J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 13 mai 2023 04:22

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Fred Frith - Susana Santos Silva – Laying Demons To Rest (2023)

On connaît assez bien Fred Frith, mais sans doute un peu moins la trompettiste Susana Santos Silva, je vous en avais touché un mot à propos d’un autre duo qu’elle avait formé avec le contrebassiste suédois Torbjörn Zetterberg, avec lequel elle avait enregistré l’album « Tomorrow », en deux mille vingt et un. Établie en Suède elle est cependant d’origine Portugaise, et l’on pourrait sans difficulté la rattacher à la nouvelle vague de la musique improvisée européenne.

On reste dans un domaine proche avec ces nouveaux duettistes, en gardant pour horizon le dialogue et les échanges autour de l’improvisation. C’est un enregistrement qui à l’origine était conçu pour France Musique, lors d’un concert, le vingt-sept août deux mille vingt et un, à Mulhouse, pendant le festival « Météo ». Une seule pièce est enregistrée, de près de quarante-deux minutes, « Laying Demons To Rest ». Le son est très bon, peut-être le lieu a-t-il son importance, « Le Motoco », une grande salle de béton et de verre. Il est heureux que RogueArt ait pu sortir l’album si vite.

Les deux artistes se connaissent bien, ayant déjà joué ensemble. Le visuel, au travers des photos sur le Cd, nous présente Fred Frith assis, la guitare à la main ou sur les genoux, devant diverses pédales à effets. Inversement, Susana Santos Silva semble toute frêle, debout face à son micro, elle joue de la trompette et utilise, ou non, une sourdine.

Fred Frith joue de sa guitare de façon habituelle, ou, de temps en temps, avec un archet, il caresse ou frappe alors les cordes de sa guitare qui repose sur ses cuisses. Ça n’a l’air de rien, mais son éventail est ainsi multiplié, d’autant que les pédales lui fournissent une infinité de possibilités, à lui seul il est capable de former une fresque sonore complète.

Je vous rassure, il n’a pas l’âme impérialiste et c’est à deux qu’ils respirent ici, chacun respectant l’autre et lui fournissant une assise propre à laisser libre cours à son imagination. On reconnaît par contre le son de la trompette qui s’épanouit facilement sur le tapis sonore tissé finement par Fred Frith. Les deux vont bien et Susana use également de transfuges pour faire sonner son instrument de façon peu orthodoxe, tout en gardant le fil avec son partenaire, il est gratifiant de se concentrer sur son jeu, souvent langoureux, créant comme une attente.

La musique est propice à libérer l’imagination de l’auditeur, et devient rapidement bénéfique pour peu qu’on se laisse guider lors de l’écoute.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 13 mai 2023 15:52

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John Zorn – Filmworks XXIII: El General (2009)

« El General » est un documentaire tourné par la réalisatrice Natalia Almada qui a pour sujet la vie controversée du président mexicain, le général « Plutarco Elias Calles ». Il est surtout connu pour être très anticlérical et avoir reconstruit la ville de Mexico, on pourrait le classer dans la famille des grands dictateurs, sans trop de problème.

Dans les notes Zorn nous explique que la réalisatrice ne souhaitait pas de musique « mexicaine », préférant organiser un film « mémoriel » plutôt que temporel, à l’écoute on se rend compte que John n’en fait qu’à sa tête, c’est peut-être pour ça qu’elle n’a gardé que trois pistes dans son film, dommage !

Les filmworks sont souvent des albums d’accès faciles qui sont très agréables à l’écoute, celui-ci se tient exactement sur cette ligne, avec son lot de grands titres, « Los Cristeros, » et « Mala Suerte » sont des pépites et « Besos De Sangre » n’est pas loin.

On retrouve des habitués, Marc Ribot aux guitares, acoustique et électrique, Kenny Wollesen au marimba, au vibraphone et à la batterie, très précieux comme à l’habitude, Rob Burger joue du piano et de l’accordéon et Greg Cohen de la basse.

Nous profitons donc d’une sorte de folk qui fraie gentiment avec les rythmes de la musique mexicaine et cette petite touche espagnole également, comme toujours l’interprétation est sans défaut…
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 14 mai 2023 04:11

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Matthew Halsall & The Gondwana Orchestra – When The World Was One (2014)

Matthew Halsall a déjà été évoqué plusieurs fois par ici, pour l’excellent « On The Go » de deux mille onze avec entre autres le magnifique « The End Of Dukkha », pour « Inspirations » de deux mille dix-sept avec Dwight Trible au chant et pour « Salute To The Sun » en deux mille vingt, il enregistre sur « Gondwana Records » ce qui éclaircit la collaboration de cet album-ci qui est également remarquable.

Parlons un petit peu du « personnel », puisque c’est ainsi qu’il est présenté sur la pochette, l’énoncé des instruments joués indique déjà sur le contenu de l’album. Notre héros est à la trompette, Nat Birchall au saxo, Lisa Mallett à la flûte, Keiko Kitamura au koto, Rachael Gladwin à la harpe, Taz Modi au piano, Gavin Barras à la basse et Luke Flowers à la batterie. Les interventions de ces dames sont capitales, la flûte, le koto et la harpe vont ajouter encore à cette « spiritual music » qui s’entend sous les doigts du pianiste et dans le souffle de Matthew Halsall en quête de musique contemplative.

L’esprit de « Trane » n’est pas si loin, mais celui d’avant « A love Suprême » de soixante-deux à soixante-quatre, et surtout avant « le cri », on garde le modal, on y accole des influences orientales, des éléments puisés dans la musique indienne d’Alice, koto et harpe s’ajoutent aux circonvolutions du sax de Nat Birshall et au souffle atmosphérique de Matthew…

Le résultat est superbe et bluffant, tel qu’il apparaît ici, sur les superbes titres qui s’enquillent les uns dans les autres, développant chacun un élément particulier du « tout », chaque pièce possède sa propre identité mais s’articule dans un magnifique ensemble que l’on perçoit comme une sorte de « suite ».

L’identité globale est forte et imprime un style propre. Il est d’ailleurs significatif que l’album se ferme avec « Tribute To Alice Coltrane », car ici on glisse du piano de Mc CoyTyner à la harpe évanescente et bienfaisante d’Alice…

Un album qui ne devrait décevoir personne.

When the World Was One


Patterns


Falling Water


Tribute to Alice Coltrane
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 15 mai 2023 04:10

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Georges Brassens – Moustache Avec Les Petits Français - Joe Newman - Eddie Davis - Harry Edison - Cat Anderson - Dorothy Donegan – Jouent Brassens En Jazz (1980)

Je mets en avant le double LP d’origine, mais je vous parle en fait à partir d’un Cd, du coup le son est assez irréprochable et le prix tout petit, petit. Sur cet enregistrement Brassens est bien là, avec sa guitare dont il joue admirablement, il assure la rythmique avec autorité. Il chante également sur le titre d’ouverture, « Élégie à Un Rat de Cave » et sur « Le Temps Passé » dont il chante le refrain « Il est toujours joli le temps passé, une fois qu’ils ont cassé leur pipe, on pardonne à tous ceux qui nous ont offensé, les morts sont tous des braves types ».

Comme indiqué sur le titre, Moustache, à la batterie, est ici avec « Les petits français » sans doute en opposition avec les stars internationales, bien qu’ils soient tous d’excellents musiciens et qu’ils assurent magnifiquement, ce ne sont, modestement, pas des géants.

Michel Attenoux est au saxophone, Géo Daly et Christian Donadieu au vibraphone, Joël Favreau à la guitare, François Guin au trombone, Irakli à la trompette, Teddy Martin au violon, Pierre Nicolas à la contrebasse, Bennie Vasseur au trombone et Marcel Zanini à la clarinette et au sax ténor. Je n’entends pas de « manchot » dans le tas, mais des noms bien connus du jazz français.

Les vedettes américaines sont là également, elles assurent bien souvent les solos mais pas tous, car ici tout le monde reste à égalité et la notoriété est restée avec les chapeaux, au vestiaire, même si Eddie Davis et Harry Edison n’ont pas quitté leur casquette…

Cat Anderson, Joe Newman et Harry « Sweet » Edison jouent de la trompette, Eddie Davis du saxo ténor et Dorothy Donegan du piano, en solo sur « La Femme d’Hector ». Tout ce beau monde fait honneur aux instrumentaux de Brassens et rendent hommage au musicien dont on s’aperçoit, mais on le savait déjà, que c’est un magnifique musicien et un compositeur assez incroyable.

Son répertoire l’a cantonné dans le cadre unique de la chanson, son écriture musicale est malgré tout complexe et très variée, propice ici à de magnifiques solos très inspirants. Bien sûr, pour nous autres français, il demeure avant tout ce poète-chansonnier incomparable, un monument et même un peu plus, car il est entré au Panthéon de notre culture et son influence est grande, rendant chacun de nous sans doute un peu meilleur…

Allez une petite anecdote qui figure sur le livret avant de nous quitter, à un imbécile qui lui disait que les musiques de Georges étaient sommaires, Jacques Brel a répondu : « Alors tu crois que quand Sydney Bechet joue du Brassens, c’est à cause des paroles ? »

Le Temps Ne Fait Rien A l'Affaire - Giants of Jazz Play Brassens


La Ronde des Jurons - Giants of Jazz Play Brassens


Le Pornographe - Giants of Jazz Play Brassens


La Non-Demande En Mariage - Giants of Jazz Play Brassens
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par bushi » lun. 15 mai 2023 16:59

Excellent trio. Une rythmique basse /batterie impeccable.

Il ne faut pas confondre profond attachement et haute fidelité - Franquin

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 15 mai 2023 19:25

bushi a écrit :
lun. 15 mai 2023 16:59
Excellent trio. Une rythmique basse /batterie impeccable.

En effet!

Laurent de Wilde est également connu pour son excellent livre sur le moine, appelé tout simplement "Monk" !
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 16 mai 2023 04:44

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Tony Allen – The Source (2017)

Voici un album de la maturité pour Tony Allen, et même d’une certaine consécration car il enregistre pour la première fois de sa vie pour Blue Note, le mythique label qui fit tant pour le jazz, le sortant des heures sombres en créant la légende…

L’enregistrement de l’album ne passe par aucune source digitale, du coup on le qualifie de « live », mais au « Midilive Studio » de Villetaneuse, en France. Il est vrai que le son est très bon et semble très « authentique » pourrait-on dire. Il y a donc un peu de France ici, également par les musiciens présents.

Si certains ne connaissent pas Tony Allen, il leur suffit de savoir qu’il fut autrefois le batteur de Fela Kuti, il peut revendiquer une certaine paternité dans l’afrobeat, nul ne le contestera, ce serait déjà une référence pour n’importe quel musicien au monde, mais depuis, Tony Allen a écrit un grand nombre de pages, et sa discographie plaide pour lui…

Cet album-ci, bien que le musicien atteigne les soixante-dix-sept printemps lorsqu’il l’enregistre, est assez spécial, par sa fougue et sa qualité. Tony signe tous les titres, certains avec le saxophoniste soprano Yann Jankielewiez, d’autres encore à trois, avec Jean Philippe Dary ou Indy Dibongue. Toutes les compos sont bondissantes et imprégnées de l’afrobeat, de la soul et du funk, qu’on se le dise ça groove ici…

Mais l’invité d’honneur est un peu une surprise, bien qu’il ne manque pas de talent, Damon Albarn lui-même au piano, bon, sur un titre seulement, l’excellent « Cool Cats », mais ça mérite d’être signalé, ailleurs c’est Jean Philippe Dary aux claviers, il y a des pièces avec orgue également.

Présente également, une section de souffleurs, cuivres et anches mélangés, ils sont cinq au total, fougueux à souhait, dont le tromboniste et tubiste Daniel Zimmermann, qui a sorti récemment un hommage à Gainsbourg de qualité. Le Camerounais Indy Dibongue est à la guitare et Mathias Allamane à la basse.

Tous ces musiciens, la plupart parisiens, ont l’habitude de se côtoyer, la complicité est évidente et s’affiche tranquille, ça embraye à la perfection et le vieux Tony n’a plus qu’à donner l’impulsion et déposer son sourire sur ses lèvres, ça tourne !

Un bel album bien groovy !

Moody Boy


Push And Pull


On Fire


Cruising
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par bushi » mar. 16 mai 2023 09:19

Douglas a écrit :
lun. 15 mai 2023 19:25
bushi a écrit :
lun. 15 mai 2023 16:59
Excellent trio. Une rythmique basse /batterie impeccable.

En effet!

Laurent de Wilde est également connu pour son excellent livre sur le moine, appelé tout simplement "Monk" !
Et pour son excellent précédent LP, avec la même formation, sorti il y a quelques années, avec des reprises de Monk :

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 16 mai 2023 14:35

bushi a écrit :
mar. 16 mai 2023 09:19
Douglas a écrit :
lun. 15 mai 2023 19:25
bushi a écrit :
lun. 15 mai 2023 16:59
Excellent trio. Une rythmique basse /batterie impeccable.

En effet!

Laurent de Wilde est également connu pour son excellent livre sur le moine, appelé tout simplement "Monk" !
Et pour son excellent précédent LP, avec la même formation, sorti il y a quelques années, avec des reprises de Monk :

Pour ma part j'en ai deux en rayon, un peu plus anciens tout de même, "Spoon-a-Rhythm" enregistré en 96, et "Otisto 23-Fly Superfly" de 2014, les deux sont vraiment très bons, Laurent de Wilde tourne toujours, il est apparu lors de concerts télévisés, jouant une musique moderne, électrique et très sympa, un artiste à suivre très certainement, mais il ne me semble pas avoir parlé de ses albums par ici...

Par contre son ouvrage sur Monk fait référence.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par bushi » mar. 16 mai 2023 16:13

Je te conseille vivement celui-là, une petite perle :
Sur ce morceau il joue directement sur les cordes du piano, à la façon d'une Kora.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 16 mai 2023 17:26

bushi a écrit :
mar. 16 mai 2023 16:13
Je te conseille vivement celui-là, une petite perle :
Sur ce morceau il joue directement sur les cordes du piano, à la façon d'une Kora.

En effet c'est très beau, il semble rechercher le son de la kora comme tu l'indiques...
Cet album est sorti juste avant "Fly Superfly" dont je parlais tout à l'heure, dans un tout autre genre, ce qui montre l'étendue et l'ouverture d'esprit du gars:

Fly n'Lips (feat. Nico Giemza Tiko)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 17 mai 2023 05:04

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Jemeel Moondoc – Muntu Recordings (2009)

Il s’agit d’un coffret de trois Cds, paru en deux mille neuf chez NoBusiness Records, le petit label lithuanien. Il contient un gros livret très documenté avec tout ce qu’on peut raisonnablement espérer à l’intérieur, ainsi que les trois Cds séparés, le tout cintré dans une pochette cartonnée. C’est numéroté et sorti à mille exemplaires, aujourd’hui disponible uniquement en occasion, il faut être patient si on désire l’acquérir, afin d’obtenir un prix raisonnable. Ce que j’ai fait, le mien vient de Finlande et j’en suis très content.

Il faut dire qu’on entre un peu dans la légende du free avec ce coffret. Trois albums ici, dont un inédit. Le premier est une réédition de l’album « First Feeding », sorti en soixante-dix-sept par la formation « Ensemble Muntu », on y trouve Jemeel Moondoc au saxophone, Arthur Williams à la trompette, Mark Hennen au piano, William Parker à la basse et Rashid Bakr à la batterie. Pour situer nous sommes en pleine période des Lofts, dont ces enregistrements sont de parfaits représentants.

« First Feeding » est très à mon goût, le son de l’album est tout à fait excellent. Trois pièces ici avec des impros à n’en plus finir, un régal constant avec deux musiciens qui disparaîtront très vite de la liste du groupe, pourtant tous les deux épatants, le pianiste Mark Hennen qui s’inscrit dans le droit fil de Cecil Taylor et Arthur Williams remarquable à la trompette.

Les trois autres formeront la colonne vertébrale de la formation, ils font partie des musiciens majeurs de la période, et même plus… Ce sont les années soixante-dix qui brillent ici, le feu, la joie, l’investissement total, « Theme For Milford (Mr. Body & Soul) » en est l’exemple parfait !

Le second album est signé par « Jemeel Moondoc & Muntu », Jemeel est toujours à l’alto, William Parker à la basse et Rashid Bakr à la batterie, mais c’est l’excellent Roy Campbell Jr. qui joue de la trompette. Malheureusement la prise de son est assez éloignée et manque de précision, particulièrement au regard du précédent, bien qu’il date de soixante-dix-neuf. Il s’appelle « The Evening Of The Blue Men », introuvable aujourd’hui.

Deux longues pièces vraiment énormes, tout comme le précédent, la seconde pièce « Theme For Diane » est très lente, bluesy et développe une approche toute en retenue, très lyrique. Il faut dire qu’il est enregistré à l'église St Marks de New York, le lieu dicte sa loi. Ce quartet est un peu celui qui restera comme la marque du groupe, l’historique qui fait référence.

Le troisième volume est inédit, on grimpe à nouveau côté qualité de la prise de son. L’album « Live At Ali's Alley », c’est le nom du loft de Rashied Ali, ne contient qu’un seul titre, le fameux « Theme For Milford (Mr. Body & Soul) » dans une version proche de trente-sept minutes, la formation est réduite à un trio car Roy Campbell est absent, du coup chacun a vraiment le temps de s’exprimer longuement et de développer ses idées, particulièrement Jemeel Moondoc qui s’époumone, bien soutenu par l’illustre section rythmique.

Je vous signale une piste d’entrée à la fois excellente et économique pour se procurer un album du groupe. Le label polonais « PolJazz » ne publie pas que des groupes de son pays, mais également des groupes de passage, ainsi l’album « The Intrepid Live In Poland » de Jemeel Moondoc & Muntu, paru en quatre-vingt-un, est un enregistrement qu’il faut recommander, très représentatif de la formation.

Un formidable coffret qui fera le bonheur des amateurs.

Ensemble Muntu - First Feeding


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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par whereisbrian » mer. 17 mai 2023 05:49

La pièce First Feeding est magnifique.
Cette balade, promenade.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 17 mai 2023 15:43

whereisbrian a écrit :
mer. 17 mai 2023 05:49
La pièce First Feeding est magnifique.
Cette balade, promenade.
Ravi que ça t'ai plu !
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 17 mai 2023 15:52

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John Zorn – Filmworks XX: Sholem Aleichem (2008)

Ce vingtième volet des Filmworks est consacré à un documentaire du réalisateur Joe Dorman, sur le légendaire écrivain Sholem Aleichem, d’origine Ukrainienne et établi aux Etats-Unis au XIX ème siècle. Il marqua son temps et inspira l’histoire d’«un violon sur le toit », restée célèbre et populaire. A sa mort en mille neuf cent seize, plus de deux cent mille personnes suivirent le cortège funèbre. Il était particulièrement aimé par la communauté juive dont il était membre.

Après sa composition, John Zorn confie la musique du docu au Masada String Trio, formé on le rappelle de Mark Feldman au violon, Erik Friedlander au violoncelle et Greg Cohen à la basse, il adjoint également deux autres musiciens, tout à fait décisifs sur le résultat final, Carol Emanuel à la harpe et Rob Burger à l’accordéon.

Dans un tel contexte la musique klezmer est à l’honneur, les amateurs de musique de chambre et de musique ancienne seront à la fête, bien qu’ici la musique juive d’Europe de l’Est soit tout de même très modernisée et actualisée. Elle devient ainsi très facile d’accès et développe un fort lyrisme teinté de mélancolie, la musique klezmer est la seule à réussir à réunir, dans une même mélodie, à la fois la joie et la tristesse, le rire et les larmes…
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 18 mai 2023 04:16

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John Lurie – Fishing With John (Original Music From The Series By John Lurie) – (1998)

« Fishing With John » est un peu plus qu’une série, c’est un concept télévisé qui mettait en scène John Lurie et un invité célèbre, qui partaient ensemble pour une partie de pêche. La série débuta en quatre-vingt-onze et connu un beau succès. Il faut dire que ni John, ni les invités n’y connaissaient quoi que ce soit en matière de pêche, et la balade se transformait très souvent en expédition aventureuse. Il y avait pas mal de décalage et d’humour qui rendirent culte cette émission, au départ toute simple.

La bande sonore qui nous est proposée pioche un peu partout dans la série pour nous offrir une musique vraiment réussie. Les invités de chaque émission sont indiqués à côté des titres et des lieux, car on voyage. L’acteur Willem Dafoe pêche dans le Maine, le cinéaste Jim Jarmusch à Montauk, près de Long Island, Tom Waits en Jamaïque, Dennis Hopper en Thaïlande et l’acteur Matt Dillon au Costa Rica.

Toutes les compos sont du leader des Lounge Lizards, sauf deux signées par Tom Waits, il semblerait que ce dernier soit fâché contre John tout au long de l’émission qui lui était consacrée, sans que personne n’ait jamais su pourquoi, « You are a real mess, John ! » lâcha-t-il. Cette tension est à la base d’un épisode qui fit son petit effet.

Musicalement c’est vraiment mémorable, de nombreux musiciens participent, il est impossible de les recenser ici, mais il y a beaucoup de percussions qui sont utilisées, souvent entre les mains de nana Vasconcelos, il y a un petit orchestre à cordes qui intervient parfois, ainsi qu’une chorale, « The Fishing With John Singers ».

Les titres des pièces sont souvent au second degré, mais les musiques sont de premier plan, comme « Fish Dance » avec la chorale, ou « Shark Drive » qui décoiffe, ou encore « River of Men » de Tom Waits, qui se chante en ramant ! Les musiques sont extraordinairement dépaysantes, parfois réduites à un simple duo, ou même à la seule guitare, comme sur « Freezing Guitar »…

Bref de quoi vous faire partager « l’aventure d’une vie » !

Ketchak


Shark Drive


River of Men


Train Travel (John Lurie - Horse Guitar)


Flutter
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 19 mai 2023 03:50

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Billy Valentine – Billy Valentine And The Universal Truth (2023)

Un album dont Bushi a déjà signalé la parution dans la rubrique « Qu’écoutez-vous en ce moment ? ».

Il est plus tout jeune Billy et sa carrière est derrière lui, pour ma part je ne connaissais pas ce chanteur de « soul music », mais une promo un peu solide et la présence de nombreux invités prestigieux ont créé une sorte d’événement autour de la sortie de cet album.

Du coup il ne m’a pas échappé et j’en suis content car c’est vraiment une chouette sortie, il regroupe des « protest songs » plutôt prestigieuses avec des signataires comme Curtis Mayfield, Gil Scott Heron, Stevie Wonder, Pharoah Sanders ou Prince, bref on ne fait pas dans l’anonymat.

Pour les accompagnateurs on trouve le nec plus ultra de la jeune génération, j’en cite quelques-uns, Immanuel Wilkins au sax ténor, Jeff Parker à la guitare, Joel Ross au vibraphone, Larry Golding aux claviers, Theo Crocker à la trompette et d’autres encore… Il y a également la descendance de Bob Thiele, B.T. Junior qui supervise l’ensemble et produit l’album, on retrouve avec plaisir le petit logo de « Flying Dutchman » dont c’est le retour, sur la pochette, ainsi que la notation « Acid Jazz » qui va bien.

Bien sûr tout cela aurait pu ne déboucher que sur un très grand vide, mais il semble que Billy Valentine ait su fédérer et porter haut la flamme, car l’album est dans son entier flamboyant, de la soul à son meilleur porté par la voix claire et sincère de Billy. Il faut dire qu’il connaît, tant d’années à chanter, à faire sonner les rythmes et à faire naître l’émotion.

Les titres se succèdent avec une belle homogénéité, ça commence fort avec « We The People Who are Darker Than Blue » ce chant contre le racisme de Curtis Mayfield, ça continue avec « Home Is Where The Hatred Is » de Gil Scott Heron, je ne cite pas tous les titres, mais ça ne redescend jamais, sans oublier le traditionnel « Wade The Water » et le titre final « The World Is A Ghetto ».

Ce sont les années soixante-dix qui remontent dans la voix et le balancement de Billy Valentine, oui, un chouette disque ! Le vinyle est parfaitement pressé.

We The People Who Are Darker Than Blue


Home Is Where The Hatred Is


Wade In The Water


The World Is A Ghetto
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 19 mai 2023 13:50

Pour revenir un peu en arrière avec « Jemeel Moondoc – Muntu Recordings » et plus particulièrement sur la scène des Lofts à New-York, je me suis décidé à déplacer les 150 Cds empilés sur mon imprimante pour scanner la cartographie des lieux, qui est visible sur le livret adjoint au coffret.

L’intérêt n’est pas tant géographique que d’en montrer l’importance quantitative, assez difficile à imaginer vu d’Europe. Chacun de ces lieux était un espace créatif qui faisait vivre et se rencontrer de nombreux artistes venus de milieux divers, et plus particulièrement du jazz dans sa partie la plus innovante et créative…

Bien que cette période soit souvent tue ou oubliée, elle est d’une importance capitale dans l’évolution du jazz, du free et de ses ramifications.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 20 mai 2023 04:00

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Philippe Maté, Jef Gilson – Workshop (1973)

C’est une réédition, réalisée par le Souffle Continu, parue en deux mille vingt-deux qui fait l’objet de cette écoute. Bien que sorti l’année précédente, l’album a été chroniqué par Jazz Magazine au mois de février dernier, ce qui lui a permis de bénéficier de la nouvelle notation, dont je vous ai déjà parlé.

Il lui a été généreusement octroyé deux étoiles, ce qui établit pour l’instant une sorte de record, mais nous ne désespérons pas de descendre encore quelques marches, afin de profiter à plein de ce nouveau système particulièrement épatant. Mais cette fois-ci le chroniqueur assume et argumente d'une phrase : « Ils délivrent deux suites improvisées anecdotiques au regard de ce que l’on entendait aux Etats-Unis. »

En effet l’album se présente avec une suite par face, « L’œil » face A et « Vision » face B. Notre chroniqueur n’a pas aimé, alors il accorde une note à la mesure de son ennui. Dont acte. Philippe Maté n’est pourtant pas un inconnu, il avait enregistré en soixante-neuf sur Byg Records, avec l’Acting Trio, un fort intéressant album free que je recommande aux amateurs. On le voit également, tout jeune en gros plan sur le verso de la pochette, un portrait magnifique.

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Philippe Maté sur Byg, en bas, à droite, le "piano préparé".

Pourtant du beau monde ici, outre Philippe Maté, ici uniquement au saxophone alto, bien qu’il soit multi-instrumentiste remarquable, il y a l’ancien, « Jef Gilson » en personne, qui joue de l’ondioline, un instrument de synthèse, et du piano électrique sur la première face, de l’orgue et de la clarinette basse sur la seconde. Il y a également l’immense contrebassiste Didier Levallet, du quoi donner de la trempe à cet ensemble.

Bruno di Gioa joue du cor, de la flûte et des percus, Maurice Bouhana de la flûte et de la batterie, Elie Dos Reis des percussions et Jean Claude Pourtier de la batterie. C’est enregistré au foyer Montorgueil, un lieu qui sourit à Jef Gilson qui y a enregistré l’année précédente sa « Messe Pour Les Halles De Paris », dans dix jours sera enregistré sur « Futura », l’album de « Sahib Shihab + Gilson Unit », le fameux « La Marche Dans Le Désert ». Mais pour l’heure nous sommes le quatre février soixante-douze…

C’est là que je diverge avec le chroniqueur cité plus haut, car la période est au free, aux audaces libertaires, aux improvisations débridées, même si, ici, elles ne sont pas sauvages ou provocatrices. Elles sont pourtant bien dans l’air du temps et n’ont pas à rougir face à ce qui se passait outre-Atlantique.

Les pièces sont foisonnantes, très riches et très denses, avec des solistes de qualité, le free n’est plus une nouveauté, chacun s’y est frotté et ceux qui sont là s’en sortent avec les honneurs. Le titre évidemment est un clin d’œil à l’album de Jef « Œil Vision » de soixante-quatre, ici nous sommes plutôt face à l’un des très bons albums free du jazz français des années soixante-dix, et, franchement on ne s’y ennuie pas, particulièrement sur la face B très enlevée !

Philippe Mate / Jef Gilson ‎– L'Œil
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 20 mai 2023 14:56

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John Zorn – Filmworks XXIV: The Nobel Prize Winner (2010)

Voici déjà l’avant dernier album des filmworks, enregistré en deux mille dix. Il est consacré au film en noir et blanc de Timo Veltkamp, « De Nobelprijswinnaar », c’est-à-dire « Le lauréat du prix Nobel ». La bande-son est confiée à des habitués, au pianiste Rob Burger, au bassiste Trevor Dunn et au batteur/vibraphoniste Kenny Wollesen, avant même d’écouter on sait que tout sera parfait, au cordeau.

Quinze titres évocateurs du film sont composés par Zorn, le premier « The Nobel Prize Winner » commence fort, « The Depraved City » plante le décor, les personnages sont également évoqués, le pétillant « Annabel » ou encore « Writer’s Block ‘Isle’s Theme ». Il y a également des descriptions plus psychologiques, « Suicidal Tendency » ou « Moral and Immoral » et même « Ghost Of A Guikty Conscience ».

Des moments de tensions sont présents, notamment avec « Plagiarism », des aventures également, « Fyodor And Isabel », enfin, après « The Search » arrive « Dénouement »… L’effet inattendu de cette bande Son c’est que, tout simplement, elle donne envie de regarder le film !

Bien que John Zorn n’arrivât que second en termes de choix pour la composition des musiques de l’album, puisqu’il remplaça au pied levé Van Dyke Parks, trop occupé, il réussit parfaitement sa mission…
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