J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 15 déc. 2023 03:48

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Fire! Orchestra – Echoes – (2023)

L’histoire commence en deux mille douze sous la forme d’un trio. Trois suédois, Mats Gustafsson joueur de flûte mais aussi de saxophone baryton, Johan Berthling bassiste acoustique ou électrique et Andreas Werliin batteur se réunissent et donnent des concerts à Stockholm, puis sortent un premier album « Exit » en deux mille treize.

C’est après deux mille dix-sept que la formation prend de l’ampleur, certains diront peut-être de façon excessive car les chiffres peuvent effrayer, bien que la vérité artistique ne souffre aucune contestation, tellement chacun est nécessaire et important.

La formation est dans sa onzième année et compte sur cet album, « Echoes », quarante-trois musiciens, pour la plupart suédois, c’est évidemment phénoménal, et même parfois, à l’écoute, épique et hors-normes. Quelque chose de grandiose qui se libère en trois Lps vinyles assez coûteux, ou bien en deux Cds pour environ une heure cinquante de bonne musique.

Quelques personnalités se détachent par l’aura dont elles bénéficient. Évidemment Mats Gustasfsson en premier lieu qui gère un peu tout ça, dirigeant l’ensemble. Il y a également Joe McPhee au saxophone ténor et au chant, une importante personnalité du free jazz mondial.

Susana Santos Silva joue de la trompette, Anna Högberg et Mette Rasmussen jouent de la flûte et du sax alto, Fredrik Ljunkvist est au sax ténor et Mats Lindström à l’électro pour ne citer que les noms qui me parlent. Il faut comprendre que tous les autres sont bien entendus d’excellents musiciens, tous indiscutables au poste qu’ils occupent, leurs noms figurent sur la pochette.

L’assise rythmique est d’importance, avec deux des trois co-fondateurs aux manettes qui assurent avec une grande efficacité, donne l’impulsion nécessaire à la machine et lui apportant une sorte de groove hypnotique qui vous porte. L’album s’ouvre sur la suite « Echoes » qui constitue le menu principal ici, elles se décomposent en sept parties qui se déploient comme un long fil rouge. C’est plutôt musique d’ambiance assez folk au départ avec, sur le long titre trois une partie vocale de Mariam Wallentin vraiment chouette, bien cool genre ballade qui prend son temps et envoûte.

Tout pète et éclate au titre cinq dans une sorte de big bang général, complètement déjanté et free où l’énergie se libère totalement, dévoilant pour la première fois la force explosive de cet ensemble stupéfiant. Après cette introduction tonitruante « Echoes: Lost Eyes In Dying Hand » s’étale et prend son temps, avec un magnifique solo de ténor de Joe McPhee, j’engage ceux qui ne le connaissent pas à bien écouter. David Sandström prolonge en chantant. C’est l’un des points forts de cet album, les parties vocales, nombreuses ici, qui sont très prenantes.

Ce premier album du double Cd s’achève avec « Welcoming You. Drinking Your Dream », brève, avec de courtes parties free… A ce stade, l’auditeur que je suis, a la sensation d’être au milieu d’un truc pas ordinaire, subjugué !

Le second album démarre à nouveau sur un thème répétitif et plein d’allant, qui s’alimente en énergie tout au long de l’exécution, un mince filet se gonflant en orgie sonore pourrait décrire « Echoes: A Lost Farewell » qui se rétracte petit à petit dans sa seconde moitié, non sans hoqueter, jusqu’à l’extinction… « Nothing Astray. All Falling » laisse à entendre le berimbau brésilien, cet arc musical frappé qui dialogue avec les cordes et l’électro, le temps de quelques minutes qui font place à « Echoes: In Those Veins. A Silvernet » et ses percussions multiples qui rencontrent ces sonorités électros.

« Echoes: Cala Boca Menino » fait partie des deux pièces qui ne sont pas signées du trio de départ, c’est Dorival Caymmi qui a composé le morceau, il est d’importance et bénéficie du chant de Tomas Öberg qui intervient pour la seconde fois. Une grosse guitare basse bien funky structure la pièce, un autre sommet ici.

Après quelques courtes pièces intermédiaires l’album se termine par « Echoes: I See Your Eye, Part 2 » qui reprend le titre d’ouverture avec Joe McPhee cette fois-ci au sax ténor et au chant également, un beau titre empreint de mystère et traversé par un groove qui vous prend et vous balance. L’album s’achève ainsi sur cet hommage au jazz par l’intermédiaire d’un être mystérieux, au blues également qui s’échappe des lèvres de McPhee.

Assurément un grand album qui marquera deux mille vingt-trois. Il faut également signaler Jim O’Rourke au mixage…

ECHOES: I see your eye, part 1


ECHOES: To gather it all. Once.


ECHOES: Lost eyes in dying hand


ECHOES: I see your eye, part 2
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Message par Douglas » sam. 16 déc. 2023 06:58

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Steve Swell's Fire Into Music – For Jemeel - Fire From The Road (2004 - 2005) – (2023)

Je vous avais présenté, il y a quelques mois, le coffret trois Cds « Muntu Recordings » de Jemeel Moondoc, paru chez NoBusiness Records et devenu difficile à trouver car il date de deux mille neuf. Il regroupait « First Feeding », « The Evening Of The Blue Men » et « Live At Ali's Alley », des enregistrements de soixante-quinze, soixante-dix-sept et soixante-dix-neuf. Pour moi ce sont des pépites, comme un peu tout ce qui touche à Jemeel Moondoc, mais nous ne sommes qu’une minorité dans ce trip-là.

Rien de surprenant donc à ce que je me précipite sur ce triple Cd, sorti cette année sur RogueArt, et regroupant, pour trois heures durant, des enregistrements de concerts donnés entre deux mille quatre et deux mille cinq. « Steve Swell's Fire Into Music » est une formation qui regroupe un quartet formé par Steve Swell au trombone, Jemeel Moondoc au saxophone alto, William Parker à la basse et Hamid Drake à la batterie. Jusqu’alors ils n’ont fait paraître qu’un seul album « Swimming In A Galaxy Of Goodwill And Sorrow », en deux mille sept, toujours chez RogueArt.

Jemeel Moondoc est décédé en deux mille vingt et un, il faisait partie de l’aventure « Fire Into Music » depuis le tout début, en deux mille quatre. Le quartet avait alors beaucoup tourné et c’est tout naturellement qu’il s’est tourné vers le passé pour faire paraître ces enregistrements live de haute qualité, « For Jemeel – Fire From The Road ».

S’il fallait catégoriser cette musique, comme pour l’Art Ensemble on dirait « Free jazz » parce que c’est le plus simple, mais quand je l’écoute, j’y trouve essentiellement une très grande liberté avec, surtout, des improvisations continuelles, souvent à partir de pas grand-chose, basées sur une suite de soli, parfois très longs, car ici on ne se presse pas…

Le premier Cd de cinquante-cinq minutes et trente secondes, provient d’un concert à l’« El Dorado Ballroom » à Houston, au Texas. Il n’y a qu’un seul titre entièrement improvisé qui se nomme « Improvised Music at The El Dorado ». Comme indiqué plus haut c’est une suite d’échanges et de solos absolument extraordinaires, où chacun s’exprime, trombone, saxo, contrebasse et batterie, et quand on connaît les lapins à la manœuvre, on ne peut être qu’ébloui : le jazz, c’est ça !

La seconde étape se situe à nouveau au Texas, au « Ballroom Mafa », cette fois-ci soixante-quatre minutes sont enregistrées, six jours plus tard, dans la ville de Mafa. On retrouve la même qualité au niveau du son, c’est irréprochable. Trois pièces sont enregistrées, « Junka Nu » ouvre la face, elle est également présente sur le troisième Cd, bien que différente. C’est une pièce de Jemeel Moondoc, le premier solo est de Steve Swell, vraiment un maître du trombone, ensuite Jemmeel prend la suite, lui aussi porté par la section rythmique, son domaine de prédilection c’est l’impro, la plus souvent totale, c’est là qu’il excelle, quand les chevaux sont lâchés et que la spontanéité est de mise, il possède en lui ce bon vieux blues qui le guide et sa sensibilité d’écorché vif qui en fait une sorte de capteur émotionnel.

Ensuite William Parker prend un solo, puis Hamid Drake, c’est ainsi, on joue, ensemble, puis à trois, à deux, ou en solo, et on écoute les autres, sans jamais quitter la musique qui bat et qui vit. La seconde pièce « Improvised Music at Ballroom Marfa » dont le nom indique clairement de quoi il s’agit, près de trente-deux minutes de free, le cœur de ce concert, puis le Cd se termine avec « Space Cowboys » signé Steve Swell aux accents légèrement Swing.

Le troisième Cd est aussi conséquent, il se décline en trois pièces, « Box Set », « Junka Nu » dans sa seconde version et « Swimming In a Galaxy of Goodwill and Sorrow », qui est une relecture d’une partie du premier album.

Ce qui singularise l’entièreté de cette prestation, outre l’incroyable fusion des talents à laquelle on assiste, ce sont les références jazz qui traversent les époques et l’histoire de cette musique, que l’on peut percevoir ici ou là, dans le jeu des uns et des autres, qui se placent d’office au bon diapason, tant dans les réminiscences classiques que modernes. Ainsi c’est un album de « Jazz » avec un grand « J », comme une synthèse miraculeuse.

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De gauche à droite: Hamid Drake, William Parker, Steve Swell et Jemeel Moondoc







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Message par Douglas » dim. 17 déc. 2023 04:28

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Pat Metheny – Dream Box – (2023)

C’est un album en solo de Pat Matheny, jouant uniquement de la guitare électrique. Les notes de pochette expliquent que ce sont des inédits en provenance de son ordinateur personnel. Il a en effet l’habitude de poser sur le disque dur ses idées, ses ébauches et ce qui lui passe par la tête, en parcourant tout ça il en a extrait le meilleur qu’il nous livre ici. C’est Charlie Haden qui lui a suggéré de conserver tout ce matériel sur l’ordi, ayant cette habitude lui-même.

Neuf improvisations au total, six dont il est l’auteur et trois qui sont improvisées à partir de reprises, la cinq, la six et la huit. Il a enregistré tout ça lors de sa longue tournée mondiale effectuée en deux mille vingt-deux, qui l’a notamment emmené vers Paris où les fans ont pu l’applaudir.

Pat a parlé de ce matériel inédit en termes de « fulgurances » qu’il avait oubliées aussitôt jouées. En découvrant ces improvisations il en est tombé aussitôt amoureux, et il se pourrait bien qu’il arrive un phénomène identique à l’auditeur de cet album, car c’est vraiment chouette, très beau et constitue un « tout » très cohérent.

Cet album se présente donc comme une sorte de parenthèse dans son œuvre, un pas de côté avec un aspect intimiste, comme des moments de créativité volés au temps, sortis sous ses doigts presque par hasard. Il y a là quelque chose de volage, d’immatériel, qui a trait au rêve, à la « Dream Box » …

Dès la première pièce on est saisi, « The Waves Are Not the Ocean » est une plage magnifique, onirique, qui trace la voie vers l’introspection et l’intime. Une impression qui ne se dément jamais au fil de l’album, même lors des reprises qui possèdent cette même grâce, comme « Never Was Love » de Russ Long, un air pop transfiguré. Il y a également « Morning of the Carnival », une reprise de Luiz Bonfa, un standard désormais, que tout le monde reconnaît, avec ses sonorités brésiliennes qui balancent comme une samba.

Un bel album de Pat Metheny, sans extravagance, mais avec toute la simplicité que le maître de la guitare a su déployer tout au long de ce processus créatif à la fois étonnant et pertinent.

Pat Metheny - Dream Box 2023

01. The Waves Are Not The Ocean (5:39)
02. From The Mountains (8:20)
03. Ole & Gard (6:33)
04. Trust Your Angels (5:29)
05. Never Was Love (5:57)
06. I Fall In Love Too Easily (5:08)
07. P.C. of Belgium (5:01)
08. Morning Of The Carnival (6:43)
09. Clouds Can't Change the Sky (7:15)

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Message par Cooltrane » dim. 17 déc. 2023 12:39

SU - BLI - ME :love1:



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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 17 déc. 2023 17:37

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Gil Evans / Steve Lacy – Paris Blues - (1988)

Cet album c'est une affaire de rencontres, de rencontres et de souvenirs, mais aussi d'admiration et de complicité. Comme si, dans un dernier souffle, il fallait boucler la boucle avant d' écrire le mot FIN.

Souvenirs de Duke Ellington, le modèle de tous, à partir de la superbe interprétation de "Paris Blues", la ville qui les réunit pour l'enregistrement de cet album, mais aussi souvenir de Johnny Hodges, l'altiste qui jouait dans le grand orchestre du Duke et à qui Steve Lacy dédie sa composition:"Esteem".

Souvenirs de Charles Mingus, que tous les deux vénèrent et dont ils jouent trois thèmes, souvenir surtout de ces années 60 où ils se sont longtemps côtoyés, Steve Lacy était bien souvent l'invité de l'arrangeur Gil Evans qui sortait de sa mythique collaboration avec Miles Davis où il a compilé les chef d’œuvres, associant son nom à celui de Miles pour la postérité.

Arrangeur, pour beaucoup Gil Evans ne sera que cela, et il est vrai que c'est déjà beaucoup ! Ici, sur cet album, il devient musicien et joue du piano électrique ou acoustique, avec l'économie d'un Thelonious Monk, la note toujours juste, donnant la réplique et l'assise rythmique aux formidables envolées du saxophone soprano, Steve Lacy ouvre son cœur et joue à fleur de peau tout au long de l'album, livrant une performance tendre et déchirante, dans une veine assez traditionnelle, ce qui n'est pas habituel, chez lui.

Un dernier témoignage enregistré pour Gil Evans qui nous quittera trois mois plus tard...Une dernière rencontre pour faire revivre les souvenirs.

Paris Blues


Reincarnation Of A Lovebird


Goodbye Pork Pie Hat


Orange Was The Color Of Her Dress Then Blue Silk
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 18 déc. 2023 05:07

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Jean-Michel Jarre – Les Granges Brûlées (Bande Originale Du Film) – (2023)

C’est mon unique album de Jean-Michel Jarre et je viens de me le procurer à l’occasion d’une réédition récente sur « Tranversales ». C’est la B.O. du film « Les Granges Brûlées » de Jean Chapot, avec Delon et Signoret, qui date de soixante-treize, c’est-à-dire au tout début de la musique électronique, particulièrement en France.

A une époque, lisant pas mal sur les musiques, j’avais retenu le nom de cette B.O. qui marque les débuts discographiques de J-M Jarre, et qui était alors assez difficile à dénicher, c’est peut-être ce dernier point qui m’avait interpelé, ce qui peut démontrer un certain manque de profondeur, je le confesse volontiers. Il est signalé que c’est la première réédition vinyle de cet album, parfaitement produit avec un très bon son, réalisée à partir des masters d’origine.

On peut lire également que J-M Jarre a déclaré : « Aphex Twin m'a dit un jour que la bande originale des "Granges brûlées" était un de ses disques préférés ». Bon, j’avoue, de mon côté, ne pas grimper aux rideaux à cette vitesse-là, bien que je ne m’ennuie pas non plus, les pièces sont courtes et portent des climats et des ambiances parfois prenantes ou singulières, sans véritablement créer de fortes émotions, c’est une musique assez descriptive.

Ce qui est remarquable ce sont les thèmes, chaque pièce possède sa marque, mais ils semblent compatibles les uns avec les autres, créant une identité musicale assez forte, à part « Zig-Zag » face une, très à part par son côté pop très « Pif Gadget » et « Happiness is a Sad Song » qui est un titre bonus de cette édition.

Jean-Michel utilise trois magnétophones Revox synchronisés et un quatrième qui fait la synthèse, il utilise un synthé analogique VCS3 et un orgue Farfisa. Le « Home Studio » c’est à la maison, les moyens sont donc très limités ce qui met en valeur et donne un nouvel éclairage à cette œuvre qui possède de réelles qualités si on songe aux moyens de l’époque, une sorte de préhistoire si on considère les studios d’aujourd’hui qui semblent capables de produire à peu près n’importe quel son.

Après une seconde écoute, je le trouve encore meilleur qu’à la première, ce qui est bon signe. Pourtant l’écoute de l’album ne pose aucune difficulté, très accessible à tous, il y a bien sûr des trucs très typés années soixante-dix, l’usage de la voix féminine par exemple, mais c’est plutôt un charme supplémentaire finalement.

La chanson des granges brûlées / Song of the Burnt Barns (2023 Remaster)


Le pays de Rose / Roseland (2023 Remaster)


Les granges brûlées / Burnt Barns (2023 Remaster)


La perquisition et les paysans (2023 Remaster)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 18 déc. 2023 15:56

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Charles Lloyd – In The Soviet Union: Recorded At The Tallinn Jazz Festival - (1970)

Encore une histoire pas banale pour cet enregistrement de 1967 provenant du Festival de Tallinn, en Russie. C'est l'époque du rideau de fer, cette barrière érigée pour limiter la circulation des hommes, des idées et des arts. Tallinn, aujourd'hui c'est la capitale de l' Estonie, ce territoire Balte détaché de la Russie et accroché à l'Union Européenne.

En 1967, le jazz moderne a gouté aux libertés du free et s'est émancipé des règles, Coltrane, Coleman, Ayler et quelques autres ont donné à entendre une musique nouvelle, universelle et ouverte. Pourtant, impossible d'aller jouer en URSS, enfin jusqu'à cette participation du Charles Lloyd quartet, formé de Charles Lloyd donc , au ténor et à la flûte, de Keith Jarrett au piano, de Ron McClure à la basse et de Jack De Johnette à la batterie.

Aujourd'hui on parlerait d' un "supergroupe", mais à l'époque Keith Jarrett et Jack DeJohnette étaient à leurs débuts. Il est d'ailleurs savoureux d'écouter Jarrett céder avec talent aux sirènes du free lors de l'interprétation de "Sweet Georgia bright".

Ce sont des intellectuels Russes (particulièrement des écrivains) qui ont fait pression auprès de l'organisation du festival pour inviter Charles Lloyd, mais le groupe ne pénètrera sur le territoire qu'en tant que touristes, malgré un message reçu peu avant le départ et indiquant qu'aucun étranger ne pourrait jouer pendant le festival, ils décident de partir. Ils sont alors avertis qu'il n'y aura pas de salaire, mais en fait celui-ci sera versé, mis à part les frais d'hôtel et de restauration...

En 67, le contexte n'est pas favorable, nous étions, en effet, en plein dans la guerre du Vietnam... Rien ne sera facile et cette première venue du jazz moderne en URSS a eu son lot d'anecdotes: émission de télé annulée, interruption du concert, intervention des organisateurs pour que le public reste assis...

Mais le plus important, et ce qui restera, c'est l'immense ovation du public debout, saluant un formidable concert, l'un des plus beaux et des plus émouvants de Charles Lloyd. Cet album sera publié en 1970, avec cette pochette, dans le plus pur style soviétique, figurant un héro Russe, se mettant en valeur en utilisant un style graphique décalé, à l'opposé de ce qu'il pense...

Quel déconneur ce Charles !

Days and Nights Waiting (Live Estonia USSR)


Tribal Dance (Live Estonia USSR)


Sweet Georgia Bright (Live Estonia USSR)


Love Song to a Baby (Live Estonia USSR)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 19 déc. 2023 05:14

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Resavoir – Resavoir – (2023)

Après l’album de deux mille dix-neuf, appelé sobrement « Resavoir », voici celui de deux mille vingt-trois appelé tout aussi sobrement « Resavoir ». Je présume, avec une certaine malice, qu’en deux mille vingt-sept, paraîtra un nouvel album, également sobre, du nom de « Resavoir ».

Le précédent avait été une excellente surprise, c’est fort de cet enseignement que je me plonge dans cette nouveauté reçue ce jour. Resavoir, c’est avant tout un homme, Will Miller, producteur de musique et compositeur de Chicago, il s’entoure de nombreux musiciens de la scène locale pour mener à bien ce projet, publié par International Anthem.

Et voilà qu’au sortir des « Granges Brûlées » de Jean-Michel Jarre, me voici plongé dans une sorte de proximité musicale, effaçant d’un coup les années qui séparent ces deux œuvres, y trouvant une sorte de cousinage, une parenté familiale non revendiquée mais évidente…

Ce qui m’avait bien plu lors du premier volet c’est cette immersion dans une sorte de flot musical liquéfié et enveloppant, qui emporte et fait voyager confortablement installé, presque à votre corps défendant, on retrouve cette même magie ici, et on pense aux « paradis artificiels » d’autrefois, car il y a ce même processus, la musique faisant office d’élément moteur qui déclenche et organise le phénomène.

Certes on ne s’en plaint pas, s’estimant même chanceux et, s’il y a duplicité, on y accorde aisément son consentement et rien d’autre ne compte, ni le nom des musiciens ni celui des morceaux, leur durée même, évidemment trop courte, ne fait pas grand-chose à l’affaire, ni cette pochette et ce qu’elle représente, pas si terrible que ça, par ailleurs, quelque-part entre poissons-volants et roquettes meurtrières…

Alors on pourrait appeler ça « jazz », mais il y faut un peu de mauvaise foi, « électro » est à la mode et conviendrait assez bien, ou encore « musique de relaxation » qui me semble carrément juste, mais sans doute un peu réducteur, plutôt un mélange de tout ça conviendrait, en fait.

Ça ressemble à de la musique facile, car elle est facile à écouter, mais l’apparence est trompeuse, car pour arriver à un tel résultat il a fallu passer par l’organisation de jam sessions improvisées, comme autrefois dans les clubs de jazz, mais transposées dans notre monde d’aujourd’hui avec l’électricité, les synthés, le hip-hop et la soif de s’échapper de ce monde pour plonger dans cet « ambient » divergent…

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Stagger Lee » mar. 19 déc. 2023 15:03

https://nobusinessrecords.com/david-s.- ... lnius.html

Ce matin, je pensais passer un bon moment avec ce disque... La première minute est bien et après ce n'est que bruit et cris de cochons... Pourtant j'ai d'autres albums du monsieur bien plus ecoutables.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 19 déc. 2023 16:07

Stagger Lee a écrit :
mar. 19 déc. 2023 15:03
https://nobusinessrecords.com/david-s.- ... lnius.html

Ce matin, je pensais passer un bon moment avec ce disque... La première minute est bien et après ce n'est que bruit et cris de cochons... Pourtant j'ai d'autres albums du monsieur bien plus ecoutables.
Je te donne mon avis...

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Cet album est à la fois un « classique » de David S. Ware et un pilier de la Maison de Disques NoBusiness Records, il porte les n° 4 et 5 du label (c’est un double LP), sorti en 2009 il contient le concert du 24 Mars 2007 au « Lithuanian Russian Drama Theatre » de Vilnius en Lituanie. Malheureusement, diffusé alors à mille exemplaires, il est depuis longtemps épuisé !

David S. Ware au saxophone ténor est entouré de Matthew Shipp au piano, William Parker à la basse et Guillermo E. Brown à la batterie, un quartet d’enfer avec lequel il a beaucoup tourné, particulièrement Shipp et Parker. Ici l’osmose est complète, plutôt que de saluer le leader il faut rendre hommage à ce quartet magnifique, en effet l’enregistrement est assez exceptionnel et constitue un des sommets de la formation, quel que soit le centre d’intérêt que l’on choisisse, tant l’ensemble que chacun en particulier.

Ça commence très fort avec « Ganesh Sound », un thème provenant de l’album «Renunciation », il est ici magnifié sur cette première face sublime où David nous embarque dans un tourni époustouflant. Suit « Theme Of Ages » et « Mikuro's Blues » sur la seconde face, mais c’est sur la troisième que tout s’emballe avec « The Stargazers », une reprise du titre de Sun Ra qui occupe la face trois et une partie de la quatre.

C’est un standard de Sun Ra qui interprétait volontiers ce titre lors de ses concerts, mais la version offerte ici pourrait être la version définitive tant elle est puissante, soulevée par une force extraordinaire, un véritable torrent qui envoie sévère, surtout si on pousse un peu le son. Quand David lâche la bride, c’est William Parler qui maintient la tension avant d’être rejoint par Shipp qui, sous l’impulsion de Guillermo, soutient David lors du final, sur la dernière face.

Une improvisation « Lithuanian Whirl » signe artistiquement ce concert qui se termine avec le magnifique « Surrendered ». Un album à recommander à tous les admirateurs de David S. Ware qui trouveront ici une très belle page. A ses débuts, NoBusiness Records a tout de même enregistré quelques totems, un démarrage de choix !

Régalez-vous avec la vidéo Youtube!

David S Ware Quartet_Live in Vilnius_Part 1_Willliam Parker / Matthew Shipp


David S Ware Quartet_Live in Vilnius_Part 2 William Parker / Matthew Shipp


The David S Ware quartet live in Vilnius
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Message par Piranha » mar. 19 déc. 2023 20:33

Douglas a écrit :
mar. 19 déc. 2023 05:14
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Resavoir – Resavoir – (2023)

Après l’album de deux mille dix-neuf, appelé sobrement « Resavoir », voici celui de deux mille vingt-trois appelé tout aussi sobrement « Resavoir ». Je présume, avec une certaine malice, qu’en deux mille vingt-sept, paraîtra un nouvel album, également sobre, du nom de « Resavoir ».

Le précédent avait été une excellente surprise, c’est fort de cet enseignement que je me plonge dans cette nouveauté reçue ce jour. Resavoir, c’est avant tout un homme, Will Miller, producteur de musique et compositeur de Chicago, il s’entoure de nombreux musiciens de la scène locale pour mener à bien ce projet, publié par International Anthem.

Et voilà qu’au sortir des « Granges Brûlées » de Jean-Michel Jarre, me voici plongé dans une sorte de proximité musicale, effaçant d’un coup les années qui séparent ces deux œuvres, y trouvant une sorte de cousinage, une parenté familiale non revendiquée mais évidente…

Ce qui m’avait bien plu lors du premier volet c’est cette immersion dans une sorte de flot musical liquéfié et enveloppant, qui emporte et fait voyager confortablement installé, presque à votre corps défendant, on retrouve cette même magie ici, et on pense aux « paradis artificiels » d’autrefois, car il y a ce même processus, la musique faisant office d’élément moteur qui déclenche et organise le phénomène.

Certes on ne s’en plaint pas, s’estimant même chanceux et, s’il y a duplicité, on y accorde aisément son consentement et rien d’autre ne compte, ni le nom des musiciens ni celui des morceaux, leur durée même, évidemment trop courte, ne fait pas grand-chose à l’affaire, ni cette pochette et ce qu’elle représente, pas si terrible que ça, par ailleurs, quelque-part entre poissons-volants et roquettes meurtrières…

Alors on pourrait appeler ça « jazz », mais il y faut un peu de mauvaise foi, « électro » est à la mode et conviendrait assez bien, ou encore « musique de relaxation » qui me semble carrément juste, mais sans doute un peu réducteur, plutôt un mélange de tout ça conviendrait, en fait.

Ça ressemble à de la musique facile, car elle est facile à écouter, mais l’apparence est trompeuse, car pour arriver à un tel résultat il a fallu passer par l’organisation de jam sessions improvisées, comme autrefois dans les clubs de jazz, mais transposées dans notre monde d’aujourd’hui avec l’électricité, les synthés, le hip-hop et la soif de s’échapper de ce monde pour plonger dans cet « ambient » divergent…

Mon projet préféré sur International Anthem si on exclue les artistes "ambient" que sont Carlos Nino et Jeremiah Chiu.
J'adore ce flot continu de mélodies jazzy. J'appelerais ça du "Modern Smooth Jazz" ou du "Nu Smooth Jazz". Au choix :)

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » mar. 19 déc. 2023 20:38

Moins évident que Resavoir. Baikida E.J. Carroll et son 1er album en 1974 "Orange Fish Tears".
Il vient d'être réédité (septembre) par le toujours impeccable label Souffle Continu.

Semblerait-il un beau succès commercial avec bientôt du sold out sur plus de 1000 copies, pour un projet assez free, assez aventureux me faisant penser à une version à la trompette du "Afternoon Of A Georgia Faun" de Marion Brown

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 20 déc. 2023 05:30

Piranha a écrit :
mar. 19 déc. 2023 20:33


Mon projet préféré sur International Anthem si on exclue les artistes "ambient" que sont Carlos Nino et Jeremiah Chiu.
J'adore ce flot continu de mélodies jazzy. J'appelerais ça du "Modern Smooth Jazz" ou du "Nu Smooth Jazz". Au choix :)
Merci pour cet éclairage de connaisseur !

Pour le Souffle Continu j'irai plutôt voir côté Cd, car pour les vinyles, mieux vaut passer en boutique...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » mer. 20 déc. 2023 05:41

Je suis passé effectivement voir Bernard et Théo en boutique et j'ai pris le vinyl (sur les conseils de Bernard)
Une version sérigraphiée limitée à 200 exemplaires existe mais évidemment épuisée :)

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 20 déc. 2023 05:44

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Yom – Celebration – (2021)

Cet album ne constitue pas l’actualité du clarinettiste français, mais j’y fais un saut car il ne manque pas d’intérêt, malgré qu’il soit un peu négligé par le public « jazz », ce qui est bien regrettable. Yom est un nom d’artiste, celui de Guillaume Humery qui joue sous son véritable nom auprès d’artistes de variété, comme Olivia Ruiz, Daphné ou Alain Chamfort, vivre de sa musique est une chance pour un musicien.

La musique de Yom est contemplative, mélodique et porte au monde des songes et des rêveries, elle évoque l’orient, les grands espaces et un ailleurs qui appartient au monde immatériel, peut-être que certains pourraient comparer cela à une sorte de musique spirituelle, ce qui est sûr c’est qu’elle porte une forte coolitude, qu’elle s’arrache au sol, apaise et qui sait ? Peut-être même soigne-t-elle !

Soit, puisque vous le dites, elle guérit : du mal de vivre, du stress ou de tout autre agression extérieure. Pour y arriver elle vous plonge dans une bulle, flottante qui plus est, qui s’envole avec le doux vent chaud, elle traverse les forêts, les dunes et les fleuves, car elle aime la nature, comme dessiné sur la pochette par Soline Garry.

Bon il n’est pas tout seul, Yom, ils sont deux, lui joue des clarinettes, du piano et des percus, Leo Jassef, pianiste en chef, joue également des percus. Sans doute y a-t-il également un gros travail du son au niveau des studios, car Yom a pu bénéficier de neuf journées pour peaufiner tout ça, au Studio Pigalle, pendant le confinement, alors que son épouse attendait un enfant…

Il est l’auteur des onze compos, toutes dans ce même esprit créatif, l’album est un tout avec une couleur qui traverse toutes les pièces et qui donne à l’album une belle et forte identité. Quelques titres qui vont bien « Celebration », « Born Again », « Tantric Epic » et « New Life » qui termine l’album, mais tout est sorti, ici, du même tonneau.

Pas forcément pour tout le monde mais peut plaire à certains.

Celebration


Born Again


Tantric Epic


New Life


Ancestors Dance
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 21 déc. 2023 03:41

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Asher Gamedze – Turbulence And Pulse – (2023)

Après « Resavoir » voici un nouvel album International Anthem, mais cette fois-ci avec le traditionnel obi, qui manquait au précédent. C’est le batteur Sud-Africain Asher Gamedze qui préside à cet album, il est également compositeur et chef de « band ». C’est un album de batteur en ce sens que son instrument est le centre de l’album, c’est lui qui donne l’impulsion et inspire le mouvement, tout s’organise autour des percussions.

Robin Fassie tient la trompette, Buddy Wells le saxophone ténor, Thembonkosi Mavimbela la contrebasse et Julian ‘deacon’ Otis » occasionnellement le chant. Cette formation joue sur les trois premières faces, la dernière est différente, avec une autre formation. Il faut bien le reconnaître tel qu’apparaît cet album, c’est bien Asher Gamedze la principale attraction de l’album, son jeu de batterie très volubile, dans la tradition des batteurs de jazz américains les plus modernes.

A ce jeu on pourrait citer Tony Williams, Jack DeJohnette, Sunny Murray ou même Elvin Jones et Max Roach pour citer de plus anciens qui ont su élargir le champ d’action de l’instrument… Les musiciens autour paraissent assez traditionnels, ne s’engouffrant que rarement dans l’expérimentation free, sinon sur « Sometimes I Think To Myself » qui ouvre la face trois. On remarque également l’excellent « Underground Formation » qui résume bien tout ça.

L’autre titre qui détonne un peu est « Turbulence’s Pulse » qui ouvre l’album avec quelques rappels rap bienvenus. D’ailleurs ces deux-là sont également illuminés par le chant d’Otis. La musique est très spatiale en ce sens qu’elle s’étale et profite, s’incrustant significativement dans le découpage stéréophonique, seule la batterie semblant vraiment transversale.

La dernière face, live au Caire, sur un toit - terrasse, voit l’arrivée de Louca aux synthés, Zidan à la contrebasse, Alan Bishop au sax alto et Chérif El-Masri à la guitare. C’est relax et contemplatif…

Turbulence's Pulse


Underground Formation


Sometimes I Think To Myself


Can't See The Sun
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 22 déc. 2023 04:08

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Thandi Ntuli With Carlos Niño – Rainbow Revisited – (2023)

Encore une nouvelle actualité International Anthem, cette fois-ci c’est un duo formé par la Sud-Africaine Thandi Ntuli qui joue du piano, des synthés, du Tongo, une variété de tambour, et qui chante également, en compagnie du discret percussionniste Carlos Niño, que nous connaissons bien.

La pièce d’ouverture, « Sunrise (In California) » ne concerne que la seule Thandi Ntuli qui chante accompagnée du seul piano. La pièce est belle, la voix fluide et un peu timide est portée par un jeu de piano très mélodique. L’impression n’est pas véritablement jazz, sinon dans quelques tournures pianistiques, c’est davantage un album de chansons qui se dévoile, petit à petit, à nos oreilles…

La seconde pièce est le morceau titre, le chant toujours, qui puise davantage aux racines, à la répétition, et se teinte de couleurs bleutées du meilleur effet, particulièrement avec ce jeu de piano presque déstructuré, ou plutôt difficile à anticiper, riche de surprises bien qu’obéissant aux lois rythmiques, une sorte de diablerie se cache par là…

La courte pièce « Breath and Synth Experiment » semble transitoire, mais elle contient du field recording et un jeu sur le rythme des respirations du duo, qui glisse vers l’expérimental, au son des vagues qui s’écrasent sur la plage, puis cède la place à « Nomayoyo (Ingoma ka Mkhulu) », une ballade qui pourrait être enfantine, avec ce je ne sais quoi d’universel, pour les grands et les petits : elle a été écrite autrefois par le grand-père de Thandi.

La face deux s’écoule de façon semblable, Thandi Ntuli ouvre la face avec une ballade au piano et Carlos Niño poursuit sa discrète démarche, dans les intervalles, les petites touches dans le lointain qui apportent un sentiment de profondeur dans le son. Il apparaît que ses interventions sont postérieures à l’enregistrement, comme un ultime ornement, une coquetterie de l’après.

« Voice And Tongo Experiment » voit Thandi se saisir de son instrument de percussion pour accompagner la voix quelques minutes… « The One » s’articule en deux parties, la voix accompagnée du piano, chante sans paroles une sorte de scat mélodique fort en émotion, une prestation live. L’album se referme sur « Lihlanzekile » pour se quitter gentiment.

Pour l’anecdote, Carlos Niño est crédité aux « plantes » (si, si...), et la pochette est créditée à Shabaka Hutchings, dont on connaît le penchant pour la musique Sud-Africaine.

Thandi Ntuli x Carlos Niño - Sunset (in California) [Official Audio]


Rainbow Revisited


Thandi Ntuli x Carlos Niño - Nomayoyo (Ingoma ka Mkhulu) [Official Audio]


Breath and Synth Experiment
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 22 déc. 2023 16:26

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Sonny Rollins – The Bridge – (1962)

La légende raconte qu'après la sortie du Giant steps de Coltrane, Sonny Rollins mit fin à la dernière touche de son album « Sonny Rollins and the Contemporary Leaders » et décida de quitter la scène du jazz ce vingt-deux octobre cinquante-neuf.

Il avait régné sur le saxophone ténor pendant tant d’années et le voici vidé, défait, subjugué même par le jeu de Trane, qui allait très loin, là où personne ne s’était encore aventuré à souffler…

Il se mit en congé du petit monde de la représentation musicale jusqu'en soixante-deux. Pendant cette période, pour ne pas gêner ses voisins, il jouait le soir sous un pont suspendu qui traversait l'East river, reliant Brooklyn à Manhattan. Il n'était pas trop éloigné de son domicile et jouait ses gammes, seul ou accompagné...

Cet épisode donna le titre de ce magnifique album où l'immense Jim Hall donne la réplique avec brio à notre saxophoniste qui fit, en outre, un beau succès commercial avec l'album de son retour !

Without a Song (Remastered)


You Do Something to Me (Remastered)


The Bridge (Remastered)


God Bless the Child
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 23 déc. 2023 04:21

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Lou Reed, Laurie Anderson, John Zorn – The Stone: Issue Three (2008)

Peut-être que certains se souviennent de l’album « The Stone : Issue One » que je vous avais présenté il y a quelques temps, on y entendait John Zorn, Dave Douglas, Bill Laswell, Rob Burger, Mike Patton et Ben Perowsky. C’était le premier d’une série de quatre, parus pour venir en aide financière et sauver le club « The Stone », lieu de rencontres musicales bien connues de l’underground New-Yorkais. Un album remarquable.

Le plus fameux des quatre c’est certainement ce volume trois, principalement par l’aura de chacun des membres de ce trio. Lou Reed à la gratte électrique, Laurie Anderson au violon et à l’électro et John Zorn au saxo. Le problème, et il reste entier, c’est de dénicher un exemplaire, car il n’y en a pas trop sur le marché de l’occasion et du coup les prix sont élevés pour un simple Cd.

Il y a une douzaine de jours quelques exemplaires sont arrivés sur discogs au même moment, je m’en suis procuré un en Allemagne et il est arrivé ce matin, je l’écoute donc avec l’appétit que l’on devine, car je le guettais depuis des mois ! L’album est bien entendu issu d’un concert donné au « Stone » et paru sur Tzadik.

Il comprend trois parties. « Part 1 » est la plus longue, vingt-deux minutes quarante, c’est Lou qui introduit la pièce, cool et bonhomme, pendant cinq bonnes minutes il s’amuse avec les pédales et joue des effets de sa guitare, il se fait rattraper par Zorn et son alto rugissant, les dés sont lancés et la pièce tourbillonne vers un free bien énervé auquel finit par se joindre Laurie Anderson plutôt dans la dernière partie de la pièce. Inutile de dire que cette première pièce est totalement réussie et plaira aux amateurs d’audaces free et aux amoureux de la musique sauvage et improvisée.

Mais nous n’en sommes qu’au début, car la seconde pièce va encore plus loin, limite noise, remonte le souvenir de certains passages de « Metal Machine Music », auquel s’ajoute un Zorn qui débraye et envoie, tout comme Laurie qui lâche les chevaux, l’intensité est bientôt à son comble, bien qu’elle ne fasse que grimper jusqu’au bout de la pièce, qui se termine, tout à coup, de façon abrupte.

La troisième et dernière partie débute avec une phase introductive assez longue, environ cinq minutes plutôt calmes, histoire de se réhabituer au silence, au bruit bas, à la musique qui se cherche… C’est Zorn, à droite, qui sonne le rappel en répétant plusieurs fois un même thème répétitif, Lou, debout à gauche, répond avec la gratte et Laurie, au centre, joue du synthé et du crin-crin. Les trois à l’unisson se lancent dans l’énorme, une montée progressive de haute teneur…

Alors que nous sommes en pleine ascension, et bien que l’on n’y croie plus, la progression s’auto-alimente en énergie et ne se déballonne pas, progressant encore et encore, c’est Laurie qui nourrit la bête jusqu’à un certain plafond où stationne quelques instant la musique... avant de s’arrêter !

Une bonne bête, cet album !

Lou Reed, Laurie Anderson, John Zorn - The Stone: Issue 3 (favorite parts)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 23 déc. 2023 15:14

Retour sur le premier volume de cette mini série du sauvetage...
Douglas a écrit :
mer. 20 sept. 2023 02:54
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Various – The Stone : Issue One (2005)

Voilà qui va continuer ce périple free et libertaire, à nouveau me semble-t-il pour le meilleur. Au menu de l’impro totale du début à la fin, sans véritable titre, voici ce que ça donne : Introduction, Interlude 1, Part One, Interlude 2, Part Two, Interlude 3, Postlude et Coda. Une grille qui donne aux musiciens une liberté maximale.

Mais avant d’aller plus loin il faut dire que cet album a été enregistré en soutien à la salle de concert, ou peut-être au club, « The Stone », de la scène downtown new-yorkaise, menacé de fermeture pour des raisons financières. Une association a été créée, « Hips Road » en vue de maintenir à flot les lieux, deux cds sont parus, puis un troisième, celui-ci est le premier, avec un tirage limité. Il était vendu trente-cinq $ avec la signature du Sieur Zorn sur la couverture.

Ce dernier joue du sax alto, Dave Douglas de la trompette, Mike Patton est au chant, Rob Burger aux claviers, Bill Laswell à la basse électrique et Ben Perowsky à la batterie. L’enregistrement s’est déroulé en studio et la musique produite est absolument exceptionnelle, quelque chose de fort, puissant, qui pousse très loin les expérimentations électriques entamées il y a très longtemps par Miles Davis, un nom qui revient constamment dans ma tête à l’écoute de ce truc passionnant et indomptable, bien que Miles n’ait jamais mis les pieds dans un bazar aussi free.

Que dire encore ? Sinon qu’une fois de plus la musique emporte, charrie et vous ballote pendant quarante-huit minutes qui passent sans qu’on y prenne garde, il y a des moments calmes, interludes et introduction, d’autres tempétueux, avec Patton qui se lâche, évoquant une certaine animalité, et Zorn qui se prend pour Ayler.

On est ébloui par la qualité des uns et des autres, de tels musiciens sont vraiment hors normes, que ce soit le grand Dave Douglas l’incendiaire, ou Bill Laswell, toujours avec cet énorme son, ou encore Zorn qui se déploie et se lance dans des montées incendiaires. Rob Burger fait le liant et balance un peu d’électro de temps en temps. Perowsky est assez rock dans sa démarche et fait sonner les tambours avec une puissance intraitable.

Encore un album majuscule. Malheureusement pas trop d'extraits trouvés...

The Stone - Issue One introduction with Mike Patton


John Zorn - Issue One - Part One
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