J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 9 juil. 2022 15:21

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Message par Douglas » dim. 10 juil. 2022 02:47

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Pharoah Sanders – Live At The East (1972)

Concernant les deux albums parus en mille neuf cent soixante – douze, seul un des deux indique une date précise d’enregistrement, « Black Unity » a été enregistré le vingt-quatre novembre mille neuf cent soixante et onze, c’est uniquement sur cet indice que j’estime « Live At The East » antérieur, les probabilités me font pencher pour cette hypothèse, mais en tout cas, rien de grave…

Mon exemplaire semble authentique, la pochette percée par deux méchants trous réguliers, « punch holes », probablement effectués avec un poinçon. On peut également trouver des pochettes avec un coin coupé ou une entaille sur le côté. En fait ce sont des marques de passage aux « invendus ». Une façon d’indiquer que ces vinyles ne pouvaient être vendus au prix du neuf, mais soldés à petits prix, j’en ai pas mal comme ça, des originaux déclassés, en provenance du bac à solde.

La formation habituelle est sacrément bouleversée et on a l’impression d’entrer dans une nouvelle ère. Pharoah est toujours au saxophone, mais il y a deux bassistes, Cecil Mcbee et Stanley Clarke, Joseph Bonner au piano et à l’harmonium, Norman Conners et William Hart à la batterie, Marvin Peterson joue de la trompette, Carlos Garnett de la flûte et donne de la voix, en même temps que Harold Vic, Lawrence Killian est à la conga et au balaphone. L’orchestre est très complet avec une rythmique d’enfer et des solistes hors pair.

On trouve trois pistes, « Lumkili » qui est la seconde est partagée en deux, la première partie sur la face A et la seconde au début de la face deux d’après les notes de pochette, mais en réalité les faces indiquent que la pièce est rétrogradée à la fin de la face deux, ce qui est plus exact, il y a également des erreurs concernant les durées. L’album s’ouvre sur « Healing Song » qui dépasse les vingt minutes, c’est une pièce agréable, plutôt « mid tempo » avec des chœurs qui interviennent de temps en temps, apportant une couleur gospel à la pièce. On n’est pas si loin de Tauhid malgré le bouleversement d’orchestre.

C’est un solo de Pharoah qui montre la voie, suivi par un duo de basses exquis, ça commence gentiment pendant la première partie puis Pharoah et l’excellent Marvin Peterson décochent un solo et tout vire free quelques secondes avant de repartir comme si de rien n’était, le final est explosif avec un Pharoah des grands jours, ces quelques notes, restant gravées à jamais pour qui les ré-écoute avec intensité.

La seconde pièce qui se situe donc au début de la face deux est bien « Memories Of J.W. Coltrane », elle prend des teintes hindoues et semble suivre les règles de la musique sacrée, comme un rite funéraire, avec des chants et des psalmodies, bien que structurée son écoute échappe aux canons habituels du jazz et penche du côté de la musique universelle, prônée par Alice Coltrane.

La dernière pièce « Lumkili » est bien jolie et se situe plus dans nos repères, Pharoah a échangé son ténor contre le soprano et se frotte aux lignes plus aiguës, nous ne sommes pas si éloignés du chant coltranien, ce duo de basses mis en place depuis le début montre son efficacité et se concentrer au même moment sur leur complémentarité est un régal. La pièce est contemplative et paisible, comme si l’hommage à Trane continuait.

Un album très plaisant et varié, ouvert aux autres musiques, très peu free, il ne perdra personne.

Pharoah Sanders - Live at the East- Healing Song Complete


Pharoah Sanders – Lumkili, "Live At The East", 1971 [HD]


Memories Of J.W. Coltrane (Live)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 11 juil. 2022 01:53

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Pharoah Sanders – Black Unity (1972)

Comme indiqué plus haut, « Black Unity » a été enregistré le vingt-quatre novembre mille neuf cent soixante et onze, aux "A&R Recording Studios" de New York. L’album ne contient qu’une seule piste fractionnée en deux parties égales qui tiennent chacune sur une face. La pièce qui porte le nom titre possède donc une durée totale de trente-sept minutes et vingt et une secondes.

On retrouve une grande partie des musiciens avec lesquels Pharoah avait enregistré l’album précédent, Hannibal Marvin Peterson à la trompette et aux percus, Carlos Garnett au ténor et à la flûte, Joe Bonner au piano, Cecil McBee et Stanley Clarke aux deux basses, Norman Connors et Billy Hart aux deux batteries, Lawrence Killian à la conga, au talking drum et au balaphone.

"Black Unity" se veut le fils spirituel de "Karma", Pharoah désire à nouveau frapper un grand coup, les musiciens rassemblés sont tous de haut niveau, la paire de bassistes et celle de batteurs, les percus, tout semble fonctionner pour cette section rythmique extraordinaire, c’est du velours pour Joe Bonner qui se trouve idéalement situé, il n’hésite d’ailleurs pas à saisir les opportunités et à se lancer dans des solis nombreux. Cecil McBee et Stanley Clark sont d’enfer, ils portent l’album et ne cessent de l’alimenter de l’énergie nécessaire, pour nourrir ce funk entêté et persistant.

Le problème, puisqu’il faut bien qu’il y en ait un, c’est la relative absence des solistes qui ne se manifestent que sur une partie de l’album. Après avoir balancé le thème avec une belle fureur, ils s’élancent à partir de la sixième minute vers une sorte de bouillonnement grandiose, d’où s’extrait Pharoah qui balance un solo puissant et rageur, de ceux dont on se rappelle, ça part très, très fort, vers une explosion monstrueuse, Marvin prend le relais avec la même furie, avant que ne revienne le jeune lion et que les cris s’unissent en un rugissement commun.

Hélas ces « fabuleux » ne reviennent qu’à la trente-quatrième et ne se signalent que fort brièvement, quasi absents de cette seconde face, pourtant très groovy. L’impression générale balance entre fascination et frustration, entre réussite et loupé, pourtant, objectivement l’album est vraiment bon, seulement, se dit-on, il aurait pu être énorme…

Black Unity - Pharoah Sanders (1972) full album
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Message par Douglas » mar. 12 juil. 2022 01:59

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Pharoah Sanders – Wisdom Through Music (1973)

Hélas ! hélas ! Il arrive le nanard, je ne sais si je suis excessif ou simplement honnête, mais il faut bien le dire, celui-ci sent le remplissage. Très court, à peine trente-deux minutes de musique souvent peu intense, l’impression, fausse mais quand même, que Pharoah a remisé son saxo, des chants, des chants à foison, mais aucun chanteur ou musicien-chanteur n’est crédité sur la pochette…

La troupe rassemblée comprend Pharoah au soprano, au ténor et à la flûte, James Branch à la flûte, Joseph Boner au piano, Cecil McBee à la basse, Norman Connors à la batterie et Lawrence Killian, James Mtume et Babadal Roy aux percussions.

Trois titres se tiennent à l’aise sur la face A, un peu plus d’un quart d’heure à eux trois, on retient tout de même le fameux « Love Is Everywhere » qui performait lors des concerts, la seconde face contient deux titres, dont « Selflesness » signé de Pharoah qui frôle à lui seul les onze minutes et qui mérite lui aussi le détour.

« Whisdom Through Music » se distingue de l’ensemble car c’est le seul titre instrumental, tourné vers l’Orient il se veut lyrique et méditatif, ces couleurs dépaysantes sont toujours bienvenues et font peut-être référence à un véritable intérêt de la part de Pharoah pour les musiques hindoues ou exotiques.

On aurait envie de sauver Cecil Mcbee et Mtume, et sans doute le méritent-ils, les solos de Pharoah également même s’ils sont peu nombreux, mais globalement, même en mettant en valeur le positif, ce n’est pas sûr que la balance penche du bon côté, ou alors il faut encore faire un effort et considérer que ces chants et ces airs de fêtes sont joyeux et entraînants, mais le doute demeure malgré tout.

Peut-être y avait-il une nécessité commerciale pour sortir rapidement cet album qui, à l’époque, a dû bien se vendre, mais il y a également un risque sérieux de décrédibiliser un musicien phare du label en multipliant ce genre d’objets. Nous verrons ce que raconte la suite…

(Si vous l'avez ne le jetez pas, car il a malgré tout son petit charme, celui des trucs qu'on finit par aimer à force d'écouter et de se demander s'il vaut le coup ou non).

Love Is Everywhere


Selflessness


Wisdom Through Music


Pharoah Sanders - "High Life"
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Message par Douglas » mer. 13 juil. 2022 02:49

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Pharoah Sanders Featuring Vocalist Sedatrius Brown – Village Of The Pharoahs (1973)

Après avoir été mis en avant lors de la quête Coltranienne, second souffle de John dans cette recherche éperdue d’une autre musique, plus libre et plus sauvage, hors des règles établies, Pharoah fit sa mue et, sans doute que, dans l’ombre d’Alice, il pencha lui aussi vers une musique plus contemplative et extatique.

Il y laissa une partie de sa force et de son engagement hors norme dans l’exercice des solos, mais, il faut bien lui accorder qu’il ne se perdit pas systématiquement dans une musique un peu mièvre ou même niaise, ce merveilleux album est un haut témoignage de cette nouvelle phase musicale, déjà esquissée, mais qui trouve avec cet album une part de noblesse et de grâce que certains ne verront sans doute pas, le regard tourné ailleurs.

La première face de l’album est consacrée à une longue suite en trois parties qui donne son titre à l’album, enregistrée à San Francisco en mille neuf cent soixante-treize. Sedatrius Brown dont le nom figure sur la pochette est chanteuse et percussionniste, on retrouve également quelques noms souvent croisés dans les formations de Pharoah, parmi lesquels Joe Bonner, Lawrence Killian, Calvin Hill à la basse, Jimmy Hopps à la batterie et les percussionnistes Kylo Kylo et Kenneth Nash, Pharoah est au soprano et sans doute chante-t-il également.

Dès l’introduction de la pièce la magie opère et ne nous lâchera plus, une impression de voyage en pays chaud, quelque part en Orient, et c’est toute une imagerie qui défile et surtout ce sentiment de « partir », d’être arraché au milieu ambiant, transporté vers un ailleurs lointain. La progression de la pièce est finement agencée, évoluant sans cesse avec de subtiles changements qui en marquent les étapes, c’est merveilleusement fait et ces odeurs d’épices qui surgissent, forcément…

Je tiens cet album pour une des meilleurs choses qui me soit arrivée en cette période, Sédatrius Brown intervient dès la seconde partie et nous retrouvons cette alchimie qui fit tant pour la musique de Pharoah, lorsque Leon Thomas était présent. Dix-sept minutes seulement, et pourtant un magnifique voyage qu’on ne se lasse pas d’écouter, car chaque son y est à sa place, dans un mouvement de changement perpétuel et tourbillonnant.

Issue des mêmes sessions, « Myth » est une courte pièce qui termine la première face à la manière hindoue. La face deux nous transporte à rebours vers l’année soixante et onze, avec le titre « Mansion World » et les sessions de « Black Unity », cette pièce ne pouvant s’intégrer sur l’album du même nom elle est bien à sa place ici, ancrée dans cette même veine lyrique et chaleureuse, on y retrouve le fameux duo de bassiste, Cecil McBee et Stanley Clarke.

Le titre suivant, « Memory Of Lee Morgan » est un hommage au trompettiste, la pièce date de soixante-douze. On y entend sans doute la forme la plus contestée de l’art de Pharoah avec des arrangements très aériens, clochettes et tout le toutim, incolore à force d’être volatile, voire légèrement insipide, bon on peut aimer, malgré tout…

La dernière pièce « When Like It Came » rattrape un peu tout ça, issue de la session du jour, elle est nerveuse et dynamique, balance et envoie, un petit coup d’énergie nécessaire avant de quitter ce superbe album sur des accents « soul » ravageurs…

Pharoah Sanders - Village of the Pharoahs (Parts 1~3, Full)


Myth


Mansion Worlds


Went Like It Came
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 13 juil. 2022 09:12

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 14 juil. 2022 02:57

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Pharoah Sanders – Elevation (1974)

Et voici venir, toujours sur Impulse, « Elevation » l’album dont on ne parle jamais, oublié bien souvent, réédité petitement, un album d’aficionados, et pourtant…

Quel album ! Il succède parfaitement à « Village Of The Pharoahs », mais n’en a pas la même accessibilité, son prédécesseur s’offre avec facilité, sans manière ni détour, « Elevation » s’élève à une sorte d’universalité du message de Pharoah, en ce sens qu’il cumule un peu ce qui a fait sa gloire et sa singularité, en évitant les pâleurs, sans rien renier, ni le free, ni la colère, d’ailleurs on comprend très vite, rien qu’à l’écoute du morceau titre.

« Elevation » dépasse les dix-huit minutes et rentre ainsi dans la catégorie des chevaux de bataille de Pharoah. L’introduction ne se démarque pas des standards qu’il a choisis, basse ronde, sautillante et répétitive, piano répétitif lui aussi, percussions à gogo, et par -dessus tout ça le magnifique ténor de Pharoah qui dessine ses lignes et nous embarque.

La pièce s’enrichit au fur et à mesure, la rythmique gonfle et pousse loin, Pharoah répond dans le cri, et tout s’emballe à la façon des plus beaux passages de « Karma », cette montée jusqu’au free est remarquable et arrache fort, la puissance rythmique est à son comble et pousse encore Pharoah dans ses limites, jusqu’à l’explosion finale, orgiaque…. Sauf qu’on est seulement à la moitié de la pièce !

Le calme revient et arrive le magnifique Calvin Hill à la basse qui se pose vers l’avant, poussé par les seules percussions de John Blue et Jimmy Hopps, accompagnés de Lawrence Killian à la conga. Pharoah a toujours su s’entourer des meilleurs et les clochettes qui bruissent ici sont tout simplement merveilleuses. Le soprano de Pharoah introduit l’excellent Joe Bonner au piano, qui use de la flûte en bois également. La sérénité s’installe désormais et marque une descente paisible et sereine.

Un assez bref hommage à McCoy Tyner, « Greeting To Saud » est rendu par Joe Bonner qui s’inscrit dans une sorte de filiation, même si la main gauche n’est pas si dominante, le lyrisme est bien là, les percus derrière ornent les accords, Calvin Hill et son tamboura ajoute un drone oriental et le morceau s’achève avec, dans le lointain, la voix de Sedatrius Brown. Fin de la première face.

L’album a connu des sessions d’enregistrement étalées sur trois jours, les sept, neuf et treize septembre de l’année soixante-treize, de quoi s’aérer et prendre l’air et même, pour ce titre « Ore-Se-Rere » sous-titré Nigerian Juju Hilife, de quoi se nourrir des folklores dansants et tourbillonnants, chanter la fête et le plaisir de vivre, pour que ne s’oublie pas la joie d’être ensemble et le partage.

« The Gathering » qui suit est par contre tout en tension, comme si le feu qui couvait devait impérativement sortir et s’exprimer, à nouveau, le free, le cri, comme une libération, une envie irrépressible de s’affirmer, de hurler. Tout cela débouche à nouveau sur le relâchement et la quiétude, comme s’il fallait passer à nouveau par les cases les plus folles, celles qui ont marqué le passé, aux côtés de John, comme une nécessaire réminiscence, mais ce sont les chants ici qui auront le dernier mot.

La dernière pièce « Spiritual Blessing » est tout simplement merveilleuse, harmonium et tamboura se conjuguent pour fournir un écrin au soprano de Pharoah qui développe une mélopée aux parfums orientaux, juste pour un « au revoir », mais ce ne sera pas le dernier « Impulse », la page n’est pas encore tout à fait tournée…

Elevation (Live)


Greeting To Saud (Brother McCoy Tyner)


The Gathering (Live)


Spiritual Blessing (Live)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 15 juil. 2022 02:15

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Pharoah Sanders – Love In Us All (1974)

Et voici venir le dernier album de Pharoah pour « Impulse », le mariage entre les deux a bien fonctionné, tant pour l’artiste que pour le label, ce dernier est cependant en mauvaise santé et sa fin est proche, malgré les heures glorieuses et les chefs d’œuvres, il y aura bien encore quelques belles pages, avec Keith Jarrett, Gato Barbieri et les rééditions du catalogue pour tenir jusqu’à la fin de cette décennie, mais l’essentiel est déjà dit et la page ne va pas tarder à se tourner…

Cet ultime album est peu bavard, très peu de renseignements sur cette très belle pochette, des photos issues de planches-contacts avec le seul Pharoah pour illustrer l’intérieur, pas de nom de musiciens, ni d’accompagnateurs, juste l’année, 1974, les titres, un par face, comme on aime avec Pharoah.

« Love is Everywhere » se pose sur la face A et « To John » pour la face B. Le premier titre est issu des sessions de l’album « Wisdom Through Music », il suffit de s’y rapporter pour retrouver le nom des musiciens. Cet album faisait figure de disque un peu pâlot, et voilà que nous découvrons qu’il ne contenait qu’un extrait de ce « Love Is Everywhere » qui, ici, dans son intégralité prend une nouvelle envergure, avec une grande force et une belle puissance, pleine d’optimisme.

Seule la partie chantée avait été présentés sur « Wisdom », le développement qui suit est une vraie réussite et redonne une nouvelle dimension à cette pièce. Il n’est que de poser l’œil sur le vinyle pour distinguer la césure entre la partie ancienne et la partie nouvelle, les teinte de gris sur la face se changent en une couleur noire et brillante pour la partie nouvelle.

Les développements instrumentaux sont joyeux et festifs, cet hymne à l’amour s’envole brillamment, grâce à Cecil McBee et surtout au joueur de piano Joe Bonner qui se pose sur le tapis des percussions de Babadal Roy, James Mtume, Lawrence Killian et Norman Connors pour développer un superbe solo qui retrouve une belle sérénité. Pharoah se greffe avec son soprano sur ces rythmes réguliers et s’inscrit dans cette quête de paix intérieure dans laquelle il inscrit le plus souvent sa musique désormais.

La seconde pièce sur la face B « To John » que l’on identifie naturellement comme étant un hommage à John Coltrane, est très différente. Les deux hommes ont beaucoup échangé ensemble et on devine aisément l’ascendance naturelle de Coltrane pour celui qu’il considère comme un prolongement de lui-même, ou plutôt de son art, musical et spirituel.

Ce poids serait trop lourd pour quiconque, et beaucoup s’autoriseront à donner leurs avis, souvent acerbes et non autorisés sur ce que deviendra l’héritage transmis à Pharoah, en oubliant que les destinataires sont, tout autant, ce qui touche à l’universel et aux générations futures.

La pièce est tendue, très, comme un retour en arrière, qui est ce trompettiste qui joue et succède à Pharoah ? Est-ce Marvin Peterson qui joua à ses côtés ? Ce qui daterait la pièce de deux années en retrait. Il est difficile de savoir, mais ce free jazz impétueux est un véritablement bouleversement ici, comme si les sixties refaisaient surface et imposaient avec force les thèmes de la recherche Coltranienne.

En fouillant un peu en arrière on se souvient de la face une de « Live In The East » avec le titre « Healing Song » et son passage free qui pourrait avoir suivi une autre route, ce qui pourrait expliquer ce mystère. Quoiqu’il en soit la page est belle et ne saurait être plus adéquate pour exprimer cet attachement sincère.

J’aime vraiment beaucoup cet album qui conclut brillamment un épisode marquant de la vie du jazz, au travers d’impulse, le label qui restera pour beaucoup aussi important que « Blue Note » dans l’histoire de notre musique.

Love Is Everywhere


To John
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 15 juil. 2022 13:59

Pour respecter l'ordre chronologique c'est ici que se glisse ce "Live In Paris" de 75!
Douglas a écrit :
dim. 9 août 2020 03:26
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Encore du frais avec cet inédit de Pharoah Sanders, pochette gatefold, carton dur et concert enregistré à Paris en 1975 au Grand Auditorium du Studio 104 de la Maison de Radio France, première édition officielle avec remastérisassions des bandes d’origine. Du bon travail côté son, donc, mais pas de mp3 fourni. Les photos de la pochette intérieure sont inédites et augmentées d’un texte documenté.

C’était un temps où Paris et la France avaient encore un rôle de tout premier plan et une influence importante sur la planète jazz, depuis, restaient surtout les multiples festivals d’été qui enchantaient le public et nourrissaient les musiciens, mais les temps changent…

Joint dans la documentation écrite ce que déclarait André Francis pour présenter les musiciens avant leur arrivée sur la scène : « Voici le quartet de Pharoah Sanders, avec Danny Mixon au piano et à l’orgue, Calvin Hill à la contrebasse et Greg Bandy à la batterie. Cette formation dans un chant d’amour œcuménique hérité de la dernière période coltranienne, mais mis en scène par Pharoah Sanders avec une emphase spectaculaire qui, lorsque l’on voit le spectacle risque de le faire ressembler à une fête de music-hall de patronage ».

Bon, André Francis a présidé de nombreuses années à la diffusion du jazz sur les ondes de Radio France, sa vision était souvent partiale et réactionnaire, il avait du mal avec le free, mais il a eu l’intelligence de ne jamais insulter l’avenir et de programmer toutes les musiques, même s’il égratignait volontiers d’un commentaire saignant ce qu’il n’aimait pas. Il a su également faire évoluer ses goûts, ce qui est bien. Il a gardé inexplicablement pendant très longtemps une dent contre Archie Shepp, ce qui peut sembler étonnant, celui-ci ayant toujours gardé des racines blues très présentes dans sa musique. Il faut comprendre qu’avant le net, le rôle des radios dans la diffusion du jazz était primordial, ce qui nous vaut ce genre d’album par ailleurs, venus de France ou même d’Italie.

Sans surprise on retrouve « Love is Here », « The Creator Has a Master Plan » et « Love is Everywhere » qui clôture de façon épique cet album qui réjouira les amateurs du Pharaon.

Un album qui complète parfaitement les albums officiels de Pharoah Sanders.

Love Is Everywhere (Live in Paris (1975))


Pharoah Sanders - The Creator Has a Masterplan


Pharoah Sanders - Farrell Tune (Live In Paris 1975)


Love Is Here 2 (Live in Paris (1975))
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 15 juil. 2022 18:11

On arrive en septembre 76 avec ce nouvel album, simplement nommé " Pharoah"
Douglas a écrit :
mer. 21 oct. 2020 07:06
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Il existe deux couvertures, l'une marron et l'autre bleue, celle du Cd est très différente.

Je saisis l’opportunité qui m’est donnée pour dire deux petits mots de cet album très particulier dans la discographie de Pharoah Sanders. J’ai déjà évoqué sa grande rareté, elle s’explique assez facilement, Pharoah était en errance de label et une opportunité lui est proposée par "India Navigation Company", un label underground basé à New York, il signe. Faute de moyens le tirage est relativement confidentiel alors que la renommée de Pharoah ne cesse de grandir, la distorsion engendrée par ce grand écart explique les prix. Les seules rééditions vinyles qui se trouvent sur le marché sont pirates, imitant tant bien que mal l’original. Il y a fort à parier que les « masters » n’ont pas été utilisés.

Par contre, comme le dit fort bien whereisbrian « Harvest Time » qui occupe à lui seul la première face est une « merveille de titre [plein de] groove et [de] spiritualité ». Il se distingue du reste de la discographie de Pharoah par une économie de moyen et une certaine sobriété. Il est accompagné par le guitariste Munoz avec lequel il joue en duo pendant l’introduction, le bassiste Steve Neil et, vers la fin du titre, par Lawrence Killian aux percussions et Bedria Sanders à l’harmonium.

Le titre est très zen, ici pas de luxuriance au niveau des percussions ni d’exubérance d’aucune sorte, cette sobriété ne signifie pas une économie d’investissement de la part de Pharoah qui joue quasiment tout du long, en laissant un peu de place aux impros de ses partenaires tout de même, sans jamais risquer le cri dont il est habituellement un grand amateur. Le bassiste Steve Neil est le grand interlocuteur de Pharoah sur cette pièce, le son de la basse est primordial ici, lancinant, répétitif, plein de calme et de sérénité. Pharoah se repose sur ce groove délicat pour dérouler un solo passionnant où même la respiration s’entend, la prise de son est délicate, quel contraste avec la face deux beaucoup plus négligée !

Après l’extraordinaire réussite de la première face, la seconde passe (un peu) à côté. La formation se modifie avec l’arrivée de Jiggs Chase à l’orgue et de Greg Bandy à la batterie qui remplacent leurs homologues. "Love Will Find A Way" est très enlevé avec Pharoah au chant et aux percussions, on retrouve le sens de la joie et de la fête qui se manifeste souvent dans sa musique, festif et joyeux donc, mais la prise de son est lointaine pour la batterie et trop imparfaite, heureusement le solo de ténor est particulièrement réussi, ce qui équilibre l’impression d’ensemble, le solo de guitare de Munoz plaira aux amateurs de Carlos Santana qui retrouveront la couleur du maître guitariste.

Le dernier titre « Memories of Edith Johnson » en souvenir probablement de l’actrice de ce nom, est le plus court, cinq minutes, c’est sans doute également le moins mémorable, il prend la forme d’un spiritual, malheureusement la prise de son n’est pas à la hauteur.

On retiendra essentiellement cette première face éblouissante.

PHAROAH SANDERS - Harvest time
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 16 juil. 2022 03:13

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Pharoah Sanders – Love Will Find A Way (1978)

Après le Live de Paris et « Pharoah » sur India Navigation, Pharoah sort ce « Love Will Find A Way » sur Arista, un album qui dispose de pas mal de moyens, une pléiade de musiciens avec section de cuivres et section de anches et même une section de cordes dirigée par Sydney Sharp, des tas de musiciens dont je ne cite pas les noms, une production ambitieuse dirigée par Norman Connors, mais je n’insiste pas trop sur la débauche de moyens, car le résultat est assez pauvre.

Cet album est le premier qui déçoit vraiment, je pense, une certaine mièvrerie commerciale s’étale sous nos oreilles étonnées, avec « Love Is Here » par exemple, et ça ne s’arrange pas avec la suite, le pharaon a vraiment perdu son lustre et son cap, ces moments sont difficiles. Une page qu’il faudra vite tourner car on souffre vraiment.

Sur le premier titre de la face deux « As You Are », la chanteuse Phylis Hyman chante une ballade assez navrante au milieu de laquelle Pharoah adresse un solo propre et net, noyé dans les cordes et la lessive qui décrasse tout. C’est dur !

Un album qui ne laisse que des interrogations, qu’est devenu Pharoah ? Survivra-t-il à ce naufrage ? Est-il déjà trop tard ? Le cachet était-il vraiment si important ? Son public va fuir, sera-t-il remplacé par un autre qui attend ?

Nous verrons bien si ce pas de côté est unique et passager, où bien un tournant décisif sans espoir de retour…

Love Will Find a Way


Love Is Here


As You Are


Pharomba
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 17 juil. 2022 02:52

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Idris Muhammad, Ray Drummond, George Coleman, Pharoah Sanders – Kabsha (1980)

Nous verrons bien si ce pas de côté est unique et passager, où bien un tournant décisif sans espoir de retour…

Justement, une occasion s’offre de rejoindre le batteur Idris Muhammad pour une participation à l’album « Kabsha » qui sortira en mille neuf cent quatre-vingts sur Theresa Records. Sur le premier titre « CGCG Blues » il partage le ténor avec George Coleman, ce dernier est l’auteur de la compo et dresse les lignes d’une pièce hard bop sympathique mais sans véritable personnalité forte.

Sur les deux titres suivants en trio, Pharoah plante sa marque avec autorité. Avec Idris, et Pharoah, c’est le bassiste Ray Drummond qui tient le dernier pôle avec sa basse. « Soulful Drum » est une reprise de Jack Mc Duff, et en quelques secondes, la magie renaît, le saxophoniste nous embarque bien, le temps d’un feulement, unique, qui exprime tant. L’effet se répète, ce timbre si personnel, celui du vieux lion qui rugit, surgit à nouveau et marque ce titre d’une patte inoubliable, comme s’il s’agissait enfin du retour.

« ST.M » de Bill Fisher est le dernier titre de la face, toujours à trois, rythmique solide sur laquelle Pharoah plante le thème et déploie l’impro, le timbre toujours à la limite du déchirement, sans dépasser la ligne, mais petit à petit on sent le sax déraper un peu, s’offrir ici ou là un glissement, le temps d’affirmer l’identité. Certes, on reste dans les limites autorisées, car Pharoah est courtois : il est ici en qualité d’invité !

« Kashba » qui ouvre la seconde face et offre son titre à l’album est dédié à la fille cadette de Muhammad. Le titre se joue sans Pharoah, mais avec le retour de George Coleman, toujours en trio. La pièce est agréable mais sans véritables aspérités, l’occasion d’admirer cet autre saxophoniste passionnant, Coleman au jeu classique, sûr et passionnant dans un cadre post bop de bon aloi.

« I Want To Talk About You » marque le retour de Pharoah, un standard de Billy Eckstine qui restera peut-être la pièce la plus mémorable de cet album, qui tient décidément bien la route, en compagnie de « Soulful Drums », même si Pharoah a tourné le dos à ses marottes anciennes. Le titre se déploie dans un certain académisme que Pharoah met à mal avec cette sonorité glissante, au bord du cri et de l’arrachement.

Oui, Pharoah est toujours là, on l’entend bien ici, le temps de quelques titres qui redonnent espoir. La dernière pièce « Little Feet » offre à George Coleman un nouveau tremplin pour son saxophone au timbre plus classique, toujours assuré et bien en place…

Idris Muhammad - Kabsha (Jazz) (1980) (Full Album)
1. GCCG Blues 0:00
2. Soulful Drums 6:13
3. St. M 10:52
4. Kabsha 17:06
5. I Want To Talk About You 25:47
6. Little Feet 31:03

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 17 juil. 2022 10:41

L'album suivant de Pharoah, un double LP, toujours en 1980 et sur Theresa Records.
Douglas a écrit :
jeu. 16 juil. 2020 05:17
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Pharoah Sanders ‎- Journey To The One (1980)

La période post Impulse de Pharoah Sanders est souvent sujette à caution, voire soupçonnée de trahison artistique. Ce procès est souvent excessif et masque une partie essentielle de l’œuvre de Pharoah, les albums enregistrés sur « Theresa Records » réservent quelques très bonnes surprises, comme ce « Journey To The One » double LP enregistré en 1980.

La pochette d’origine est en carton solide comme on aime sur les pressages US. Le contact est rassurant. Au dos on peut lire la liste des musiciens principaux, John Hicks et Joe Bonner aux claviers, Ray Drummond à la basse, Idris Muhammad à la batterie, Yoko Ito Gates au koto sur « Kazuko (Peace Child) » et Eddie Henderson au bugle. De nombreux autres participants sont également présents, mais la liste est longue et varie au fil des titres.

Certes, le free n’est présent qu’au travers de quelques rares solos qui glissent presque malgré eux vers le cri, laissant place à un post bop assez convenu, mais une certaine grâce toute coltranienne est présente et les références au quartet mythiques sont nombreuses. "After The Rain", ballade signée Coltrane est interprétée, ainsi que « Easy To Remember" de Hart et Rodgers que Coltrane a joué sur l’album « Ballads ».

On trouve également présentes des influences indiennes sur « Soledad » avec sitar et tabla et d’autres japonaises avec le koto sur « Kazuko ». Un parfait album de freak, mais pas que, même si ça peut surprendre on y trouve une ballade soul chantée, « Think About The One », en début de quatrième face, pièce très agréable, mais côté vocal elle est surpassée par l’étonnant « You've Got To Have Freedom » au début de la troisième face dont l’introduction rappelle les meilleurs souvenirs de Pharoah. Le dernier titre « Bedria », à nouveau une ballade mais cette fois-ci dans le registre habituel de Pharoah, de la paisible spiritual music. Il faut aussi ajouter « Doktor Pitt » et « Greetings To Idris » qui ouvrent l’album avec une force exceptionnelle.

C’est l’impression générale qui domine ici, loin des chevauchées au sax aux côtés de Coltrane, mais de la quiétude et de la paix, du calme et de la sérénité, un album finalement plébiscité par le public qui lui fera un très bon accueil.

Pharoah Sanders ‎- Journey To The One (1980) (Full Album)

00:00 Greetings To Idris
07:30 Doktor Pitt
19:49 Kazuko (Peace Child)
27:58 After The Rain
33:37 Soledad
38:40 You've Got To Have Freedom
45:32 Yemenja
51:13 Easy To Remember
57:46 Think About The One
01:02:06 Bedria

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 18 juil. 2022 04:09

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Pharoah Sanders ‎– Rejoice (1981)

Voici une nouvelle sortie sur « Theresa Records », petit label Californien créé en 1976, important pourtant car il a signé de grands musiciens comme Pharoah, Idris Muhammad, John Hicks, Nat Adderley, Bobby Hutcherson et d’autres encore, on s’y bouscule…

Album important pourtant puisqu’il est double, en pochette intérieure on trouve en exergue une citation qui dévoile les intentions de Pharoah : « Rejoignez-nous dans notre hommage à la paix et à la beauté - Marchez avec nous, dansez avec nous, chantez avec nous, réjouissez-vous avec nous, rejoignez-nous dans la paix et l'amour ».

Ces quelques mots sont prononcés également dès le début de « Rejoice », le morceau titre qui occupe la première face avec ses treize minutes, par la voix de Kazuko Ishida. On retrouve également quelques vieux compagnons de Pharoah, comme Joe Bonner au piano et Art Davis à la basse, mais aussi quelques anciennes gloires, comme Bobby Hutcherson au vibraphone ou Elvin Jones à la batterie.

Cette première pièce est très agréable et très maîtrisée, sans réels débordements, elle ouvre le discours en suivant les principes énoncés plus haut, musique de joie et de contemplation, mais les années quatre-vingts arrivent avec leurs lots de catastrophes en tout genre, alors Pharoah sera-t-il lui aussi le jouet de cette dérive artistique ou se tiendra-t-il, fièrement, tel un pilier au milieu du gué ?

« Highlife » qui ouvre la face suivante propose une réponse alternative, festive et innocente. Des cris et des chants strient cette compo populaire destinée à la célébration de la fête et de la bonne humeur. La suivante « Nigerian Juju Hilife » se situe dans ce même créneau de manifestation de joie collective. On y retrouve les rythmes animés par le batteur Babatunde et le joueur de conga Big Black, la basse électrique en avant et tout le monde chante le refrain, c’est un peu « La compagnie Créole » qui passe par ici, avec, à rythme régulier, le ténor qui chuinte comme pour nous rappeler : « Hé, c’est Pharoah qui est là ! »

Mais nous n’en sommes qu’à mi-parcours, le second volet s’ouvre sur un chapitre un peu différent, John Hicks est au piano et Steve Turre au trombone, quelques chœurs interviennent parfois, comme sur « Origin », avec un effet prévisible. La pièce suivante « When The light Are Low » s’inscrit plus dans le jazz et se détache ainsi de ce qui précède, avec un certain classicisme ici, une plongée dans le post bop, sans de réels risques.

Une reprise de « Moment’s Notice » arrive, un hommage à John Coltrane, chanté par George Johnson, mais bien campé dans la tradition, ça fait toujours plaisir, vraiment, notamment le solo de vibraphone, très enlevé, par Bobby Hutcherson, mais de risque, point.

La ballade « Central Park West » ouvre la dernière face avec les chœurs, la harpe, le ténor qui charme, et là on regrette la période Impulse, si belle, si créative et aventureuse, finalement… Puis arrive encore «Ntjilo Ntjilo/ Bird Song», un trio entre ténor, harpe et piano, puis « Farah », en duo ténor/piano, c’est pas mal et gentillet, sans risque pour votre santé. Et reviennent les grooves d’antan, la spiritual music sculptée au scalpel du ténor hurleur, le profondeur rythmique qui secouait…

Un album qu’on espère de transition, qui a bénéficié d'une réédition récente…

Pharoah Sanders - Rejoice


Pharoah Sanders - Highlife(Africa)


Pharoah Sanders - Moments Notice


Pharoah Sanders - Ntjilo Ntjilo/Bird Song
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 19 juil. 2022 02:37

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Pharoah Sanders ‎– Heart Is A Melody (1983)

A partir de maintenant il y a quelques trous discographiques, des officiels non présents que je n’ai pas en rayon, mais je continue sous la forme d’un survol assez continu, mais avec de possibles étapes, peut-être importantes, qui ne seront pas évoquées, sur le label Theresa notamment. On peut citer « Pharoah Sanders & Norman Connors ‎– Beyond A Dream » de 1981 sur Arista et « Live » de 1982 sur Theresa records, ce dernier serait possiblement une bonne surprise.

« Heart Is A Melody » est enregistré en live au « Keystone Korner de San Francisco » le vingt-trois janvier quatre-vingt-deux. Comme l’indique l’annonceur lors des présentations, Pharoah est au ténor, accompagné par Idris Muhammad à la batterie, William Henderson au piano et John Heard à la basse.

L’entièreté de la première face est occupée par une excellente version du titre de John Coltrane « Olé », ça dure plus de vingt et une minutes et c’est tout simplement mémorable, rien que pour cette première face vous pouvez vous procurer cet album les yeux fermés, si vous êtes amateur des œuvres du pharaon. Me revient aussitôt en mémoire cette autre version délivrée par Noah Howard ‎sur l’album « Live In Europe - Vol. 1 », plus courte mais tout aussi mémorable.

On s’attache en premier à la partie de Pharoah, c’est lui qui apporte cette majoration remarquable qui rend cette prestation unique, intense et passionnée, particulièrement par ce « « growl » qui fait ce timbre unique, jusque dans le « cri » cet espace à lui qu’il investit à chaque fois en s’adressant directement aux tripes. Il est admirablement servi par les autres membres du quartet, on pense à Idris, une star lui aussi, mais également au pianiste, William Henderson, qui fait le boulot en se référant au McCoy Tyner d’alors, vif, brillant et érudit, même s’il mise plus sur sa main droite.

Maintenant qu’il est acquis que celui-ci ne saurait échapper à l’amateur-fureteur des meilleurs Pharoah, on peut s’intéresser à la face B, même si par avance on se doute qu’il va falloir redescendre… Ça s’ouvre avec une pièce de Tadd Dameron, période bop donc, ici avec des références plutôt bluesy, « On A Misty Night » que Pharoah va arranger à sa manière, en respectant le thème et la structure, mais en l’arrachant un peu, histoire d’y laisser sa marque, William Henderson s’y étale avec aisance et longueur, l’air est plutôt romantique, alors il y va, accompagné par la basse chantante de de John Heard.

Vient ensuite « Heart Is A Melody Of Time (Hiroko's Song) », c’est plutôt bien foutu dans un registre situé entre plainte et prière, ça évoque un peu un « remake » de « The Creator Has a Masterplan », des chœurs se font entendre à l’arrière, évoquant un négro spiritual, c’est bien ce qui nous attend ici…

La dernière pièce « Goin’ to Africa (Highlife) » fait référence à la musique d’Afrique de l’Ouest, on se souvient de l’album précédent, « Rejoice » où une grande place avait été gardée pour ces musiques. On est conforté dans l’idée que la seconde face ne vaut pas la première et qu’elle se montre plus anecdotique, mais l’album penche tout de même du bon côté !

Pharoah Sanders - Olé


Pharoah Sanders - "On A Misty Night"


Pharoah Sanders - Heart Is A Melody Of Time


Pharoah Sanders Going to Africa
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 19 juil. 2022 12:01

Après "Heart Is A Melody" Pharoah Sanders va sortir deux autres albums sur Theresa Records, "Shukuru" qui sortira en 1985 et "A Prayer Before Dawn" en 1987.

Ce sera ensuite le tour d' "Africa" qui sortira en 1987 sur Timeless.

Douglas a écrit :
jeu. 3 mars 2022 05:17
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Pharoah Sanders / John Hicks / Curtis Lundy / Idris Muhammed ‎– Africa (1987)

Un petit retour vers Pharoah Sanders avec « Africa » sorti en 1987 et enregistré en studio sur le label néerlandais Timeless Records. On a tendance souvent à rayer d’un trait la période qui suit les albums « Impulse », ce qui est une erreur, même si un tri peut être opéré, en se rappelant toutefois que Pharoah n’a jamais cessé d’être un grand sur son instrument.

Ici c’est le premier titre « You’ve Got To Have Freedom » qui est absolument excellent, et c’est dû à Pharoah qui retrouve la hargne d’antan. Dix minutes hors du temps, qui nous rappellent ce que « le cri » veut dire, quand le ténor vocifère, s’élève et se rebelle en puisant les ressources du feu intérieur.

Au passage on remarque l’exubérance de John Hicks au piano qui assure et contre-assure en bétonnant sévère, la frappe puissante d’Idris Muhammed qui envoie comme un beau diable, seul le bassiste, Curtis Lundy m’est inconnu, mais il assure, évidemment.

Une reprise de Coltrane, comme Pharoah aime à en faire bien souvent, ici c’est « Naïma », on retrouve le côté apaisé de la ballade, voulu par Coltrane, mais Pharoah tord un peu le thème et y ajoute sa touche, ce qui est très bien. Pharoah reviendra plus tard sur cette pièce qu’il aime jouer.

La suite baigne dans un post bop un peu convenu, « Origin » qui regarde vers l’Amérique Latine et nous renvoie à Gato Barbieri, la reprise du standard « Speak Low » arrache bien et Pharoah s’en sort haut la main. La pièce signée du pianiste, « After The Morning », sur tempo moyen, brille particulièrement le temps du solo de Pharoah, ce qui est déjà bien.

« Africa » est la dernière pièce de l’album d’origine, elle renvoie, le temps de quelques minutes, au Pharoah des albums Impulse, genre « Village of The Pharoahs » avec les ambiances festives autour des rythmes africains. Des bonus circulent au fil des rééditions, « Heart to Heart » et surtout « Duo », les deux sont signés Pharoah, mais « Duo » se singularise car on y retrouve le fameux duo ténor/batterie qui fit tant de belles pistes depuis « Interstellar Space », une pièce magnifique, tirant vers le free, pour finir cet album en beauté !

You've Got to Have Freedom


Speak Low


Africa


Duo
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 20 juil. 2022 02:11

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Pharoah Sanders ‎– Oh Lord, Let Me Do No Wrong (1987)

Voici un album de quatre-vingt-sept sorti sur le label « Doctor Jazz », tout un programme. Ce qui catégorise immédiatement cet album c’est sa diversité, avec son corolaire, un manque de ligne directrice et d’unité. Pourtant le mal n’est pas bien grand, car ce truc hybride cache quelques trésors, on peut d’ailleurs signaler qu’il a fait les belles heures de « Radio Nova », il y a un bon paquet d’années.

Déjà ça commence de façon tout à fait inattendue par un reggae dès le morceau-titre, oui, oui, et c’est plutôt pas mal, car l’album marque également le retour de Leon Thomas qui chante ici et sur deux autres titres également, situés sur l’autre face. Tarik Shah fait chalouper sa basse et, si nous sommes bien loin des territoires anciens, il ne faut pas négliger ce genre de surprise tout à fait louable, d’autant que Pharoah déchire gentiment, mais ce n’est que le début.

En effet le titre suivant est à nouveau excellent, « Equinox » signé de John Coltrane, dans lequel Pharoah met ses pas, à la suite du géant. L’original se trouvait sur « Coltrane's Sound » et datait de mille neuf cent soixante, lors de la période Atlantique. Pharoah s’empare du titre sans trop le bousculer, il y conserve une certaine quiétude, mais en gardant néanmoins son style propre et en modernisant la pièce en frayant avec le cri, de temps en temps. C’est Donald Smith et son piano électrique qui se décale le plus avec ses accents bluesy.

Pour clore la face voici un standard « Polka Dots And Moonbeams », une ballade langoureuse le temps de faire quelques pas à deux, ou même de tourner un peu, la pièce n’ajoute pas grand-chose mais se laisse écouter sans déplaisir ni fracas d’aucune sorte, on goûtera le piano exquis de William S.Henderson III qui apporte avec lui son joli toucher.

La seconde face s’ouvre sur une pièce de Leon Thomas, « If It Wasn't For A Woman » où il chante le blues avec une belle conviction, ce genre nouveau confirme décidément qu’ici rien ne se passe comme on pourrait s’y attendre, et que l’éventail des genres est la caractéristique principale de cet album très bigarré. Pourtant le niveau ne faiblit pas et l’ensemble se tient dans le haut du pavé.

« Clear Out Of This World » marque un retour vers le répertoire de John Coltrane de mille neuf cent soixante-deux sur l’album « Coltrane », cette version frôle les quatorze minutes, rivalisant en durée avec celle de Coltrane. Il va de soi que Pharoah possède le bagage et la personnalité pour interpréter la musique de Trane avec toute la considération qu’elle mérite, on notera cependant qu’il puise dans les années les plus « classiques » du « quartet de rêve », sans se risquer dans les territoires qu’il avait autrefois parcourus aux côtés de John, comme s’il craignait de réveiller les fantômes, les cris et les angoisses des années de souffrance.

« Next Time You See Me » sera la dernière pièce de cet album de bonne tenue, c’est à nouveau un blues chanté par Leon Thomas que les amateurs anciens auront plaisir à retrouver. On sent bien qu’ici on saute du coq à l’âne, mais sans jamais tomber de Charybde en Scylla, ce qui est l’essentiel car le plaisir de l’écoute est sans cesse maintenu.

Oh lord, let me do no wrong - Pharoah Sanders


Pharoah Sanders - Equinox


Pharoah Sanders - Clear Out of This World 1/2


Pharoah Sanders - Polka Dots and Moonbeams
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 20 juil. 2022 05:59

Je repositionne "Moon Child" pour l'insérer dans l'ordre chronologique, il suit deux autres albums, de 1987 et 1988:

- Benny Golson / Pharoah Sanders / Cedar Walton / Ron Carter / Jack DeJohnette - This Is For You, John (1987)
- McCoy Tyner / Pharoah Sanders / David Murray / Cecil McBee / Roy Haynes - A Tribute To John Coltrane / Blues For Coltrane (1988)
Douglas a écrit :
mer. 29 juin 2022 09:24
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Pharoah Sanders- Moon Child (1990)

Voici une nouvelle aventure de Pharoah, enregistré à Paris les douze et treize octobre mille neuf cent quatre-vingt-neuf aux Studios Davout pour le label batave « Timeless Records ». Sans doute cet album ne constitue-t-il pas un poids lourd de la discographie de Pharoah mais regardons ça de plus près.

Le saxophoniste joue du ténor et même du soprano, et plus encore il chante sur la première pièce, « Moon Child », sans être crédité sur l’album, c’est également le seul titre de sa composition ici, une ballade sans véritable relief mais qui passe bien, gentillet mais pas mémorable. On se souvient de l’album « Welcome To Love » dont nous avons déjà parlé, enregistré sur le même label, à la suite de celui-ci pour quelques mois.

On retrouve également cette dominante dans le genre ballade, comme « Moon Rays» d’Horace Silver qui suit dans l’ordre des pistes. C’est sans doute la troisième pièce la plus intéressante et la plus dynamique, avec un Pharoah qui gronde un peu, allant chercher les sons anciens au fond de sa mémoire et ressuscitant le souvenir de la raucité antérieure. « The Night Has A Thousand Eyes » est aussi la pièce la plus longue, dépassant les douze minutes. Pour autant elle ne tranche pas avec les autres titres, restant tout de même assez mesurée, bien que plaisante.

Pharoah s’est bien entouré de musiciens confirmés dont le plus connu sera le percussionniste Cheick Tidiane Fall qui fera une belle carrière, mais les autres sont également bons, William Henderson au piano, Stefford James à la basse et Eddy Moore à la batterie. Le son de l’album est également parfait, mettant en valeur chacun des musiciens.

Deux standards suivent, « All Or Nothing At All » et « Soon » qui s’inscrivent dans ce post bop un peu convenu sans bouleverser, même si le timbre du saxophone reste aisément reconnaissable et appuie sur les mécanismes du cerveau qui envoie le bon feeling, tout cela est bien sage et ne saurait se comparer à la fureur juvénile ou même à la transe qui présidait aux concerts anciens.

On attendait avec appétence la dernière pièce, « Moniebah » signée d’Abdullah Ibrahim ou Dollar Brand, est-il spécifié sur le livret, bon, l’espoir est un peu déçu, c’est bien fait, mais dans les pas de l’auteur, sans véritable prise de risque, ça ne décollera pas…

L’album est donc agréable, mais très en deçà des espérances, forcément, a-t-on envie de rajouter aussitôt.

The Night Has a Thousand Eyes


Moon Child


Moon Rays


Moniebah
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 20 juil. 2022 10:31

On en arrive en 1991, avec une participation notable à un grand album, celui de Sonny Sharrock qui m'a été signalé par quelques-uns ici:
Douglas a écrit :
mer. 6 avr. 2022 10:07
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Sonny Sharrock – Ask The Ages (1991)

Un album que j’écoute en pensant à Homeward et à nunu qui ont attiré mon attention sur cet enregistrement de Sonny Sharrock qui m’était encore inconnu. J’ai écouté pas mal de ses albums et vous en ai fait part pour une partie, mais celui-ci était passé à l’as, négligé, son importance avait échappé à ma vigilance. Il n’y a pas de réédition récente et l’objet est un peu cher pour un simple Cd, mais j’ai bien senti l’importance de ces recommandations, et le voici qui se déverse entre mes oreilles…

Du coup j’étais averti de cet accompagnement hors-norme, Pharoah Sanders au ténor et au soprano, Elvin Jones à la batterie et Charnett Moffett à la basse. Par le passé Sonny Sharrock a participé à deux albums de Pharoah Sanders, « Tauhid » et « Izipho Zam (My Gifts) » tous les deux enregistrés en 1969. Rien d’étonnant finalement à ce que Pharoah acquiesce à la demande du producteur Bill Laswell et accepte de participer à ce nouvel opus du guitariste free.

Ce dernier compose également, il est l’auteur de tous les titres. Sans doute toutes les compos ne se valent pas, mais c’est plus parce que certaines montent très haut que par insuffisance. Il y a de véritables totems ici, qui semblent en effet incontournables.

Dès l’ouverture on est saisi par « Promises Kept » de près de dix minutes, qui nous rassure sur la forme de Pharoah Sanders, on sait que sa production phonographique est un peu en dent de scie, au cours de ces années quatre-vingts, et bien, l’énergie et la puissance peu commune de Pharoah sont au rendez-vous, il retrouve l’énergie et son fameux « cri » devenu sa marque et sa signature.

Sonny Sharrock est lui aussi au rendez-vous de l’énergie dévorante, il se hisse à la hauteur du saxophoniste pour lui répondre et le soutenir avec la même puissance. L’autre pièce titanesque, peut-être encore plus remarquable, est « Many Mansions » d’inspiration coltranienne, Elvin et Pharoah ont dû penser à John en enregistrant ce titre d’anthologie, on y retrouve ce souffle spirituel qui fit tant dans l’épopée du géant.

Les autres pièces, sans atteindre les mêmes sommets sont cependant intéressantes, « Who Does She Hope To Be ? » est une chouette ballade avec un motif mélodique récurent assez habile, qui ne lasse pas, « Little Rock » se frotte au blues, il est notable qu’on y entend Elvin Jones jouer en soliste la plus grande partie du temps, offrant du grain à moudre à Sonny Sharrock qui s'envole...

« As We Used To Sing » est un terrain de jeu pour Sonny Sharrock qui développe ses conceptions de free-guitare lors de l’entame et même un peu plus, après un très beau solo de saxo. « Once Upon A Time » termine l’album de belle façon, un peu comme pour un hymne, avec des notes joyeuses et optimistes.

Certainement, comme il a été dit, un des meilleurs albums de cette année-là !

Promises kept


Many Mansions


Sonny Sharrock, Who Does She Hope to Be?, from Ask the Ages, Recorded 1991


Little Rock
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 20 juil. 2022 13:00

Toujours en 91, "Welcome To Love", un chouette album autour des ballades, pour les amateurs du genre...
Douglas a écrit :
ven. 20 mai 2022 03:27
Image

Pharoah Sanders – Welcome To Love (1991)

Pour situer clairement l’album il suffit de lire le sous-titre de la pochette : « Pharoah Sanders Plays Beautiful Ballads ». En effet nous voici confrontés à soixante-dix minutes de ballades qui s’enchaînent. A sa façon, Pharoah s’inscrit pieusement dans les pas de John Coltrane, qui avait sorti, en mille neuf cent soixante-trois, le fameux « Ballads », sur Impulse, avec son célèbre quartet.

Je dois reconnaître, qu’avec « John Coltrane And Johnny Hartman », ce sont les deux albums que j’ai le moins écoutés de sa période des années soixante. Il est également intéressant de constater que Pharoah ouvre avec « You Don’t Know What Love Is » qui figure également sur le « Ballads » de son illustre prédécesseur, une façon de mettre son pas dans celui du géant.

On se souvient également d’Archie Shepp, grand interprète des standards qui a également sorti, en soixante-dix-sept, un album dans cette veine, « Ballads For Trane », ainsi que « Black Ballads » en quatre-vingt-douze, mais pour tout dire, les ballades débordent dans son répertoire, il faut dire qu’il les interprète comme personne, avec un cœur « gros comme ça ».

Remarquons cependant qu’en ce qui concerne Pharoah, c’est un peu à contre-emploi, disons qu’on ne l’attend pas sur ce créneau, lui tant aimé quand il bouge et vocifère, grand dévoreur d’énergie, de grelots et de clochettes, de percus, de chants tribaux et de danses occultes. Mais il y a une heure pour tout, même pour ce qui se tient dans le registre du sentimental, ma foi, profitons !

Avec ce répertoire ancien et ces classiques souvent nés à Broadway, dans des comédies musicales à l’eau de rose, Pharoah se souvient de ses débuts de saxophoniste, lors de sa formation. Il y a plein de nostalgie ici, ainsi que de bons sentiments qui débordent, les interprétations sont vraiment parfaites, avec une réelle ferveur, sans le moindre recul, ni de pas de côté. Et c’est très bien ainsi.

L’enregistrement s’est déroulé au Studio Gimmick, à Yerres, en France, pendant trois jours, au milieu du mois de juillet mille neuf cent quatre-vingt-dix. Pharoah joue du ténor mais aussi du soprano, il est accompagné par William Henderson au piano, Stafford James à la basse et Eccleston W. Wainwright à la batterie.

Il est à noter que selon les éditions les pièces sont différentes, ainsi, sur celle que j’écoute, chez Timeless Records, « Moonlight In Vermont » ne figure pas, mais il y a « Soul Eyes » de Mal Waldron, « Lament » et « The Bird Song » de Pharoah, en solo pendant près de sept minutes, un plaisir rare et précieux.

You Don't Know What Love Is


Pharoah Sanders - My One and Only Love


Soul Eyes


Lament
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