Les années 60 en immersion.

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whereisbrian
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par whereisbrian » jeu. 14 janv. 2021 18:11

C'est vrai. En cours d'histoire, en première, on mesurait le temps qu'un lacet de godasse mettait à se consumer en l'allumant au briquet. Et là, c'est authentique, si si, on a placé un pétard à corbeau avec la mèche insérée dans le lacet, juste avant le cours
dans une armoire en bois au fond de la classe.

Et là, le prof (qui était au PS de l'époque donc forcément un social-traitre), commence son cours, cite Hugo, Homme libre toujours tu chériras la mer !, et bim, forte explosion, les portes de l'armoire s'ouvrent, grosse fumée qui envahit la pièce, on a bien rigolé et on a été collés.

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Unserious Sam » jeu. 14 janv. 2021 21:25

C'est nomal, quand on utilise le lacet, on est toujours collet !



:sivousme:
A partir d'un certain âge, si on vous donne 10 ans de moins, un conseil : prenez-les !.

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bushi
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par bushi » jeu. 14 janv. 2021 22:40

::d ::d ::d

Ça me rappelle trop de trucs drôles !

On avait des carnets de présence, énumérés en début de classe.
Du A4 à l'italienne. On a donc saupoudré la page du jour de poudre à éternuer, et le prof en a pris plein le nez en cherchant la page.
MDR !

On avait un prof qui tapait comme un sourd sur le bureau pour obtenir le silence.
Dans un 1e temps, on a placé les 2 pieds de devant du bureau juste en équilibre précaire sur le bord de l'estrade. Donc... quand il a tapé, le bureau a basculé de 20cm de haut, dans un grand bruit.
MDR bis.

Dans un 2e temps, on a planté par le dessous, en traversant la plaque du bureau, une vingtaine de punaises de tapissier, de manière à ce qu'il n'y ait que 2mm de la pointe qui dépasse. Donc... quand il a tapé, il a eu mal.
MDR ter

On lui a aussi collé un coussin péteur sous son coussin de fauteuil.
MDR quad.

Sans parler des boules puantes dans la corbeille sous le bureau. Et là, le prof imperturbable nous a obligé à rester là, et interdit d'ouvrir les fenêtres.
Pas MDR.
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Christang 29 » sam. 16 janv. 2021 10:51

Un souvenir qui m'a marqué quand j'étais en 4ème en 69

On était en cours d'espagnol et dans notre classe il y avait un grand gaillard un peu cancre plus vieux de 2 ans et qui passait son temps à faire des conneries et bien souvent à nous faire rire .
Une fois de plus il avait chahuté la prof (sans méchanceté ) et celle ci excédée lui dit : " X prenez la porte " et lui pas démonté en sortant il a dégondé la porte et est parti avec elle .
Cela nous a fait évidemment rire sauf la prof.
pour cela ,il avait été convoqué chez le proviseur et s'en était sorti avec un avertissement .
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par nunu » sam. 16 janv. 2021 11:11

Moi c'est pas les années 60 mais en cours on en a fait quelques bonnes aussi.

Au lycée on a fait tourner en bourrique ma prof d'économie, au lycée c'était spécial on ne changeait pas de salle c'était les profs qui bougeait.

On était une demi classe a peu pres genre une douzaine, on l'entend arrivé on ouvre la sortie de secours au fond de la classe, elle donnait sur des escaliers (on était au deuxième) on se planque dans les escaliers sans bruit en foutant un papier sous la porte pour pas qu'elle se ferme (vu qu'elle s'ouvrait que de l'intérieur), la prof arrive nous voit pas dans la salle, repart paniqué, va chercher je sais plus qui en disant qu'il y a un probleme qu'on est pas la.

Entre temps nous on sort de notre planque on se réinstalle a nos places et la prof revient accompagné de la CPE je crois et nous voit a nos places. Elle nous demande ou on était on lui dit qu'on l'attendait. Qu'elle est venue dans la salle et qu'elle est partie panqiué alors que nous on était la :hehe:

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Punker paname » dim. 17 janv. 2021 01:02

Marrante ton histoire Nunu ça m'en rappelle une des miennes ::d

En seconde pendant une heure de permanence un jour ou le prof de Français était absent (Pour une fois) on avait empilé bien proprement au fond de la classe les chaise des fayots du premier rang, ça nous avait pas fatigué outre mesure vu qu'il étaient cinq ou six sur une classe de trente dont les trois quarts de cancres patentés.... dont ma pomme :hehe: :hehe: :hehe:

Une heure après pour le cours suivant je me rappelle encore c'était les Maths :ghee: :taré1: la matière que je haïssait le plus d'ailleurs, ça avait déclenché une mise un retard pas possible de cette séance de torture Mathématicienne , le temps que les fayots récupèrent "Leur chaises" sacrées sous l’œil inquisiteur de la prof

Du coup nos cinq ou six fayots de sévice n'avaient tellement pas apprécié notre petit déménagement et plaisanterie clandestine :hehe: :hehe: :hehe: qu'ils s'en étaient allé couiner furax chez le surveillant général, et raconter qu'ils étaient "victimes" dixit leur propos " d'une agression honteuse et scandaleuse de la part de la bande" Bigre !!!"des cancres de la classe". Avec pour résultat que surveillant général nous avait bien sur engueulé grave, on avait certes échappé aux colles mais pas a la fameuse et dégradante note administrative sur le carnet de correspondances a embrouilles avec les parents

Je suppose que vous devez vous souvenir de ces Horreurs du mobilier scolaire, paraitrait d’après un copain brocanteur de mon quartier que certaines de ces pièces de torture, si elle sont Vaintage et avec la patine d'époque et d'origine comme ont dit, vaudraient une blinde :confusezzz: :confusezzz: On se demande franchement bien pourquoi....

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » lun. 18 janv. 2021 11:12

Mais vous étiez des véritables calamités, les mecs ! :hehe:

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Punker paname » lun. 18 janv. 2021 11:30

dark pink a écrit :
lun. 18 janv. 2021 11:12
Mais vous étiez des véritables calamités, les mecs ! :hehe:
Ha pas tant que ça jamais nous ne pourrons égaler le talent de celles-ci :love1: :love1: :love1:

Dommage que je ne les aient pas eues comme camarade de classe zau lycée, parce que les filles de mon bahut à mon époque n'étaient ni Rock'n'Roll,et encore moins Power pop :vieuzzz:



:jesors:
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Polka Dot » lun. 18 janv. 2021 13:44

C'est un très beau moment que je viens de passer à vous lire tous. Dark Pink, je pensais avoir une mémoire "commack" mais tu sembles avoir une plaque photosensible à la place de la rétine. Pour les blagues de Bushi j'ai fait sursauter mon chat tellement je me suis bidonné fort. Le but avoué étant de faire sortir de leur réserve les celles et ceusses que leur stylo démange, j'avoue que le but est atteint. J'ai malheureusement perdu tout une partie de mon "histoire" personnelle dans un incendie de garde meuble où je stockais tout ce qui ne rentrait plus dans une piaule de 10m². Et en l'occurrence mes journaux intimes. Je pense qu'écrire un journal développe la mémoire (même si je n'ai pas relu les miens depuis plus de 15 ans j'en garde malgré tout la trace dans ma tête bien aidé par le fait que j'ai écrit une partie de ma vie) . Comme je n'ai pas vécu la décennie concernée je devrais peut-être créer son pendant pour la suivante.
J'ai vu la lumière le jour où à la tv Iggy Pop s'est tartiné de beurre de cacahuètes

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par whereisbrian » lun. 18 janv. 2021 13:55

Je garde précieusement les carnets que j'ai rédigés. Bon, tenir un journal est parfois fastidieux sur la longueur, par contre
l'utiliser comme un carnet de croquis (écrits) brefs est faisable.

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par bushi » mar. 19 janv. 2021 17:01

J'ai toujours été trop flemmard pour tenir un journal, ou rédiger des notes, même si j'y ai pensé de temps en temps.
Mais jamais eu vraiment le temps, justement, trop de conneries à faire...

Je dois donc m'en tenir à ma mémoire, que je croyais plus défaillante que ça.
En vous lisant, et au vu des réminiscences provoquées, je me rends compte qu'elle n'est pas si défaillante que ça.

Rien que pour ça, merci pour ce post. Et pour la poilade aussi ... ::d
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » ven. 22 janv. 2021 16:55

Polka Dot a écrit :
lun. 18 janv. 2021 13:44
Je pense qu'écrire un journal développe la mémoire (même si je n'ai pas relu les miens depuis plus de 15 ans j'en garde malgré tout la trace dans ma tête bien aidé par le fait que j'ai écrit une partie de ma vie) . Comme je n'ai pas vécu la décennie concernée je devrais peut-être créer son pendant pour la suivante.
N'hésite pas à créer un sujet à ta guise ! Je pensais que tu joindrais le geste à l'écrit mais comme je ne le vois pas, je te dis : Vas-y ! C'est une bonne idée :super:

Je regrette de n'avoir pas fait de journal. Quand des souvenirs sont flous où bien que je ne sais pas les situer dans le temps avec exactitude, j'y aurais recours. Sans, je ne peux que supposer et si les infos ne sont pas en ligne quelque part, je mets ça où je peux ou je ne dis rien de peur d'être anachronique. Vous me direz qu'il n'y a pas de quoi en faire un plat :hehe:

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Polka Dot » lun. 25 janv. 2021 17:14

Je vais d'abord mettre ça par écrit. Mais né en 71 ça commencerait en 77 année punk s'il en est !
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » mar. 16 mars 2021 17:38

C'est la suite à l'envers de ce qui précède :cloonzzz: La bande son est dans le lien caché. C'est parti...

Année scolaire 1961/1962 Classe de mademoiselle Simone.

Arlequin de Tolède - Les Compagnons de la Chanson.

Je voulais aller à la grande école. Pas question. Je suis encore à la petite. Ma sœur y vient aussi depuis cette année. Elle pleure sans arrêt. Elle veut rentrer à la maison. Les maîtresses m’appellent pour la consoler. J’essaye de lui parler. Elle pleure. Je la promène dans la cour en laissant mes camarades de jeu. Elle pleure. Je finis par pleurer moi aussi en nous trimballant main dans la main d’un bout à l’autre de la cour de récré toute en longueur. La maîtresse le dit à ma mère :
- Nous ne pouvons pas garder la petite si elle pleure autant. Elle fait pleurer son frère, lui qui n’a jamais versé une larme quand il venait seul.
Je suis désolé pour elle. J’ai tout de suite aimé l’école. Elle finira par l’aimer elle-aussi mais en attendant je n’arrive pas toujours à échapper à son chagrin. Contempler son regard humide et désespéré me rend incapable de la consoler. Ça l’aide un peu quand même mais qu’est-ce que ça aurait été si j’avais réussi à aller à la grande école ?
Je voulais aller à la grande école parce que je suis grand. Plus grand que tout le monde. Je grandis vite, trop vite, dit ma mère. D’habitude, je m’en fous mais cette année ça aurait pu me servir à quelque chose et il faut qu’il y en ait un qui soit plus grand que moi. Catherine Demiret, celle avec qui je veux me marier quand je serai grand, préfère Jean Pierre Vigoureux parce que c’est le plus grand de la classe. Elle me l’a dit :
- Si ça avait été toi le plus grand, je me serais mariée avec toi, mais Jean Pierre Vigoureux est plus grand que toi, alors je vais me marier avec lui.
Alors je voulais encore plus aller à la grande école car je ne veux plus me marier avec Catherine Demiret. En plus, j’étais déçu : les tables de la classe n’étaient pas comme l’année dernière. L’année d’avant, elles étaient rondes et si on soulevait le grand couvercle central, on avait un bac à sable dedans ! Régulièrement, la maîtresse retirait ce couvercle et on pouvait jouer au sable DANS LA CLASSE ! On faisait des routes pour nos voitures et nos trains en bois, toute une ville, c’était merveilleux.
Maintenant, je dois admettre que c’est bien aussi. On est six par table. On peut causer entre nous. Catherine Demiret ne peut pas être à la même table que moi. Je suis à la table de ceux qui savent lire et écrire. Nous avons des cahiers de grands avec plein de petites lignes. Elle a des cahiers de petits avec pas beaucoup de grosses lignes. Nos protèges cahiers ne sont pas de la même couleur.

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Nous apprenons à lire avec les aventures de Macoco, un petit garçon Africain. Il est Noir. Tous les jours, il vit une histoire différente. Il part en voyage à travers le monde. Sa mère s’appelle Mamadi et son père Sambo. Ils vivent dans un village Africain. Macoco est notre héros, nous jouons à revivre ses aventures dans la cour de récré et nous voulons tous être Macoco, même les filles.

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A ma table, en face de moi, il y a une petite fille qui vient elle aussi d’Afrique, Julie Sanda. Elle rit aux éclats à toutes les blagues en basculant sa tête en arrière. J’essaye souvent de la faire rire. A côté d’elle, il y a Nadine Commero. Une grande fille blonde avec des cheveux raides coupés en casque et un sourire discret. Elle essaye toujours de rester en retrait mais on arrive toujours à la convaincre de participer et petit à petit, c’est elle qui propose des jeux. La troisième fille de la table, Corinne Pinteur, a beaucoup de cheveux ondulés. Elle est souvent « dans la lune » comme dit ma mère. Nous avons tous les deux une petite sœur que nous devons protéger. Corinne Pinteur invite souvent la sienne à jouer avec nous, les grands, mais ce n’est pas toujours la meilleure solution pour lui éviter des ennuis.

A ma droite, il y a Noël Brès. Il est tellement blond qu’on a l’impression que ses cheveux sont blancs. Ses tabliers sont toujours d’un bleu très foncé et il ne les salit pas. Il fait partie de la dizaine d’élèves qui rentrent seuls chez eux en fin d’après-midi. Je l’admire pour ça. A ma gauche, c’est Christian Grammont. Il sait presque lire mais il est avec nous et fait pas mal de bêtises. Ses tabliers sont souvent sales, comme les miens. Sans se servir de ses mains, il sait balancer sa chaussure en l’air d’un coup de pied, il le fait souvent sans aucune raison. Nous rions à chaque fois, surtout quand le sol est humide et qu’il doit aller à cloche pied pour récupérer sa chaussure. Le mieux, c’est quand il perd l’équilibre et qu’il doit poser le pied en chaussette dans une flaque d’eau. La moue qu’il fait en se rechaussant debout, toujours sans les mains, est irrésistible.
Je suis heureux d’être avec elles et eux. Les filles sont gentilles et rigolotes et les garçons aussi. Même dans la cour, nous ne nous quittons que rarement. Nous jouons souvent à « Passe passera », c’est un jeu de filles mais les garçons y jouent aussi. J’aime surtout la chanson qui va avec :

Passe passera la dernière, la dernière.
Passe Passera, la dernière restera.
Qu’est-ce qu’elle a donc fait la p‘titine rondelle ?
Elle nous a volé trois p’tisailles de blé.
Nous la rattraperons, la p’titine rondelle,
Et nous lui donnerons trois p’tits coups d’bâton.

Pendant que tous les joueurs chantent, deux sont face à face et se serrent leurs deux mains, bras tendus en l'air pour former un pont sous lequel passent les autres joueurs. Quand le chant s’arrête, ils continuent de passer le plus vite possible car les deux « piliers de pont » qui murmurent : « Passe, passe… » peuvent baisser leurs bras à tout moment et prendre au piège celui ou celle qui passe à ce moment précis. Le prisonnier ou la prisonnière a droit « aux trois p’tits coups d’bâton » sous la forme de tapes vigoureuses dans le dos données par tous les joueurs. Si les piliers ne capturent personne, ce sont eux qui trinquent.
Quand je suis pilier avec Christian Grammont, nous attrapons sans arrêt la petite sœur de Corinne Pinteur, c’est facile. Elle finit toujours par pleurer. Le jour où Corinne Pinteur se met en colère contre nous elle gagne mon admiration pour toujours :
- Si vous continuez à embêter ma sœur, je ne joue plus jamais avec vous ! Et pour commencer, je ne joue plus avec vous aujourd’hui ! C’est pas bien des grands qui embêtent les petits !
Nous sommes tellement ennuyés par son abandon que nous allons nous excuser. Elle accepte nos excuses mais elle nous prive de sa compagnie toute une journée. Je n’aurais pas osé faire pareil, j’aurais eu peur qu’on me laisse dans mon coin et qu’on ne veuille plus de moi.
Une fois chez moi, je joue en chantant « Passe passera ». Ma mère m’entend et elle paraît étonnée :
- Qu’est-ce que tu chantes ?
- La chanson du jeu. On joue à ça dans la cour.
- Oui. Je connais ce jeu mais tu chantes des drôles de paroles. C’est pas la P’titine rondelle, c’est la p’tite hirondelle, tu sais, l’oiseau. Et c’est pas trois p’tisailles de blé mais trois p’tits sacs de blé !
C’est vrai, elle a raison ! Je ne m’étais jamais posé la question. Je ne savais pas ce qu’étaient des p’tisailles, j’imaginais que c’était un mot de patois, et je pensais que la p’titine rondelle était un surnom. De retour à l’école, j’explique à mes amies et amis nos erreurs. Ils sont d’accord mais ne veulent rien changer :
- On s’en fout des vraies paroles. C’est pas une chanson de grands. C’est une chanson à nous, et nous, on la chante comme ça !
Je dois bien admettre que je suis moi aussi de leur avis !

Quand je ne chante pas, j’aime bien jouer dans la cuisine, sous la table. Notre appartement est très petit. Une chambre étroite pour les enfants où il n’y a pas de place pour jouer, une salle de séjour qui est aussi la chambre des parents et une cuisine. C’est tout. Les toilettes communes avec la voisine sont à l’extérieur sur le palier et pour nous laver, ma mère nous assoit sur une serviette étalée sur la table de la cuisine et nous lave avec un gant qu’elle trempe soit dans une cuvette d’eau chaude soit sous le robinet de l’évier pour l’eau froide. Il paraît que « c’est Byzance » par rapport au précédent logement où j’ai vécu les deux premières années de ma vie et dont je n’ai pas de souvenir. Il est à l’étage au-dessus et les rares amis en visite devaient s’asseoir sur le lit de mes parents. Tous l’appellent le cagibi.
Si je joue dans la cuisine, laissant le séjour à ma sœur, c’est parce qu’être sous la table m’amuse bien mais surtout parce que j’entends mieux la radio que ma mère écoute en permanence en préparant le repas, en lavant le linge, en faisant ses comptes, etc. A la radio, il a beaucoup de bla-bla, les adultes aiment parler de choses incompréhensibles.

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Quand je serai grand, je ne dirai jamais rien qui ne puisse pas être compris par les enfants. Entre toutes ces palabres, il y a de la musique, pas assez, mais quand il y en a, je cesse de chanter pour l’écouter. Je ne dis rien sur l’effet qu’elle me fait car j’ai l’impression que c’est trop, que j’aime trop ça. Sous la table, on ne me voit pas réagir. Ma mère détecte bien mes changements d’humeur et si elle me demandait ce qui m’arrive, je pourrais lui dire que j’aime ça mais je pense que ça ne lui plairait pas. On ne doit pas aimer la musique autant, c’est trop, c’est mal. Enfin, il me semble, et je ne veux pas risquer de me découvrir. On me dit qu’il faut être raisonnable, ne pas s’enthousiasmer sans retenue et ne pas râler trop fort. J’y arrive sans problème mais pour la musique, je ne veux pas qu’on me gâche le plaisir. Il y a un adulte qui aime autant la musique que moi, c’est mon grand-père. Il en écoute souvent sur son gramophone, il me laisse mettre des disques dessus, remonter le mécanisme avec la manivelle. Il chante avec la musique, fait des gestes de chef d’orchestre et exprime son plaisir. Il me conseille : « Ecoute ça, mon fi, c’est un beau disque ! » Il joue du violon. Je veux aimer et jouer de la musique comme lui. Je veux devenir musicien. J’aime quand la musique s'énerve. Dans le disque que je préfère chez mon grand-père, un train démarre puis roule de plus en plus vite. Quand il a atteint sa plus grande vitesse, tout l’orchestre joue très fort. Je me sens transporté comme si j’avais la tête à la fenêtre avec le vent en plein visage. Je dis que je veux être policier comme mon père ou pompier pour avoir l’air sérieux mais quand je serai grand, j’ai bien compris que je ne me marierai pas avec Catherine Demiret mais je serai musicien. Toute ma famille aime les Compagnons de la chanson. Je suis d’accord avec eux. Je pourrais peut-être faire comme les Compagnons, chanter avec d’autres gens.

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L’autre métier qui me tente n’a rien à voir avec ceux qu’exercent les gens de ma famille qui sont presque tous fonctionnaires. A défaut d’être musicien, je deviendrais bien éboueur. Je ne rate jamais leur passage quand je joue dans la cour de l’immeuble. Je voudrais être un des deux qui voyagent debout sur les plateformes arrière et qui ramassent les poubelles. Ils sautent et descendent en marche du camion, je rêve de faire ça. Ils ont une bouteille dans un petit sac accroché à côté d’eux et boivent à la bouteille. Mes parents m’interdisent de le faire. Ils ont un grand sac pendu au même crochet que le petit dans lequel ils mettent ce qu’ils récupèrent dans les poubelles. Un rapide coup d’œil quand ils enlèvent le couvercle leur permet de prélever un objet qui leur plaît. Ensuite, ils regardent le contenu qu’ils ont déversé dans la benne et y trouvent parfois d’autres objets qu’ils doivent emporter chez eux pour les réparer ou les offrir à leurs enfants si ce sont des jouets. Un des boueux, comme dit ma mère, me salue à chaque fois avec un grand sourire édenté sans dire un mot. J’imagine que je pourrais être son copain et échanger avec lui des objets récupérés.
J’ai été surpris en train de fouiller dans les ordures par le grand fils d’un voisin. Il a vu que je prélevais les Pim Pam Poum qu’il jetait. Depuis, il me les garde quand il a fini de les lire et me les donne avec d’autres illustrés.

C’est ma mère qui s’est rendu compte la première que je lisais. Elle n’a rien dit à personne et m’a fait comprendre par des gestes et en me coupant la parole quand je disais quelque chose qui pouvait révéler ma capacité, qu’il ne fallait pas la ramener sur ce fait. J’ai suivi son conseil implicite et elle a longtemps été la seule à me savoir capable de lire. Peu de temps après la rentrée, ma maîtresse, qui est aussi la directrice de l’école, a pris à part les élèves pour les tester. J’ai tout de suite eu confiance en elle et je n’ai pas jugé utile de lui cacher que je savais lire. J’ai lu tous les extraits de ce qu’elle m’a présenté : des livres pour les enfants, des textes écrits à la main, son dictionnaire pour adultes, etc. A la fin, elle a sorti un papier plié de sa poche et j’ai su que j’avais bien fait de lui faire confiance. C’était une liste de courses dans laquelle le mot « SEL » était écrit en grosses lettres et souligné. J’adore le sel. Ma mère me surveille à chaque fois que j’en rajoute dans la nourriture car elle dit que j’en mets trop. Une personne qui aime le sel au point de l’écrire comme ça sur sa liste est digne de confiance. J’ai vu juste. Elle n’est pas impressionnée, elle me sourit et me renvoie à ma place en me disant que : « C’est bien ».

J’ai pigé que ça fait de la peine à ma mère quand on me regarde comme un monstre de foire. Nous voyons cinq ou six fois par an mes grands-parents qui habitent loin. A chacune de nos rencontres, ma grand-mère me raconte cette anecdote :
- Tu n’avais pas un an. Tu étais dans ta poussette, tu ne marchais pas encore. Dans la cuisine où nous habitions près de la gare on entendait les bruits du dehors. Ta mère a dit que c’était un avion qui passait et je lui ai répondu que c’était le truc pour indiquer si la voie est libre aux trains qui grinçait. Comme nous nous disputions un peu pour avoir raison, tu nous as interrompues et tu as dit : « C’est l’avion-truc ! » Tu te rends compte ? Tu avais onze mois !
Je ne me rends compte de rien, je ne m’en souviens pas et immanquablement, ma mère est exaspérée par ce récit et surtout par l’air effaré, les yeux exorbités, que m’adresse sa propre mère en me le racontant.
Il y a ce collègue de mon père que j’ai traumatisé lui aussi à la même époque et pour les mêmes raisons. Il était en visite chez nous et mon père lui a demandé ce qu’il voulait boire. Juste après sa réponse, j’ai dit que je voulais : « Un coup de Juvisy ! » Juvisy était la marque de l’eau minérale qu’on trouvait à l’épicerie du coin. A chacune de ses visites, il me demande si je ne veux pas « un coup de Juvisy ». On n’en trouve plus, de la Juvisy… Quand je lis devant lui une revue quelconque et qu’il paraît étonné, ma mère lui dit : « Il regarde les images ».

Je lis, c’est vrai. Mais je suis loin de piger tout ce que lis. Souvent même, je ne comprends rien du tout ! Ma mère regarde dans son dictionnaire quand elle rencontre un mot qu’elle ne connaît pas en faisant les mots croisés des journaux. En lisant ce dictionnaire, je m’aperçois que je ne comprends pas mieux les mots que je ne connais pas, les explications sont incompréhensibles et je suis obligé des demander à ma mère de me trouver le mot que je cherche dans les centaines de pages écrites en tout petit. Elle a l’idée de m’offrir un livre extraordinaire : « Mon premier Larousse en couleurs ».

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C’est un très grand livre avec plein de mots et de dessins pour expliquer les mots. Je connais déjà beaucoup de mots contenus dedans. Je peux passer des heures entières à lire ou feuilleter ce livre. Rien que les pages de garde où on voit des dizaines de couples habillés dans leur costume traditionnel selon leur pays me fascinent. Je me demande comment nous serions habillés si Julie et moi posions pour le dessinateur. Elle qui vient d’Afrique et moi de Seine et Oise. Nous ferions sans doute comme Macoco en voyage, nous adopterions le costume du pays où nous sommes. Mes suppositions ne vont pas plus loin. Je déteste la plupart des vêtements neufs, ils me grattent ou me serrent. Julie aimerait sans doute essayer plusieurs de ces costumes et moi, j’attendrais en la regardant choisir avec mon dictionnaire sur les genoux pour deviner le pays d’où viennent ses vêtements.

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Dans ce livre, tout est intéressant et compréhensible. Mais son principal intérêt est qu’il me raconte les histoires que je veux car j’invente une histoire par page avec les mots qu’elle contient. Pour la page qui contient le mot « musique » je tente d’inventer une histoire parfaite et je l’améliore à chaque fois que je peux.

Je fais des grands mouvements comme mon grand-père quand il fait le chef d’orchestre car je suis un grand, pas un moyen. Un muet peut offrir du muguet à sa femme, elle sera contente même s’il ne parle pas. Le mulet n’arrive pas à sauter le mur pour manger les cerises mûres qui sont de l’autre côté, heureusement, sinon il n’y en aurait plus pour nous. Les animaux qui ont des museaux ne vont jamais au musée. Un jour, je jouerai de la musique très bien, je serai sur un disque de mon grand-père. Les poissons nagent mieux que tout le monde avec leurs nageoires. Je ferai de la musique comme un poisson.

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Je m’oblige à mettre mes mots dans l’ordre de la page mais je m’autorise des écarts avec ceux que j’aime le mieux. Et pour chercher vite un mot dans ce dictionnaire, mon père raconte une histoire de Toto qui m’aide à apprendre l’alphabet en quelques jours pour pouvoir la raconter à mon tour. Je préfère quand c’est lui qui la raconte car il prend une voix nasillarde qui me fait rire :
C’est Toto. Il a un rhume et il parle comme ça (voix nasale). En classe, son maître lui demande de réciter l’alphabet. Toto s’y met avec sa voix bizarre :
- Toto : A, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, O, P, R, S, t, u, v, w, x, y, z !
- Le maître : Toto, tu n’as pas parlé du Q !
- Toto : Je parle déjà du nez, ça suffit !
Savoir chercher plus vite dans un dictionnaire grâce à l’ordre alphabétique est vraiment une aide précieuse. Je trouve ça tellement futé que j’ai l’impression que ce sont des enfants qui l’ont inventé, les adultes ne sont pas assez malins pour ça.

Dans ma classe, il y a souvent des jeunes maîtresses, la directrice les appelle les stagiaires. Elles restent quelques jours, nous font parfois la classe puis s’en vont pour laisser la place à d’autres quelques temps plus tard. Deux d’entre elles sont en stage avec nous la semaine où la maîtresse nous présente des fruits exotiques, ceux que Macoco découvre et goûte lors de son voyage autour du monde. Chaque jour, elle les met dans un grand panier au centre de la classe. Nous pouvons les voir en nous déplaçant et le dernier jour de la semaine, nous les goûtons les uns après les autres en nous rappelant en chœur de leurs noms quand la maîtresse les présente à la classe. Il y a des mangues, un ananas, un avocat, etc. Quand elle brandit une grenade, toute la classe déclame : « Une grenade ! » et je trouve malin d’ajouter : « Attention, Maîtresse, faut pas la faire exploser ! » Une des deux stagiaires qui se trouvent juste derrière moi dit à l’autre : « Tu vois, lui, son père est policier, pourtant, il est intelligent ! »

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Quand mon père rentre, je lui raconte l’histoire. Il rit beaucoup : « Eh bien ! Nous avons une bonne réputation chez les maîtresses ! » Réputation n’est pas dans mon grand Larousse mais mon père m’explique le mot et me chante quelques mesures de la chanson de Brassens, c’est encore mieux.

Je me dis que les images que la maîtresse nous donne en récompense ont elles-aussi une réputation. Dès qu’une nouvelle série apparaît, il y a les images recherchées et celles qui le sont moins ou pas du tout. Quand une série de personnages dessinés fait son entrée dans notre classe, l’image qui représente Arlequin devient immédiatement la plus populaire. Il a son costume à losanges de couleur, son bicorne sur la tête et un masque de Zorro, c’est sans doute ça qui le rend si attractif. Je pensais que le Petit Chaperon Rouge serait celle qui aurait plus de succès, mais non. J’aime beaucoup le Pierrot parce qu’il joue de la musique mais tout le monde s’en fout.

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Tous les élèves de ma table ont déjà leur Arlequin mais je ne désespère pas, je finis toujours par avoir toutes les images d’une série. Et ça ne rate pas, la maîtresse me la donne avec mon cahier. Je suis tellement content que je fais l’andouille pour faire rire ma table et surtout Julie Sanda qui est mon meilleur public. La maîtresse me demande de me calmer mais je ne l’écoute pas et elle me confisque mon image. Je suis atterré mais je pense qu’elle va me la rendre avant la sortie vu qu’elle l’a laissée en évidence sur son bureau. Peu de temps avant la sortie, il devient évident qu’elle ne me la rendra pas. Quand je vais poser mon livre de lecture silencieuse sur l’étagère où il doit être, je passe tout près du bureau et la tentation est trop forte, je vole mon image confisquée et je la cache dans ma poche.
Avant de rejoindre nos parents ou les gens qui viennent nous chercher à l’école, nous allons nous asseoir sur les bancs qui sont dans le préau. Ceux qui rentrent seuls se rangent par deux à gauche de la porte et sortent avant le reste des enfants. Les adultes font la queue et à leur tour disent le nom de l’enfant qu’ils viennent chercher. La maîtresse de service à la porte répète à la cantonade le nom de l’enfant qui se lève et rejoint son accompagnateur. Pendant la procédure qui est assez longue, les enfants qui ont eu des images les brandissent vers ceux qui sont venus les chercher quand ils les voient dans la file. Je laisse mon image volée dans ma poche, évidemment. Je rejoins ma mère quand on m’appelle. Sur le trajet de retour à pied, je dois faire une tête inhabituelle et ma mère me questionne :
- Tu n’as pas eu d’image, aujourd’hui ? Tu n’as rien montré quand tu étais sur les bancs.
- Si, j’en ai eu une. Je lui montre « mon » Arlequin.
- Pourquoi tu ne me l’as pas montrée tout à l’heure ?
- Pour rien… J’y ai pas pensé…
- On dirait pas. Ce n’est pas ton habitude de laisser ta récompense dans ta poche et tu fais une drôle de tête. Qu’est-ce que tu ne dis pas ?
Je ne résiste pas à son interrogatoire. Je me sens terriblement coupable. Je balance tout à ma mère. Quand mon père rentre, elle lui raconte mon histoire. Ils décident tous les deux que je dois rendre cette image volée :
- Demain, en arrivant en classe, tu rendras l’image à ta maîtresse. Tu lui diras tout ce que tu nous as dit.
- Je vais être puni ! J’irai au cabinet noir !
- Tant pis pour toi. Il ne fallait pas voler ton image même si elle t’avait été donnée avant.
Pendant toute la soirée, j’ai peur et je suis nerveux. Personne n’est jamais allé dans le cabinet noir mais il existe, on nous montre sa porte qui donne dans le préau. La fois où cette porte était ouverte, j’ai vu un escalier qui descendait sans en voir le bout…

En arrivant en classe, bien que terrifié, je fais immédiatement ce que mes parents m’ont fait promettre. Je me pointe au bureau et je rends mon image en expliquant tout à la maîtresse. Je lui explique aussi que l’Arlequin est la plus belle image du lot et que c’est la raison qui m’a poussé à la voler. Elle m’écoute attentivement et dit à la classe que j’ai bien fait de me dénoncer moi-même. Elle ajoute qu’elle m’a à l’œil mais que ma franchise me sauve d’une punition. Je retourne à ma place les yeux humides. Mes camarades de table sont consternés. Julie Sanda, qui est en face de moi a des grosses larmes qui coulent sur ses joues. Elle les essuie puis fouille dans son casier. Elle en sort sa propre image d’Arlequin et me la donne en la posant sur ma table. Je suis effaré et ne sais pas quoi lui dire. La maîtresse la voit faire et sourit. Quand nous sortons pour la récré, nous avons retrouvé nos esprits. Je remercie Julie Sanda et lui demande pourquoi elle m’a donné son image. Elle me répond en haussant les épaules, en penchant la tête et en souriant. Nous jouons ensemble toute la journée.

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En fin d’après-midi, la maîtresse distribue les récompenses et donne un Arlequin à Julie Sanda avec un regard complice. J’ai droit à un second Pierrot et je le donne à Julie Sanda. Elle est ravie et me gratifie d’un de ses plus beaux sourires. A l’heure de la sortie, je brandis mon Arlequin à l’intention de ma mère.
- Tiens ? Tu n’as pas rendu ton image ?
- Si, mais Julie Sanda m’a donné la sienne…
- Elle doit bien t’aimer, ta copine Julie, pour te donner sa plus belle image !
La remarque amusée de ma mère m’a fait tellement rougir que je presse le pas pour devancer la petite troupe d’enfants et de mères qui prend le même chemin que nous et qui a tout entendu. Je peux rougir sans qu’on se moque de moi.

La fin de l’année arrive. J’ai voulu très fort aller à la grande école au début et maintenant, je ne veux plus. La plus grande partie de mes copines et copains ira dans une autre grande école que la mienne. Ma mère dit qu’on n’est pas du même secteur, je ne sais pas ce que ça veut dire et je déteste ce mot qui n’est pas dans mon Larousse illustré. Il me fait penser au sécateur de mon grand-père. C’est un outil qui me fait peur, il paraît qu’un de ses voisins s’est coupé un doigt avec le sien.

Je ne vois pas l’intérêt d’aller dans une école où mes amis ne sont pas. Une école sans Noël Brès, Christian Grammont, Nadine Commero, Corinne Pinteur et surtout Julie Sanda n’a pas de raison d’être. D’autant qu’on m’a dit que dans certaines écoles, on s’appelle uniquement par son prénom ou par son nom ! Quelle coutume ridicule ! Dans mon école, on s’appelle par les deux ! Je demande à aller dans l’école de mes amies et amis mais mon père dit que c’est interdit et qu’en plus ce serait trop loin. Je n’ai même pas demandé à Julie Sanda si elle voulait bien se marier avec moi !

A cause de tout ça, Je suis très triste. Je me cache pour pleurer en douce. Je ne veux pas qu’on me dise : « Ne pleure pas comme une fille ! » C’est vraiment idiot de dire ça. D’abord, les filles ne pleurent pas d’une façon particulière. Et même ma sœur ne pleure plus en arrivant à l’école. En plus, j’ai vérifié en me regardant dans la glace : Je suis très laid quand je pleure. Je pleure comme un garçon !

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Modifié en dernier par dark pink le mer. 11 mai 2022 19:06, modifié 1 fois.

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Punker paname » mar. 16 mars 2021 18:27

Ha Dark Pink le retour bravo pour cette longue nouvelle :) :love1: :love1: :love1:

Ton post me rappelle les jouets et les premiers disques de mon enfance j'y reviendrais :)
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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » jeu. 18 mars 2021 18:02

Merci Punker !
On demande aux gens de révéler les premiers disques qu'ils ont acheté pour eux avec leurs sous mais les premiers achetés par la famille, c'est pas triste non plus :hehe:
Ce sera dans le prochain épisode ainsi que le premier électrophone dont j'ai retrouvé la photo sur le web :taré1: Quel pied !

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Pablitta » dim. 21 mars 2021 18:58

Je passe peu ces derniers temps, mais je lis :ghee:
Notamment tes textes, Darkie :gene3:

J'ai aimé ce dernier texte. Les précédents, c'était un témoignage de notre époque, de ceux qui ravivent les souvenirs, les miens aussi.

Là - est-ce moi ou ce dernier texte qui est un peu différent ? - je commence à ressentir comme un attachement pour ce drôle de petit garçon :) . Et envie de savoir vite comment il va grandir , comment il va conduire sa vie ...

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par dark pink » lun. 22 mars 2021 09:00

Merci de ton commentaire sympa Pablitta !

Pour répondre à ton message, j'ai l'impression d'écrire de la même manière qu'avant (la seule dont je sois capable :hehe: ) mais le contenu est moins rock'n'roll plus on remonte le temps, forcément. Il ne doit pas raviver beaucoup de souvenirs chez pas mal de gens car ils sont peu nombreux à se rappeler vraiment de cette période de leur vie. C'est ce qui me semble après avoir discuté de ça avec un bon nombre d'amis. J'avais l'impression qu'elles et ils refusaient de partager leurs souvenirs car elles et ils étaient gênés de les raconter, mais non, leurs souvenirs sont tout simplement "effacés". Une copine m'a même dit qu'elle n'avait jamais été à la maternelle et quand elle en a parlé à sa mère, il s'est avéré qu'elle y a séjourné trois ans :)

Merci de lire et de commenter ! Devant le peu de réactions, je me disais que j'allais abandonner la suite mais ton post m'a donné l'envie de m'y remettre. Ca va être le CP, c'est "sérieux" comme disaient les adultes :hehe:

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par whereisbrian » lun. 22 mars 2021 09:37

Non, non, n'abandonne pas, j'apprécie de te lire.
D'ailleurs, je pense que d'autres membres du forum te lisent, même s'ils ne s'expriment pas ensuite.
Pour les souvenirs, je trouve cela dingue ta précision, en plus, comme je te l'ai déjà dit, c'est très vivant, on y est.

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Re: Les années 60 en immersion.

Message par Pablitta » lun. 22 mars 2021 14:53

dark pink a écrit :
lun. 22 mars 2021 09:00
Merci de lire et de commenter ! Devant le peu de réactions, je me disais que j'allais abandonner la suite
WIB a raison et aussi n'oublie pas que ces pages de vie ne se lisent pas en un clin d'oeil comme on peut survoler "Qu'écoutez-vous en ce moment" par exemple. Des fois, on se les met de côté pour lecture ultérieure, lors d'un instant de tranquillité :)

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