J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 5 nov. 2023 05:16

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Carla Bley – Live! – (1982)

Un album en live, pourquoi pas ? Carla s’y attèle entre le dix-neuf et le vingt et un août quatre-vingt-un alors qu’elle joue au « Great American Music-Hall » de San Francisco, elle choisit un répertoire spécifique qu’elle sélectionne pour l’album, conjuguant ainsi le plaisir de la spontanéité avec celui de la découverte. Alors que tant d’autres profitent de l’événement pour enregistrer une sorte de « Greatest Hits », Carla préfère le risque…

Bien entendu les pièces sont rôdées, « Blunt Object » qui ouvre l’album est absolument parfait, avec un solo de Steve Slagle puis un autre de Earl McIntyre au trombone basse nous voilà vraiment partis, ça démarre fort ! Ensuite Carla nous propose un négro spiritual de sa composition, « The Lord Is Listenin’ To Ya, Hallelujah ! » qui, hélas tombe un peu à plat, la faute probablement à une certaine retenue et un manque de dépassement dans l’exécution, ou alors à un manque de risque dans l’écriture, en voulant trop coller au genre.

Hélas la troisième pièce "Time And Us" qui clôt la face est également un peu molle, sacrifiant un peu la face, nous voilà bien surpris et déçus, enfin un peu car la cylindrée semblait exemplaire avec un tentet comportant des étoiles à tous les postes. Heureusement face deux on embraye enfin, avec tout d’abord l’excellent « Still In The Room » qui envoie enfin, nous réconciliant avec notre attente.

« Real Life Hits » qui suit est également une superbe compo, avec quelques risques, des surprises, des breaks et des virages à quatre-vingt-dix qui assurent la mise et font plaisir. La dernière pièce est une reprise de « Song Sung Long » en provenance de « Dinner Music », c’est magnifique, chaud bouillant, on aime et on en redemande, mais en vain car l’album se termine sur une belle face qui rachète la première.

En définitive un album qui annonce un peu la suite, moins de difficultés et une simplification dans l’écriture et les premiers signes d’un certain virage vers une sorte de « jazz rock » un peu funky qui lui appartient, mais je vais partager la route de Carla avec quelques autres albums encore…

Carla Bley - Blunt Object


Carla Bley - the Lord is listenin' to ya, Hallelujah


Carla Bley Band Time And Us


Carla Bley - Song Sung Long
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par dark pink » dim. 5 nov. 2023 10:03

Douglas a écrit :
dim. 5 nov. 2023 05:03
whereisbrian a écrit :
sam. 4 nov. 2023 19:21
Très bel album, pareil pour The Ballad Of The Fallen.
Je vais en parler dans quelques jours, c'est prêt, j'écris un peu à l'avance quand j'ai le temps et un peu d'inspiration...
dark pink a écrit :
sam. 4 nov. 2023 19:42
Il a fait combien de disques, Sun Ra ? Et, au cas où, qui en a fait plus que lui ? C'est dingue une discographie aussi abondante !
Il en a fait une bonne palanquée, sous le nom de Sun Ra ou de l'Arkestra, je n'essaie même pas de compter parce que s'ajoutent des albums de concert qui arrivent encore...
A vue de nez je citerais Steve Lacy qui ne doit pas être si loin derrière ou Peter Brötzmann, pour ceux qui sont encore là, Ivo Perelman est bien parti ^^ ou mieux William Parker qui pourrait les battre tous, ou encore Matthew Shipp qui enregistre également beaucoup, et tous ceux que j'ai oubliés...
Merci de ta réponse. Je l'ai vu en live dans les années 70, Steve Lacy. Il jouait avec Steve Potts. C'était dans une petite salle où on voyait tout le monde, la scène était éclairée quasi autant que la salle. C'était très bien, un peu free et comme l'endroit était petit, on entendait le son des instruments en direct :super:

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 5 nov. 2023 17:35

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Sun Ra And His Arkestra – Rocket Ship Rock (2009)

Retour dans les années 50 (de 55 à 58) pour cette production qui n’est pas sans évoquer la compilation “Medicine For A Nightmare (The Singles)” présentée plus avant. Il y figurait en effet le premier titre présent sur cet album : « Muck Muck » chanté par Yochanan. On trouve ce chanteur sur neuf titres de cet album, tous issus de 45 tours enregistrés à l’époque en pleine vogue d’un genre appelé le doo-wop, il s’agit de rhytm’n blues, ici limite Rock’n roll, dont l’interprétation faisait place aux onomatopées (d’où le nom de doo-wop). C’est en effet plus spécifiquement le chant qui caractérise ce style vocal, souvent interprété par plusieurs chanteurs aux voix complémentaires (Golden Gate Quartet, les Platters). Avec Yochanan et Sun Ra l’interprétation est carrément déjantée et exubérante elle nous fait penser à ce que faisait par exemple Screaming Jay Hawkins. En effet, la voix est forte et puissante, très expressive et énergique, elle se marie bien avec le style des morceaux ici présentés, parfois ça évoque même Little Richard dans une certaine démesure…

Muck Muck a failli être un tube, il s’est vendu par centaines, de la main à la main, à la fin des concerts de l’Arkestra, mais il ne restera malgré tout qu’un succès local, en effet, El Saturn records n’a rien d’une major. Hot Skillet Momma a quelque chose d’effrayant, la tension est créé par des paroles suggérant le pire… l’interprétation est théâtrale entrecoupée par un vigoureux hymne rock’n Roll. Le rythme reste trépidant avec Rocket Ship Rock dévolu à la danse, aux déhanchements, tournoiements et autres cabrioles… Is That Me? est plus chaloupé et se balance au son d’un superbe solo de sax en arrière-plan. Titre inédit, tout comme Rocked ship Rock…

Retour aux thèmes de science-fiction avec The Sun Man Speaks et Message To Earthman #1 et #2, Yochanan se fait « extra-terrestre » lors de ces interprétations/déclamations et se transforme en voyageur spatial. A n’en pas douter il le fait par amitié pour Sun Ra, gaffe à ne pas se brûler les ailes…

La suite des interprétations laisse la place à d’autres chanteurs/interprètes. Little Mack se livre à fond dans un solide mambo : Tell Her To Come On Home, vraiment sans faille. Retour de Batman avec deux vocalistes différents, Lacy Gibson et Ebah. La première interprétation fait immanquablement penser à James Brown, voix soul et arrangements idoines. La qualité de la seconde est hélas tempérée par quelques faiblesses techniques au niveau de la prise de son, assez rédhibitoires, hélas. La dernière pièce, sorte de montage radiophonique a carrément des accents psyché avant l’heure, un peu twist, un peu rock, les années soixante frappent à la porte…

Quelque part entre l’anecdotique et l’essentiel, un grain.

Muck Muck (45 Version)


Rocket Ship Rock (Unissued)


Little Mack with Sun Ra & His Arkestra: Tell Her To Come On Home


Message To The Earthman #1 (45 Version)
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Message par Douglas » lun. 6 nov. 2023 03:20

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James Brandon Lewis, Red Lily Quintet – For Mahalia, With Love (2023)

Je vous avais parlé avec enthousiasme du précédent album de James Brandon Lewis avec le Red Lily Quintet « Jesup Wagon » sorti en deux mille vingt et un. Il était superbe et avait été très bien accueilli, et bien voici son successeur, une déclaration d’amour à la grande Mahalia Jackson qui berça l’enfance du saxophoniste.

L’album se veut une réinterprétation des chansons et des succès par une des icônes du gospel les plus connues, il reprend en cela la formule de l’album précédent qui lui avait bien souri, consacré, lui, à George Washington Carver. Défilent donc ici des titres très connus et des airs que tout le monde a déjà entendus, dont il est bon de perpétuer la diffusion auprès des générations plus jeunes.

C’est évidemment un pur plaisir que de se plonger dans ce répertoire ancien et de faire remonter les souvenirs, il est vrai que ça fonctionne à tous les coups. Pour se faire James Brandon, fidèle à son sax ténor, est entouré par Kirk Knuffke au cornet, Chris Hoffman au violoncelle, William Parker à la basse et Chad Taylor à la batterie et au tambourin. D’évidence, avec de tels partenaires il joue sur du velours.

Neuf titres au total dont sept traditionnels dont l’interprétation ranime les souvenirs anciens ou réactive ceux qui sont enfouis, cette réactivité quasi automatique participe pour beaucoup au plaisir de l’écoute. Pourtant il n’y a pas ce même choc qui intervint, en deux mille un, à l’écoute de « Jesup Wagon » qui ouvrait des portes, ici le regard est plus tourné vers l’arrière par la force des choses.

Pourtant ils sont tous formidables, il y a bien quelques soli de violoncelle qui ravissent, ou des passages qui marquent quelques modernités, comme sur « Deep River » très libre, la rythmique Parker Taylor est hors norme tout du long, mais il est vrai que son prédécesseur avait marqué profondément son auditoire.

La version deux vinyles est sans défaut, elle contient, en outre, un téléchargement gratuit sur bandcamp de l’album « These Are Soulful Days » joué avec le quatuor à cordes « Lutosławski », une suite cette fois-ci très contemporaine…

Sparrow


Wade In The Water


Go Down Moses


Deep River
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 6 nov. 2023 15:27

Douglas a écrit :
ven. 25 sept. 2020 04:06
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Sun Ra Arkestra – Mayan Temples (1992)

Il y a peu on évoquait Sun Ra par ici, et, à cette occasion, je notais que lors de sa dernière période d’activité son regard se portait vers sa jeunesse et ses débuts discographiques. On glisse souvent sur les débuts de Sun Ra avant qu’il n’ait entamé une carrière discographique, pourtant les années d’après-guerre sont fondamentales, particulièrement l’année 1946 où il va rencontrer et jouer dans le grand orchestre de Fletcher Henderson en tant que pianiste, suppléant le « vieux » Fletcher, mais surtout en tant qu’arrangeur, c’est là qu’il personnalisa son style, il se raconte que certains musiciens de l’orchestre étaient perdu dans les arrangements rutilants du jeune « Sonny » comme on l’appelait à cette époque.

Pendant un grand nombre d’années Sun Ra a donc été un arrangeur et conducteur de grande formation avant tout, c’est un savoir qu’il maîtrise à la perfection, du coup, vers la fin de sa vie il retourne à ses « classiques » et son orchestre reprend les codes d’autrefois, comme sur cet album « Mayan Temples » enregistré en 1990, le troisième sorti chez « Black Saint » après « Reflections In Blue » et « Hours After » qui, eux, sont tous les deux sortis en vinyle. Ce retour aux goûts anciens est déjà très perceptible sur « Sunrise In Different Dimensions » sorti sur Hat Hut et enregistré en 1980. Toutefois les deux variations autour du « Theme On The Stargazers » échappent clairement à l’orthodoxie. Attention le son n’a rien de vieillot et ça fait feu de tout bois et ça scintille de tout cuivre !

Pour autant si le cadre se fige davantage, les solistes restent fougueux et les improvisations parfois sauvages. Les musiciens de l’orchestre sont remarquables, on pense à John Gilmore au ténor, à Marshall Allen à l’alto et à la flûte, à Ahmed Abdullah et Michael Ray aux trompettes, il faudrait citer également June Tyson qui chante (trop peu) et à Sun Ra lui-même qui nous gratifie de superbes solos de piano. Des constantes également, comme le rôle prépondérant des percussions, l’album est long, plus de soixante-dix minutes, on y trouve trois standards me semble-t-il, dont « Time After Time » qui a su séduire notre mage, et qui sert de tremplin à Gilmore pour un superbe solo de plus.

Un Cd pas trop cher et beaucoup de bonne musique ici, l’un des tout derniers albums avant que la maladie n’arrive…

Les morceaux dispos sur le tube:

Sun Ra Arkestra "Bygone"


Mayan Temples


I'll Never Be The Same


Stardust From Tomorrow
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 7 nov. 2023 05:53

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Carla Bley – Mortelle Randonnée (Extraits De La Bande Originale Du Film) – (1983)

Je glisse sur le film de Claude Miller avec Michel Serrault et Isabelle Adjani sur des dialogues de Michel Audiard, je l’ai vu il y a bien longtemps et oublié depuis, mais si l’occasion se fait sentir je ne serais pas fâché de m’y coller à nouveau. Bon, cette bande originale a des airs de seconde zone, de remplissage, d’un truc pas très sérieux qui orne la discographie de la dame, mais qui semble dispensable.

Pourtant je l’ai acheté à sa sortie et, je dois confesser que je l’ai beaucoup écouté. Bien sûr il y a toutes ces « Paloma », l’impression qu’elles sont dix mille, multiformes, et qu’elles vous assaillent et vous bourrent le crâne, c’est un peu vrai, pourtant elles ne se ressemblent pas, à part ce thème entêtant, bourratif et martelant.

Il y a des reprises aussi qui font plaisir, vous envoûtent même, « Musique Mécanique », « Morning », « Some Dirge » et « Blunt Object », de quoi vous prendre par le point faible, vous embarquer pour une bonne virée, une chouette randonnée, ni trop macabre, ni trop fatale…

Carla a emmené son petit monde, « The Carla Bley Band » du vingt-huit au trente décembre quatre-vingt-deux dans les Studios « Grog Kill » à New York pour enregistrer ce truc inimaginable avec ces Paloma en pagaille, six variations au total qui ne se ressemblent que par bribes, mais toujours les mêmes, histoire de bien enfoncer le clou.

Alors le piège est là, bien tendu, pour ne pas y tomber il ne faut pas déposer le disque sur la platine, c’est facile, mais s’il tourne, embarqué à la vitesse de trente-trois tours un tiers, ce n’est pas grave, il suffit de ne pas soulever le bras, ni déposer le diamant sur la cire, et si malgré tout, l’affaire en arrivait là vous pourriez de toute façon le relever, ou couper le jus ou bien attendre un peu que ça vous lasse…

Bien, ça ne vous lasse pas, vous êtes comme moi, du genre patient qui en a vu d’autre, des Palomas, encore des Palomas, mais variées, même variées, pas encore avariées cependant, encore un petit peu… et vous voilà arrivé à la fin de la face…

Bah ! Vous êtes fort et costaud, ce truc obsédant ne peut vous faire de mal, enfin pas sérieusement, on tourne la face, « La Paloma » encore, la version longue, dix minutes et quelques, c’est reparti, encore et encore, ça tourne, il faut tenir, ça devient obsessionnel, presque maladif, les titres défilent et se mélangent les uns aux les autres, mélangeant des structures musicales qui se chevauchent, se tortillent en vous tordant le cerveau, ça y est vous êtes sous « emprise », vous le saviez bien qu’il ne fallait pas le déposer sur le plateau ce foutu vinyle, cette fois-ci ce sera peut-être la bonne, celle dont on ne revient pas…

La Paloma, cette mortelle randonnée…

Carla Bley - Some Dirge - Mortelle Randonnee


LA PALOMA ( Traditionnel ) / B.O.F. "MORTELLE RANDONNEE" / Carla Bley


MUSIQUE MECANIQUE / B.O.F. "MORTELLE RANDONNEE" / Carla Bley


LOS PALOMINOS ( Traditionnel ) / B.O.F. "MORTELLE RANDONNEE" / Carla Bley
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 7 nov. 2023 15:56

Voici le dernier album consacré à Sun Ra, avec un commentaire souvent ancien, puisé dans mes vielles fiches...

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Sun Ra Arkestra – Egypt Strut (2010)

Le point commun de ces deux faces, c’est l’Egypte et plus particulièrement Le Caire, où ont été enregistrés ces deux témoignages, l’un en studio et l’autre en concert. Cette destination représente une forme particulière pour Sun Ra, celle du « retour aux sources », à la façon d’un pèlerinage. Nombreux sont les Jazzmen à avoir chanté l’Afrique, à l’avoir célébrée, mais peu ont pris la peine de l’arpenter, et même de l’ « enquêter » en y recherchant les sources musicales de Jazz. La cosmologie de Sun Ra doit beaucoup à l’ancienne Egypte, mais il y puisera aussi son goût pour les percussions, elles inondent son œuvre avec bonheur et leur abondance est l’une des caractéristiques principales de la musique de Sun Ra.

Ce voyage fut aussi l’occasion d’une rencontre, celle de Sun Ra et Salah Ragab. Les signes ne peuvent tromper : ces deux là sont faits pour s’entendre. Salah Ragab est un percussionniste égyptien qui créa, dès 1968 un grand orchestre de jazz, intégrant les influences de la musique arabe. Il joua avec le Cairo Jazz Band lors de la visite de Nixon en Egypte en 72. On peut donc l’entendre sur cet enregistrement, il joue aussi de la batterie sur la face deux. Disons le tout de suite, la rencontre est belle et féconde, la musique heureuse et sereine. Salah Ragab s’avère également prolixe, il est aussi l’auteur des deux compositions de la première face.

Celle-ci se caractérise par une restitution sonore de haute qualité, ce qui n’est pas toujours le cas chez le Grand Céleste. La pureté dans les timbres et les sons ajoutent à la force tranquille d’ Egypt Strut qui se déroule sur un rythme syncopé évoquant une marche majestueuse. Le mouvement est l’un des thèmes récurrent, peut-être même obsessionnel, dans la musique de Sun Ra.A cette occasion on sent une grande proximité musicale entre nos deux musiciens-compères, une sorte de fusion artistique.

Dawn est une composition écrite autour d’un hymne islamique chanté au cours du mois de Shawall, selon la tradition religieuse, à 4h51 du matin, après être sorti de sa maison. On peut y entendre Sun Ra jouer du mélodica.

L’enregistrement de la face deux est de qualité très moyenne, on a l’impression d’avoir affaire à un bootleg en mono au son brut issu d’un seul bloc massif. On y retrouve l’un des chevaux de bataille de Sun Ra qu’il aime jouer en Live : Watusa (parfois nommé Watusi) qu’il joue assez régulièrement depuis la fin des années 50. La pièce est enregistrée au « Il Capo club de jazz » du Caire où l’espace est réduit et confiné, il émane de l’enregistrement un sentiment d’étouffement, de transe : l’ambiance semble bien chaude et la température élevée… Les percussions sont à la fête pendant ces 18 minutes de folie où les danseurs sont accompagnés par tous les membres de l’Arkestra rejoints par Salah Ragab, une orgie de percussions déferle dans la salle, jusqu’à l’exposé final du thème.

Egypt Strut


Dawn


Watusa - Sun Ra Arkestra with Salah Ragab in Cairo (1/13/1984)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 8 nov. 2023 04:49

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Charlie Haden / Carla Bley – The Ballad Of The Fallen – (1983)

Carla Bley restera à tout jamais exceptionnelle par le nombre de chefs d’œuvres dont elle est à l’origine, ou auxquels elle a participé. La voici en co-lead avec Charlie Haden pour « The Ballad of the Fallen », un album engagé contre les ingérences Etatsuniennes en Amérique du Sud.

Sur un dessin d’enfant au dos de la pochette on peut lire :
« No to U.S. intervention : yanky invader out of El Salvador -
Our only crime is that we are poor –
We are tired of so many bullets sent by Ronald Reagan »


Carla a écrit les arrangements des pièces et quelques thèmes, « Introduction To People » et « Too Late », « Silence » est de Charlie Haden, les autres pièces sont des airs populaires, ou traditionnels ou encore militants. L’album débute même par « Els Segadors » un air en provenance le la guerre civile espagnole qui fait le lien avec l’album du « Liberation Music Orchestra » qui marqua en profondeur bon nombre de ses auditeurs.

Il y avait déjà de fameux musiciens, mais ici c’est remarquable également, on retrouve d’ailleurs cinq musiciens d’alors, les plus renommés, qui sont à nouveau présents sur ce projet. Charlie Haden à la basse, Carla au piano, Don Cherry à la trompette de poche, Dewey Redman au ténor, Michael Mantler à la trompette, Paul Motian à la batterie et aux percus, auxquels s’ajoutent les nouveaux, Sharon Freeman au cor d’harmonie, Mick Goodrick à la guitare, Jack Jeffers au tuba, Jim Pepper aux saxos alto et soprano ainsi qu’à la flûte, Steve Slagle également aux saxs alto et soprano, à la clarinette et à la flûte, et enfin Gary Valente au trombone. Douze musiciens dont sept souffleurs, une fameuse équipe.

Le répertoire a été évoqué plus haut, mais « The Ballad Of The Fallen » est une ré-écriture de « Milonga para un fusilado » qui provient du Salvador, et « The People United Will Never Be Defeated » est écrite par Sergio Ortega et Quilapayun, elle provient du Chili. Quatre autres titres proviennent du répertoire issu de la période de la guerre civile Espagnole, et « Grandola Vila Morena » du Portugal.

De tels albums, aussi engagés, ne sont pas très courants, car ils ont le don d’effrayer les maisons de disques qui cherchent bien souvent les profits. Gloire donc à tous ceux qui osent s’y risquer, au nom d’un idéal qui les surpasse, avec un souci de générosité et d’humanité.

Celui-ci est devenu un classique incontournable de la musique de jazz.

Charlie Haden / Els Segadors (The Reapers)


Carla Bley & Charlie Haden - The Ballad of The Fallen


Charlie Haden - Silence


TOO LATE (from "The ballad of the fallen")
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 9 nov. 2023 04:17

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Ivo Perelman, Matthew Shipp, William Parker, Gerald Cleaver – Serendipity (2013)

Une histoire qui commence par un rendez-vous raté, Perelman, Shipp et Cleaver devaient se retrouver en studio pour enregistrer un album, deux arrivèrent et le troisième ne donna pas signe de vie, Ivo appela alors son ami William Parker pour compléter le trio, l’absent d’un moment surgit tout à coup et William également, la décision fut prise, ils enregistrèrent à quatre ce splendide album.

Une seule pièce longue de quarante-trois minutes fut au menu, une improvisation totale et féconde entre des musiciens qui se connaissent et se fréquentent habituellement, ou souvent pour ce qui est de Parker. « Serendipity » est à la fois le nom de l’album et de la composition enregistrée.

Parlons d’Ivo Perelman puisqu’il est ici leader et puissance invitante, il est alors en pleine gloire et enregistre énormément, très souvent sur Leo Records, un prolifique label consacré au free jazz où il enregistre à tour de bras, sa discographie devenant très conséquente, son dernier effort pour le label date de deux mille dix-neuf un quadruple Cd enregistré en duo avec Matthew Shipp.

Ici il est absolument énorme, les amoureux du saxophone ténor trouveront sur cet enregistrement un véritable expert de l’instrument avec un énorme feeling, son jeu est basé sur un puissant lyrisme qui s’exprime souvent dans les aigus, il n’est pas sans rappeler Ayler pour ce qui est du vibrato, bien que son jeu soit plus fin et effilé. Il réussit à émouvoir par un jeu sensible parfois très viscéral.

Matthew Shipp est un pianiste virtuose toujours plein d’idées avec, en magasin, une infinité de plans diaboliques qui fonctionnent à tous les coups, c’est un extraordinaire pianiste qui dispute à Ivo une discographie également considérable, même s’il joue souvent chez « les autres », à la manière de l’extraordinaire William Parker, une vedette sur ce fil.

Ce dernier se glisse au milieu de ce trio à la façon d’un félin, insidieusement et avec une habileté absolue, il joue sa partie sans faillir, apportant un groove exceptionnel pour un album qui respire la joie et le plaisir de jouer, de partager. Gérald Cleaver est évidemment parfait ici, irremplaçable, pôle nécessaire, puissant et dynamique, il n’est pas le dernier à emballer la machine pour soutenir Ivo lors de ses solos.

Alors l’album en trio se fera à une autre date, sous le titre « The Foreign Legion », qui sortit un peu plus tôt, en deux mille douze. Cet album-ci est ce que j’appellerai un pur joyau, fruit du hasard et de la nécessité du moment, pour paraphraser qui vous savez…

Serendipity
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 9 nov. 2023 15:12

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John Coltrane – Olé Coltrane (1961)

Olé est un album clé à plus d'un titre, déjà il clôt la période "Atlantique" dernier album en date pour la major, il est aussi enregistré entre les deux sessions d'Africa Brass, d'une certaine façon on peut affirmer qu' il ouvre artistiquement la période "Impulse". Puisant ses thèmes, tel Miles Davis, du côté de l'Espagne (et même de l'Inde), Coltrane offre un album d'une puissance rare, pourtant accessible à tous.

On retrouve en gros le même personnel que sur Afica Brass. Elvin Jones, l'un des piliers du quartet, est déjà là, en compagnie de McCoy Tyner. Côté basse, ils sont deux Art Davis et Reggie Workman, dans des rôles complémentaires. La surprise c'est l'arrivée de George Lane à la flûte sur ce titre et à l'alto face B. En fait, pour des raisons contractuelles, ce fameux "George Lane" n'est autre qu'Eric Dolphy dont le nom a été changé. On trouve également Freddie Hubbard à la trompette. Sur Olé, la pièce principale, Coltrane a abandonné son ténor et joue du soprano, il y a d'ailleurs quelques analogies avec "My Favorite Things" qu'il aime tant jouer.

On assiste ici à un pas décisif dans l'avancée artistique de Coltrane qui n'hésite plus à se lancer dans de longues œuvres avec de longs solos, il se montre tout simplement bouleversant au soprano, bien soutenu par les polyrythmies d'Elvin Jones, le jeu des basses dont les cordes sont à la fois frottées et pincées, évoquant ainsi le folklore espagnol. McCoy Tyner plaque invariablement les accords avec un entêtement et une force implacable au piano. Les solistes n'ont plus qu'à peindre les motifs riches et évocateurs qui nous transportent dans des contrées éloignées, bien au-delà de l'Espagne, vers les portes d' A love suprême...

La face deux est forcément moins ambitieuse, on retrouve cependant une très belle composition de McCoy Tyner : « Aïsha », à la mélodie toute en beauté et en tendresse, ainsi que le thème « Dahomey Dance » et ses sublimes solos où Coltrane et Dolphy se montrent si fascinants. Un album charnière de la part du maître !

John Coltrane - Olé Coltrane (Full Album avec titre bonus)
1. Olé 00:00
2. Dahomey Dance 18:15
3. Aisha 29:05
4. To Her Ladyship 36:45
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par whereisbrian » jeu. 9 nov. 2023 16:47

Album magnifique, que j'ai en LP et en CD.
L'intro du titre "Olé" (en particulier la basse) et le jeu de Elvin Jones me cloue toujours.


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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 9 nov. 2023 21:28

whereisbrian a écrit :
jeu. 9 nov. 2023 16:47
Album magnifique, que j'ai en LP et en CD.
L'intro du titre "Olé" (en particulier la basse) et le jeu de Elvin Jones me cloue toujours.

Tu as raison, Elvin Jones est déjà hors normes !

Pour l'anecdote, Noah Howard a repris le titre "Ole" sur l'album Live in Europe...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 10 nov. 2023 04:20

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John Zorn – New Masada Quartet Vol. 2 (2023)

Voici donc le second volume du New Masada Quartet dont le projet est d’interpréter les compositions tirées des Songbooks Masada, s’inscrivant dans la continuation de l’historique « Masada » composé de Dave Douglas, Greg Cohen, Joey Baron et John Zorn. A l’époque, entre quatre-vingt-quatorze et quatre-vingt-dix-huit, dix volumes furent enregistrés, puis une série de live entre quatre-vingt-dix-huit et deux mille deux, avec en outre quelques extras…

Pour ce faire la nouvelle formation est formée par Julian Lage à la guitare, Jorge Roeder à la contrebasse, Kenny Wollesen à la batterie et évidemment John Zorn lui-même au saxophone alto. Les thèmes retenus sont toujours dans la même veine, à savoir la musique klezmer pour la tradition et le jazz pour la modernité, « Rahtiel » par exemple pourrait résumer ce mélange heureux fort réussi.

On retrouve ici ce qui fait le point fort de cette musique, le lyrisme avant tout, prenant, qui parle au ventre et aux tripes, avec un Zorn qui ne recule devant rien et qui s’offre au moment voulu quelques glissades free du meilleur effet. Il y a également ce curieux « Jair » pris en sandwich entre un rythm & blues convenu et un dérapage free-jazz déjanté, mélange des contraires parfaitement collés et incrustés.

« Abidan » permet de goûter aux savoureuses sonorités de la guitare de Julian Lage qui nous offre une introduction de la pièce parfaitement délectable. Puis le saxo de Zorn nous promène dans un voyage un peu nostalgique, porté toujours par cette merveilleuse guitare qui transporte à travers ses accords des climats sublimes, nous voici emportés dans un magnifique voyage…

D'ores et déjà il est permis de préférer ce second volume par rapport au précédent, tout simplement parce qu’il touche davantage et se montre plus chaud, la cohésion entre les musiciens fonctionne à plein et ça se ressent, sans parler de froideur, le premier volume n’emballait pas à ce point, mais se bornait à sceller une réunion de musiciens. Ici ce stade est dépassé, ça se confirme d’ailleurs avec les deux derniers titres qui valent le détour également.

Rahtiel


Abidan


Jair


Idalah-Abal
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 10 nov. 2023 15:49

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Eric Dolphy – Out There (1961)

Après avoir participé au sein de l’orchestre de Charlie Mingus au festival d’Antibes (Mingus at Antibes), qui a laissé un souvenir extraordinaire dans la mémoire des spectateurs présents ce soir là Le 15 août 1960 Eric Dolphy retrouve le chemin des studios pour y graver son deuxième album en tant que leader, dans les studios de Rudy Van Gelder, aujourd’hui mythiques. Nous sommes au mois d’août, six mois après son premier enregistrement. On le sent encore sous l’emprise d’Ornette Coleman, particulièrement sur le titre « Out there », atteignant les limites du be-bop sans encore oser passer le pas, dans moins de trois mois ce sera fait, il participera aux sessions du célèbre « Free Jazz » qui libèreront les musiciens des règles et le débarrasseront du carcan des progressions d’accord.

Lorsqu’il a joué il y a quelques temps avec Chico Hamilton, Eric a fait une rencontre importante, celle d’un musicien aussi jeune que lui, le contrebassiste Ron Carter qui joue également du violoncelle. Cette particularité va aiguiser l’intérêt de notre multi-instrumentiste, qui va, dans cet enregistrement, tenter d’intégrer avec réussite le violoncelle dans un orchestre de jazz. Pour se faire il fait appel un authentique bassiste en la personne de George Duvivier rencontré chez Oliver Nelson et confie la batterie à Roy Haynes déjà présent lors de son premier disque en tant que leader.

"Out there" est le premier titre de l’album. Eric Dolphy y est époustouflant de virtuosité à l’alto, George Duvivier est un point d’ancrage très fort au sein du quartet, fournissant une base solide aux envols du saxophoniste. Ron Carter, avec son archet fait vibrer les cordes du violoncelle et serpente en volutes autour des notes de basse de George Duvivier, retour de l’alto dont la spirale de notes emporte l’auditeur dans un tourbillon sans fin.

"Serene" est une très belle ballade, sur laquelle Eric Dolphy joue de la clarinette basse avec un lyrisme magnifique, Roy Haynes joue toujours avec grâce et distinction, se combinant à merveilles aux cordes qui l’entourent, délivrant avec subtilité une certaine gravité au morceau. Le duo basse, violoncelle est tout à fait complémentaire, malgré que, dit-on, Ron Carter soit malade lors de ces sessions.

"The Baron" est un hommage d’Eric Dolphy à Charlie Mingus, son ex-boss, Dolphy est à nouveau à la clarinette basse en duo avec le violoncelle pour l’exposé du thème, très vif et « mingusien » bien sûr ! Le solo de Carter est exécuté sur un ton interrogatif, phrases courtes qui se terminent dans l’aigu, celui de Dolphy très classique, l’ensemble poussé par la basse chantante de George Duvivier, comme il se doit.

A nouveau Charlie Mingus à l’honneur, il est en effet le compositeur de "Eclipse", qu’il vient d’enregistrer sur l’album Pre-Bird, cette pièce ouvre la seconde face, le violoncelle se fait mélancolique et même quasiment lugubre sur cette triste ballade empreinte d’une lourde gravité.
Complet changement de registre pour "17 West" qui se montre joyeux et trépidant, Dolphy à la flûte y est vif et insaisissable, sa sonorité est douce et enlevée, poussé par la basse sautillante de Duvivier et le jeu tout en finesse de Roy Haynes. C’est du jazz de chambre qui est ici joué, le violoncelle intervient comme un métronome, apportant une certaine contradiction à l’insouciance de la flûte.

"Sketch of Melba" est une reprise de Randy Weston, c’est une jolie ballade, où Eric délivre, sur un beau thème presque romantique, un magnifique solo de flûte très lyrique, avec une belle mélodie très accrocheuse. Ron Carter lui répond sur le ton de la mélancolie, les sons du violoncelle se montrent ici graves et introspectifs. Un très beau morceau avec un Eric Dolphy extraordinairement brillant à la flûte.

L’album se termine avec le superbe "Feathers", thème autrefois entendu dans l’orchestre de Chico Hamilton, qui conclue avec force et émotion ce bel album. On y entend l’alto trouver des accents mélancoliques, le lyrisme déborde et annonce une dimension de la musique d’Albert Ayler. En fait, on ne sait plus trop bien sur quelle case on est arrivé, partis du be bop nous voilà situés quelque part entre la musique de chambre et ce « third stream » dont on semblait vouloir jeter les bases à l’époque avec George Russell, John Lewis et Gunther Schuller…

Indiscutablement un grand album, chaque pièce est une réussite, hors des sentiers battus

Out There


Serene


Sketch Of Melba


Feathers
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Message par Douglas » sam. 11 nov. 2023 04:52

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Nick Mason – Nick Mason's Fictitious Sports – (1981)

Le nom du batteur de Pink Floyd peut sembler un intrus sur ce fil consacré au jazz et aux musiques improvisées, pourtant sa présence se justifie, car ici, curieusement, il semble être dans la peau d’un « prête-nom ». Sans doute pour des raisons commerciales et de notoriété, il se met en avant de façon à booster les ventes de cet album écrit en totalité par Carla Bley, paroles et musiques, même la prod est attribuée pour moitié à Carla, l’autre créditant Nick Mason qui officie par ailleurs uniquement en tant que batteur.

Pour le reste je ne connais rien de l’historique de cet album sinon que sa couleur est très pop, et que les musiciens de jazz y pullulent comme une nuée d’abeilles autour d’une cuillère de miel. Quelques noms : Gary Windo, Gary Valente, Mike Mantler, Howard Johnson, Steve Swallow et Terry Adams. Le chanteur est Robert Wyatt et le guitariste Chris Spedding.

Il y a deux chansons un peu cabotines, ni vraiment bonnes, ni franchement mauvaises, « Can’t get My Motor To Start » pour le sport automobile, puisque l’album fait référence au sport, et « Boo To You Too » un autre air Rock n’Roll un peu décalé. Mis à part ces deux-là, les titres vont plutôt de bon à très bon et même excellent pour la dernière pièce de l’album « I’m a Mineralist » qui est transcendée par le chant de Robert Wyatt, élevant cette superbe compo vers des sommets souvent difficiles à atteindre, bien qu’il soit coutumier du fait.

Mais auparavant on a déjà bien vibré avec « Do Ya », « Hot River » ou « I Was Wrong » et « Siam ». « Wervin » a des airs de Père Ubu et « Hot River » nous ramène à Pink Floyd, un clin d’œil envers Nick Mason qui semble heureux au milieu de cet entourage.

Cet album avec ses airs potaches et décalés, qui ne se prend pas au sérieux, ou si peu, semble récréatif, jouissant du bon air frais, comme une pause avec un sourire, le temps de jouer une autre musique sans trop se prendre la tête, après les chefs d’œuvres accumulés, juste respirer un peu, et se marrer un coup...

Il y a évidemment une place pour un album comme celui-là dans toute bonne discothèque, classée dans l’ordre alphabétique, car le classement par genre sera problématique. Mention à Chris Spedding, qui, de mon point de vue, est souvent décisif pour l’attribution de cette couleur pop-rock qui va bien.

Do Ya?


I'm a Mineralist


Hot River


Siam
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 12 nov. 2023 05:05

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Carla Bley – Heavy Heart – (1984)

J’avais évoqué un peu plus haut une sorte de tournant un peu « jazz rock », stylé années quatre-vingts, et bien le voici… En général ce genre de virage s’accompagne d’adjectifs divers, comme « superficiel », voire « commercial », ou bien « léger » même, enfin, on sent une perte dans la gradation et dans l’estime qui va avec, il peut même percer l’idée d’une trahison, ou pire encore d’une porte qui se ferme, avec un côté décisif…

Bon, nous n’en sommes pas tout à fait là, pas avec cette extrémité, mais il y a un peu de ça, cependant… Côté positif, l’orchestre est composé d’excellents musiciens, des cadors, la patronne Carla porte elle-même une grande part de ce changement, à son habitude elle compose, soigne les arrangements de l’orchestre, joue de l’orgue, mais également du synthé…

Il y a un pianiste, Kenny Kirkland, pourquoi pas, Carla se consacrera de plus en plus à l’orgue dont elle aime la souplesse. Il y a également l’excellent guitariste Hiram Bullock, Michael Mantler et sa trompette, Steve Slagle à la flûte et aux saxs baryton et alto, Gary Valente au trombone, Earl McIntyre au tuba, Steve Swallow à la basse, Victor Lewis à la batterie et Manolo Badrena aux percus.

J’aime bien « Talking Hearts » sur la première face, pièce lente qui tranche, « Ending it » face B avec ce trombone si plaisant, « Starting Again » avec un beau solo de piano qui ne cherche pas à plaire et s’élève, contestataire, la gratte qui succède est également inspirée.

« « Heavy Heart » qui conclut l’album prend son temps, presque dix minutes au total, un truc genre ballade avec plein de lyrisme, qui rappelle le bon vieux temps. On pourrait même s’y accrocher à deux pour un slow, s’enlacer tendrement, ou encore avec un seul bras, l’autre étreignant... la cigarette, histoire de montrer qu’on ne tombe comme ça, facile… Et puis il y a ces fausses fins qui n’en finissent jamais, et ces vrais redémarrages avec cet orgue qui le fait bien, et ces accélérations de temps en temps, comme pour agiter le cocotier, avant de retourner une bonne fois vers la tendresse et ce final de cinéma, irrésistible, c’est ça, Palace !

CARLA BLEY ft. Hiram Bullock, Steve Swallow, Victor Lewis, Kenny Kirkland & more "Talking Hearts"


CARLA BLEY "Ending it" / JBL 4349 Studio Monitor / Original WEST GERMANY AUDIO CD


Carla Bley - Heavy Heart [Heavy Heart].wmv
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » dim. 12 nov. 2023 13:13

En écoute : le dernier Matana Roberts.
Le chapitre 5 de son cycle de 12 albums. Ca vient de sortir sur Constellation (un label dont je ne suis pourtant pas très fan).

Une nouvelle fois l'américaine,ex-membre de l'AACM déploie son jazz aux multiples influences : la musique afro-américaine, l''avant garde, le spoken word (...) le tout pour raconter son projet Coin Coin à l'aide de son saxophone et de ses expérimentations libres (free)

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Matana Roberts – Coin Coin Chapter Five: In The Garden (2023 - Constellation)
2 disques vinyles 10"

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 12 nov. 2023 16:24

Piranha a écrit :
dim. 12 nov. 2023 13:13
En écoute : le dernier Matana Roberts.
Le chapitre 5 de son cycle de 12 albums. Ca vient de sortir sur Constellation (un label dont je ne suis pourtant pas très fan).

Une nouvelle fois l'américaine,ex-membre de l'AACM déploie son jazz aux multiples influences : la musique afro-américaine, l''avant garde, le spoken word (...) le tout pour raconter son projet Coin Coin à l'aide de son saxophone et de ses expérimentations libres (free)

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Matana Roberts – Coin Coin Chapter Five: In The Garden (2023 - Constellation)
2 disques vinyles 10"
Super!

Merci pour l'info !
:super:
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 12 nov. 2023 16:39

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Ken McIntyre With Eric Dolphy – Looking Ahead - (1961)

En cette année 1960, Eric Dolphy passe d’une session à l’autre, enregistrant beaucoup. Il est très sollicité. "Outward Boud" a reçu un bon accueil de la part de la critique et du milieu du Jazz. Son style n’y est pas encore affirmé, son modernisme est mis en sourdine, bien qu’il soit catalogué parmi les novateurs. Il enregistre avec Oliver Nelson, puis avec Ken McIntyre ce « Looking ahead » que voici. Bien que cet album sera plus tard réédité sous le nom d’Eric Dolphy, pour d’évidentes raisons commerciales, c’est bien Ken McIntyre le leader et maître du projet, d’ailleurs, il a composé tous les titres mis à part la reprise.

Ken McIntyre est très influencé par Ornette Coleman, c’est un multi-instrumentiste émérite qui n’a rien à envier à Eric Dolphy pour ce qui est de la maîtrise technique. Il a beaucoup écouté Charlie Parker, mais a essayé de développer son propre style et de s’en démarquer, cette affirmation de sa personnalité ne lui a pas rendu service, vite jugé par des musiciens ou des critiques qui ne voient alors qu’en fonction du seul Charlie Parker, cependant sa grande culture musicale lui ouvrira les portes de l’écurie « Prestige ». Il connaissait Eric Dolphy et l’avait déjà rencontré, c’est donc avec enthousiasme qu’il accepte la proposition de Prestige de faire un album avec ce sideman qu’il apprécie.

Pour l’auditeur cet album possède par ailleurs une saveur ludique intéressante. A l’écoute ici, il n’est pas suffisant de distinguer l’alto du ténor ou du soprano, les deux musiciens jouant tous les deux à la fois de la flûte et du saxophone alto, il faudra à l’aide des sonorités, du timbre et du style de chaque musicien, définir lequel est en train d’exécuter un solo. Ceci dit, c’est amusant et pas trop difficile, chacun ayant sa personnalité propre.

"Lautir" ouvre l’album, le thème est joué par les deux saxophonistes en même temps et c’est Ken McIntyre, en bon leader qui prend le premier solo, tout en souplesse et légèreté. Sur le canal droit Dolphy lui répond à la flûte, puis c’est au tour de Walter Bishop Jr, au milieu du spectre sonore, d’exécuter un solo de piano, retour du thème et la pièce est déjà terminée.

"Curtsy "est également joué sur tempo rapide, et même vif. Le premier solo tout en souplesse avec des montées et des descentes rapides de l’aigu vers le grave est signé McIntyre qui joue donc à gauche, plus ramassé, avec une attaque plus franche et dans un style plus dur, Dolphy répond à droite, les deux altos conversent ainsi, sous la forme du dialogue, en de phases brèves de plus en plus tendues. Walter Bishop, dans un style bop très affirmé y va de son solo, plus âgé que ses protagonistes il fait son retour sur l’avant de la scène, après avoir connu une période d’éclipse.

"Geo's Tune" a été écrit pour accompagner un danseur, c’est donc à nouveau un titre au tempo très vif, McIntyre s’emploie à imiter des rires pendant son solo, ces rires, explique t-il, ont été ajoutés par lui comme la marque d’une auto-dérision à propos de son propre style, sans doute pour se conforter au formalisme ambiant. Dolphy relance ensuite

"They All Laughed" est la seule reprise de l’album, signée George et Ira Gershwin. C’est une ballade jouée sur un tempo moyen, sur laquelle Dolphy se montre lyrique et attentif. Arthur Taylor aux drums, celui qui est surnommé « Mr Cool » assure le tempo au service de ses partenaires, avec le relâchement que laisse pressentir son surnom.

"Head Shakin'" est un blues avec un groove assez rapide, la section rythmique se montre très à l’aise, Sam Jones à la basse se montre très précieux, il s’est imposé il y a peu aux côtés de Cannonball Adderley et il assure une énorme assise rythmique tout en ouvrant son jeu aux explorations plus complexes, Walter Bishop n’a pas de mal à y puiser son inspiration. Eric Dolphy joue à l’alto un très beau solo puisé dans le blues, suivi par le leader à la flûte, qui s’exprime avec douceur, dans un style apaisé et coulé.

Dianna, écrit en 55, voit se dessiner un duo surprenant de Mc Intyre à la flûte et de Dolphy à la clarinette basse. C’est peut-être le plus beau morceau de l’album, McIntyre est tout en retenue, fragile et champêtre tandis que Dolphy se montre émouvant, rempli d’une ferveur contenue.

Un bel album optimiste, à redécouvrir.

Lautir - Ken McIntyre With Eric Dolphy


Dianna - Ken McIntyre With Eric Dolphy


Curtsy


Ken McIntyre & Eric Dolphy - They All Laughed


Geo's Tune
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 13 nov. 2023 03:51

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