue d’ensemble. Ça m’épate !

Le plus drôle, c’est que j’ai un peu la même sensation quand je joue aux soldats avec mon père. Avec mes copains, quand on prend nos soldats, on fait comme avec les cowboys et les indiens, on fait la guerre. Avec mon père, on ne se bat jamais, on compose des défilés. Il fait comme Chantal, il dispose les soldats en plusieurs plans statiques successifs qui représentent leur évolution sur une avenue imaginaire matérialisée par les dessins de la toile cirée de la table de la cuisine. Le plus délicat est le virage où ceux qui sont à l’extérieur doivent « marcher » d’un pas plus large que ceux qui sont à la corde. Parfois, on écoute « les nuits de l’armée » en même temps pour mettre une ambiance de 14 juillet.
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Quand on va chez mes grands-parents, mon père sort plusieurs boites à chaussures qui contiennent ses soldats de gamin. Ils ne sont pas en plastique comme les miens, ils sont en papier ou en carton.

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Quelques-uns proviennent de séries à découper achetées dans le commerce mais le gros des troupes est constitué par des figurines dessinées à la main par mon père et son frère. Ils en ont créé des centaines. On peut les entasser les uns sur les autres en les encastrant sur leur socle rudimentaire découpé dans le papier qui entoure leurs pieds.

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Pour la plupart, ils ont un nom lisible sur ce socle qui leur permet de tenir debout et de « défiler », bien entendu.

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Avec eux, on fait un défilé bien plus fragile qu’avec mes jouets : il ne faut pas respirer trop fort et le moindre courant d’air détruit toute l’installation.

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J’aime jouer de ces manières-là mais j’aime beaucoup jouer avec mes copains à organiser des batailles. La séance démarre toujours par l’inspection des figurines par Ludo. Il a un an de plus que moi et va souvent au cinéma avec son père pour y voir des westerns. Il baptise nos figurines des noms des personnages qu’il a vus dans ces films. Il les sort et les étale les uns à côté des autres et les nomme :
- Lui, c’est Hopalong Cassidy, il tire très vite. Voilà Sping Ping Bouc, c’est le chef des sioux. Tu as aussi Cochise, le chef des Apaches, c’est un gentil, etc…

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Il sait aussi reconnaître les tribus à leurs habits et décorations. Nous distribuons les rôles et les bonshommes équitablement par rapport à la dernière fois qu’on a joué, de manière à ce que ce ne soit pas toujours le même qui ait la plus grande armée et qui gagne à chaque fois. On se retrouve avec des jouets qui ne sont pas forcément les nôtres mais qui sont cohérents avec les directives de Ludo qui fait respecter la « vérité historique » basée sur ses souvenirs cinéphiliques. Nous préparons le terrain qui va devenir le champ de bataille. Nous modelons des collines avec de la terre humidifiée par l’eau de la gourde de Thierry. Quand elle est vide, nous pissons dans la terre pour obtenir le même effet qu’avec l’eau. Ensuite, nous avons chacun un moment où les deux autres n’ont pas le droit de regarder pour préparer nos pièges.

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Le plus fort à ce jeu-là, c’est Thierry. Il a deux ans de plus que Ludo et il est redoutable. Il ne va pas aussi souvent que Ludo au cinéma, mais il adapte ce qu’il lit dans Blek le Roc ou ce qu’il voit à la télé à notre jeu. Un jour, il met en place un piège diabolique : il enfouit une quinzaine de combattants dans le sol. Ils sont reliés les uns aux autres par une cordelette. Il influence le jeu pour que nos troupes se retrouvent sur cette armée souterraine et quand nos plus vaillants guerriers sont sur ses « taupes », il tire sur la ficelle, ses soldats sortent de terre tous ensemble et nous renversent tous ! Il a gagné ! Sa ruse nous plaît tellement que nous rejouons la même scène plusieurs fois de suite. Il n’a pas vu exactement ça à la télé. Il a vu deux espions planqués reliés par une corde qui se prévenaient du danger en tirant une ou plusieurs fois sur cette corde. Il a adapté cette scène à notre jeu. Comme dit mon père : « Il en a dans le cigare ! »

Nous avons le droit de donner des caractéristiques à nos personnages si Ludo trouve que c’est cohérent avec le « vrai » qu’il a vu dans les films. Ayant assez bien compris ce qu’il nous a expliqué sur Sping Ping Bouc, je décrète que mon chef parle avec le Grand Esprit, le dieu des Indiens, et qu’il a le pouvoir de commander aux animaux. J’ai des lions, des tigres et des panthères, qui viennent de mes figurines de cirque, et je peux les utiliser ici. Ils m’obéissent et je peux m’en servir dans les batailles pour faire des ravages chez l’ennemi. Il va de soi que Sping Ping Bouc est invincible. S’il est blessé, voire mort, le Grand Esprit le soigne ou le ressuscite !

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Là où Ludovic nous bluffe complètement, c’est quand nous nous habillons en cowboys avec nos panoplies. Nous endossons chacun un rôle qu’il nous définit et nous jouons les scènes qu’il nous décrit avant de commencer. Il place des répliques qu’il a entendues et mémorisées plus ou moins bien, mais nous sommes admiratifs. Je le soupçonne d’en inventer certaines mais il le fait avec tellement de talent que nous ne râlons pas tant nous sommes contents de jouer « aux vrais cowboys ». Nos dialogues sont dignes du cinéma :
- Moi : Nous n’arriverons jamais à les rattraper !
- Ludo : Si. Mais il faudra passer par la Vallée de la Mort !
- Moi : On va mourir ! Personne n’a jamais réussi à passer par là !
- Ludo : T’es un foie jaune, Billy.
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Quand nous passons par la vallée de la Mort, qui va des lilas aux cordes à linge, il nous arrive toujours de manquer d’eau et de vivres mais en nous rationnant, nous arrivons au Grand Canyon, qui commence sous les fenêtres de monsieur Mattez et qui va jusqu’au mur extérieur. Là, nous sommes attaqués par des vautours et des hyènes puantes mais nous les tuons et les mangeons près du feu de camp. Nous finissons toujours par arriver à Sacramento, devant le hangar à vélos. Un duel dans la grande rue de Sacramento, en plein milieu de la cour, oppose les plus vaillants et le gagnant est celui qui fait retentir le bruit anémique de son pistolet à amorces en premier après avoir dégainé à la régulière. Le vainqueur félicite son adversaire mourant avant de lui fermer les yeux :
- Tu t’es bien battu, Billy. Mais il n’y a pas assez de place dans Sacramento pour deux cowboys comme nous.

Ensuite, souvent, c’est l’heure de goûter.
Une séance de cris vers les fenêtres des appartements débute :
- Moi : Maman !
- Ludo : Mémé ! Pépé !
- Ma mère : Quoi ? Je t’ai déjà dit que je ne te lancerai pas ton goûter par la fenêtre. Si tu veux ton goûter, monte le chercher et tu redescendras après !
- Moi : Allez ! Si ! C’est trop à monter, quatre étages ! Allez, s’il te plaît maman chérie !
- Ma mère : Tu m’auras pas comme ça !
- Ma mère : Bon, d’accord… Mais c’est la dernière fois !
- La mémé de Ludo : Bon… Si Dark a son goûter comme ça, je t’envoie le tien aussi, mais c’est la dernière fois ! Pépé a dit qu’il ne voulait plus que je te jette de la nourriture par la fenêtre !
- Monsieur Mattez, furax : Vous avez pas fini de gueuler, oui ? Ca commence à bien faire !
- La mémé de Ludo : Mais on ne gueule pas ! Soyez poli, monsieur, s’il vous plaît !
- Ludo et moi : Merci mémé ! Merci maman !
Pendant ce temps, Thierry est remonté chercher son goûter et le mange en nous écoutant. S’il criait sous les fenêtres, son grand-père lui dirait de remonter immédiatement et nous ne le reverrions plus de la journée. Le jeudi suivant, et celui d’après, puis celui qui suit, etc. la même scène se déroule au même endroit à la même heure. Monsieur Mattez ne râle pas forcément. Parfois, il ferme sa fenêtre rageusement.

Ludovic et Thierry ne sont là que le jeudi dans la journée. Le week-end, ils sont avec leurs parents et il n’y a que Ludo qui mange chez ses grands-parents le midi. J’ai réussi à rouler sans petites roues pour la première fois sur le vélo d’Alain mais je me suis entraîné sur celui de Ludo. Et maintenant, j’en fais plusieurs fois par semaine en douce quand il prend ses cours de piano. Je fais un grand tour dans la rue, j’ai le temps, il lui faut aller, prendre son cours et revenir. Je n’ai pas le droit de sortir dans la rue ni de prendre le vélo de Ludo mais j’aime tellement ça que la tentation est trop forte.

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Il arrive que ma mère m’appelle alors que je suis quelques rues plus loin et je lui dis en revenant que j’étais caché pour nos jeux et que je ne voulais pas me découvrir. Je finis quand même par être grillé par Ludo et sa grand-mère alors qu’ils reviennent plus tôt d’un cours de piano raccourci. Je me fais engueuler par tout le monde sauf Ludo qui se marre. Mes virées cyclistes clandestines sont finies mais l’histoire a le mérite de révéler à mes parents que je sais faire du vélo seul et sans petites roues.
- Tu aimes tant que ça le vélo ?
- Oui. Je voudrais que le Père Noel m’en apporte un.
- Comment tu as fait pour apprendre tout seul ?
- J’en sais rien, j’ai fait comme les autres font et ça a marché…
Je vois le même regard réprobateur de ma mère que celui qu’elle avait quand j’allais révéler à quelqu’un que je savais lire au début de la grande section de maternelle. Ca m’a surpris moi-même, d’arriver à rouler sans petites roues. Je le voulais très fort et je m’entrainais. Comme une fois de plus j’étais dans la rue alors que c’était interdit, personne ne m’a vu pédaler de plus en plus vite et exulter. Quand je suis revenu, j’étais si heureux que j’ai failli vendre la mèche mais la douche froide de l’engueulade a été si forte que je me suis écrasé : « Qu’est-ce que tu allais faire dans la rue ? Tu es puni ! Descend de ce vélo, tu ne sais même pas en faire ! » Ce qui fait que je sais faire du vélo depuis des mois sans que personne ne le sache et sans jamais avoir possédé de bicyclette.
Mon père décrète que ma sœur et moi aurons un vélo quand le cabanon qu’ils ont le droit de construire dans la cour de l’immeuble avec quelques voisins sera terminé et sécurisé. Nos vélos pourront y être rangés. J’ai bien fait de désobéir. J’ai été puni, pas de sortie dans la cour pendant quinze jours, mais ça valait le coup.

Si j’ai droit à des indulgences sur mes bêtises c’est que ça va vraiment bien à l’école. Je suis au CE1, c’est juste après le CP. Dans mon école, c’est aussi juste au-dessus. Je n’ai monté cet escalier qu’une seule fois l’année précédente, pour montrer mes mains pleines d’encre, et je le monte et le descends au moins huit fois par jour maintenant pour accéder à ma nouvelle classe ou en sortir. Nous devons nous donner la main sur le plat mais pas dans l’escalier. Nous devons nous tenir à chaque extrémité des marches pour permettre à la maîtresse de passer au milieu. Elle s’arrête sur une marche et se retourne pour nous regarder monter. Si on fait l’andouille, elle fronce les sourcils en souriant. J’aime beaucoup ma maîtresse. Elle répond à toutes nos questions. Avec beaucoup d’adultes, les réponses aux questions sont : « Si on te le demande, tu diras que tu sais pas – C’est pour faire parler les bavards – De quoi j’me mêle ! etc. » Avec madame Debas, j’ai l’impression qu’elle est ravie qu’on lui pose des questions, ça la fait sourire. Elle est vive, en deux secondes, elle se lève de sa chaise pour être près de nous et nous montrer quelque chose sur notre cahier. Elle trouve toujours une idée lumineuse pour expliquer son propos :
- Vous voyez ce globe terrestre ? Si en vrai la Terre était de cette taille-là, la Lune serait à peu près de la taille de cette balle de tennis.

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Elle recommence son explication avec d’autres objets pour les cartes et les plans. Grâce à ses explications successives et renouvelées, j’ai compris l’idée d’échelle et de proportionnalité. C’est une révélation. Quand je prends les cartes routières de mon père, je me sens presque dans les endroits qui y sont représentés car j’ai une bonne idée de leur étendue.

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Corson, qui veut toujours s’asseoir au premier rang, a dit une fois méchamment : « Pink, il est amoureux de la maîtresse ! » en me pointant d’un doigt accusateur. J’ai ri très fort comme s’il ne s’agissait pas de moi mais d’un autre dont nous étions tous d’accord pour nous moquer. Et ça a marché ! Personne ne m’a charrié, on est passés à autre chose. Mais il a raison, Corson. Les cheveux blonds ondulés de madame Debas brillent dans le soleil. Contrairement aux autres maîtresses, sa blouse reste le plus souvent sur le porte-manteau. Elle a toujours des belles robes colorées avec des fleurs et son sourire illumine. Et surtout, elle n’a jamais de comportement qui puisse laisser penser qu’elle n’est pas du côté des enfants.

Notre classe est au premier étage. En revenant de récré nous nous amusons à cracher du haut du palier sur le dessin du carrelage du rez-de-chaussée. Celui qui atteint la pointe marron a gagné. Madame Debas passe en-dessous de nous au moment précis où Malagon décoche un glaviot de compétition qui atterrit dans le décolleté de dos de sa robe. Un grand silence anxieux précède la question de Madame Debas : « Qui a fait ça ? » Pas de réponse. Deuxième demande. Malagon sent le drame arriver et se dénonce. Nous entrons en classe. Madame Debas passe un savon à Malagon mais à sa façon, gentiment. Il a une punition. Normal.

On ne sait pas qui l’a prévenu mais le dirlo fait irruption dans la classe en éructant. Il va y avoir du vilain, dans des cas comme celui-là, le dirlo cogne dur, on l’a déjà vu faire. Il se dirige vivement vers Malagon avec la ferme intention de le baffer mais Madame Debas saute littéralement de son estrade et lui barre la route. Elle se plante carrément dans le sol, ses jambes écartées tendent à l’extrême le tissu de sa robe serrée qui lui arrive à mi mollet. Je la trouve magnifique. Elle ne laisse pas parler le directeur :
- Laissez-moi faire. C’est ma classe, c’est mon élève, c’est à moi que c’est arrivé.
Le dirlo est surpris et calmé d’un seul coup. Il sort en pointant Malagon du doigt :
- Tu y coupes pour cette fois mais la prochaine, tu auras affaire à moi !

A quatre heures et demie, en sortant, je ne peux pas m’empêcher de dire à ma maîtresse sur un ton admiratif :
- C’est gentil ce que vous avez fait pour Malagon, maîtresse !
- Tu comprends tout, toi, hein ? Allez rentre chez toi, à demain !

En arrivant à la maison, j’apprends une très mauvaise nouvelle. La voisine du dessus, madame Gobert, est morte. Nous l’aimions tous bien. Pour ma sœur et moi, elle était un peu comme une troisième grand-mère. Elle nous gardait les buvards des paquets de biscottes et les cadeaux qu’on trouve dans la lessive.

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Ma mère lui rendait de plus en plus de services au fur et à mesure qu’elle déclinait. Elle avait la télé et parfois, le soir, on entendait trois coups de balai au plafond. Ca voulait dire qu’il y avait du catch. Mon père montait. Elle lui faisait un tilleul-menthe et ils regardaient le catch ensemble. Ces derniers temps, elle n’était plus chez elle mais à l’hôpital.
Les enfants et le gendre de madame Gobert frappent à la porte. Ils suent sang et eau à cause du fardeau qu’ils portent : le poste de télé de leur mère :
- On vous donne sa télé. Vous avez toujours été gentils avec elle, elle vous aimait beaucoup. Nous avons tous la télé, si vous la voulez, elle est à vous !

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Après avoir acheté une antenne qu’on met à l’intérieur, qui est difficile à orienter et qu’il faut souvent réorienter en cours de fonctionnement, nous pouvons voir les programmes de la première chaîne. Ce poste ne capte pas la seconde.

L’appartement de madame Gobert ne reste pas longtemps inoccupé. Une famille avec un garçon de mon âge y emménage rapidement. Ma mère, qui a parlé avec la femme du couple et qui l’a trouvée très sympathique, dit qu’ils sont d’origine arménienne, les Garbédian.
Alors que nous sommes déguisés en cowboys et que nous jouons dans la cour un énième scénario mis en scène par Ludovic, un étranger arrive en haut de l’allée en pente qui descend à la cour. Un cowboy inconnu. Il n’est pas très grand et a une panoplie très étudiée qui lui sied parfaitement. Je suppose qu’il s’agit du fils Garbédian et je m’apprête à mettre fin à notre jeu pour l’accueillir mais Ludo a un petit sourire malin et sort de sa cachette pour prendre la parole :
- Dis donc, étranger ! On va pas te laisser entrer sur notre territoire avec tes armes. Tu dois les déposer, sinon, on n’a pas confiance en toi !
- Euh… Non !
- Alors prépare toi à mourir !
Nous regagnons nos cachettes et l’étranger se cache derrière les poubelles. S’en suit un échange de coups de feu ininterrompu. Nos pistolets à amorce produisent un son ridicule par rapport à celui de l’étranger. Nous tentons une approche collective pour l’attaquer au corps à corps mais il nous tue les uns après les autres grâce à son arme assourdissante. Quand nous gisons sur le sol, Ludo lui demande :
- Je vais mourir. Ahhh… Comment tu t’appelles… étranger ?
- Dominique !
Dominique s’approche de nous en titubant et déclare :
- Vous m’avez blessé quand j’ai bougé, tout à l’heure. Arghh, je meurs aussi !
Il s’écroule au milieu de nous.
Je me rends compte que Ludo a encore eu une idée excellente. C’était bien mieux de souhaiter la bienvenue au nouveau de cette façon.

Il a un pistolet sans marque, très lourd, qu’il nous laisse essayer. Ses amorces sont dans des petites boites rondes et sont incrustés dans une bande en papier bien plus large que celle que nous connaissons. Il ne sait pas où son père lui a acheté tout ça mais il va lui demander. Nous voulons tous le même équipement. Nous avons un nouveau copain.

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Il ne va pas dans la même école que la mienne, il reste dans son ancienne. Vu ce qu’on m’a expliqué sur les secteurs, ça me semble illégal. Je pense que j’aurais pu aller dans la même école que Julie Sanda, Christian Grammont et tous les autres mais que mes parents ont eu peur de le demander. C’est trop tard, de toute façon. Je ne me souviens plus des têtes de mes amies et amis. Quand je regarde mes photos de l’époque, j’ai pas mal changé, pour eux ça doit être pareil, je ne les reconnaitrais plus. Et je ne veux plus changer d’école, j’aime mes nouveaux copains et ma maîtresse.

J’aime arriver le matin et découvrir des indices sur ce qu’on va apprendre dans la journée. Madame Debas laisse des livres ou des objets sur les tables libres du fond de la classe qui nous disent si on va faire géo, histoire, ou sciences. Presque tous les matins, en dessous de la date, il y a une morale. La phrase elle-même n’est pas toujours follement pertinente mais une chose est sûre, on est obligé d’être d’accord avec même si c’est parfois un peu difficile. Ce qui me plaît vraiment, c’est l’histoire que la maîtresse nous lit ou nous raconte pour illustrer cette morale. Pendant qu’elle parle, personne ne moufte et je peux la regarder lire ou raconter. Aujourd’hui, la morale est : « Il faut toujours dire la vérité ». Elle nous raconte l’aventure d’un président américain qui avait détruit un arbre avec une hache quand il était enfant. Son père était peiné de cette destruction. Le petit président se dénonce bien qu’il sache que son père veut punir sévèrement le coupable. Le père pardonne à son fils parce qu’il a dit la vérité même s’il savait qu’il allait être puni et lui dit que la vérité vaut plus cher que l’or. Après, elle nous pose des questions et je raconte comment ma maîtresse de maternelle m’a pardonné d’avoir volé une image car je me suis dénoncé. Et je rappelle que Malagon s’est dénoncé lui-même pour éviter qu’un autre soit puni à sa place en insistant bien sur ce qu’a fait notre maîtresse pour le protéger du directeur. Je vois que madame Debas a les larmes aux yeux. Je ne sais pas bien comment interpréter cette émotion mais je sens que cette femme aime vraiment les enfants et la vérité. Je l’ai fait aussi parce que Corson a dit l’autre jour : « La maîtresse, elle fait chier ! » Eh bien, c’est pas vrai ! On ne s’ennuie jamais avec elle et elle nous défend ! Cette maîtresse-là, elle ne fait jamais chier !

C’est tellement vrai qu’elle nous conseille des lectures selon nos goûts. Elle me montre plusieurs livres et je choisis « Le mystère du vieux manoir » d’Enid Blyton.

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Je le dévore en une journée ! En voyant que je lis de la Bibliothèque Rose, mes grands-parents ressortent leurs livres qui en font partie mais ce sont de très vieux volumes avec des couvertures rouges sans illustration, ils puent et il n’y a aucune histoire écrite par Enid Blyton parmi eux. Dans le Mystère du vieux manoir, deux garçons et deux filles mènent une enquête sans l’aide d’adultes et aident la police à arrêter des bandits. Je m’imagine dans la même situation que les héros avec Alain, Ludo, Chantal, Julie Sanda et d’autres. Je lis tous les livres de la bibliothèque de la classe écrits par Enid Blyton, quels drôles de nom et prénom. Je me demande même si ce n’est pas un enfant qui a choisi un pseudonyme.

Nous avons de nouveaux disques. Ma petite sœur veut de disques pour les enfants et nous écoutons souvent Le 45 tours de « Bonne nuit les petits » avant d’aller dormir.

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Il a beau être pour les « bébés », je l’aime bien. Surtout le générique de l’émission de télé et la chanson du marchand de sable. Mon grand-père connait des paroles sur le générique :
- Tu t’en vas et tu nous quittes
Tu nous quittes et tu t’en vas.
Si tu t’en vas, paye un litre.
Tu nous quittes et tu t’en vas.
Je n’ai jamais le loisir d’entendre la suite car ma grand-mère râle :
- Allons ! Il y a des enfants !

Ma mère a changé de poste de radio, sa vieille TSF a rendu l’âme. Elle a acheté un transistor, il est plus petit et coloré. Sur l’ancien, il y avait PO GO OC BE. Sur le nouveau, BE a disparu.

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Je ne sais pas ce que ça veut dire et quand on me dit que BE veut dire « bandes étalées » ça ne m’éclaire pas plus. J’avais essayé en douce d’écouter toutes les radios possibles à la recherche de musique mais je n’ai jamais rien obtenu en pressant le bouton BE. Il faut dire que j’étais debout sur une chaise à trifouiller des boutons situés au-dessus de ma tête avec un œil dans le dos pour guetter l’arrivé de mes parents. A chaque fois, j’étais grillé car le poste était déréglé.
Sur ce nouveau transistor, il nous arrive souvent d’entendre de la musique énervée qui me plaît et ma mère ne change pas de station pour autant, elle semble elle-même apprécier ce qui est diffusé. Nous écoutons « Salut les copains ». Je sais que nous ne sommes pas riches mais nous avons un électrophone, un transistor et une télé ! J’ai l’air moins plouc quand je parle avec mes copains. Je suis même allé pour la première fois de ma vie au cinéma ! Nous avons vu un film choisi par ma petite sœur : « Les 101 dalmatiens ». Ma mère nous a habillés en dimanche, normal c’était un dimanche, et nous a emmenés tous les deux dans le cinéma de la ville. Je suis le seul de nous trois à avoir vu le film en entier. Pendant la séance, ma sœur a voulu aller aux toilettes sept fois et a renversé sa glace sur sa robe du dimanche. J’ai été ébloui par le film. Il était en couleurs. Si un jour j’ai un chien, ce sera un dalmatien ou une dalmatienne et je l’appellerai Pongo ou Perdita. En attendant, je lis et relis l’histoire du film sur un petit livre qu’on m’a offert. Je le lis aussi à ma sœur.

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J’ai été premier au classement presque toute l’année et j’ai le droit de choisir mon prix en premier. Je dédaigne les grands livres qui sont convoités par tous les élèves pour en prendre un plus modeste. Il s’appelle : « Hassan, l’enfant du désert ».

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En le feuilletant, je vois des photos d’enfants souriants avec des coiffures hirsutes et la peau noire. Certains de leurs grands sourires me font penser à Julie Sanda. Peut-être que ce livre m’aidera à me souvenir mieux de son visage et de ceux de mes camarades de maternelle. Corson me dit d’un ton méprisant : « T’as même pas pas choisi un livre de premier ! ». Je m’en fous, j’ai un livre où il y a des gens qui me font penser à d’autres que j’aime. Madame Debas pourrait l’écrire comme une morale sur le tableau : « Un livre qui rappelle les gens qu’on aime vaut de l’or. »

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par bushi » dim. 4 avr. 2021 17:32

Pfuiii... trop bien !

La bibliothèque rose, avec la Comtesse de Ségur, Un bon petit diable, les malheurs de Sophie, etc....
Et ensuite la bibliothèque verte, le Club des Cinq, le Clan des Sept,...

Je les ai tous dévorés, lus et relus, de grand souvenirs.
Il ne faut pas confondre profond attachement et haute fidelité - Franquin

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Punker paname » dim. 4 avr. 2021 18:56

bushi a écrit :
dim. 4 avr. 2021 17:32
Pfuiii... trop bien !

La bibliothèque rose, avec la Comtesse de Ségur, Un bon petit diable, les malheurs de Sophie, etc....
Et ensuite la bibliothèque verte, le Club des Cinq, le Clan des Sept,...

Je les ai tous dévorés, lus et relus, de grand souvenirs.
Tout gamin je me régalais avec la série des Comtes et légendes chez Nathan que j'empruntais a la Bibliothèque de l'école, pour certains d'entre eux ils m'avaient tellement botté que je les avais relu et emprunté trois fois de suite . J'en avais un ou deux chez moi offert par mes grands parents lors d'anniversaires :) :) :)

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Pablitta » jeu. 8 avr. 2021 15:45

Encore un bon moment Darkie !

Le titre militaire que tu as mis (Le Chant du Départ ce me semble) était un classique à la maison en ces temps-là :hehe: :hehe:
C'est comme ça qu'on termine en aimant le glam :cote:

Sinon, je partage ta perplexité devant le nom d'Enid Byton. Au même âge que toi, j'ai tourné, retourné, re-retourné ce patronyme dans tous les sens, persuadée qu'il contenait un mystère.
dark pink a écrit :
sam. 3 avr. 2021 20:45
Je ne sais pas comment écrire cette phrase pour ne pas "faire mon crâneur" :hehe: Pour nous, le top était les "Billets d'honneur" et je n'ai eu que ça étant premier ou parfois deuxième.
Les Billets d'Honneur c'était le rêve absolu pour moi. Pas réellement pour ce qu'ils signifiaient mais surtout parce qu'il y avait un cadre fait avec une sorte de poudre d'or. Ca m'envoûtait, cette poudre d'or :ghee:
En frottant le doigt dessus, des paillettes d'or s'y déposaient et je pouvais m'en mettre sur les pommettes. Le bonheur !

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Monsieur-Hulot » jeu. 8 avr. 2021 15:48

Pablitta a écrit :
jeu. 8 avr. 2021 15:45

...
Le titre militaire que tu as mis (Le Chant du Départ ce me semble) était un classique à la maison en ces temps-là :hehe: :hehe:
C'est comme ça qu'on termine en aimant le glam :cote:
...
::d ::d ::d
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Pablitta » jeu. 8 avr. 2021 15:49

Eh ouais :hehe: :hehe:

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » jeu. 8 avr. 2021 17:13

Pablitta a écrit :
jeu. 8 avr. 2021 15:45
Les Billets d'Honneur c'était le rêve absolu pour moi. Pas réellement pour ce qu'ils signifiaient mais surtout parce qu'il y avait un cadre fait avec une sorte de poudre d'or. Ca m'envoûtait, cette poudre d'or :ghee:
En frottant le doigt dessus, des paillettes d'or s'y déposaient et je pouvais m'en mettre sur les pommettes. Le bonheur !
A l'époque, je t'en aurais filé quelque uns pour ton maquillage sauvage, ma mère les avait tous gardés, j'en avais plus de 40 à l'issue du CM2. Il faudrait que je retrouve la vingtaine qui reste pour une photo marrante. Ils sont dans un carton quelconque et je n'arrive pas mettre la main dessus. Ils ont été conservés les uns sur les autres et cette poudre, dont tu parles, a fini par coller au dos de ceux qui étaient au-dessus, un peu comme s'ils étaient imprimés recto-verso mais à l'envers dessous. Ce qui est rigolo, c'est qu'il doit y avoir du métal dans ces paillettes puisqu'elles ont "rouillé" pour donner à certains, pas tous, une teinte rousse. J'en avais numérisé quelques uns mais je ne retrouve pas non plus les fichiers :hehe:

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » dim. 11 avr. 2021 17:15

1964-65, CE2, classe de Madame Bérard.
- Der, sans dégonfle, arrêt tic forcé d’ssus !
- Arrête ! J’ai même pas eu le temps de choisir ma bille !
- Der, sans dégonfle, arrêt tic forcé d’ssus.
Aux billes, faut être intraitable. C’est marrant comme les grands se font avoir comme des bleus. J’apporte des billes depuis l’année dernière mais je n’en gagne vraiment que depuis cette année. Il faut savoir viser, c’est certain, mais il faut aussi, et je dirais même surtout, connaître les annonces et les prononcer au bon moment. C’est de la tchatche. C’est mon domaine. Un grand, même si tu l’exaspères comme je viens de le faire, ne peut pas te casser la gueule juste parce qu’il est énervé. Ils sont une vingtaine à nous regarder. Ca aussi, c’est important, s’il fait une irrégularité ou s’il abuse de sa force, plus personne ne jouera avec lui.

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On joue à « Tic et Pat ». Un jeu de billes à deux. Tu dois taper, on dit tiquer, la bille de l’autre avec la tienne et la sienne est à toi. Si on joue des billes de même valeur, un tic suffit. Une agate vaut deux tics d’une bille en terre et un calot dix tics. Tic et Pat se joue n’importe-où. Un des deux lance sa bille, l’autre la sienne à partir du même point et on chemine en se suivant jusqu’au tic de la victoire.
J’ai dit : « der », ça veut dire que je joue en dernier, donc lui en premier et j’ai la première chance de tiquer sa bille puisqu’il devient la cible en la lançant sans but à atteindre. « Sans dégonfle », ça veut dire qu’il n’a pas droit de lancer sa bille à chaille (trop loin) et « arrêt tic forcé d’ssus », ça veut dire que je joins les talons pour former un angle droit, je fais un arrêt, et il est obligé de tiquer dans cette direction. S’il ne fait pas tout ça ou si les irrégularités du sol dirigent sa bille dans une autre direction, je lui pique sa mise sans même avoir à la tiquer ! Rien qu’en jouant tout seul, il risque de perdre sans que je n’aie rien eu à faire à part dire le plus vite possible : « Der, sans dégonfle, arrêt tic forcé d’ssus » ! Alors je ne me gêne pas. Là, ça va pour lui, nous jouons dans le caniveau et sa bille atterrit à quelques centimètres de mes pieds. Il n’a pas le temps de dire quoi que ce soit, j’ai déjà lancé ma bille pour lui clouer le bec. Je peux faire ce que je veux et je ne m’approche pas assez pour tiquer mais pas trop près non plus pour que ce soit quand même un lancer assez difficile pour lui. Les spectateurs crient : « Piteux ! Piteux ! » pour mon coup sans courage car il est évident que je n’ai pas essayé de tiquer mais plutôt de ruser. Je m’en tape, c’est à lui et il s’approche assez pour qu’il y ait « œil ». Il y a « œil » quand les billes sont au sol à une distance égale ou inférieure à l’écartement du pouce et l’index de celui qui va jouer. Comme j’anticipe l’œil, je dis : « petit œil » alors que sa bille roule encore. Pour « grand œil », on est debout au-dessus de la cible, on colle notre bille à notre œil et on vise en espérant qu’elle tombera en tiquant celle de l’adversaire. « Petit œil » permet de placer sa main à la ceinture et de laisser sa bille tomber en visant. Avec mon « petit œil », j’explose la bille de mon adversaire et je l’empoche. A vrai dire, avec « grand œil » c’est un coup de pot si ça marche car on est aveuglé par la bille alors qu’avec « petit œil » si on aligne son œil, le vrai, avec la bille qu’on a la ceinture avec celle qui est par terre, c’est facile, il suffit de ne pas bouger au moment où on lâche le projectile. Quand j’explique ça à mon père, gestes à l’appui, il me dit qu’on doit toujours avoir trois points à aligner pour viser, ce qui est le cas avec un « petit œil » alors qu’on en n’a que deux avec « grand œil ».
Il faut être autant stratège qu’habile au lancer mais ça ne marche pas toujours. On peut faire nos annonces en même temps et partir dans des : « C’est moi qui l’ai dit d’abord ! » sans fin et conclure par une bagarre quand on n’arrive pas à se mettre d’accord. Si on se bat, les spectateurs entourent les lutteurs et gueulent : « Du sang ! Du sang ! » jusqu’à ce qu’on les sépare ou qu’un adulte intervienne.

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Quand la cloche sonne, on va pisser si on a de la chance et on se range. En CE2, c’est un peu particulier. Mais pas sérieux ! On me l’a encore servi, ce mot ! Les adultes sont impayables.
- Le CE2, c’est sérieux !
- Ah bon ? Je croyais que c’était le CE1 qui était sérieux ? Pourquoi c’est sérieux aussi, le CE2 ?
- Ben… Euh… Parce que ça prépare au CM1, et là, c’est vraiment sérieux !
C’est vachement convaincant ! Il y a donc les classes qui sont sérieuses et celles qui y préparent et qui le sont tout autant puisqu’elles préparent à celles qui sont sérieuses. Il n’y a donc jamais de classes pas sérieuses ! Jamais ! Puisque c’est jamais, pour moi ça sera toujours ! A partir du CE2, et pour toute ma scolarité, je décide que plus aucune classe ne sera sérieuse. Ce n’est pas que je vais arrêter de bosser, ça me plaît de bosser. Mais je ne vais plus jamais prendre au sérieux aucune classe. A partir de maintenant j’entre dans une scolarité de rigolade. Qu’est-ce que je vais me marrer !
Je suis chez madame Bérard. Elle est gentille, très gentille. Quand un de ses anciens élèves devenu bidasse vient la voir en costume de marin dans notre classe elle pleure à chaudes larmes et insiste pour qu’il accepte plusieurs billets de dix francs pour le remercier d’être passé. Le mec nous dit qu’on a beaucoup de chance d’avoir cette maîtresse, c’est elle qui lui a donné le goût d’étudier alors qu’il filait un mauvais coton. Nous sommes d’accord avec lui.

Ce qui est particulier aux CE2s de mon école, c’est qu’ils sont en dehors du bâtiment principal. Nous nous rangeons dans la grande cour comme les autres mais nous sortons de l’école pour un trajet d’une minute qui passe par un chemin en terre entouré d’herbes entre deux murs de briques rouges pour arriver à ce qu’on appelle les baraquements. Ils sont tout en bois. Quand nous entrons et marchons sur le parquet gris du couloir, nos pas font un boucan terrible qui nous amuse et nous ne nous privons pas de taper du pied ce qui exaspère les maîtresses. Dans les salles, il n’y a pas de radiateurs mais un grand poêle à charbon au fond qui ronfle quand il fonctionne.
Pour les récréations, nous avons notre propre cour. Elle est en terre avec quelques graviers. Des grands arbres poussent tout autour. Nous pouvons jouer dans la poussière quand il fait sec, dans des flaques d’eau quand il pleut, dans des herbes hautes autour des arbres. C’est un petit paradis pour nos jeux avec des troncs d’arbres pour se cacher, des possibilités de faire des trous dans la terre, des emplacements naturels pour jouer aux petites voitures, etc. C’est un peu comme une clairière qui n’est pas fermée. Régulièrement, un d’entre nous décrète qu’il va se sauver de l’école pour vivre sa vie. Nous nous pointons avec des airs de conspirateurs au bout de la cour pour dire adieu au fugueur mais jusque là, aucun d’entre nous n’a franchi le pas. Nous nous sommes tous dégonflés. Mais c’est sûr, la prochaine fois sera la bonne !

Avec madame Bérard, il y a des moments de la journée qui sont magiques. Celui de la morale du matin est aussi bien qu’avec madame Debas. Le meilleur, c’est le soir avant de sortir. Nous rangeons nos affaires un peu plus tôt pour permettre à la maîtresse de nous lire un chapitre d’une histoire. Pendant toute l’année, nous aurons droit à des feuilletons lus avant de rentrer à la maison. Avant qu’elle commence, nous rappelons tous ensemble les chapitres précédents. Parfois, quand le suspense est trop fort, madame Bérard ne rechigne pas à nous lire l’épisode suivant. Nous sortons une minute ou deux en retard par rapport à la cloche mais ça vaut le coup. Bien entendu, les livres semblables à ceux qu’elle nous a lus et qu’elle nous conseille ont un grand succès et sont parmi les plus empruntés à la bibliothèque de la classe.
Madame Bérard est très gentille mais il lui arrive quand même de frapper. A la fin de la récré, Bébert (un des rares à avoir droit à un surnom) est devant moi dans les rangs et fait l’andouille. Madame Bérard s’énerve et veut lui coller une baffe. Bébert a l’habitude de ça chez lui, il détecte le mouvement et se baisse au moment où la main aurait dû heurter sa joue. Le geste de la maîtresse a quand même un effet sur ma tronche qui se trouve sur le chemin du bout de ses doigts puisque sa cible initiale s’est dérobée. Les ongles vernis de l’institutrice ont tracé deux balafres assez profondes sur ma joue et ma pommette, juste sous l’œil. Je saigne. Madame Bérard est catastrophée. Je me marre, je trouve que Bébert a bien joué le coup. La maîtresse a les larmes aux yeux, elle bafouille, elle fait des grands ooohhh ! désolés car je grimace quand l’alcool qu’elle étale généreusement sur mes plaies me pique. Elle veut absolument parler à ma mère pour s’excuser. Je lui dis que c’est inutile, j’expliquerai tout et il n’y aura pas de problème, ce qui est vrai mais très anxieuse, à la sortie, elle attend ma mère dont la venue n’est pas certaine, je rentre souvent seul de l’école.
Coup de pot, elle vient me chercher. La maîtresse se confond en excuses sous l’œil goguenard de ma mère qui m’a d’abord inspecté minutieusement sans écouter un seul mot. Soulagée de voir que bien que concurrençant Scarface, j’ai la tronche bien marquée, mes blessures ne sont que superficielles, elle rassure l’instit en lui disant qu’elle comprend.

En chemin, ma mère m’interroge :
- Et toi, qu’est-ce que tu en penses de tout ça ?
- Moi ? Euh… Je m’en fous… J’ai pas mal.
- Ca ne m’étonne pas de toi. Tu vois, il ne faut jamais cogner sur les enfants, ça peut finir mal. Elle avait peur, ta maîtresse. Elle avait raison d’avoir peur, si ça avait été plus grave, qu’elle touche ton œil, tu imagines ?
Pendant un bon mois, une fois par jour, Madame Bérard prendra ma tête entre ses mains, inspectera mes cicatrices et dira avec une lueur de trouille dans le regard : « Ca va, tu n’auras pas de trace, ça ira… »

Ce matin, au petit déjeuner, mon père a une cicatrice sur l’avant-bras et il déjeune avec nous, ce qui est très rare. Il prend un ton un peu sérieux pour nous parler :
- Mon père : Voilà… N’ayez pas peur quand vous passerez devant la porte des Morante au deuxième. Elle est toute noire, elle a un peu brûlé cette nuit. Pendant que vous dormiez, leur cuisine a pris feu, leur cuisinière à charbon s’est emballée. Ils sont venus me chercher et je suis descendu les aider.
- Moi : Le feu est éteint ?
- Mon père : Oui, bien sûr !
- Moi : C’est toi qui as éteint le feu ?
- Mon père : J’ai éteint ce que j’ai pu mais les pompiers sont venus ensuite.
- Ma mère : Tu ne leur dis pas tout ce que tu as fait ?
- Mon père : Si, si tu veux… Je suis allé chercher les enfants dans la chambre du fond.
- Moi : Pourquoi toi ? Leur père n’est pas allé les chercher ?
- Mon père : Non, il y avait beaucoup de fumée, il n’arrivait pas à respirer et les flammes sortaient de la cuisine, il a eu peur. Il pensait qu’on ne pouvait plus passer. Il pouvait à peine parler. Quand je leur ai demandé s’il n’y avait personne d’autre dans l’appartement, il a eu du mal à me répondre.
- Moi : Et toi, tu es passé dans le feu ?
- Mon père : Oui, si on veut. La brûlure que j’ai au bras, je l’ai eue à l’aller. Au retour, je me suis méfié.
- Moi : Ils n’ont pas brûlé, les enfants ?
- Mon père : Non, je les ai mis dans la couverture du plus grand.
- Moi : Et tu les as portés jusque dehors ?
- Mon père : Oui, comme un paquet de linge sale ! J’ai pas eu le temps de finasser mais ils se sont à peine réveillés. Il n’y avait presque pas de fumée dans leur chambre, la porte était fermée, ils n’ont pas souffert.
- Moi : La fumée, c’est pas grave !
- Mon père : Ne crois pas ça ! Dans les incendies, beaucoup de gens meurent parce qu’ils ont avalé de la fumée, ça les tue. Il y a une saloperie dans la fumée qui pardonne pas.
- Ma mère : Il t’a dit merci, au moins, le père ? Tu as sauvé la vie de ses enfants alors que lui il n’a même pas été foutu d’aller les chercher.
- Mon père : Oui, mais il bredouillait, il était choqué.
- Moi : Il est pas passé dans le feu pourtant.
- Mon père : Les gens ne savent pas ce qu’ils peuvent faire dans ces cas-là. Moi, j’ai l’habitude, c’est loin d’être mon premier feu !
- Moi : Tu as déjà sauvé des autres enfants ?
- Mon père : Oui, mais tu sais, ce ne sont pas les enfants les plus difficiles à sauver, ils sont légers, on peut les porter. J’ai sorti du feu des vieux qui ne pouvaient plus marcher et j’en ai bavé !
- Ma sœur : C’est bien que tu aies sauvé les enfants, papa !
- Mon père : Oui, tu sais, j’ai fait mon boulot.
Nous partons à l’école en pensant aux évènements de la nuit. Nous n’avons même pas été réveillés. La porte des Morante est effectivement noire de fumée mais aussi la fenêtre de leur cuisine que nous voyons du dehors. Ca pue sur leur palier et dans toute la cage d’escalier. Que notre père ait foncé dans la fumée et les flammes n’est pas nouveau pour nous, il raconte des tas d’histoires de son travail, nous sommes habitués, mais que ce drame se soit déroulé au deuxième étage de notre maison nous étonne et confère une réalité choquante à ce qu’il appelle son boulot.

En classe, je retrouve mon pote Christian à qui je raconte des histoires abracadabrantes dès que nous avons fini de bosser. Il est assis à côté de moi et la maîtresse nous laisse parler tant que nous chuchotons. D’autres font pareil mais ça fait très peu de bruit. Comme il aime les histoires médiévales je lui invente un monde auquel j’accède par une porte cachée gardée par un chevalier dans une ruelle près de chez moi. Une fois le mot de passe secret prononcé, j’enfourche mon vélo demi-course à quatre vitesses et double plateau, c’est le vélo dont nous rêvons tous, et je rejoins mes amis les gentils pour combattre les méchants. Nous avons des lances et des épées. Des filles qui veulent bien qu’on leur fasse des bisous nous encouragent. Quand nous avons vaincu les affreux, nous faisons un festin avec les filles et nous fumons des cigarettes. Notre aventure d’aujourd’hui comporte un sauvetage de petits enfants dans un château en feu. Je soustrais aux flammes deux minots que j’emballe dans une couverture « comme un paquet de linge sale, tu comprends, j’ai pas eu le temps de finasser ! ».

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Je ne crois pas que Christian soit dupe de mes inventions mais elles lui plaisent suffisamment pour qu’il me laisse les développer à longueur de récits. Il invente lui-même que chez lui, il y a du gâteau au menu tous les jours. Sa mère fait une recette secrète de « tarte à la galette » que seuls les membres de sa famille ont le droit de déguster. Comme il connaît mon peu d’intérêt pour le foot, il me raconte les matchs qu’il écoute à la radio avec son père. Il me permet de ne pas avoir l’air idiot quand nous en discutons à la récré avec les autres.

En rentrant le soir, que ce soit avec ma sœur qui est au CP dans l’école des filles, avec mes copains ou encore avec nos mères, nous passons par le parc de la mairie et nous ramassons des feuilles de l’arbre « qui donne de l’or ». Nous l’appelons ainsi car après avoir été bien vertes, ses feuilles deviennent d’un jaune éclatant.

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Elles ont une forme d’éventail. Je voudrais que mon grand-père en plante un dans son jardin mais j’ignore le nom de cet arbre. Je demande à ma maîtresse mais elle ne le sait pas non plus. Selon ma sœur, une seule personne est capable de nous renseigner, sa dernière maîtresse de maternelle. Elle est réputée pour connaître toutes les plantes et les animaux. Notre mère est d’accord pour que nous nous dépêchions un soir et que nous allions rendre visite à madame Dénéchal dans notre ancienne école avant qu’elle rentre chez elle pour lui demander le nom de cet arbre magnifique. Nous sommes d’accord pour ne pas programmer un jour particulier, nous irons un soir où nous sortirons tous les deux bien à l’heure pour nous donner le plus de chances possibles de trouver madame Dénéchal encore sur son lieu de travail. Les deux écoles ne sont pas loin l’une de l’autre mais il faut quand même quelques minutes pour les relier. Petit à petit, cette visite prend des proportions inattendues dans ma tête. Peut-être que certaines de mes copines et certains de mes copains que je n’ai pas vus depuis plus de deux ans seront là ? Peut-être qu’elles et ils ont des petites ou des petits à aller chercher ? Il y aura peut-être Christian Grammont, Nadine… Julie Sanda ! Nous aurons sans doute du mal à nous reconnaître, mais on y arrivera ! Plus les jours passent et plus je suis impatient.
Ce jour arrive enfin. J’ai du mal à ne pas semer ma mère et ma sœur. J’ai répété dans ma tête le chemin, je le connais par cœur : partir sur la gauche, prendre la rue principale à droite, passer devant la maison de la presse, passer devant la boulangerie où on ne va pas souvent, le photographe, tourner à gauche dans la rue de la salle des fêtes, l’école est presque en face sur la droite.
La cour est déserte et nous entrons facilement, une dame de service nous reconnaît et nous indique que madame Dénéchal est la seule maîtresse encore présente. Nous nous dirigeons dans le préau comme si nous étions venus la veille en passant devant la porte du « cabinet noir » qui me semble être une simple porte de cave. Madame Dénéchal est ravie de nous voir, surtout ma sœur qui était son élève l’année précédente :
- Sonia ! Quelle bonne surprise ! J’ai pensé à toi aujourd’hui car je dois décrocher tes dessins du mur pour mettre ceux de mes élèves de cette année. Les tiens sont vraiment très beaux, j’ai rarement une élève aussi douée en dessin et peinture. Reviens dans plusieurs jours, tu pourras les emporter chez toi.
Nous lui montrons l’objet de notre visite.
- Je connais cet arbre mais son nom m’échappe ce soir, je vais regarder dans mes livres à la maison et je te dirai ça. Revenez demain soir, j’aurai le nom que tu cherches et je te donnerai tes peintures. Je les décrocherai un peu plus tôt que prévu.
En repartant, je fonce vers mon ancienne classe mais la porte est fermée et l’école est désespérément déserte. Mademoiselle Simone est surement chez elle depuis un moment. Evidemment, mes copines et mes copains ne sont pas là. Que feraient-ils à cette heure dans une école maternelle qu’ils ont peut-être déjà oubliée ?
Le lendemain, quand nous revenons, madame Dénéchal nous attend avec deux gros livres dans lesquels sont placés des marque pages et un rouleau de grands dessins. L’arbre « qui donne de l’or » est en réalité un ginko biloba, nous pouvons le voir sur les pages marquées par la maîtresse.

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Dans le rouleau, il y a tous les dessins de ma sœur sauf un. Madame Dénéchal l’a étalé sur une table et demande à ma sœur :
- Tu me permets de garder celui-là, Sonia ? Je l’aime vraiment beaucoup et comme ça j’aurai un souvenir de toi. Puis s’adressant à ma mère : il faut qu’elle continue le dessin, elle est très douée, elle sait allier les couleurs, c’est rare ! Vous reviendrez me voir de temps en temps ?
Ma sœur laisse son dessin de bon cœur, elle n’avait jamais pensé le récupérer et elle ne dessine qu’une fois par mois au mieux depuis qu’elle est au CP.

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Cette fois, je n’ai pas cherché à voir qui que ce soit. L’école est presque lugubre sans enfants. C’était idiot de penser que je pourrais rencontrer une tête connue. Sur le chemin du retour, je pense que je n’ai aucun souvenir de mes amies et amis à part ceux qui sont dans ma tête mais je sens que leurs visages deviennent de plus en plus flous avec le temps. Je passe en revue leurs noms pour me les graver dans le cerveau. Je presse le pas pour devancer ma mère et ma sœur. Elles ne voient pas mes yeux embués.

Je trouve que nous avons des mœurs de camaraderie bizarres. Nous oublions ou devons oublier des gens que nous avons connus et qui ont été importants pour nous simplement parce que la période de l’année est différente. Des vacances ? Hop ! On ne voit plus la plupart des gens qu’on aime et certains disparaissent à vie ! Je joue avec Ludovic dans la cour de l’immeuble dès que je peux et c’est à peine si je le vois à l’école. Nous avons des « copains de maison » et des « copains d’école » et s’il s’agit de la même personne, nous agissons différemment selon le lieu où nous les rencontrons. Je suis copain comme cochon avec Ludo à la maison et nous nous ignorons ou presque à l’école.
Pourtant, depuis hier, nous partageons un lourd secret et j’aurais bien aimé en parler avec lui un peu dans la journée. Hier, c’était jour de marché. En rentrant le midi, nous redevenons « copains de maison ». Sur notre trajet, il y a une des deux places où les marchands s’installent. Ludo m’a entraîné voir « Tout à cent balles »,

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on l’appelle toujours comme ça mais avec les nouveaux francs, c’est devenu « Tout à 1 franc ». Il vend tout et n’importe-quoi, des jouets, des ustensiles de cuisine, même des martinets ! Ma mère ne veut rien y acheter car elle dit que c’est de la camelote. Nous avons tourné autour de l’étal et Ludo m’a demandé :
- Je vais acheter des P4, on pourra les fumer dans le cabanon de mon pépé mais on n’a pas de briquet, on devrait en piquer un. Tu le fais pendant que je fais le pet ?

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- Non, t’as qu’à le faire toi. Je fais le pet.
- Moi, je cache déjà le briquet dans le cabanon alors toi tu piques le briquet. T’es plus courageux que moi, allez, vas-y !
Je ne sais pas pourquoi je fais ça mais je le fais. Je n’ai jamais eu l’idée de voler quoi que ce soit mais en une seconde le briquet est dans ma main. Comme s’il me brûlait, je le refile à Ludo pour qu’il le mette dans sa poche. Je regrettais mon geste avant même de le faire, mais c’est indéniable, j’ai volé un objet. Je sais déjà que c’est la première et la dernière fois que je vole quelque chose et tout ce qui va se passer après me semble déjà écrit.
C’est assez simple : le monde n’est plus le même. Je m’éteins. Je ne participe plus en classe, je ne dis plus rien à personne. Je suis rongé par la culpabilité. Je voudrais rendre le briquet en douce et annuler mon geste. Mais ça n’est plus possible car entre temps, Ludo a mis de la Solexine de son pépé dans le réservoir du briquet et l’a essayé mais il a mal remis le bidon sur le support prévu pour du Solex.

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Son grand-père s’en est aperçu et en remettant le bidon en place, il a vu la dalle de sol que Ludo avait déplacée pour fabriquer une cache en-dessous. Il a trouvé la boite en fer dans laquelle il y avait quelques bombes algériennes, que d’autres appellent des oignons, et le briquet volé. Il a tout montré à Ludo qui lui a déballé toute l’histoire. La grand-mère de Ludo est montée jusque chez nous et a tout raconté à mes parents. Mon père m’a interrogé :
- C’est vrai, ce qu’il dit Ludo ? C’est toi qui a volé le briquet ?
- Non.
- C’est qui alors ? C’est lui ?
- C’est pas moi…

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Je n’arrive pas à avouer. Les mots ne sortent pas de ma bouche. Je sais que je laisse penser que c’est quelqu’un d’autre et comme nous n’étions que deux, c’est comme si je dénonçais mon copain. Pour moi qui n’ai jamais dénoncé personne, c’est monstrueux. Mais je n’arrive pas à dire la vérité, j’ai tellement honte que j’ai la sensation physique de rapetisser. Mon père descend voir Ludo qui est beaucoup plus loquace que moi. Il dit tout, exactement comme ça s’est passé. Mon père conclut :
- Vous êtes copains comme cochon et complices tout pareil ! Je fais quoi moi ? Je les arrête, les voleurs. C’est mon boulot ! Comme tu es un enfant, tu es puni. Pas de sortie dans la cour pendant un mois. Tu restes ici, ça te fera réfléchir. Et comme les parents de ton copain prennent ça à la légère, ça fera réfléchir ton pote de ne pas te voir pendant un mois.
J’accepte la punition sans moufter. Je l’attendais comme une délivrance mais ça ne marche pas vraiment. Selon mon père, il faut restituer l’objet volé pour être en accord avec la loi mais c’est impossible, le grand-père de Ludo a jeté le briquet à la poubelle. Il faut donc le rembourser. Ma mère est chargée de rendre un franc au marchand en ma présence. Je sens que cette mission la rebute, son regard vers moi en dit long. C’est le marchand qui lui donne la porte de sortie. Il est tellement mal aimable et ignore à plusieurs reprises la pièce qu’elle lui tend pour s’occuper d’autres clients qu’elle n’a pas le loisir de lui dire quoi que ce soit. Elle finit par poser la pièce dans le grand cendrier prévu à cet effet nous quittons le marché en silence.

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Pendant un mois, je ne descends pas jouer dans la cour. Je suggère même que je pourrais ne pas jouer non plus dans l’appartement ni lire puisque cela me distrait, je suis prêt à tout pour effacer ma honte et ma culpabilité mais mon père est formel :
- Non ! Tu peux jouer et lire tant que tu veux à la maison ! Tu es un enfant. Ce serait inhumain d’empêcher un enfant de jouer ou de lire ! Tu es privé de sortie assez longtemps, ça me semble adapté et suffisant.
Au bout de trois semaines, ma mère propose de lever l’interdiction et mon père semble prêt à suivre sa proposition mais je refuse. Si c’est un mois, c’est un mois et je ne suis pas impatient de retrouver Ludo en « copain de maison ». Je pense qu’il ne voudra plus me parler et voir du ressentiment dans chacun de ses regards me déprime à l’avance. On me punit pour avoir volé un objet, c’est normal, je suis d’accord, mais personne ne veut me punir pour avoir dénoncé un copain, je suis bien obligé de le faire moi-même !

Quand je redescends pour la première fois dans la cour, j’ai l’impression qu’elle a changé. Je n’ai pas le temps de me réhabituer, Ludovic est là et m’accueille :
- Eh ben merde ! Te voilà ! Je pensais que ça ne finirait jamais ! Ils sont durs tes parents ! Si tu peux aller chercher tes cowboys et tes indiens, j’en ai des nouveaux, on va jouer avec.
- Tu veux pas me casser la gueule ? J’ai pas dit que c’était moi qui avais volé le briquet…
- Mais t’es con ! Si mon père était agent de police et que mes parents étaient aussi durs que les tiens, je t’aurais dénoncé à ma place aussi. Et puis c’est moi qui ai eu l’idée ! Allez, c’est bon, c’est fini, on joue !
Alors nous jouons. Au début, j’ai l’impression que je dois jouer « doucement » puis les réflexes me reviennent. Ludo a des idées d’histoires, comme d’habitude, et exprime sa joie de jouer à nouveau avec moi :
- J’ai joué avec les autres, mais ils ne savent pas jouer. Heureusement que tu es revenu !
Je ne pensais pas que ma compagnie pouvait manquer à qui que ce soit. Ludo est un bon mec. J’ai entendu des adultes dire que les enfants uniques sont des égoïstes prétentieux, lui qui n’a pas et n’aura pas de frère ni de sœur n’est ni l’un ni l’autre. C’est même le contraire.

Pendant ma rétention, j’ai lu plus d’un livre par jour. Beaucoup étaient écrits par Enid Blyton. Je suggère que nous jouions au « Club des cinq » ou au « Clan des Sept ». Ca a moins de succès que le Far West mais ça a le mérite d’inclure les filles dans nos jeux. Chantal personnifie une détective rigolote : « Chercher ça, c’est pour les filles ! Les garçons sont trop lourds ». Je suis certainement le garçon à qui ça fait le plus plaisir mais les autres ne sont pas mécontents non plus.

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Quelques jeudis plus tard, Thierry est là. Il nous montre le tout nouveau poignard en bois que son grand-père lui a fabriqué. Pour plus de réalisme, il a inclus une pièce de vélo en métal eu haut du manche. L’objet est magnifique. Ludo a immédiatement un scénario prêt qui inclut cet accessoire. Je dois prendre un poignard dans la poitrine et me le retirer moi-même puis tuer mon agresseur et tomber inconscient.

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Thierry est à quelques mètres de moi et me lance son poignard. Je le prends en plein dans l’œil. C’est du moins ce que je ressens. Je tombe par terre sous le choc. Je ne joue plus ! Je ne vois plus rien d’un œil et j’ai du sang partout. Ca n’arrête pas de couler. Thierry disparaît en courant. Ludo me relève et pense que j’ai l’œil crevé. Je le pense aussi. J’arrête de pleurer car les larmes me font mal et je me dis que je ne vais plus avoir qu’un seul œil de toute ma vie pour voir. Nous remontons chez nous. Bien qu’il y ait beaucoup de sang sur ma chemise, mon pantalon, mes chaussettes, mes tennis en toile et sur le sol, je n’ai qu’une belle ouverture à un centimètre sous l’œil droit. Je ferme le gauche et je vois quand même. Ludo a ramassé le poignard et me le donne, je le trouve menaçant mais beau quand même.
Quand nous rencontrons le grand-père de Thierry quelques jours plus tard, il se fout complètement de ma blessure. Il nous engueule :
- Vous êtes des bons à rien, des cafteurs, des voleurs et des menteurs ! Thierry n’a rien fait. Rendez-moi ce poignard !
Ma mère, qui garde l’objet, et à qui je raconte notre engueulade ironise :
- Qu’il vienne me le demander ! Et on va voir ce qu’on va voir ! On n’a pas idée !

J’aimerais bien récupérer le poignard pour jouer au nouveau jeu inventé par Ludo. Il a vu Ben Hur au cinéma.

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Nous n’avons pas de panoplie de romain mais nous adaptons nos vêtements pour ressembler à ce qu’il nous décrit. Nous faisons des courses de char et des combats de gladiateurs. Thierry dit qu’au temps des romains et des gaulois, il y avait des esclaves. Il nous explique ce que ça veut dire selon lui :
- Je suis le romain et vous mes esclaves. Vous faites tout ce que je vous dis et si ça me plaît pas, je vous tue.
Bien entendu, personne ne veut jouer l’esclave et comme il n’est pas plus explicite, je demande à mon père ce que ça veut dire. Il m’explique :
- Les esclaves sont considérés un peu comme des animaux. On peut les vendre et les acheter. On sépare les familles pour les vendre séparément. On les traite mal. C’est une horreur. Je te comprends si tu ne veux pas jouer à l’esclave. La réalité est terrible.
J’ai l’impression que nous aurions été des esclaves, à l’époque des romains. Mon père ajoute :
- La fin de l’esclavage, c’est pas si vieux. Il y en avait encore après la révolution en 1789. Tu vois ! Cette fois, c’étaient les Noirs. Ils étaient ramenés d’Afrique et vendus ou échangés. On appelait ça le commerce triangulaire. Tu apprendras ça à l’école, c’était vraiment l’horreur !
J’ai du mal à croire ce que j’entends. Certains adultes sont vraiment des salauds ! Faire des esclaves avec des gens me sidère. Je pense à Julie… Je sens une colère et des larmes monter en moi. Comme il voit ma réaction mon père ajoute :
- Tu sais, des fois, on ne sait pas ce qui passe par la tête des gens. Pour inventer un truc pareil, faut vraiment pas être bien. Mais rassure-toi, c’est fini, maintenant !
Je trouve ça si abominable que je pense qu’à cette période de l’histoire, j’aurais été noir. Je le dis à mes parents. Cela les touche mais ils répliquent que nous sommes français depuis des générations et que se projeter dans le passé est inutile. Je ne réponds rien, je sais que je ne les convaincrai pas mais il est totalement impossible que je sois complice de cette saloperie d’une quelconque manière, c’est pourquoi moi, à l’époque de l’esclavage des Africains, j’aurais été Noir !
Je le dis à mes copains de maison. Et je refuse de jouer à un jeu où il y aurait des esclaves quels qu’ils soient. Ils ne sont pas tous de mon avis. Quand nous commençons une manière de jouer, elle dure un certain temps. A la maison, c’est comme à l’école avec les billes et les osselets, il y a une saison pour.

Mais je suis sauvé par l’arrivée des camions forains.

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La fête foraine reste deux fois deux semaines par an dans ma banlieue. Ils garent leurs camions à plateformes dans ma rue et les rues voisines, ça nous fait des praticables géniaux pour jouer tout le temps de leur séjour. C’est strictement interdit, mais nous y passons tout notre temps tant qu’ils restent là. Les manèges remplissent les deux places du marché et la rue qui les joint, autant dire que la ville est occupée par les forains.

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Pour couronner le tout, une des places est strictement sur le chemin de mon école. Le matin et le midi, je vois les carrousels, les avions concentriques, la chenille du dragon, etc… recouverts de leurs bâches.

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Les autos tamponneuses bien garées les unes à côté des autres et les baraques foraines fermées avec des gros cadenas.

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Et à la sortie de quatre heures et demie, la fête est ouverte. Si ma mère vient me chercher, j’ai droit à un ou deux tours et une friandise, mais je préfère les jours où je rentre seul, même sans argent. J’ai le droit d’y passer un moment avant de rentrer à la maison mais Il m’est interdit d’aller près des auto tamponneuses à cause des blousons noirs qui squattent autour. Et bien entendu, je m’en rapproche le plus souvent possible quand d’autres mères ne sont pas là avec leur progéniture et donc aptes à me voir pour ensuite me cafter auprès de ma mère.

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Un soir, il y avait des grandes filles avec les blousons noirs assis sur leurs Mobylettes. C’est cette présence rassurante qui m’a décidé à me rapprocher un peu plus. Un pas imperceptible après l’autre, je me suis retrouvé au milieu de la bande. A vrai dire, je m’en foutais des auto-tamponneuses ce qui m’attirait le plus dans l’endroit interdit, c’étaient les Mobylettes… et la Musique !

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Ils passaient des morceaux inconnus avec des sons que je n’arrivais qu’à percevoir faiblement sur la radio qu’écoutait ma mère à la maison. Là, tout près de la piste, on entendait tout très fort, c’était un peu terrifiant mais tellement excitant. J’avais écouté deux chansons. Les « loubards » avaient fini par remarquer ma présence et commençaient à me railler gentiment : « Eh ! Petit ! Faut pas traîner en rentrant de l’école, tu vas te faire engueuler ! » quand l’intro d’un morceau m’a littéralement cloué sur place. C’était beau ! Nerveux et triste à la fois. Je devais avoir un air ahuri et sans doute apeuré alors que j’étais aux anges et une des grandes filles présentes a voulu me rassurer. Elle m’a retiré mon cartable qui me coupait les mains, vu que je le portais depuis tout ce temps, l’a posé à ses pieds, m’a collé de dos contre elle comme elle devait certainement le faire avec son petit frère et s’est adressée à ses amis en cuir : « Eh, laissez-le ! Il écoute la Musique. » J’ai écouté toute la chanson, fasciné et plein de frissons délicieux quand la fille passait machinalement sa main dans mes cheveux. A la fin du morceau, elle m’a rendu mon cartable en me disant de filer, sinon, j’allais me faire disputer. Je serais bien resté là toute ma vie, au milieu des mobylettes décorées avec des fleurs gagnées au tir, des mecs rigolards qui connaissaient la chanson au point de la fredonner et contre une grande fille douce qui sentait bon.

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Les jours suivants, je tentais de me souvenir de l’air de cette chanson magique dont il me semblait que je l’avais déjà entendue en Français. J’y arrivais un peu, mais des paroles en anglais, il ne me restait plus que : « à moine » ou quelque chose d'approchant.

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C’est la radio de ma mère qui me la rappela en entier quand on y passa Johnny Hallyday chantant : « Les portes du pénitencier ».

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J’avais entendu « The house of the rising sun » et ma vie était devenue Rock’n’roll. Pour toujours !

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C’était vraiment un secret puisque j’étais le seul à le savoir. Ni Alain, ni Ludovic, ni Christian n’étaient aptes à le garder ni même à le comprendre. J’allais le cacher longtemps bien qu’il allait se mettre à prendre presque toute la place.
En attendant, le CE2 était fini. Je prenais la route du CM1. Et c’est bien connu, le CM1, c’est sérieux !
Modifié en dernier par dark pink le ven. 13 mai 2022 07:56, modifié 2 fois.

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Punker paname » dim. 11 avr. 2021 18:17

Super ton nouveau texte Dark Pink j'adore :) :love1: :love1: :love1:

J'adore le passages sur les billes, il me rappelle mes jeux de mômes en mode Do It Yourself

Plus jeune et encore gamin vers 72-73 comme je vivait à l’Étranger dans un pays ou il ne vendait pas de billes, avec les gamins nous les avions remplacé par des capsules de Bière et de Coca qu'on piquait en "Douce" dans les poubelles de nos parents :]

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On avait inventé nos propres règles, on traçait dans la terre tout un parcours avec des virages serrés , le jeu consistait d'une pichenette a envoyer les capsules le plus loin possible dans le parcours (On n'avait droit qu'a trois coup), celui dont la capsule sortait du parcours avait bien sur perdu et était exclu du jeu, la finalité pour gagner consistait a arriver a dépasser le premier la "ligne d'arrivée" tracée en fin du parcours, le Preum's qui la passait, gagnait toutes les capsules des autres joueurs :cote: :cote: :cote: Je précise que je n'ai gagné que trois quatre fois............................ Et encore en voyant large :gene3: :gene3: :gene3:

Naturellement vu que le plus grand de la bande un grand dadais de CM2 nommé Yves je me souvient qui était très bon aux tirs au cap's comme on disait , on eu vite une "Pénurie de capsules" , jusqu’à ce que le cuisinier et barman de la cantine de la cité qui nous avait vu très amusé jouer ensemble, nous fournisse en capsules qu'il nous gardait précieusement.

Cette capsule mania se transforma vite en collections de capsules de bières et de Sodas divers chez tous les gamins du coin, aux grand désespoir de nos parent dont certains doivent se demander encore pourquoi on cachait des sacs de capsules usagées sous nos lits et dans nos armoires ::d ::d ::d
Modifié en dernier par Punker paname le dim. 11 avr. 2021 21:17, modifié 2 fois.
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Danzik » dim. 11 avr. 2021 18:39

Quel taff encore une fois Dark Pink ! :ghee: Toujours aussi incroyable tes textes, à chaque fois je suis estomaqué par ta capacité à restituer, retranscrire tous tes souvenirs ! :chapozzz:

A au fait, la pèce de 100 francs est de 1958, c'est donc la mienne ! :cloonzzz: :frime1:

La mobylette, le solex, les fêtes foraines, etc... purée que de souvenirs ! :super:
Le Grand Bazar Vinylique : pleins de 45 tours EP & SP avec de vrais morceaux de vinyles dedans !
Citation : "Elle est pas électrique ta guitare... c'est une vieille, elle est encore à vapeur" Dupont et Pondu (1964)

C.V. (archives2) : ICI

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Punker paname » dim. 11 avr. 2021 20:48

La mobylette, le solex, les fêtes foraines, etc... purée que de souvenirs !
La mobylette pour moi ce fut beaucoup plus tard durant la fin des années 80 et presque toutes les années 90 une 881P, du coup tout le monde croyait que j'étais coursier alors qu'en fait à l'époque je bossait comme menuisier monteur de stand en intérim :cote: :hehe: :hehe: :hehe:

Mais pour faire la tournée des rades Rock'n'Roll de l'Est et du Nord Parisien ça me suffisait largement, elle m'a même trimballé jusqu’à des fêtes et des concerts en Banlieue, increvable ou presque cette petiote machine, même si en entretien c'était beaucoup plus galère que les 103 Peugeot par exemple.

J'ai fini par la revendre vers 2010, et elle a fait ensuite le bonheur d'une copine d'un copain :cote:

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