J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 11 sept. 2023 05:28

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Charles Gayle Trio – Consider The Lilies... (2006)

Poursuivons cette plongée dans la musique de Charles Gayle, à nouveau sur le label portugais « Clean Feed », succédant à « Shout ! » paru l’année précédente. Le trio donc, un équilibre qu’il aime, il joue ici du saxophone alto et également du piano sur « Sanctify ». Il est entouré par Hilliard Greene à la contrebasse et Jay Rosen à la batterie.

L’album est inhabituellement court pour Charles Gayle qui se montre extrêmement généreux habituellement, ici il ne dépasse pas les quarante-deux minutes, ce qui est une durée habituelle pour un Cd mais carrément court pour lui. Pour autant, on le sait, la musique ne se mesure pas en kilogramme, et ici la performance est tout à fait excellente.

L’album a été enregistré le quinze juin deux mille cinq au « Vision Festival » de New York, un lieu de rendez-vous du free et des musiques libres. L’alto lui va bien, il gagne dans les aigus et s’y montre très véloce quand c’est nécessaire, mais ce n’est pas son instrument de prédilection, le ténor lui offre une puissance et un volume supérieur, peut-être nous tourneboule-t-il davantage, bien qu’ici ça déchire de temps en temps, comme sur « Sanctify » ou il se répand avec tristesse.

Bien que six titres soient annoncés, il semble que les trois derniers forment un tout congloméré, comme s’il s’agissait d’une sorte de medley. Quatre sont donc signalés par des séparations, « Jesus… Amen », « Of Ages » et « Giving », ou bien alors il n’y a que quatre titres, ce qui semble être l’hypothèse la plus crédible d'après ce qu'on entend, « Of Ages » et « Giving » ayant mystérieusement disparu au stade de la conception ou de la fabrication.

On trouve ici ce qui fait le charme tout particulier de Charles Gayle, une certaine rusticité free, qui semble ancrée dans un autre temps : les années soixante qui virent ce genre connaître son apogée. Comme toujours il touche et subjugue, viscéral, il parle à votre sensibilité, très directement, ce « tutoiement » est amical et sincère, on le ressent avec une grande chaleur. Comme sur ce « « Jesus… Amen » qui conclut l’album de bonne façon.
02. Edge of Time.mp3
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04. Jesus... Amen.mp3
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 11 sept. 2023 12:38

Voici "Homeless", l'un des enregistrements historiques de Silkheart Records.
Douglas a écrit :
mer. 2 juin 2021 12:50
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Charles Gayle Trio - Homeless

Il ne saurait être question de parcourir le free-jazz sans marquer une étape à la station de métro Charles Gayle. Celui-ci les a parcourues les lignes de l’underground et sans doute y a-t-il dormi aussi, quêtant pour subvenir aux besoins essentiels.

Né en 1939 dans une famille très pieuse il a pas mal ramé, il aime le free et joue free, quoiqu’il arrive, c’est son truc, il ne lâchera rien, les concessions c’est pour les autres ! Le succès, ou plutôt une certaine reconnaissance arrive sur le tard, à peu près dans les années quatre-vingt-cinq/quatre-vingt-dix, en même temps que David S.Ware ou Frank Lowe ou encore Arthur Doyle.

Rien de mirifique, mais il a pu enregistrer sur le label suédois « Silkheart » deux totems, « Spirits Before » et celui-ci « Homeless », le titre est à prendre au sens propre.

Je vous ai déjà parlé deux fois de Charles Gayle, en page dix pour l’album « Look Up » et j’avais écrit ça : « Ce qui est plus ennuyeux chez Charles c’est qu’il émet des déclarations contre l’avortement et l’homosexualité (in the Name of the Father), c’est parfois désarmant de penser que l’amour de Dieu s’accommode de la souffrance et de l’exclusion… »

Bon, il faut considérer que ses opinions sont dictées par une éducation stricte dans la religion et, comme il ne renonce à rien, les croyances perdurent et s’ancrent solidement. Il lui viendra même à l’idée de faire boxeur à un moment de sa vie. L’autre album c’est « Touching on Trane » avec William Parker et Rashied Ali, page 15. Une petite merveille.

Tout ceci n’empêche pas le musicien d’être considérable et tout à fait exceptionnel, une pierre brute, un musicien doué d’une grande foi en son art, à la façon de l’Albert Ayler des premiers albums. Humilité, foi et sincérité le caractérisent, lui et sa musique, parfaitement bien. Entouré par Sirone à la basse et Dave Pleasant à la batterie, malgré que le free jazz ne soit plus trop dans l’air du temps, il se donne en entier dans son expression musicale, ne chasse pas le cri s’il semble nécessaire, la plainte si elle s’impose, l’emphase si elle lui va, et la terreur ou la violence si leurs expressions sont exigées.

C’est un mystique, un messager qui, tel un prêcheur, s’en va délivrer sa propre vérité, par l’expression du jazz, libre enfin et pour toujours !

La réédition Cd est augmentée de deux pistes, soit un peu plus de dix-huit minutes pour ce choix FJMt°.

Then Creations


Homeless


Lift Every Voice


Your Design
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 12 sept. 2023 03:08

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Charles Gayle Trio – Live At Glenn Miller Café (2006)

Charles Gayle en tournée européenne fait une date au « Glenn Miller Café » de Stockholm, le douze février deux mille six. Il joue de son sax alto, le blanc celui qui figure sur une photo de l’album « Consider The Lilies... », sorti cette même année.

Un trio comme souvent, avec Gerald Benson à la contrebasse et le fidèle Michael Wimberly à la batterie. Une heure et cinq minutes de bonne zique, avec pour ouvrir le set, le « Cherokee » qu’aimait jouer Charlie Parker et d’autres boppers, c’est carrément géant, ne dites jamais que le free chez Charles cache des maladresses techniques, il suffit de se brancher sur cette pièce pour se convaincre du contraire.

C’est très chaud, très véloce, dans l’esprit bop très certainement mais ça va beaucoup plus loin encore, Charles envoie la sauce et nous voilà au beau milieu d’un tourbillon sonore ébouriffant, Gerald Benson, en même temps qu’il joue de la basse se met à vocaliser et Wimberly pousse à fond à l’arrière, martyrisant les caisses et les fûts.

On reste dans les standards avec « Softly As In A Morning Sunrise » que jouait autrefois Sonny Rollins. On reconnaît bien le thème dans l’improvisation de Charles Gaye, ou même dans celle de Gerald Benson lors de son solo de contrebasse. On est vraiment embarqué dans ces impros néo-bop qui virent free à grands coups de glissades. C’est vraiment une merveille d’album !

Dans mon classement pour le rangement, j’ai réuni les albums d’Ayler Records au même endroit, en les classant par numéro, du coup il y avait longtemps que je n’avais pas réécouté ces faces, et elles me semblent phénoménales. Deux pièces signées Charles à suivre, « Chasing » et « Praising The Lord » qui s’enchaînent, la seconde semblant un spiritual accompagné par les vibrations de l’archet sur les cordes de la contrebasse, et par les voix qui chantent et clament…

Puis un autre grand moment, la reprise de « Giant Steps » de Coltrane. Sans aucun doute un tel répertoire met la musique de Charles Gayle à la portée du plus grand nombre. Il s’amuse avec le thème et le joue par bribes avant d’accélérer encore, autour d’assises solides proposées par la rythmique.

« What’s New » qui suit ne fait pas mentir la vocation de cet album qui semble vraiment vouloir tourner autour de l’interprétation de standards, en même temps que du plaisir de jouer, il est manifeste ici, au Glenn Miller Café. On entend en effet les cris des musiciens qui se lâchent, chantent même et se manifestent joyeusement.

Cette interprétation de « What’s New » sur le mode de la ballade, titre lent magnifique, fait partie des belles surprises de cet album. Deux titres s’enchaînent ensuite, « Holy Redemption » signé Charles Gayle et, dans la foulée, une sublime version du fameux « Ghosts » d’Albert Ayler.

Un album réjouissant.

Charles Gayle Trio - Live at Glenn Miller Café. (cliquer sur "lire sur youtube", c'est court mais ce document amateur, de la part du patron du label, nous plonge dans l'ambiance, ce soir-là)
Rrecorded by Jan Ström for Ayler Records, aylCD-015.
February 12, 2006.


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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 12 sept. 2023 11:31

Superbe album celui-ci !
Douglas a écrit :
mar. 2 nov. 2021 03:28
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Ils sont rares à mettre les tripes sur la table comme ça, on pense à Ayler, à Coltrane, à Pharoah pendant ses jeunes années. Peut-être faut-il avoir trop souffert, ou bien avoir la foi débordante d’un fou de Dieu, je ne sais que dire mais Charles Gayle est de ceux-là. J’avais cité cet album lorsque j’avais évoqué « Homeless », sélectionné par FJMt°, pour ce qui me concerne « Spirits Before » qui le précède dans l’ordre des sorties, est plus fort encore, plus prenant, plus viscérale.

Peut-être suis-je tout seul sur ce coup-là, car cet album n’est encensé nulle part, enfin pas à ma connaissance, mais il m’apparaît grandiose, par la fêlure qu’il révèle et la déchirure qu’il contient. D’une sincérité folle, avec des accents provenant du tréfonds, le timbre comme une blessure.

La vie a été rude pour Charles Gayle, il semblait se moquer de l’aspect matériel des choses quand il jouait aux coins des rues ou sur les quais du métro, alors qu’il était sans domicile, c’est sans doute là qu’il a appris à faire sortir le cri de l’intérieur, ça a duré vingt ans avant que n’arrive sa musique dans les bacs, produite par Silkheart, un label suédois.

Ça s’est passé en 1988 et trois enregistrements sont parus qui ont changé son destin. Ici il joue en trio avec Sirone à la basse et Dave Pleasant à la batterie, comme sur « Homeless », Gayle n’a aucun mal à embarquer les deux autres dans son trip, ils sonnent comme un, ensemble, unis, dans la même direction. La passion et même parfois la souffrance, la plainte ou même la rage peuvent s’entendre ici, il suffit de se brancher sur le canal de son sax et d’en épouser le flux, de le faire sien, pour mieux ressentir.

Charles Gayle ne plaisante pas avec la religion, la foi le porte, le pousse et le motive, ainsi il semble parfois excessif comme le sont souvent les hommes entiers, son chemin ne semble pas rencontrer le doute, après tout c’est peut-être la foi qui l’a sauvé ? Albert Ayler n’était-il pas taillé dans le même bois ?

La version Cd comprend deux titres supplémentaires, « Black Oil » et « Sometimes » et atteint soixante-sept minutes. Ces deux titres sont tout aussi exceptionnels que le reste de l’album.

Eternal Now


Spirits Before


Give


Heart's Nectar
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 13 sept. 2023 04:48

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Charles Gayle Trio – Streets (2012)

Charles Gayle se souvient… « Streets » c’est plus qu’un mot pour lui, toute une partie de sa vie, forcément ça forge l’homme, même s’il n’est pas faible, ni même souple, bien au contraire, c’est sa ténacité qui l’a maintenu debout et droit, fidèle aux principes qui l’ont forgé, y compris dans l’adversité et la précarité. Il restera fidèle, contre vents et marées, à cette petite lumière qu’il a allumée, tout au fond de son cœur…

Lors de sa seconde vie, ou peut-être est-ce la troisième, mais qu’importe, lorsqu’il montait sur scène il aimait se déguiser en clown, non pas pour faire rire les enfants, car son clown était triste, avec des larmes dessinées sous les yeux. C’est ainsi grimé qu’il délivrait son jazz rugueux, brut et enraciné. On le voit également sur la pochette de « Look Up » revêtir ce costume de scène, tragique : C’est sûr, il se souvient…

Il est âgé de soixante-douze ans lorsqu’il rentre dans les studios de « Seizures Palace Recordings », il repense à sa vie et se souvient, forcément. Le costume, pour la pochette, et faire revivre son autre lui-même. Il est accompagné par Larry Roland à la contrebasse et Michael Ta Thompson à la batterie, les voici en trio comme très souvent. C’est du pur Charles Gayle, avec ce côté rustique, parfois même un peu austère, il n’y a rien de léger ici, pas le moindre manque de tenue.

Même si on perçoit de la tendresse, si on ressent comme une chaleur, il y a également de la douleur et de la peine. Un mélange des contraires qui pourrait engendrer une certaine complexité, pourtant il n’en est rien car la musique de Gayle se livre toute nue, sous le fard on voit la tristesse, mais aussi la bienveillance et la simplicité, même si parfois la musique se veut déchirante, comme sur « Tribulations » qui ferme l’album.

Toutes les pièces sont belles, elles font vibrer le flambeau du free authentique sans jamais lasser, s’il fallait choisir, on pourrait extraire le morceau titre, car il est sublime, mais chacun possède quelque chose d’unique, ces étincelles d’énergie brute qui jaillissent continuellement et assurent à cette musique des parcelles d’éternité.

Streets


Tribulations


March of April


Compassion II
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 13 sept. 2023 12:11

Le premier sur Silkheart Records, il annonce la résurrection !
Douglas a écrit :
lun. 22 nov. 2021 06:36
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Voici « Always Born » un album sorti en 1988 en Cd et l’année suivante en vinyle sur le label suédois Silkheart Records. Il est signé par le « Charles Gayle Quartet » et a été enregistré les dix et onze avril 1988, le numéro de catalogue est le « 115 ». Il sera suivi par les deux albums en trio enregistrés les treize et quatorze avril 1988, « Homeless » le numéro « 116 » et Spirit Before le «117 ». Charles est au ténor, partageant les solos avec John Tchicai au saxophone soprano, Sirone est à la basse et Reggie Nicholson à la batterie.

Sur cet enregistrement Charles Gayle s’inscrit avant tout comme un fils spirituel d’Albert Ayler, pas comme un suiveur, ni même comme un disciple, mais il a été très certainement marqué par la force spirituelle d’Albert Ayler, on retrouve en effet dans son jeu cette puissance hyper expressive qui se manifestait dans celui de son aîné.

Ce son énorme et généreux, au bord de l’outrance ou de l’explosivité, ou bien encore ces feulements plaintifs et déchirés, comme si le timbre de son instrument semblait soumis à la torture, sans doute une façon de jouer avec l’embouchure de l’instrument en même temps que d’appuyer sur les pistons. C’est donc sans surprise qu’il s’inscrit dans un registre très lyrique et expressif, tout en improvisant avec une science consommée, dévoilant la blessure.

John Tchicai a connu Albert Ayler, il a joué sur « New York Eye and Ear Control » en 1964 en compagnie du saxophoniste au cœur pur. Il fait l’effort ici de se rapprocher de la hargne de son partenaire et s’avère un duettiste très complémentaire, c’est l’un des attraits indiscutables de cet album, Charles s’avérant lui aussi un alter égo respectueux.

Pourtant celui qui éblouit dans son jeu c’est Sirone, il tient entre ses doigts une grande part de la réussite de l’album, il maintient l’édifice et lui donne des tons qui réchauffent, et l’oreille le suit bien souvent pour ne pas se perdre dans les méandres. Il faut également saluer Reggie Nicholson à la batterie, très énergique et généreux, résolument free, également.

La session suivante en trio sera encore plus émouvante, mais ce qui se passe ici relève déjà de grands moments de l’histoire du free jazz.

Always Born


Needs


Solid Clouds


Then Offer All
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 14 sept. 2023 02:14

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Charles Gayle, Dominic Duval, Arkadijus Gotesmanas – Our Souls: Live In Vilnius (2009)

Voici un album de NoBusiness Records, le petit label Lithuanien qui semble actuellement en train de clapoter. Les nouvelles sorties sont désormais à l’arrêt et le label vend ses bijoux de famille, triste. En deux mille neuf il faisait paraître en vinyle, série limitée et numérotée jusqu’à cinq cents, ce magnifique opus de Charles Gayle.

C’est une captation en live, le vingt juin deux mille neuf à Vilnius, d’un concert au « Piano.LT » diffusé je ne sais trop comment. Les compos sont à créditer au trio, ce qui laisse à penser qu’il était improvisé et d’une durée plutôt courte puisqu’il tient sur un seul vinyle qui dure un peu plus de quarante-cinq minutes.

Il est dédié à Rashied Ali, un musicien avec qui Charles Gayle a travaillé. Le contrebassiste ici est de grande qualité puisqu’il s’agit de Dominic Duval et le batteur est Arkadijus Gotesmanas, originaire de Lithuanie, c’est lui qui, semble-t-il, est à l’origine de l’arrivée de Charles Gayle en ces terres lointaines. Ce dernier joue du piano et du saxophone alto.

Cet album semble l’un des plus accessibles de Charles Gayle, peut-être que l’arrivée sous ces latitudes possède un effet bénéfique sur le vieux jazzman, il semble très apaisé. Le morceau d’ouverture « Hearts Cry » est le plus long, près de dix-sept minutes, Charles alterne entre piano et saxophone et joue avec une belle sérénité.

C’est bien lui qui, à l’avant, assure l’essentiel, il capte l’attention grâce à son aura personnelle, mais petit à petit tout ça s’équilibre et les duettistes à l’arrière montrent de quoi ils sont capables, les deux sont d’excellents musiciens très à l’aise et nullement impressionnés. La complicité entre les trois se fait rapidement.

Seule « Our Souls » qui clôt l’album est véritablement free, bien que l’on entende l’ombre d’Ayler ici ou là et que la déstructuration guette parfois, il y a bien également quelques coups de boutoir de-ci de-là, qui secouent de temps en temps, mais globalement tout tient et file bien.

Dispo uniquement en version vinyle ou dématérialisée.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 14 sept. 2023 12:53

Un autre album et un trio de stars !
Douglas a écrit :
dim. 19 févr. 2023 05:43
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Charles Gayle With Sunny Murray & William Parker – Kingdom Come (1994)

Ecouter un album de Charles Gaye est toujours passionnant, il est tout d’abord apparu sur la scène du jazz tel une comète, à la fin des années soixante, subjuguant ses auditoires, puis a disparu complètement, sans laisser de trace. Il est ensuite revenu dont ne sait quel enfer, ressuscité, au début des années quatre-vingt-dix, le monde musical avait changé, mais lui pas trop, c’est pour ça qu’il est unique et qu’on l’aime.

Deux autres légendes à son côté, Sunny Murray qui a réinventé l’approche de la batterie pour en faire un instrument free, libre, particulièrement en mettant à l’avant le jeu des cymbales, et puis William Parker à la contrebasse, musicien majeur qui multiplie les enregistrements, les partenaires, toujours au service du meilleur de la musique jazz.

Une particularité ici, les sessions sont multiples, studio ou live, et Charles Gayle joue parfois en solo, au piano. Ça peut surprendre, mais il joue pas mal le bougre, plutôt dans le style de Cecil Taylor, c’est souvent très free, puissant. Je l’ai vu en live à la télé lors d’un concert où il n’a joué que du piano et c’était vraiment bien, à ma grande surprise d’ailleurs, je ne lui connaissais pas cette corde-là ! Il joue deux pièces en solo, « Seven Days » qui ouvre l’album et « Redeemed », la cinquième piste. Il interprète également une pièce en trio « Beset Souls » avec ses deux compères du moment.

Au registre des curiosités il utilise également la clarinette basse sur « Yokes », la dernière pièce de l’album. Pour le reste il se consacre au ténor, c’est là qu’on le connaît le mieux et qu’il déchire comme on aime, en bon fils d’Ayler et de Coltrane. La seconde pièce de l’album, en live également, « Lord Lord », d’une durée de vingt et une minute dix-sept est tout simplement phénoménale, avec un William Parker qui distille également un superbe solo.

Les autres pièces sont en studio, mais on se croirait en live, c’est enregistré à la "Knitting Factory" et le son est très convenable. « His Crowning Grace » est majestueux, puissant, éraillé et viscéral, un autre sommet ici, tout comme « Anthem To Eternity » qui ressuscite les fantômes d’Albert Ayler avec un aplomb incroyable.

« Yokes », signé Sunny Murray, est également joué en live, à la « Knit », et c’est une nouvelle leçon d’engagement qui est offerte, au service de la musique, des feux qu’elle fait jaillir et qui naissent au fond des tripes, avant de remonter puissamment, en un cri salutaire et libérateur, ou angoissé et alarmiste, mélange de foi et de rage contenue…

Lord Lord


His Crowning Grace


Yokes


Beset Souls
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 15 sept. 2023 02:59

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By Any Means – Live At Crescendo (2008)

« By Any Means » c’est le nom de la formation composée de Rashied Ali à la batterie, Charles Gayle au saxophone alto et William Parker à la contrebasse, soit le trio historique qui enregistra « Touchin' on Trane » en quatre-vingt-douze. Par chance, Jan Ström, fondateur du label Ayler Records récolta les bandes de cet enregistrement et les publia peu avant que Stephane Berland ne récupère la gestion du label.

Ça s’est déroulé le dix-neuf octobre deux mille sept, au club Crescendo, dans la ville de Norrköping, en Suède. Bien que les concerts soient habituellement programmés le mercredi, il fallut reculer la date au vendredi, ce qui n’empêcha pas la salle de se remplir, le public parfois venu de loin s’installa serré pour la suite des événements.

Le Cd est double, soixante et une minutes d’un côté et quarante-quatre de l’autre, l’ambiance fut chaude et chacun repartit avec le sentiment d’avoir assisté à un spectacle tel qu’il en existe peu aux Pays du Grand Nord, presque sonné par cette musique essentielle et vitale, cette énergie brute et primaire, véhiculée par ces trois icônes du free bop, ou du free jazz, comme on veut.

Je ne vais pas décrire ce qu’on entend, imaginez juste Rashied Ali, l’homme de l’« Interstellar Space », frénétique et bouillonnant, William Parker le surdoué de l’instrument doté de mille casquettes, et Charles Gayle, celui qui revint de l’oubli et de la misère, armé d’un sax de feu, qui pleure et qui geint, à la fois incendiaire et homme de paix…

C’est vraiment un album de trio, d’ailleurs chacun est venu avec ses compos, Charles Gayle en a signé quatre, William Parker trois, et Rashied trois également, un titre, le dernier de l’album, « No Sorrow » est entièrement improvisé par le trio. Il n’y a pas de préséance, chacun est juste à la place qui est la sienne, le nom de la formation, original, en dit long.

Charles Gayle est à nouveau à l’alto, l’instrument convient bien au musicien dont le jeu est extraordinairement généreux, toujours dans l’offrande. La sax alto est moins usant que le ténor, et permet à Charles de scruter avidement le spectre des sons aigus dont il fait un usage ardent.

L’album est tout simplement superbe, un service onze pièces tout à fait indispensable, de ceux qui font la fierté d’un label, sans aucun doute. Vraiment du grand Charles Gayle !

By Any Means


By Any Means (cette fois-ci en Roumanie)


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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 15 sept. 2023 10:48

Charles Gayle au sein du Sirone Bang Ensemble:
Douglas a écrit :
jeu. 15 juin 2023 02:40
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Sirone Bang Ensemble – Configuration (2005)

Voici un album pour qui l’engouement ne devrait pas énormément dépasser les amateurs de free. Trop brut, dissonant, bruyant, austère, irrespectueux, malséant, cassant, brutal, rentre-dedans, étrange, direct, saillant, excentrique, discordant, grinçant, choquant, criard et même, diront certains, déplacé.

Mais je le joue ici quand même, parce que ces gars sont tous les quatre des as, et même peut-être des monstres. Ça se passe en live et les gens qui écoutent n’ont pas l’air de se plaindre, peut-être sont-ils bas du front, dans mon genre, un peu chelou, des asociaux, un poil rebelles et énervés, du genre pas franc du collier, forcément qu’ont des trucs à cacher, pas nets et, probablement, et c’est le pire, pas trop propres sur eux.

Mais qui sont ces anches déchus, je voulais dire « ces anges déchus », les acteurs du méfait sonore, ce « Sirone Bang Ensemble » qui sévit, et bien ma foi, on les connaît, déjà repérés et sur les fiches, des récidivistes invétérés. Tenez-vous bien, l’énigme est difficile, Sirone c’est le bassiste, connu également sous le nom de Sirone, c’est bien çà, il n’avance même pas masqué !

Le second, Bang, c’est Billy Bang, le violoneux, semble fier de lui également. Le troisième a le bon goût de se dissimuler, mais son jeu le rend immédiatement identifiable, Charles Gayle au sax alto et au ténor, et le dernier c’est Tyshawn Sorey à la batterie, j’hésite à dire « à la batterie de casseroles », limite délinquant, mais ce serait un peu facile, de l’endroit où je me trouve.

Des excentriques, on a compris, tous victimes en premier lieu du délire Aylerien qui sévissait autrefois, les symptômes sont évidents et se reconnaissent facilement, délire mentale, confusion, déconstruction de la personnalité, bon je ne psychiatrise pas plus, mais on voit où on se situe.

Au milieu de structures bâclées et désordonnées, avec un lyrisme exacerbé qui vous arrache le cœur, hurlant et frénétiques, ils se lient à quatre pour vous extirper à votre milieu ambiant, s’attaquant à votre cocon protecteur en vous salissant sans vergogne, puis ils vous abandonnent, tout estourbis, sonnés, choqués, laissé au bord du chemin sans rien pour vous guider, avec ce free-jazz comme seul et unique point de repère, encore perceptible et fin repère lumineux, comme une luciole, au fin fond de cette nuit noire et atroce…

La cinquième pièce se nomme « Notre Dame De La Garde », signée Billy Bang, Bonne mère ! Vous m’avez compris, des dangereux, je vous avais prévenus !

Configuration


I Remember Albert


Freedom Flexibility


Notre Dame de la Garde
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 16 sept. 2023 04:12

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Charles Gayle – Consecration (1993)

Voici un album de Charles Gaye enregistré sur le label italien Black Saint, rien que le nom le désignait comme un lieu de passage obligatoire. Rien de si surprenant, le calendrier coïncide en effet entre l’apogée créative du label et la notoriété retrouvée du saxophoniste. C’est un quartet à l’œuvre, formé outre du saxophoniste légendaire, de Vattel Cherry à la basse, de Michael Wimberly à la batterie et de William Parker au violoncelle et au violon.

L’album est très long, conforme aux habitudes du saxophoniste qui avait tellement à dire qu’il remplissait chaque Cd de musique à ras bord, il en avait plein la tête et elle jaillissait sans limite de son cerveau bouillonnant. Une fois de plus l’album est vraiment excellent, plein, riche et volubile. C’est d’ailleurs le seul Charles Gayle qui compose l’entièreté des pièces ici.

On reconnaît ici la manière de faire de Charles Gayle, de longs solos illuminés et même allumés par la présence d’un esprit divinatoire, la première pièce « O Father » répond complètement à ces critères, elle dépasse le quart d’heure et brille par les flammes incandescentes qu’elle contient, c’est chaud bouillant, vif et totalement prenant, empreint d’une intensité rare et communicative.

« Rise Up » qui suit est du même bois, Charles fait revivre le cri Aylerien en même temps qu’il s’empare de la quête Coltranienne. On connaît sa capacité à tenir bon, sans faiblir ni tarir le flux. Ici il semble hoqueter parfois, mais ce n’est que pour mieux repartir et développer ce long serpentin sinueux fait de volutes et de notes associées, mélangées en un flux sonore éraillé et saignant.

Pourtant il est ici en studio, les dix-sept et dix-huit avril quatre-vingt-treize, au « Sear Sound » de New York. On a souvent mis en avant les performances live du musicien, surtout en cette période, au sortir de la rue et des métros, mais il a pu, sur certains albums enregistrés en studios, se hisser à ce même niveau, la démonstration est ici faite, « Justified », ce troisième titre est de ce tonneau-là.

La combinaison de la basse de Vattel Cherry et du violoncelle de William Parker crée une force extraordinaire à cette rythmique, d’autant que Michael Wimberly ne lâche rien et pulse sans cesse, à la mode free, donnant des impulsions continuelles fortes et puissantes, tant au niveau des tambours que des cymbales.

« Glorious Saints » qui suit à l’air presque badin dans son introduction, mais ce n’est qu’un faux semblant, le récital du saxophoniste le joue éraillé, avec un son torturé et tordu, comme s’il s’ingéniait à extraire les sons les plus rocailleux, gutturaux, râpés ou usés, comme un vieux sac troué et rafistolé.

« Touchin' on Trane » son album le plus populaire sort cette même année, cette proximité permet de mieux situer cette performance dans la carrière du saxophoniste ténor, il sort néanmoins la clarinette basse pour jouer « Thy Peace » que l’on pourrait qualifier de pièce lente, en comparaison du reste, elle se traîne avec paresse, un peu fielleuse et presque sournoise au milieu de ce contexte.

L’album se termine par l’excellent « Redemption » qui donne son titre à cet album, l’un des très bons de sa discographie.

O Father


Redemption


Glorious Saints


Rise Up
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 16 sept. 2023 13:26

Une remontée pour ce bel album de 2005.
Douglas a écrit :
dim. 2 juil. 2023 02:57
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Charles Gayle – Shout! (2005)

Charles Gayle sur Clean Feed, le petit label portugais, en deux mille trois pour la date d’enregistrement et deux mille cinq pour la sortie physique, avec deux fidèles, Sirone à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie, Charles est au ténor exclusivement, sauf que, euh… le piano sur « I Can’t Get Started », c’est certainement lui qui en joue, bien qu’il ne soit pas crédité !

Il souffle et il respire Ayler, comme une évidence, une nécessité, sans jamais pomper, non jamais. Que ce soit Albert ou Charles, où les autres mystiques qui ont précédé, avec des noms de géants, c’est par l’esprit qu’ils sont réunis, avec la même flamme, de ceux qui croient, qui prient, même si la foi les perd ou les égare, ce n’est pas grave, l’essentiel c’est de croire, d’y croire.

Pourtant, malgré les inévitables déchirements il y a une sorte de quiétude ici, comme si les mauvais esprits s’en étaient allés, le temps d’une session, ou presque... D’ailleurs Charles ne joue pas que ses propres compos, bien qu’il en joue majoritairement quand même : car il y a des standards.

« I Remember You », « What’s New » et « I Can’t Get Started », trois pièces quand même qui sont plutôt innocentes, sentimentales. Prenons « What’s New » par exemple, cherchez bien vous en verrez peu des versions comme celle-là, écorchée, plaintive, quelque part entre la douleur et la ballade, elle transpire les regrets et l’amertume, comme si l’âme était si lourde que le fardeau en devenait insupportable. Pourtant la pièce est belle, comme un blues qui déchire et vous perce, tranquille pourtant, avec cette contrebasse fataliste, qui vous montre le chemin de la rédemption…

La pièce suivante vous rassérène, « Shout Of Love » qui vous renvoie à la pochette du Cd où le Christ, coiffé de sa couronne d’épines, offre de la nourriture au petit nèg’ vêtu de son seul pagne… Jésus a le bon rôle et se montre généreux, musicalement ça se traduit par un titre enjoué, enfin pour Charles Gayle, probablement gai et optimiste.

Si on élargit un peu, et on peut, on voit un Gayle qui, même avec l’esprit au beau fixe, se sent concerné par l’état du monde, des valeurs morales, de la justice et de tout ce qu’il pense être le bien, citoyen du monde, mon frère et le tien, il nous porte sur ses épaules.

D’ailleurs la pièce suivante s’appelle « Unto Jesus Christ », qu’on se le dise, Charles est un mystique et il prêche, avec son bâton de pèlerin, pour apporter la bonne parole au travers de sa musique, tout y entre, la ferveur, la force de la foi, la certitude d’être aux côtés du bien…

Les autres, John, Alice, Albert et Pharoah y mettaient une touche souvent plus discrète, Albert convoquait même « le Malin », quelque part entre le bien et le mal, d’ailleurs c’est sans doute ce dernier qui l’a sans doute précipité dans l’East River. Charles, lui, est un prêcheur, il va semer la bonne parole, là où il passe et son message est fort et puissant…

I Remember You


Shout Of Love


Independence Blues


Unto Jesus Christ
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 17 sept. 2023 03:55

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Charles Gayle – Testaments (1995)

Voici un album que l’on pourrait qualifier de « charnière » dans la musique de Charles Gayle pour ce que j’en connais. Mille neuf cent-quatre-vingt-quinze semble une année pivot qui ferme la période des albums les plus enflammés et les plus véhéments, ouvrant une période plus calme et moins productive, la musique devenant peut-être moins urgente.

Ceci dit ces remarques ne sont que de grandes lignes qui permettent de délimiter les grands contours d’un parcours, car Charles Gayle a su toujours conserver une grande part à la fois rustique et sauvage, sentimentale et trippante héritée de sa fréquentation artistique avec l’art d’Ayler.

Déjà il faut extraire l’album « Touchin' On Trane » de ces remarques, il est un peu hors sol et s’échappe des catégories par son aura particulière. Autrement cette grande période très prolifique entre mille neuf cent quatre-vingt-huit et mille neuf cent quatre-vingt-quatorze contient le plus irréductible et le plus incendiaire du jeu de Charles Gayle, entre « Always Born » et « Testaments » une dizaine d’albums se succèdent, porteurs de feu et de flammes, du free jazz le plus torride.

Le titre « Testaments » lui-même est tout à fait excellent et généreux. « Parables » lui aussi est très bon, pourtant il marque une bascule car il est entièrement interprété au piano, c’est tout à fait réussi mais marque un virage stylistique notable vers le « nouveau » Charles Gayle, plus apaisé et ouvert d’une certaine façon, car avec Charles rien n’est vraiment simple.

« Christ’s Suffering » par son titre s’accroche encore à son ancien monde, sa durée dépasse les vingt et une minutes, de quoi faire resurgir les exploits du passé. Wilber Morris à la contrebasse et Michael Wimberly à la batterie sont très au point et assument leur rôle avec une parfaite efficacité. On entend bien le ténor de Charles Gayle creuser le sillon avec ténacité, son discours est en effet intense et douloureux.

Le titre nous parle de la souffrance du Christ, à l’écoute on sent en effet la peine et le déchirement s’exprimer avec une progression intense pendant les treize premières minutes qui sont extraordinaires, une lente montée progressive vers le cri et les larmes, le ténor de Charles est le véhicule le plus apte à nous plonger en empathie avec le Christ lors ce chemin de croix, on y est ! Ensuite, on baisse en intensité, la tension décroit, Charles est au piano et la rythmique ne saurait à elle seule prolonger la création de ces images que le saxophone avait su créer.

« Lambs A' Crying » est un traditionnel que Charles joue avec la clarinette basse, ouvrant une nouvelle porte qu’il aimera beaucoup parcourir par la suite, c’est joliment mélodique, il est en concert à la « Knitting Factory » alors pourquoi pas ? Cela marque également ce « tournant » que j’évoquais plus haut.

Charles retrouve le ténor pour « Faith Evermore », une belle pièce encore, toujours dans ses thèmes de prédilection, il explore les sons graves de l’instrument très largement, ce qui n’est pas son habitude, il se montre habile à l’exercice, bien évidemment. Après neuf minutes d’exploration sonore il laisse jaillir quelques saillies aigues qui emportent et enflamment, jusqu’à la fin de la pièce, celle-ci dépasse largement la durée annoncée sur la pochette.

Le dernier titre « Jericho » est juste superbe, trois minutes free délirantes, Charles joue en même temps du piano et du ténor, et donne libre cours à la spontanéité, à la vérité du moment !

Charles Gayle - Testaments


Charles Gayle - Christ's Suffering


Charles Gayle - Faith Evermore


Charles Gayle - Jericho
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 17 sept. 2023 12:16

Présenté il n'y a pas longtemps et pourtant Charles était encore de ce monde...
Douglas a écrit :
lun. 4 sept. 2023 03:36
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The Charles Gayle Trio – Forgiveness (2008)

Cet album est un enregistrement live enregistré au « Jazzga Club », à Łódź, en Pologne, le vingt-cinq avril deux mille sept. La durée du concert frôle les capacités physiques d’enregistrement du Cd, mais tout rentre pile poil. Côté son, on a connu mieux c’est sûr, mais ça reste très correct et très écoutable, suffisamment pour bien profiter de l’événement, ce soir-là.

Charles Gayle joue comme à l’habitude du sax alto, il est entouré du fidèle Hilliard Greene à la basse et de klaus Kugel à la batterie. Il aime ce jeu à trois, la formule du trio est souvent sa préférée, il s’y sent bien, à l’aise, prêt à endurer la durée du set bien au-delà de l’heure, même s’il est sans cesse exposé à l’avant, tout donner, avec générosité, il sait faire, c’est là sa vie, son crédo, le prix qu’il est prêt à payer, il connaît, plus que d’autres, le prix de la survie.

Sept titres au menu, cinq qu’il a signés et qu’il enquille sans broncher, avant d’interpréter « Giant Steps », l’hommage à Trane et « Forgiveness » un traditionnel. Le concert s’ouvre avec « Living Waters », un truc ancien qui va bien. Il rend grâce ensuite avec « Glory, Glory, Glory », c’est sa façon d’être et de faire, puis se lance dans le grand bain avec « Holy Birth », près de dix-sept minutes d’un jeu brûlant et dévastateur, à la façon d’Albert Ayler.

Charles Gayle n’a de cesse de rendre grâce, de prier Dieu et de se brûler aux flammes de l’enfer qu’il combat en première ligne. D’ailleurs il enchaîne avec le compromettant « Confess », on ne le changera pas, c’est son combat, depuis qu’il est enfant, élevé entre son père diacre, et son oncle prêcheur.

Après Coltrane, Pharoah et Albert Ayler, c’est bien lui le suivant, fou de Dieu et porte-flambeau de la « spiritual music », plus que quiconque il en paiera le prix. Sa foi est primitive, simple, et ne souffre pas le doute, même si elle le renvoie dans les cordes d’un certain intégrisme.

Sans doute ses plus beaux chants n’ont-ils pas été enregistrés, la souffrance nourrissait alors le prix de son intégrité, jouant avec son sax les cris les plus sincères et douloureux, ceux d’Ayler qu’il ressentait mieux que personne, allant plus loin encore et creusant un sillon qui le détacha des humains, là où se trouve le monde des esprits, avant qu’il ne revienne, plein de certitudes…

Son interprétation de « Giant Steps » est colossale, elle scrute la pièce et la dépèce à l’os, lui arrachant ses oripeaux, fantomatique et grandiose, tout comme cette version de « Forgiveness », illuminée et sans détour.

Le destin est ainsi, traçant une route depuis les stations de métro de New-York, jusqu’à Cracovie où siège le label « NotTwo Records » qui sortit cet enregistrement, d’allure rustique, mais plein de sève et de vigueur.

Forgiveness


Giant Steps


Glory, Glory, Glory


Living Waters
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 18 sept. 2023 02:06

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Charles Gayle Quartet – Daily Bread (1998)

« Daily Bread » est un album sorti sur Black Saint en quatre-vingt-dix-huit, d’après des enregistrements au « East Side Sound » datant des vingt-cinq, vingt-six et vingt-huit octobre quatre-vingt-quinze, à New York, pendant cette année qualifiée de charnière, un peu plus haut.

Comme il a été indiqué le choix des instruments utilisés est assez significatif de ces évolutions ou de ces mutations. Concernant Charles Gayle, outre le sax ténor qu’on lui connaît, il joue également de la basse clarinette, du piano sur deux titres et de l’alto, celui de la famille du violon, sur deux autres titres. William Parker joue du violoncelle ainsi que du piano sur trois pièces.

Wilber Morris de la basse et Michael Wimberly de la batterie mais également du violon sur deux pièces. Tout cela dans le cadre des transformations et des virages opérés. « Our Suns », la seconde pièce de l’album est ainsi vouée aux cordes, Charles Gayle à l’alto, William Parker au violoncelle, Morris à la basse et Wimberly au violon, c’est tout simplement inouï, bien qu’intéressant.

« Offering To Christ », la huitième pièce est à peu près du même tonneau, sinon que William Parker abandonne le violoncelle contre un piano. On le constate le choix des couleurs, des timbres et des instruments ne sont pas sans conséquences sur le rendu musical collectif et il se peut que les aficionados des premiers enregistrements de Charles Gayle se sentent un peu perdus au milieu de toutes ces cordes.

Il est vrai que ces instruments ne sont pas aussi organiques que peut l’être le saxophone, instrument directement connecté au corps, par le souffle, la respiration. Ainsi, la musique de Gayle, tellement dans l’énergie et les vibrations, peut sembler perdre une forte composante originelle au travers de ces évolutions.

Pour autant elles ne demeurent pas sans intérêt, le jeu au piano de Gayle sur « Inner Joy » est, par exemple, très réussi, avec des recherches dans l’intensité, une inspiration monkienne et des fulgurances à la Cecil Taylor. Mais sans doute, peut-être par une sorte de conformisme, préfèrerons-nous le Gayle de ses débuts, en trio, plein d’énergie vitale et semblant jouer sa vie à chaque concert.

« Drink », joué en solo par Gayle au piano, mérite tout de même un satisfécit, elle réussit à nous toucher avec habileté, tournoyant habilement autour d’un thème bien à propos. Sur le titre suivant « Early Things » Charles retrouve son sax, Parker est au piano et la rythmique basse batterie assume un fort soutien rythmique. Du coup on sent comme un goût de retrouvailles, des sensations bien connues reviennent, pour le meilleur. Tout comme pour « Watch » la pièce suivante qui renvoie à nouveau à Ayler.

C’est ce qui est notable, pour qui a fait le premier pas dans la direction du saxophoniste, il n’y a pas de mauvais album de Charles Gayle, chacun est un épisode, une photo du musicien, terriblement sincère et entier, avec ses qualités remarquables et son engagement entier aux côtés de Dieu qu’il vénère. « Rest A While » est encore superbe, William Parker au piano et Charles Gayle dans le registre grave de son saxophone, avec cependant quelques incartades dans le spectre plus aigu, comme par contraste.

« Offering To Christ », dont je vous ai déjà touché deux mots dépasse le quart d’heure et s’affirme comme une belle pièce, avec, en son centre, quelques passages avec des cordes, c’est évidemment discordant, dissonant et même un peu grinçant. « Shout Merrily » ferme avec brio un album que je qualifierai d’excellent et d’innovant, avec sa part de témérité.

Watch


Earthly Things


Inner Joy


Shout Merrily
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 18 sept. 2023 12:27

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William Parker – For Those Who Are, Still (2015)

Cet album se présente sous la forme d’un coffret contenant trois Cds bien pleins. Il contient des enregistrements compris entre deux mille et deux mille treize. C’est un vaste projet avec orchestre symphonique et chœurs du National Forum of Music. Nous sommes plongés dans la musique contemporaine, mais ce n’est pas pour cela que je vous parle de ce gros album.

Tout à la fin du troisième Cd une pièce m’intéresse, elle se nomme « Escapade For Sonny (dedicated to Sonny Rollins) », sa durée est de vingt-cinq minutes vingt-cinq, donc relativement conséquente et surtout elle met en branle un fameux trio qui justifie cette incartade. Sont présents au « Jazztopad Festival in Wroclaw », ce quinze novembre deux mille treize, Charles Gayle aux saxs ténor et soprano, ainsi qu’au piano, William Parker à la basse, aux flûtes de bambou et au ngoni, et Mike Reed à la batterie.

D’après les notes de pochette l’interprétation se serait déroulée avant les concerts symphoniques, une sorte de première partie, en somme. Et bien c’est vraiment chouette, très plaisant avec une partie à trois, puis Charles se retire pour laisser l’expression au duo, avant de revenir pour les huit dernières minutes.

Il n’est pas si courant d’entendre Charles au soprano, il y a quelque chose de frais dans cette musique, Parker et Gayle forment un beau duo de dialogue et de connivence, alors s’il vous arrive de tomber sur ce coffret qui, à priori, ne semble pas très coûteux, ne le ratez pas, ces vingt-cinq minutes sont bienfaisantes. Par ailleurs le reste n’est pas mal non plus, mais c’est une autre histoire…

La pochette du CD trois:
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Escapade For Sonny (dedicated to Sonny Rollins)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 19 sept. 2023 01:46

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Charles Gayle 3 – Abiding Variations (1999)

Cet album en trio paru en quatre-vingt-dix-neuf est en fait d’origine plus ancienne, des vingt et un et vingt-deux août quatre-vingt-treize à Berlin, il est, par ailleurs, paru sur le prestigieux label de free jazz allemand FMP. Il pèse plus de soixante et onze minutes au total et se découpe en sept parties ou mouvements appelés « Variation » suivi d’un chiffre allant de un à sept.

On retrouve la formule du trio que chérit Charles Gayle, il joue du saxophone ténor et de la basse clarinette sur « Variation III », Vattel Cherry est à la basse et Michael Wimberly est à la batterie. Une formule déjà bien éprouvée par les membres du trio qui se connaissent sur le bout des doigts.

Ce sont des enregistrements de studio effectués à la suite d’un concert où ils ont joué après le groupe de Peter Brötzmann, « Die Like a Dog », organisé alors par FMP en mémoire d’Albert Ayler. On trouve témoignage de ce concert sur l’album « Berlin Movement From Future Years ». S’il est un musicien héritier du légendaire saxophoniste qui puisse l’évoquer par son style et son esprit, c’est bien Charles Gayle, d’évidence le mieux placé sur la planète Terre.

A elle seule, la formule du trio en dit déjà beaucoup, très révélatrice de l’état d’esprit de l’un et de l’autre. Cet album semble apaisé, avec des moments calmes et reposants où le timbre semble vouloir l’emporter sur la quête, on retrouve peu ce fort impact pêchu qui est souvent la marque du saxophoniste, ici il y a une place pour le silence et la paix.

C’est parfois une sorte de retour vers l’album « Touchin' On Trane », qui avait à son époque été très bien reçu par l’ensemble de la communauté Jazz. Par contre il est fait une grande place à l’esprit d’Ayler, particulièrement sur son aspect plaintif, où le saxophone semble geindre, dévoiler sa plaie, sa blessure.

Les deux accompagnateurs de la section rythmique entrent bien dans ce projet, créant de nombreux espaces, accompagnants le saxophoniste sans le pousser dans le cri, mais en créant des respirations, des territoires qu’il puisse visiter, aérant au mieux la musique pour qu’elle vive et respire.

Un album un peu à part donc, mais qui possède son charme, son souffle et sa ventilation, un album de cœur et d’esprit, qui s’éloigne des saignements qui parfois accompagnent la musique de Gayle, quand il s’éprend de la vérité et des valeurs du bien.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 19 sept. 2023 12:14

Voilà, l'hommage au regretté Charles Gayle s'arrête avec cet album où il est sideman, mais il reviendra très bientôt par ici car il y a des totems que je n'ai pas encore écouté, sur un support avec une qualité satisfaisante... Il y a également la version complète de "Touchin' on Trane" qui mériterait également une étape.

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Cecil Taylor Ensemble – Always A Pleasure (1996)

Voici un album signé par le Cecil Taylor Ensemble qui nous présente une suite en quatre mouvements, « Always A Pleasure ». Ça s’est déroulé en Allemagne, un pays qui a beaucoup inspiré Cecil Taylor, il a, en effet, enregistré de superbes albums outre Rhin, celui-ci est l’enregistrement d’un concert qui s’est donné pendant le « Workshop Freie Musik », le huit avril quatre-vingt-treize, à l’« Akademie Der Künste » de Berlin.

Ils sont sept, et ce sont de grands musiciens dont il faut donner les noms, Taylor est au piano, Longineu Parsons est le trompettiste, c’est le français de la bande, Harri Sjöström est au sax alto, Charles Gayle au ténor, Tristan Honsinger au violoncelle, Sirone à la contrebasse et Rashid Bakr à la batterie.

Parlons de Charles Gayle, puisqu’il est ici en sideman, on pourrait même imaginer qu’il remplace Jimmy Lyons, complément idéal de Cecil Taylor, disparu en quatre-vingt-six. Il y a quelques similitudes qui laissent espérer le meilleur, en effet les deux, Charles et Jimmy, sont ancrés dans le bop, ou le free-bop, un pied dans les années soixante, et l’autre dans le free jazz, ce qui les rapproche et bénéficie à Cecil Taylor dont le jeu s’équilibre ainsi, il n’a jamais en effet trouvé meilleur partenaire que Jimmy Lyons !

Par contre, la complicité entre le ténor et le pianiste ne va malgré tout pas de soi, dans un ensemble à sept, dont trois souffleurs, par ailleurs ils ne se connaissent pas tant que ça, bien qu’ils s’apprécient l’un, l’autre. Les amateurs de Charles Gayle le connaissent généreux et prolixe, repoussant sans cesse les limites, ici il est peu dans l’ombre, effacé, sans doute trop modeste, il prend cependant la part du lion sur « Third », et c’est phénoménal.

On pourrait dire que l’axe Taylor, Sirone, Rashid Bakr mène un peu la danse, les solistes se greffant à tour de rôle, Charles dans le spectre droit, Parsons au centre et Sjöström au centre gauche. Taylor, dans l’entièreté du côté gauche tient tout ce petit monde entre ses doigts, égal à lui-même, incontournable et en position centrale, c’est bien lui l’architecte en ce lieu, compositeur également.

Il veille à ce que chacun ajoute, Tristan Honsinger n’est pas le dernier à se manifester, parfois en toile de fond, mais aussi de temps en temps en soliste, à l’avant, comme dans la partie « Fourth », où il excelle. Cet album est décidément très copieux, très dense et plein de promesses encore, on aurait aimé qu’elles se concrétisent à nouveau, mais, hélas, le destin en a décidé autrement.

Cecil Taylor Ensemble – Always A Pleasure
1 First Pleasure - 00:00
2 Second Pleasure - 32:56
3 Third Pleasure - 37:57
4 Fourth Pleasure - 1:08:38

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 20 sept. 2023 02:54

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Various – The Stone : Issue One (2005)

Voilà qui va continuer ce périple free et libertaire, à nouveau me semble-t-il pour le meilleur. Au menu de l’impro totale du début à la fin, sans véritable titre, voici ce que ça donne : Introduction, Interlude 1, Part One, Interlude 2, Part Two, Interlude 3, Postlude et Coda. Une grille qui donne aux musiciens une liberté maximale.

Mais avant d’aller plus loin il faut dire que cet album a été enregistré en soutien à la salle de concert, ou peut-être au club, « The Stone », de la scène downtown new-yorkaise, menacé de fermeture pour des raisons financières. Une association a été créée, « Hips Road » en vue de maintenir à flot les lieux, deux cds sont parus, puis un troisième, celui-ci est le premier, avec un tirage limité. Il était vendu trente-cinq $ avec la signature du Sieur Zorn sur la couverture.

Ce dernier joue du sax alto, Dave Douglas de la trompette, Mike Patton est au chant, Rob Burger aux claviers, Bill Laswell à la basse électrique et Ben Perowsky à la batterie. L’enregistrement s’est déroulé en studio et la musique produite est absolument exceptionnelle, quelque chose de fort, puissant, qui pousse très loin les expérimentations électriques entamées il y a très longtemps par Miles Davis, un nom qui revient constamment dans ma tête à l’écoute de ce truc passionnant et indomptable, bien que Miles n’ait jamais mis les pieds dans un bazar aussi free.

Que dire encore ? Sinon qu’une fois de plus la musique emporte, charrie et vous ballote pendant quarante-huit minutes qui passent sans qu’on y prenne garde, il y a des moments calmes, interludes et introduction, d’autres tempétueux, avec Patton qui se lâche, évoquant une certaine animalité, et Zorn qui se prend pour Ayler.

On est ébloui par la qualité des uns et des autres, de tels musiciens sont vraiment hors normes, que ce soit le grand Dave Douglas l’incendiaire, ou Bill Laswell, toujours avec cet énorme son, ou encore Zorn qui se déploie et se lance dans des montées incendiaires. Rob Burger fait le liant et balance un peu d’électro de temps en temps. Perowsky est assez rock dans sa démarche et fait sonner les tambours avec une puissance intraitable.

Encore un album majuscule. Malheureusement pas trop d'extraits trouvés...

The Stone - Issue One introduction with Mike Patton


John Zorn - Issue One - Part One
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 21 sept. 2023 04:24

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McCoy Tyner – The Montreux Years (1981-2009)

Comme souvent dans cette série des concerts à Montreux, on est à la fois éblouis et frustrés. Éblouis par les extraits de concerts présentés qui sont souvent plutôt bien sélectionnés et présentés avec une qualité de son remarquable, mais également frustrés car ces extraits sont souvent peu nombreux et mettent en appétit, sans jamais vous rassasier, comme le ferait une restitution plus complète.

C’est particulièrement frappant sur cet album, riche pourtant de quatre-vingt-trois minutes de musique ! Pour simplifier la présentation, trois dates, trois concerts, trois sélections, car ici tout se mélange sans ordre précis.

Le premier concert date de quatre-vingt-un et présente un octet avec entre autres Paquito D’Rivera, Arthur Blythe, Chico Freeman et Joe Ford pour en rester aux locomotives. Sont joués « Eternally Yours » et « Walk Spirit Talk Spirit », la première pièce dure sept minutes environ et l’autre plus de seize.

La seconde formation se nomme le « McCoy Tyner All Stars », ils jouent sur le concert du quatorze juillet quatre-vingt-six. Encore des icônes, Freddie Hubbard, John Scofield, Joe Henderson, Avery Sharpe, déjà présent au précédent concert, et Louis Hayes à la batterie. Ils interprètent la première pièce de l’album « Latino Suite » et « Ask Me Now » de Thelonious Monk pour une vingtaine de minutes au total.

Le reste est joué par le McCoy Tyner Trio augmenté de Bill Frisell à la guitare et Gary Bartz au saxo. Le trio de McCoy est formé de Gerald Cannon à la basse et d’Eric Kamau Gravatt à la batterie, ce concert s’est déroulé à nouveau un quatorze juillet, mais en deux mille neuf. Ils interprètent « Fly With The Wind », « African Village » et « Ballad For Aisha ».

Le mélange de toutes ces pièces excellemment exécutées, nous plonge dans une sorte de tourbillon musical un peu informe, comme dans une sorte de fourre-tout sans queue ni tête, mais absolument merveilleux, qui vous prend et vous emmène sans que vous ne sachiez vraiment qui joue tant sont vifs les changements des musiciens et fréquentes les rotations entre les groupes.

De quoi vous laisser une sensation éblouissante absolument extraordinaire, avec le seul McCoy comme point de repère imperturbable, des moments forts et épiques comme « Walk Spirit. Talk Spirit » ou « Latino Suite » ou encore « African Village » et cette sublime reprise d’« Ask Me Now », mais tout est bon ici, on attend les trois concerts dans leur intégralité, un jour, peut-être…

Walk Spirit, Talk Spirit (Live at Montreux Jazz Festival 1981)


Latino Suite (Live at Montreux Jazz Festival 1986)


Ask Me Now (Live at Montreux Jazz Festival 1986)


Fly with the Wind (Live at Montreux Jazz Festival 2009)
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