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Pour y papoter, parler de ce que vous écoutez en ce moment, délirer, s'amuser...
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Unserious Sam
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Message par Unserious Sam » mer. 26 août 2020 16:11

Je propose qu'on poste ici nos petits délires d'écriture (pastiches (51)), poèmes, pensées, petits textes gardés dans les tiroirs de l'ordi, etc. Bien évidemment, pas question de rivaliser avec l'immense talent de Dark Pink ! Bastard est le bienvenu ! :)

Je commence avec un truc que j'ai retrouvé par hasard sur mon ordi, je l'avais d'ailleurs peut-être posté sur l'ancien forum mais pas sûr. j'espère que ça vous plaira !

Exercices de style est l'un des ouvrages les plus célèbres de l'écrivain français Raymond Queneau. Paru en 1947, ce livre singulier raconte 99 fois la même histoire, de 99 façons différentes.

L'histoire elle-même tient en quelques mots. Le narrateur rencontre dans un bus un jeune homme au long cou, coiffé d'un chapeau mou orné d'une tresse tenant lieu de ruban. Ce quidam échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur, puis va s'asseoir à une autre place. Un peu plus tard, le narrateur revoit le même jeune homme cour de Rome devant la gare Saint-Lazare en train de discuter avec un ami qui lui conseille d'ajuster (ou d'ajouter) un bouton de son pardessus.


Raymond Queneau :

Dans l'S, à une heure d'affluence. Un type dans les vingt-six ans, chapeau mou avec cordon remplaçant le ruban, cou trop long comme si on lui avait tiré dessus. Les gens descendent. Le type en question s'irrite contre un voisin. Il lui reproche de le bousculer chaque fois qu'il passe quelqu'un. Ton pleurnichard qui se veut méchant. Comme il voit une place libre, se précipite dessus. Deux heures plus tard, je le rencontre cour de Rome, devant la gare Saint-Lazare. Il est avec un camarade qui lui dit : “tu devrais faire mettre un bouton supplémentaire à ton pardessus.”; il lui montre où (à l'échancrure) et pourquoi.



Votre serviteur : (A la manière de Frédéric Dard (San Antonio))

Oh les aminches, faut que j’vous raconte… Aujourd’hui, je sors de chez ma brave Félicie de mère, après lui avoir promis de revenir la voir le plus vite possible. Comme d’habitude, elle m’accompagne jusqu’au perron, et attend que me retourne pour lui lancer un petit au revoir de la main, comme empli de regrets de la quitter. Et comme d’habitude, je m’exécute, et vois ses yeux débordants d’amour me guider vers l’arrêt de bus. Je quimpe donc dans le S. Cette grosse boîte à sardines grisâtre est bourrée de trèpe. Sûr que j’aurais pas pu embarquer le Mastar avec moi, y aurait eu rejet ! Je me faufile tant bien que mal au milieu de la populace et des faces grises du petit matin, des haleines douteuses et des fringues fripées. Aussitôt je défrime un gazier qui attire mon attention. Il a dans les vingt-cinq berges, porte un bitos mou avec une sorte de cordelette à la place du ruban, et son cou ressemblerait à celui d’une cigogne s’il n’était pas aussi long. Des pékins profitent de l’arrêt pour descendre, et le gars que j’ai défrimé part en renaud contre un de ses compagnons de voyage, comme quoi il le bousculerait à chaque fois qu’un gonze descend. Il se voudrait vindicatif dans la pleurnicherie et en rajoute dans le pathos. Puis le gars mate un siège libre et se jette dessus comme la pauvreté sur le monde. Tu parles d’un artiste ! Deux plombes plus tard, un ordre du Vieux m’ayant envoyé cour de Rome, pour rejoindre Pinuche et sa Majesté Bibendum 1er, je revois le même gus devant la gare Saint-Lazare ! Il est en train de bavocher avec un de ses potes, qui lui dit qu’il devrait ajouter un bouton à son lardosse. Il pointe du doigt son colback et lui explique le pourquoi de la chose…


Façon Philippe Djian...

Je monte dans le bus S, par pure nécessité. Des fois on sait pas à quoi s'attendre. Je rumine des trucs, comme quoi la vie c'est pas toujours ça, et j'aperçois un type, je remarque son long cou, son chapeau mou avec son cordon à la place du ruban. Il a pas l'air commode, on serait énervé à moins, le bus est bourré de monde, ça donnerait des envies de meurtre à un mouton. Le gars râle qu'on le bouscule à chaque fois que quelqu'un descend. Eh ouais, je pense, la vie c'est pas toujours facile. Le type voit une place libre et se jette dessus. C'est la loi du plus fort, on peut pas aller contre ça. Je le revois deux heures après, cour de Rome, devant Saint-Lazare. Y a des hasards, comme ça. Il est en pleine discussion avec un de ses potes, on dirait que l'avenir du monde en dépend. L'autre lui dit qu'il devrait rajouter un bouton à son pardessus, au niveau du col, et lui dit pourquoi. C'est une de ces journées où on se dit qu'on a bien fait de se lever, pas vrai ?


Interrogatif :

T'as l'S, c'est un bus, pas vrai ?. Bourré de monde. C'était quelle heure ? Y a un gars qui monte. Peut-être vingt-six ans ? Grand cou, chapeau mou. Bizarre, un cordon à la place du ruban... Pourquoi ? Y a du va-et-vient, le gars râle comme quoi on le bousculerait à chaque mouvement. C'est vrai ou pas ? Bon. Le type voit un siège libre, et se jette dessus. Y a des témoins ? Je revois le gars plus tard. C'est-y bien lui, au moins ? Il est cour de Rome, devant Saint-Lazare. C'est bien là, hein ? Il discute avec un de ses copains. C'est bien un de ses copains, au moins ? L'autre lui dit de rajouter un bouton à son col. Pourquoi, grands dieux ?


Exclamatif :

Je monte dans l'S ! Ce monde ! Je vois un type, oh, dans les vingt-six ans ! Un de ces cous ! Un chapeau mou sur la tête ! Et un cordon à la place du ruban ! Le gars râle ! On le bouscule quand les gens descendent ! Il voit une place, et s'y précipite ! Deux heures après, je le revois ! Cour de Rome, devant Saint-Lazare ! Il discute avec un ami ! Son copain lui conseille de rajouter un bouton à son pardessus ! Et au niveau du col !


Poétique ?

Un matin, montant dans l'S
Qui était fort bondé
J'aperçus, dans ma détresse
Un homme au cou trop étiré

Il portait, c'était cocasse
En lieu et place d'un ruban
Une cordelette filasse
Sur son chapeau, c'était navrant

A chaque arrêt c'était la rage
Pardi ! On le bousculait !
Il s'énervait, tout en nage
Contre l'affront qu'on lui faisait !

Apercevant une place vacante,
Il s'y précipita
Tandis que l'S grimpait une pente
Tant bien que mal, cahin-caha

Je revis mon énergumène
Plus tard dans l'après-midi
Il avait l'air fort amène,
Parlant avec un ami.

Ce dernier, l'oeil tout rond,
Lui conseillait amicalement
De rajouter un bouton
A son col, c'était charmant !


En pensant à Fabrice Luchini...

Hallucinant ! Ce que je vais vous raconter est absolument hallucinant ! Je monte dans l'S ! Un de ces mondes ! J'aperçois un type, peut-être dans les vingt-cinq ou trente ans, je ne sais pas... Il a un de ces cous ! C'est énorme ! Et ce qu'il y a de drôlissime, c'est que sur sur chapeau (un de ces chapeaux mous, vous savez, qui sont la marque d'une inélégance totale !), il porte un cordon à la place d'un ruban ! Un cordon à la place d'un ruban, non mais vous imaginez ? Et ce gars, au très long cou, comme je vous l'ai dit, se met à râler car on le bouscule à chaque fois que quelqu'un descend ! Mais ce type était d'une impolitesse, c'était aberrant ! La preuve, il se précipite sur la première place libre, comme une puce eût sauté sur un chien... Hallucinant, non mais j'étais en plein rêve, là ! Le pire c'est que j'ai revu le gars plus tard dans l'après-midi, les hasards de la vie m'ayant conduit en même temps que lui cour de Rome, vous savez, devant la gare Saint-Lazare. Et bien figurez-vous (est c'est énorme, ce que je vais vous dire, faut que vous soyez conscients de ça !) figurez-vous qu'il discutait avec un de ses amis, qui lui conseillait... de rajouter.... un bouton à son col ! Et il lui expliquait pourquoi ! Hallucinant !


Ailleurs...

Dans le métro... Une rame vide ! J'aperçois une petite bonne femme, avec la tête comme rentrée dans les épaules. Elle porte un petit chapeau en feutre dur, orné d'un joli ruban... Elle sourit aux gens qui montent et qui descendent. Elle voit un siège vacant, va pour s'y asseoir, mais se ravise, laissant sa place à un homme âgé... Et coïncidence, je la revois le lendemain, devant la gare de Lyon. Je l'aurais reconnue entre mille... Elle semble se disputer avec une autre femme, qui, très en colère, lui enjoint de retirer un bouton de son chemisier, car "ça l'engonce"...


Raccourci pressé...

Dans un bus,
un monde fou,
un chapeau mou,
un long cou.

Devant une gare,
une discussion,
il est question
d'un bouton.


Subjectif...

Je suis dans un bus... Bondé ! J'aurais envie, à cet instant-là, d'être partout, sauf ici ! Connerie de pari avec des potes ! D'autant plus qui'ls m'ont affublé d'un galure ridicule, avec une espéce de cordelette qui pendouille à la place du ruban... "Tu fais tout le trajet de l'S", qu'ils m'ont dit. "C'est ton gage !" J'ai l'air de quoi, avec mon cou de giraffe ? Je sais bien, je n'suis pas bien beau, mais de là à me faire subir ça... Maudite partie de carte qui a mal tourné ! ... Un gars me défrime... Ca m'énerve... D'autant plus qu'un pékin me bouscule à chaque fois que quelqu'un descend... Alors je râle, je renâcle, je ronchonne, j'invective et je menace ! Mettez-vous à ma place ! Vous parlez d'un trajet ! Ouf ! Une place de libre, je me rue de dessus, tant pis pour les autres ! L'après-midi, mon calvaire terminé (mes soi-disant potes ayant considéré que j'avais remporté le gage), je croise M... cour de Rome, devant la gare Saint-Lazare... Et c'était reparti ! Encore un fâcheux ! Figurez-vous qu'il me donne des conseils d'élégance ! Comme quoi je devrais faire ajouter un bouton à mon pardessus ! Et le gars que j'ai vu dans le bus ce matin est là, il n'en perd pas une miette ! Quelle sangsue ! Non mais j'vous jure ! Quelle journée !
A partir d'un certain âge, si on vous donne 10 ans de moins, un conseil : prenez-les !.

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Re: Ecrits vains...

Message par vox populi » mer. 26 août 2020 16:26

Sympa l'idée

J'aime bien de temps en temps écrire des petites choses en me baladant.
Des trucs un peu ridicule et kitsch, mais ça égaye ma vie

Petit poème de voyage

Voyage, tous les voyages, premier jour.

Les pieds dans l’eau et la tête dans quelques nuages épars qui ne gâtent cependant pas la beauté des ravissants paysages.

Où que je regarde la poésie est là,

dans un bouillon blanc de Molène ou dans un lys des montages.

..

Click, click photographies, Pathétiques et vaines tentatives d’emporter avec soi, la splendeur d’un arbre de judée ou d’une lavande des mers.

..

Au premier regard de la première image, on sait pourtant, qu’on emmène que des fantômes dans ses bagages.

Des ombres

Des formes vident

Car la beauté a ceci de commun avec la vérité qu’on ne la retrouve dans aucun cliché



Pour en garder un trace vraie

de la beauté

il faudrait se laisser enivrer

qu’elle nous travaille avec grâce

comme la farine dans les mains du boulanger.

Il faudrait faire de notre corps un sanctuaire

où la beauté se plaît à venir se reposer.

Ne jamais chercher ni à la saisir, ni à la retenir,

lui laisser son entière liberté.

Car la beauté à ceci de commun avec l’amour

que pour la garder il faut cesser de vouloir la posséder.

Il faudrait faire de notre esprit un monastère,

une cathédrale de silence, dans laquelle jamais la beauté

n’ai la crainte d’être interrogé.

Car vouloir la définir est le plus sur moyen de s’en éloigner.

..

Au bout du compte la beauté et la vie se ressemblent à s’y méprendre

en ce sens qu’il faut tous les deux les vivre pour les comprendre.

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Re: Ecrits vains...

Message par whereisbrian » mer. 26 août 2020 16:33

Excellent les gars.

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Re: Ecrits vains...

Message par Unserious Sam » mer. 26 août 2020 16:38

Vox : :chapozzz: :love1:

WIB : Merci !

Au plaisir de vous (re)lire :) :super:
A partir d'un certain âge, si on vous donne 10 ans de moins, un conseil : prenez-les !.

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Re: Ecrits vains...

Message par whereisbrian » mer. 26 août 2020 17:47

De rien ! Sans me faire enfler les chevilles (et changer de pompes), j'ai pas mal de textes, poésie, 3/4 d'1 roman,
et quelques chansons ... Et j'apprécie votre production.

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Re: Ecrits vains...

Message par Unserious Sam » mer. 26 août 2020 18:01

Je veux lire tout ça !

Perso, j'ai l'habitude de commencer des trucs sans les terminer... et plein de trucs dans la tête que je dois formaliser (sketches, nouvelles...). Mais je suis un gros flemmard, sauf pour mon boulot... :)

J'aime bien le style de Vox ! :super: :love1:


A présent, un vieux souvenir de "Qu'écoutez-vous en ce moment". A la relecture, c'est légèrement pompeux et ça manque de ryhtme...

Une bise tiède et léthargique ébouriffait sans conviction les grands arbres du parc municipal. Cette circulation d'air parcimonieuse ravissait les rares promeneurs qui se pressaient vers les recoins ombragés, en quête d'une courte période de fraîcheur illusoire. Armées de brumisateurs, de jeunes mamans recasquettaient tant bien que mal leurs bambins semi-déshydratés, avachis, l’œil torve et les joues cramoisies, dans leur poussette-canne maladroitement chapeautées d'une ombrelle malingre, tandis que de sombres costumes-attaché case aux fronts luisants et aux goitres ornés de cravates club bariolées se hâtaient de quitter ce raccourci pratique vers leurs cages climatisées.

C'était en effet la fin de la pause déjeuner et il fallait bien retourner au bureau malgré les 36 à l'ombre et les velléités, pour l'instant contrariées, de week-end anticipé passé sous une large tonnelle et des perfusions de rosé-barbecue. Dans le ciel d'un bleu profond, les rares bouts de nuages ressemblaient à des cotons-tiges sans bâton. Ils planaient tout là-haut, dans cet azur de carte postale, indécis et tout effilochés, avant de disparaître comme pulvérisés par un rayon mystérieux. Cette valse cotonneuse s'était trouvé un spectateur attentif.

En effet, seul sur un banc, en pleine lumière, en pleine chaleur, Stanislas laissait filer ses pensées, les yeux dans le vague, rivés vers le bleu éternel. La presse, tous les médias et leur allié Big Brother avaient eu beau lui conseiller de rester à l'ombre, au frais, de boire beaucoup d'eau (seulement de l'eau !), il faisait acte de résistance, assis sur son banc, en plein soleil, perdant environ 2 kilos par minute dans une flaque de transpiration, agrippé à sa canette d'Orangina éventé. Autour de lui (à droite, à gauche et par là-bas), des silhouettes se pressaient. Il ne voyait que leur regard étonnés, puis interrogateurs, puis médusés, suivant l'échelle de Richter de la surprise que ces badauds grimpaient l'un après l'autre en loupant des barreaux tout en lui jetant des coups d’œil de plus en plus étonnés. Lui s'en foutait, il tutoyait le soleil, fondant sous sa caresse de plomb, son vilain soda tiédasse à la main. Il était bien. Il les défiait tous, un vague sourire aux lèvres.

Au loin miroitait le grand étang du parc, qui scintillait sous les impitoyables hallebardes du dieu Râ. On y voyait quelques inconscients qui s'évertuaient sur des canoës, agitant leurs rames en tous sens et ressemblant, avec la distance, à des libellules en perdition. Des morceaux d'éclats de voix, toujours inintelligibles, parvenaient à Stanislas lorsque le frêle zéphyr décidait de changer de direction. "Les cons" pensa Stan (c'était bien là la seule pensée structurée qui pouvait lui venir à l'esprit en cet instant T). Il les regardait se débattre vainement sur ce miroir aveuglant, et les imaginait en train de sombrer et se noyer en hurlant silencieusement des "au secours" inutiles et ridicules. "Les cons...". Dans un monde parfait, ce serait ensuite l'arrivée des secours, l'agitation, les camions rouges, les gyrophares, l'angoisse palpable, l'anxiété, les familles rameutées à la hâte, qui se tordraient les mains, agenouillées en désordre derrière le rideau humide des sanglots... Tout cela rajouterait à la chaleur ambiante, pensa Stan. Pas bon pour l'environnement...

Il passa ses mains devant ses yeux encore à demi fermés, reprit une gorgée de son ignoble breuvage, qu'il déglutit avec un courage à toute épreuve. Ne pas grimacer, ne pas ciller, ce truc est immonde mais c'est ma victoire sur tous ces blaireaux, tous ces perdus de l'existence. Rouvrant les yeux à grand-peine, il regarda à nouveau au loin, vers le miroir aquatique. Tout était calme. "Dommage", pensa-t-il, et cette pensée désabusée et cynique lui traversa le cerveau comme la pointe d'une flèche imbibée d'un poison nommé "regret". Puis il reprit soudain pied avec la réalité. Il avisa alors son sac à dos posé près de lui sur le banc où il continuait de fondre. Après avoir écrasé l'alu de son Orangina d'une main de Titan et s'être débarrassé du cadavre en ferraille dans la poubelle la plus proche, maigre squelette flanqué d'une poche plastique translucide déjà à demi pleine, il décida d'extirper de son sac son casque audio et son minuscule baladeur MP3. Et là, en plein soleil, sur son banc, il jeta un dernier coup d’œil sur les hommes-libellules de l'étang qui persistaient à cisailler de leur rames l'atmosphère empesée de chaleur moite, épaisse et dégoulinante, marmonna un dernier "mais quels cons" teinté d'une pointe d'ironie, se coiffa de son casque aux larges oreillettes et appuya sur la touche "Play".

Résonna alors le premier accord majestueux de "Shine On You Crazy Diamond" de Pink Floyd. C'était une belle journée finalement. Un peu trop chaude, toutefois. Mais on ne peut pas tout avoir, n'est-ce pas ?
A partir d'un certain âge, si on vous donne 10 ans de moins, un conseil : prenez-les !.

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Re: Ecrits vains...

Message par vox populi » mer. 26 août 2020 20:34

T'es un vrai écrivain Sam, Bravo!
t'as déjà essayé de publier?
Même en auto publication

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Re: Ecrits vains...

Message par whereisbrian » jeu. 27 août 2020 10:57

Ce texte m'a été inspiré (pour l'entame) par ces unes de journaux vide-ordures, conçues pour faire peur.
Je ne l'ai pas vraiment terminé tout simplement parce que à un moment, c'était trop le délire dedans.
En plus, il a des caractères discutables: caricature grotesque, confusion dans les dialogues, et un côté absurde.

La Vie Sexuelle des Commerciaux.

Attablé devant un expresso et un donut, j'attendais Madame Lancia.
Madame Lancia est ma Chef de Secteur, on dit. C'est elle qui me forme aux nouveaux produits et à la technique de vente. Elle est bien formée.

Je connaissais ce bar d'avant. Il se prénommait le Balto. Avant.
Maintenant c'était le Merz El Kebir. Les effets du grand remplacement.
Le serveur, de retour de Syrie, avait insisté pour me servir un thé à la menthe avec des cornes de gazelle. Je déclinai. Comment je savais qu'il revenait de Syrie ? A sa peau à l'odeur du savon d'Alep. Facile.
L'affiche du pâté Kercochonnec (celle avec le cochon aux bonnes joues roses) avait été remplacée par un autochrome représentant un dromadaire sur un fond de palmiers dattiers. Le panneau annonçant le plat du jour (traditionnellement de la choucroute au riesling) proposait des merguez avec des plombs.

J'observais mon expresso. Même pas un expresso. Il y avait un dépôt de marc au fond. Du vulgaire café Truc de Truquie.
Je décidais, une fois ma journée terminée, de revenir avec une batte, cagoulé et de foutre le dawa dans ce souk.
Nom de Dieu !
J'utilisais des mots comme eux dans mes pensées. Ils m' avaient infiltré du dedans.

Elle entra. Je me levais.

- Fulvia !
- Bonjour Roger. Je dois vous dire que je ne suis pas satisfaite de votre taux de transformation. Nul !
Une affaire pour 5 rendez-vous seulement, vous faîtes du tourisme ou quoi ?
-Vous sentez bon Fulvia, et votre peau est satinée.
-Ne changer pas de conversation, Roger, c’est le beurre de karité que j’utilise avec abondance. Nous allons où ensuite ?
-Nous allons chez un certain Marcel Clanche, qui semble intéressé par notre appareil.
-Il ne semble pas, Roger, il VA acheter.

Le serveur s’approcha, sournois.

-Bijour Midème, ji vous sers quoi ?
-Un Cinzano avec une rondelle de citron vert sur glace.
-Ji rigrète Midème, ji ne sers pas d’alcool. Vi préfirez ine limènède ?
-Ouais. C’est quoi ce bled, Roger ?
-Je suis aussi interrogatif que vous, Lancia. Voire plus. C’est incompréhensible. Où sont les pictons locaux qui sirotaient naguère du blanc de Nantes dès potron minet ?
-Minet ?

Le serveur saisit un sabre recourbé pour découper le citron. Le même sabre qui servait à son fils de 4 ans pour égorger rituellement le mouton et les otages. Comme il était particulièrement maladroit, se faisant, il détacha un morceau de la pulpe de son index avec.
Il apporta donc la consommation l’index dressé, et ceint d’une énorme poupée de gaze et de sparadrap.

-Votre limènède Midème, ouahad al bebek
-Je ne connais pas cette marque. Comment vous dîtes ?
-N'insistez pas, Fulvia, vous voyez bien qu'il est sourd.
-Roger, où allons-nous en rendez-vous ?
-Scusi Midème, c'est 1 iro la limènède, ahchounimek.
-Ahchounimek ?
-Oui, Fulvia, c'est un hommage félin.
-Nous allons chez Monsieur Marcel Clanche. Il est fortement intéressé par notre engin.
Il compte revitaliser avec un animal personnel.
-Que connaissez-vous de Marcel ?
-Des éléments de biographie succincts :

-Marcel X nait le 28 juillet 1937. Il est le fils de Germaine X née Y, femme au foyer et de Marcelin X dit Petite tête, épicier. Marcel a une jeunesse paisible. Entre son père qui boit et lui met des tartes dans la gueule sous n’importe quel prétexte et sa mère dépressive profonde parce que son mari boit et qu’elle se prend aussi des tartes dans la gueule, il développe un art consommé de l’esquive rotative qui lui sera profitable. Peu doué pour les études, il passe l’essentiel de sa carrière dans la moulerie locale.

-Quel karma miskine.
-Pardon ?

Roger rangea le véhicule devant une coquette maisonnette ceinte d'un muret de pierres empilées donnant sur une pelouse au vert velouté.

A gauche, un élancement de bambous abritait un bouddha rieur en résine violet. A droite, un Bambi batifolait avec un mini moulin.

Ils empruntèrent le semis de pas japonais qui conduisait à l'entrée. Roger sonna.

Glonnnnnnnnnnnnnnnnnng

Marcel ouvrit. Ou Cerdan. En tout cas, il était suivi d'une jeune chien berger allemand qui couinait
doucement. Comme seuls les chiens tondus partiellement savent couiner.

Il portait sur son arête dorsale de chien une bande découpée de poil. La rayure décrivait un sillon de sa truffe vers la queue.

Marcel, lui, était vêtu d'un pantalon en toile rouge, d'un suroit jaune et de bottes en caoutchouc vertes. Et d'une paire de lunette de surfer bleue électrique. Il paraissait être à bord d'un chalutier au large de Bénodet.

Il les invita à s'installer dans la pièce principale. La décoration consistait en un espadon naturalisé de 3 mètres, un baromètre en forme de barre de navire avec l'aiguille du cadran coincée sur l'indication Depression, un tapis de prière à motifs persans orienté vers le sud, un lit clos avec une couette jaune poussin, un poster d'Alayster Crowley, et une paire de haut parleurs couplé à un HH B100 , aptes à sonoriser un stand d'autos tamponneuses, d'où s'écoulait une mélopée étrange.

Marcel prétextant une occupation culinaire pressante s'éclipsa. Puis il revint avec 2 assiettes bien remplies:

-C'est du flanc d'avoine avec de la crème anglaise, un régal !
-Dîtes c'est quoi le son là ?
-Et avec du lait robot ouah, vous voulez du lait rabot avec ?
-Je me permets d'insister LE SON C'EST QUOI ?
-Vous devez vous poser des questions, Madame, sur mon étrange tenue, en fait, usuellement, je reçois en boubou béninois, sauf que là non, je l'ai claqué au lavage.
-Pas du tout, Monsieur Clanche, tout est parfaitement normal.
-Ah, vous me rassurez, j'aurais pensé à votre minois que vous supposiez que le vieux Marcel donnait dans l'avarie précoce.
-Ecoutez, Monsieur Clanche, bien que mélomane confirmé, j'avoue mon ignorance.
-Eh bien Madame comment ?
-Fulvia, Lancia Fulvia.
-Il s'agit du Rolebo de Ravel, interprété par Frank ZapPa.
-mERCI PouR cette précision.

Fulvia intervint :

-Fous zetes Fur ?
-Fur ? Venus in Furrrrrrs ?

La coupa Julien Roger, irrité.

-Efcusez-moi, F'est le flan d'afoine, f'est pas fafile à avaler.

Répondit Fulvia.

-Monsieur Clanche, le Rolebo, je ne connais pas. Le loup-garou de Ravel ?
-Ravel n'a pa conçu une œuvre sur un loup-garou.
-Pourtant, vous voyez, un gos truc poilu qui hurle à la lune …
-J'ai un gros truc poilu mais qui ne hurle pas.

Ajouta Monsieur Clanche.

-F'est fraiment dégueulaffe.
Intervint Lancia. En expectorant un jet tendu et abondant de particules de flan en suspension aérienne dans l'éther.

Marcel ôta ses lunettes de soleil, découvrant ses yeux rouges, finement veinés.

-J'ai un ty lambig dans l'armouere, pour faire passer.
-Merci, je vais vous présenter le vibrostat, comme convenu lors de notre entretien.
-D'accord, je change juste le dikse kse kse.
-Kse kse …
-Air, wannseu euponne euh taillemeuh.

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Re: Ecrits vains...

Message par Unserious Sam » jeu. 27 août 2020 11:21

::d ::d C'est toujours un plaisir de lire tes textes ! Lancia Fulvia :hehe: :chapozzz: :chapozzz: :chapozzz: :super:

Merci pour cette contribution ! :)
A partir d'un certain âge, si on vous donne 10 ans de moins, un conseil : prenez-les !.

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Re: Ecrits vains...

Message par Unserious Sam » jeu. 27 août 2020 11:56

Dans notre série : "Bon à savoir" (après "L’équarrissage du poulpe en zone subsaharienne"), nous vous proposons ceci :

Selon une étude récente, si l'on mettait bout à bout les paquets de cigarettes fumés en un an par les habitants d'une ville de la taille de Montpellier, eh bien... on aurait drôlement perdu son temps...

D'autant plus que si l'on ajoute le tour de reins qui accompagnerait forcément cet exercice incongru, il nous faudrait, une fois arrivé au bout, rentrer chez nous par nos propres moyens (train ou taxi, d'où frais inutiles, sans parler bien sûr de l'achat des cigarettes, à 10 euros le paquet en moyenne).

Non, franchement ne vous livrez pas à cet exercice. En plus, on vous obligerait à ramasser les paquets que vous auriez posés... Imaginez la taille de la brouette !

Un conseil : ne vous lancez jamais dans de telles expériences, énergivores, chronophages et monnaiebouffantes !

A bientôt pour un nouveau "Bon à savoir", la chronique du mieux-vivre !

A venir demain : "La culture des spaghettis dans la Nièvre"

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La culture des spaghettis dans la Nièvre

Une enquête de Jean-Pierre Rombier, pour "La Gazette de Nevers" (parue dans l'édition du vendredi 4 avril 2014, avec le supplément "Spécial détente Weekend" (tout en couleurs)).

Reportage photographique de Ginette Chougnard, stagiaire absente pour cause de congé maternité soudain et imprévu. D'où l'absence de photos.

Nous nous approchons de Ronan Bouchard, cultivateur de spaghettis à Fourchambault, charmante commune de la Nièvre de 4 000 habitants, douillettement nichée entre Garchirzy, Marzy et Varennes-Vauzelles. Ronan (nous nous permettrons de l'appeler ainsi, étant donné qu'il ne s'appelle pas Antoine ou Serge) nous accueille très chaleureusement dans sa petite ferme, bien organisée. Un corps principal, avec un grand hangar abritant des toucans à bec violet, qu'il destine à l'exportation (« Principalement vers la Chine et le Paraguay », souffle-t-il). Nous nous dirigeons ensuite vers les dépendances : un hangar où s'entassent des bêches à quatre fers (« Fierté de la région ! », s'enorgueillit Ronan) et une petite cabane où s'ébattent en toute liberté des marmottes à trois pattes, dans un joyeux chahut. Le reste du domaine est occupé par sa maison, jolie bâtisse de 8 mètres sur 32 (il ne restait plus assez de place au sol), lui permettant de loger confortablement son épouse, Adélaïde, et ses 24 enfants. Madame, sans doute épuisée par son labeur quotidien (en plus du lavage des tracteurs et de la traite des marmottes), n'a pas souhaité participer à ce reportage.

Mais tel n'est pas l'objet de notre venue. Ce qui a piqué notre curiosité, c'est que Ronan est cultivateur de spaghettis, et, avec ça, le plus important de la région ! Et il ne s'en déclare pas peu fier, écoutons-le donc s'exprimer dans son langage, certes un peu rustre, mais empreint d’une sincérité désarmante : « Ah oui, pour sûr, j'en suis pas peu fier ! » Ah, ces propos le décrivent là tout entier ! Brave Ronan !

« Ronan, pourriez-vous expliquer à nos lecteurs comment, et surtout pourquoi, vous vous êtes lancé dans la culture des spaghettis ? »

« Ah ben dame, ça s'est fait tout naturellement... J'avais essayé les coquillettes et les farfalles, mais ça n'avait pas pris... Pas le bon sol, pas assez de nutriments ! Du coup, on m'a conseillé les spaghettis... La première année, en 1987, ça n'a pas trop donné... J'ai dû rajouter des engrais pour les nouilles longues, vu que ma terre était un peu pauvre. Et à partir de la récolte 89, croyez-moi, ça a marché ! C'est ben simple, j'savais plus où les mettre, y en avait partout ! Ça rognait même sur mes raviolis ! Oui, j'en ai un plant par là-bas, pour ma consommation personnelle ! » Ronan désigne une parcelle à l'écart, ombragée, où effectivement poussent discrètement de magnifiques gerbes de raviolis, convoitise insistante de quelques mésanges à queue dorée.

« Dites-moi, mais quel succès ! Toutefois, vous m'avez confié, tout à l'heure, que vos spaghettis vous causaient des petites misères... Pouvez-vous en dire un peu plus pour nos lecteurs ? »

« Ah ben dame, ça oui ! Faut que je surveille sans arrêt, sinon, sans coupes régulières, elles se carapatent vers les plants de tomates et vers les plants de steaks hachés ! Ah, les bestioles, ça doit être dans leurs gènes, ce que j'appelle le "syndrome bolognaise" ! »

« Eh bien merci Antoine pour ce témoignage très instructif ! »

« Euh non, moi c'est Ronan! »

« Mais bien sûr ! Où avais-je la tête ! Merci Ronan. Remarquez, entre nous, j'aurais pu aussi vous appeler Serge ! »

« Oui, mais moi c'est Ronan ! »

« Certes, certes ! Alors bonsoir Ronan, et mes amitiés à Madame Josiane ! »

« Non, Adélaïde ! »
A partir d'un certain âge, si on vous donne 10 ans de moins, un conseil : prenez-les !.

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Re: Ecrits vains...

Message par Roulie » jeu. 27 août 2020 12:12

C'est du pipeau ton histoire !
Tout le monde sait bien que ça pousse dans les arbres, les spaghettis !

Le 106 mars, le millième doudou vivant a été certifié par l'Office informel des enfants crédibles.
Alain Damasio

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Re: Ecrits vains...

Message par Unserious Sam » jeu. 27 août 2020 13:53

:hehe: :hehe: Excellent, crisse de tabarnâk ! :chapozzz:
A partir d'un certain âge, si on vous donne 10 ans de moins, un conseil : prenez-les !.

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Re: Ecrits vains...

Message par Unserious Sam » jeu. 27 août 2020 14:13

C'était au début du confinement...


Le biffe se recave - 1963


Extérieur jour, un bel après midi de printemps - Une petite rue de Paris. Dans une longue voiture cossue (le genre "américaine") garée le long du trottoir, un couple. Lui, présentant bien, élégant, bien mis. Elle, l'air d'une poule, trop de maquillage, trop de colliers, trop de décolleté.

Elle : Eh ben toi ! T'as d'ces heures pour me donner rencard !
Lui : Je choisis pas, on m'impose ! C'est que j'ai un emploi du temps, moi ! C'était maintenant ou à dache !
Elle : Te fâche pas, on cause, quoi !
Lui (énervé): Oui, bon ben arrête de causer, ça t'reposera les mâchoires ! (se calmant soudain). Tu devrais plutôt être contente... J't'ai préparé une surprise, et une commack !
Elle (battant des mains) : Une surprise ! Oh toi alors ! Mais qu'est-ce que c'est ?
Lui : Une surprise, c'est quelque chose à quoi on s'attend pas ! Achète-toi un dictionnaire !
Elle : Oh, tu t'moques de moi...
Lui : J'me moque pas, j'explique ! Bon, alors, la surprise... Tu s'rais partante pour un petit weekend en Normandie ?
Elle : Tu veux dire... toi et moi ?
Lui : Ben oui, "toi et moi" ! Tu veux pas en plus que je convoque mon conseil d'administration !
Elle : Oh c'est bath ! Tu ferais ça pour moi ?
Lui : Ben oui, pas pour la reine d'Angleterre ! C'est que j't'ai à la bonne, moi ! J'pense à toi sans arrêt... Et pis, quand t'es pas là, ben... T'es là, quoi (il cogne deux doigts contre sa tête). Seulement, y a un os...
Elle : Un os, mais lequel ?
Lui : Ben ton maquereau ! A qui veux-tu qu'je pense ? Je l'connais, c'est un féroce ! Y va m'chercher des noises, et des sévères ! J'vais pas arriver à m'en dépêtrer !
Elle : Oh, penses-tu... J'vais bien trouver quelque chose pour l'amadouer... J'ai des arguments...
Lui (jetant un œil torve sur les "arguments" en question) : T'as p'être des arguments, mais moi j'tiens à ma vie ! Faut m'comprendre ! J't'ai à la bonne, mais j'connais mes limites ! Devant un féroce, je perds mes moyens, j'suis pas taillé pour le combat, surtout quand l'adversaire a une arme en pogne ! Je l'connais, moi, ton Marcel, c'est un sanguin, y sait pas s'tenir ! Une contrariété, et hop, y sort l'artillerie ! Y parlemente pas, il avoine d'entrée !
Elle : Bah, j'pourrais lui expliquer que j'dois aller voir ma sœur, malade, pendant un weekend !
Lui : Tiens donc ! T'as une sœur, toi, maint'nant ?
Elle : Non, j'ai pas d'soeur, mais je cherche une solution ! Oh dis, ce weekend, ça me botte !
Lui : Moi aussi, tu penses ! Je gamberge qu'à ça ! Tiens, c'est bien simple, j'en dors plus... Bon, j'ai un peu réfléchi... Y aurait bien une façon d'éradiquer le nuisible, mais en pas en lui faisant boire du sirop pour la toux, crois-moi...
Elle : Oh ! Tu veux pas dire que,...
Lui : Silence, j'argumente ! Alors voilà mon plan...

A ce moment, un poulaga toque à la vitre de la tire, côté conducteur...

Lui : Oui Monsieur l'agent ? C'est à quel sujet, si je puis me permettre ?

L'agent : Z'avez de la chance de pas être en avril 2020, à deux dans une bagnole à l'arrêt, sans masque ni gants ! J'me comprends ! Allez, circulez !
A partir d'un certain âge, si on vous donne 10 ans de moins, un conseil : prenez-les !.

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Re: Ecrits vains...

Message par Algernon » jeu. 27 août 2020 14:59

Bravo ! J'applaudis dès demain. ::d
Faut dire que je suis désormais au fait du talent plumitif ("Moi être zinzin de ta fantaisie...") de U Sam

Les associations de maquereaux sont profondément indignées par l'utilisation de ce mot, si succulent, à un mode de vie - on ne peut pas appeler ça une profession - indécent et portant atteinte à la dignité humaine.
Elles prient les accoucheurs de romans noirs, écrits ou non par des nègres (...), ou de toute création mettant en scène ce genre de triste sire, de se tourner vers des appellations moins dégradantes pour les scombridés.
Par exemple... "hareng"... Euh non, pas celui-là.
Euh... barbeau.. non plus
Ah, y'a beaucoup de noms de poissons, c'est vrai.
Barbillon...
Barbiquet ! marlou, bidochard, demi-sel, Alphonse, Prosper, Jules, julot casse-croûte...
Je ne suis pas trop vieux pour ces conneries.

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Re: Ecrits vains...

Message par nunu » jeu. 27 août 2020 15:08

Algernon a écrit :
jeu. 27 août 2020 14:59


Les associations de maquereaux sont profondément indignées par l'utilisation de ce mot, si succulent, à un mode de vie - on ne peut pas appeler ça une profession - indécent et portant atteinte à la dignité humaine.

Sinon ca peut etre un sardine. Et c'est quoi un sardine ?
"C'est comme un maquereau mais en moins bien" :hehe:

Que celui qui a la référence leve le doigt

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Re: Ecrits vains...

Message par DaFrog » jeu. 27 août 2020 15:11

Tiens, à propos de clupéidés :

Une sardine câline de sa vie lassée,
Rêvait de rencontrer un jour une huile.
Alors qu’elle errait de ville en ville
Et sur les terrasses se prélassait,

Elle fut vite abordée par un citron,
Avenant et prévenant mais ronchon.
Longue à prendre ne fut sa décision ;
Elle lui préféra un charmant cornichon.

Moralité :
Qu’il soit jaune ou bien vert,
Le citron toujours perd
It’s too late to be hateful :ange:

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Re: Ecrits vains...

Message par DaFrog » jeu. 27 août 2020 15:17

Chapô Messieurs, tant de talents sur ce forum
Sacrés bonshommes, c’est délicieux :super:

Si j’ai un moment, je m’attaque à Queneau :pausecaffé:
It’s too late to be hateful :ange:

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Re: Ecrits vains...

Message par dark pink » jeu. 27 août 2020 16:41

Bonne idée que ce sujet !
Je te remercie du compliment dans ton préambule, U Sam. J'ai d'ailleurs dit à ma femme de lire ce que tu as écrit afin qu'elle rajoute des signes de vénération à mon égard dans sa panoplie :hehe:
Mais je ne fais que raconter des histoires vraies. Je sais comment elles commencent, se déroulent et finissent. Certaines de ces histoires, je les ai racontées de vive voix plusieurs fois à des tas de gens. Celle de mon passage à Pathé Marconi doit être connue de toute ma famille et mes amis. Vous autres et toi en particulier faites des fictions, ça me semble bien plus difficile.

J'aime bien ce que je viens de lire, il y a de quoi faire. Je me souviens des présentations de Wherisbrain dans "ce que vous écoutez" qui me plaisaient souvent plus que la musique et qui me faisaient bien marrer. Tes textes "à la manière de" sont très bien faits et drôles. Il me semble que j'aurais pu donner le nom de l'auteur de chacun des textes présentés ici s'ils avaient été anonymes. J'aime bien les réflexions de Vox et le poème court de DaFrog avec sa morale loufoque.
Je me souviens, U Sam, que tu avais posté deux textes ici ou dans l'ancien forum : un avec trois ou quatre vieux qui projetaient de faire un casse et un autres à la San Antonio qui relatait une réunion dans le bureau du directeur avec Béru et Pinuche... J'avais trouvé des idées de suite pour les deux et j'essayerai bien d'en finir un si tu les as encore.

Evidemment, ça me donne envie de participer ici. En fiction, j'ai surtout fait des paroles de chansons. En voilà une chantée par une femme. Triste. On peut pas toujours rigoler :hehe: :pleur2:

Dans mon arbre.

J’ai toujours voulu avoir un jardin
Avec un arbre qu’on voit de loin.
Pour pouvoir me cacher
Quand la tristesse me prend,
Et pour pouvoir regarder les gens.
Un soir en rentrant de mon école,
A la fin du printemps,
Dans un grand cerisier j’étais montée
Pour chaparder des fruits
Et regarder les gens.

Que fais-tu dans mon arbre ?
Il est dans mon jardin !
Non, n’aie pas peur,
Je ris, tout va bien !
Des cerises, il y en a plein,
Pour toi, moi, les voisins,
Il y en a même pour les oiseaux.
Descend doucement, va pas te blesser,
Je vais t’en donner.
En voilà tout plein, cueillies ce matin.
Tu peux tout manger.
Garde le panier.

Je suis rentrée chez moi
Avec tout mon butin
Et plein de jus sucré sur les mains.
Pourquoi es-tu en retard ?
Qu’as-tu fait en chemin ?
On s’est inquiétés pour toi, pour rien !
On t’a déjà dit de ne pas parler
Aux gens dans la rue.
Dans la vie tu devras bien te méfier
Des gens de la rue
Et des inconnus.

Le temps a passé,
Je n’ai pas de jardin
Et non plus d’arbre qu’on voit de loin.
J’ai appris ma leçon:
J’ignore mes voisins
Et tous ces gens qu’on connaît de loin.
Avant ton départ je supportais
Cette vie de fous,
Mais quand tu es parti,
Pour ne pas pleurer,
J’ai voulu retourner
Au temps qui était doux.

J’ai marché dans la rue
En longeant les jardins.
J’ai vu un arbre sur le chemin.
Je suis grimpée en haut,
J’ai écorché ma peau
Et regardé le sang sur mes mains.
Je n’ai pas entendu qu’on s’approchait
Et qu’on criait sur moi.
Mes larmes troublaient ma vue
Et mon sang séchait; il collait mes doigts
Un peu comme autrefois.

Que fais-tu dans mon arbre ?
Il est dans mon jardin !
Descend maintenant, fais voir tes mains.
Je vais tirer sur toi
Si tu ne réponds rien.
Les jeunes comme toi sont des bons à rien !
Mon fusil est chargé,
Je suis fatigué d’avoir peur de tout.
Monter dans un arbre
Pour voler des fruits !
Tu dois être fou…
C’est sûr tu es fou !

L’homme qui m’a tuée,
Je le connaissais bien.
Je le croisais tous les matins.
Je partais travailler.
Il promenait son chien.
On s’était même serré la main..

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Message par whereisbrian » jeu. 27 août 2020 16:47

Yes !

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Re: Ecrits vains...

Message par Unserious Sam » jeu. 27 août 2020 16:58

:love1: :love1: :super: :chapozzz:

Bravo Vox, c'est superbe ! :)

Si tu peux me trousser une suite à ceci... :chapozzz:

Une petite histoire de gangsters, largement inpirée de Michel Audiard et de Frédéric Dard (San Antonio). Un hommage, quoi, émaillé de quelques fulgurances personnelles... !



Ils étaient quatre marlous, affalés dans la tire garée en plein cagnard, à ruminer leur rancœur : Nono-Jambes-De-Laine, l'Arsouille, Peau-De Fesses et l'Américain. "Jambes-De-Laine", c'est rapport à ce que le Norbert avait marché sur une mine foireuse pendant la guerre, et que depuis il avait comme les flubes en coton... L'Arsouille, on n'expliquera pas, escrocs de père en fils, une affaire de famille, l'atavisme, quoi... Peau-De-Fesses, rapport à son crâne chauve comme un dargif de nourrisson, et l'Américain, ben, parce qu'il venait de l'autre côté de la grande mare, c'te blague, et avec un pedigree long comme le bras, espère un peu !

Ce fut Nono qui prit la parole en premier, après de longues minutes de silence... "J'dis pas qu'c'était pas le coup du siècle, j'dis juste qu'il était mal préparé !" "Mal préparé, mal préparé, ronchonna L'Arsouille, t'en as d'belles toi ! Ça fait trois mois qu'on est sur le coup ! On mange plus, on dort plus ! La tête dans la fumée et les pieds dans l'humide ! Niveau préparation, ça s'pose un peu là, avoue !"

Peau-de-Fesse intervint alors, façon juge de paix : "Calmez-vous, les aminches, ou j'vous débarque de la tire et vous finissez le trajet à pinces, ça vous f'ra les arpions ! Des pleurnichards, j'en ai vu dans ma vie, mais des comme vous, jamais !"

"Oh, on cause quoi, rétorqua Nono.. Admets donc plutôt q'c'est rageant ! On avait tout à notre pogne, et pis ça foire ! Y a de quoi s'la peindre en rouge et blanc et s'la transformer en manche à air !" Cette sortie fit sourire l'Américain, qui rétorqua, avec son accent en chewing-gum : "Tu sais, il y a certaines propositions... On préfère décliner !" Nono avança, un peu hésitant "Oh... C'était juste une image..." "Oui ben les images, c'est pour les gosses, tonitrua Peau-De-Fesses, et moi j'ai passé l'âge ! Tout c'que j'veux savoir, c'est pourquoi on s'est retrouvés dans cette béchamel infernale ! Y a un os dans l'bifteck ! Les condés pouvaient pas être au courant de notre petite affaire, sauf si quelqu'un les a rencardés ! "

"Comment ! s'emporta l'Arsouille, les yeux hors de la tête. Rencardés ! Tu insinues qu'il y a une balance parmi nous ?"

"J'insinue rien, répliqua Peau-De-Fesses, je constate ! Enfin quoi ! Un coup millimétré commack, oui Nono, au risque de te déplaire, ça se foire pas à la dernière seconde... A moins que tu n'aies quelques explications à nous fournir..."

Nono devint soudain rouge comme une pivoine : "Ah mais ça c'est trop fort ! On va pas m'faire porter le chapeau ! J'srais responsable de la bérézina ! C'est moi qui aurais fait foirer l'affaire ! J'aurais renseigné les perdreaux ! Et pendant qu'on y est, j'aurais p'têtre flingué l'Archiduc d'Autriche !"

"Calme-toi, essaya de tempérer l'Américain. Butt Skin, pardon, Peau-de-Fesses n'insinue rien, il suppute, il extrapole... Il se pose des questions, quoi... Tout comme nous..."

"Oui, ben ses questions, il se les renquille dans la fouille ! Ah les aminches, j'vous jure ! Avec des amis comme vous, on n'a pas besoin d'enn'mis ! Puisque j'vous dis qu'c'est pas moi ! Enfin, quoi ! Une amitié d'trente ans, ça compte !

"Ça compte, ça compte... maugréa Peau-De-Fesses. N'empêche qu'il y a bien quelqu'un qui nous a balancés aux poulets ! Et si c'est pas l'un d'nous, c'est une de nos fréquentations, du genre très proche et dans l'secret, si vous voyez c'que j'veux dire ! Vous êtes sûrs de vos pouliches, les gars ? Y'en aurait pas une qui s'rait vénale, des fois ? Un renseignement contre une bagouze en jonc ou quelques talbins ? Ca s'est déjà vu ! Tiens, depuis Judas avec Jésus ou même, sans r'monter à l'antique, Grouchy à Waterloo, toute l'Histoire est fondée sur des trahisons ! P'têtre même qu'elles s'y sont mises à plusieurs, façon complot ! Si c'est l'cas, faut leur tirer les vers du nez, et fissa ! Et leur filer une rouste format mahousse !"

"T'y vas un peu fort, intervint l'Arsouille. La salade de beignes, j'suis pas trop pour, sa résout rien. Tu m'connais, j'suis plutôt d'la vieille école, la concertation genre Yalta, les tables rondes, ça a son charme ! Faut pas brusquer les choses, tout dans le suave, mousse et pampre ! Surtout que ma Ginette, j'en réponds comme de moi-même : y a pas plus honnête dans l'malhonnête ! et j'parie qu'on pourrait tous dire ça de nos brancards, pas vrai ?"

"Oui, bon, concéda Peau-De-Fesse. L'avoinage, j'préconise pas, j'mentionne pour l'anecdote... D'autant plus que t'as raison, on a jamais eu à douter de nos greluches, c'est un fait... Mais enfin, faut bien trouver l'pourquoi du comment. On s'est fait repasser, y a une raison et ça j'en démords pas !"

L'Arsouille eut une illumination : "Et si c'était un des employés de la banque qui nous avait repérés en train de planquer ? On a eu beau prendre des précautions, il a peut-être vu notre manège, en trois mois, on a peut-être commis un impair ! On a beau être des professionnels, on n'est jamais à l'abri d'une erreur de débutant, l'imprévu, ça s'prévoit pas !

Nono, qui n'en menait toujours pas large, sauta sur l'occasion : "C'est pas bête c'que tu dis ! Puisqu'on est sûrs de nous et d'nos montures, c'est forcément la faute d'un élément extérieur, ou plutôt intérieur à la banque ! Ah, si j'le t'nais, ce loqu'du, j'y f'rais manger ses ratiches, et on l'retouv'rait éparpillé aux quat' coins d'Paris, par p'tits bouts, façon puzzle !"

"On ira voir demain, décida Peau-De-Fesses. Un r'pérage, ça fait jamais d'mal. Et moi les faces de donneuse, j'les r'père à deux cents mètres. Si j'identifie, l'affaire sera vite réglée, on l'renverra chez sa mère dans une boîte à chaussures, c'est moi qui vous l'dis !"

Tous branlèrent le chef (ce qui veut dire qu'ils hochèrent la tête, en signe d'acquiescement). Puis l'Américain mit le contact. La guinde s'éloigna en tonitruant du pot.

Les quatre bras cassés garèrent leur tacot juste devant chez Lulu la boiteuse, dont le coquet pavillon de banlieue leur servait de port d'attache depuis qu'ils préparaient leur soi-disant casse du siècle. "Lulu la boiteuse"... On l'appelait comme ça rapport à sa patte folle. Les dégâts du diabète dû à l'abus de mêlé-cass, qui lui avait laissé comme une faiblesse dans la jambe gauche. Lulu ! Comment dire... C'était plus maintenant à franchement parler une rose du matin, mais il aurait fallu la voir dans les années terribles : elle se défendait commack, espérez un peu ! Des chasses couleur azur, des crins blond platine, des flubes interminables, une avant-scène qui proéminait façon relief et une boutique arrière à faire damner un cureton ! Elle en avait déroulé, des kilomètres de chibre, les michetons faisaient la queue devant sa porte, fallait prendre son ticket, et les talbins tombaient comme la drache au mois de mars ! Mais l'âge aidant, et avec lui les aigreurs, elle avait décliné, surtout physiquement. La vitrine en chute libre (on n'échappe pas à la loi de la gravitation), elle ne plaisait plus qu'aux tordus qui donnaient dans le vicelard. Cette lente décrépitude lui ayant porté sur le mental, elle était devenue acariâtre, le genre revêche. Et l'alcool n'avait rien arrangé, bien au contraire. Elle parlementait plus, elle sulfatait. A la moindre contrariété, elle sortait l'artillerie et envoyait les bastos, en visant juste, en plein dans le mille, à chaque fois. Elle avait à son actif plus de cinquante faire-part, sans aucun état d'âme. Elle assumait, jamais inquiétée, en reine du camouflage : "Oh, j'vous jure, M'sieur l'commissaire, Frédo La Jonquaille, il est jamais v'nu chez moi ! On vous aura sûrement aiguillonné vers une fausse piste ! J'suis une femme respectable, je n'm'occupe plus que d'mes chats et d'ma brod'rie ! Et un doigt d'porto de temps en temps, pour m'égayer l'existence !". Et ça marchait à chaque fois : les poulets repartaient, dubitatifs mais sans aucune preuve tangible, pendant que la chaux vive faisait son office en crépitant au fond du jardin, entre la pergola et la gloriette, transformant les connaissances tombées en disgrâce en touristes en partance vers l'ultime voyage chez les têtes-en-os.

Tout ça pour dire que les quatre gusses n'en menaient pas large en retournant au bercail. C'est la queue entre les jambes qu'ils pénétrèrent chez Lulu en tortillant, chacun dans leur coin de ciboulot, qui des excuses, qui des circonstances atténuantes. C'est l'Arsouille qui entra en premier, plus ou moins à contre-coeur et poussé par ses comparses. Lulu semblait les attendre dans le salon. Debout au milieu de la pièce, bien calée sur sa béquille, affichant la trogne des mauvais jours, elle leur fit un accueil qui semblait d'emblée éradiquer le mot "chaleureux" de son vocabulaire. "Eh bien ! les voilà, mes flèches, mes cadors, mes épées ! J'm'attendais à vous voir les bras chargés d'cadeaux, et vous voilà les mains vides, avec des faces de carême ! J'attends des explications, et tâchez d'être convainquants, j'suis pas d'humeur !"

Les quatre pieds nickelés restèrent un moment plantés dans l'entrée du pavillon, comme des statues de sel, sans savoir comment réagir face à l'ouragan qui semblait sur le point de s'abattre sur eux. Ce fut Peau-De-Fesse qui osa s'aventurer en premier vers les contrées cycloniques ayant pris la forme de leur interlocutrice à la silhouette à la fois claudiquante et imposante. "Lulu ! bavocha-t-il avec une voix que l'émotion changeait en crécelle. On a fait chou blanc ! Mais c'est pas d'not' faute, on a été r'passés ! Depuis trois mois qu'on prépare ce coup ! T'en sais quelque chose, vu qu'tu nous héberges ! Et là, au jour J, à l'heure H et à la minute M, on s'pointe, et hop ! dix cars de perdreaux devant la banque ! Et des féroces, avec ça ! Les casques, les matraques, les boucliers, et tout l'toutim ! Un vrai comité d'accueil, le genre convivial et festif ! tu comprendra qu'on voulait pas sortir de la guinde et se jeter dans le gueule du loup ! On a donc renoncé et... nous voilà, quoi ! Les mains vides, mais en vie ! C'est c'qui compte, non ?

Lulu la boîteuse s'octroya quelques secondes de réflexion. Soit, les bras cassés revenaient sans butin, mais aussi sans les flics au dargif, c'était déjà ça, elle pouvait envisager de prolonger une retraite paisible, à l'abri des miasmes et des nuisibles, le thé à cinq heures, les napperons en dentelle et le cosy corner, une vie rangée, quoi... Tenant malgré tout à faire sonner la cloche de son autorité, elle s'éclaircit la gorge avant de lancer : "Repassés, repassés ! z'êtes quand même d'accord avec moi qu'avant d'se faire repasser, y faut s'faire lessiver, non ? Ah, niveau loquedus, vous vous posez un peu là, avouez ! Trois mois qu'vous répétez, qu'vous bossez vot' coup avant la grande scène du deux, et vous r'venez les mains vides, sans même l'ombre d'un talbin ! Ah, quelle engeance ! La vraie équipe de vainqueurs !"

Seul Peau-De-Fesse osa interrompre la tempête force dix qui semblait gonfler et s'approcher à toute vibure. "Lulu ! se hasarda-t-il d'une voix chevrotante. Tu nous connais, on fait bien notre métier : les bons outils quand y faut, les bons ouvriers où y faut ! Si ça a foiré, c'est forcément pas de notre faute ! Je suis sûr qu'on a été donnés par un gus qui se trouvait à l'intérieur de la banque. Il a dû être mis au jus par quelqu'un qui reste à identifier, mais c'est pas possible autrement... On se proposait justement, avec mes camarades ici présents, d'aller faire une petite reconnaissance, vu que j'ai le chic pour défrimer les donneuses... T'en penses quoi ?"

Lulu sembla un instant se radoucir. Elle s'aapuya sur sa canne, façon désinvolte, avant de lâcher : "En effet, une petite reconnaissance ne peut pas faire de mal, surtout si ça peut servir à débusquer l'nuisible... Bon, les gars, j'vous laisse 48 heures pour démêler ça. Passé ce délai, je vire féroce ! Allons, maint'nant on va grailler. J'vous avais préparé un p'tit frichti, pour fêter vot' retour, j'vais pas tout j'ter à la poubelle, vu qu'ça m'a coûté des ronds. Et moi, vous m'connaisez, j'aime pas gâcher !"

Les quatre compères, tout contents de s'en tirer à si bon compte, se dirigèrent vers la table de la salle à manger ou les attendaient une petite collation sympathique. Demain serait un autre jour. Forcément.
A partir d'un certain âge, si on vous donne 10 ans de moins, un conseil : prenez-les !.

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