J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 4 janv. 2024 05:10

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Graham Collier – Hoarded Dreams – (2007)

Peut-être vous souvenez-vous de Graham Collier dont je vous avais recommandé le fameux « Darius » il y a quelques années de cela ? Pour l’heure cet album est bien sorti en deux mille sept mais il contient un trésor bien plus ancien, enregistré en live at the « Bracknell Jazz Festival » en 1983. A l’époque c’était pour une commande de la part du « Arts Council of Great Britain ».

En observant la liste des musiciens sur la pochette probablement êtes-vous déjà ébloui, oui, c’est bien un grand ensemble que dirige Graham Collier, avec quasiment des grands noms à tous les postes, à vrai dire il y a là quelque chose d’effarant ! Pire les noms moins connus signent à l’heure des solos des performances incroyables qui font de cet album une sorte d’incontournable du jazz anglais.

A l’heure de la parution du Cd, deux des musiciens ont déjà quitté la scène, et le disque leur est dédié, le tromboniste Eje Thelin et le bassiste Paul Bridge, excellents tous les deux. Ce qui est passionnant ici c’est cette forme un peu à l’ancienne où, pour chaque solo effectué, on note précisément le nom du soliste, ainsi chacun est mis en avant en même temps que l’œuvre en elle-même, à la mode d’autrefois où l’heure du solo valait acte de bravoure et de signature.

C’est ce souci du détail qui permet à l’auditeur de suivre chacun, d’apprécier ses tournures et ses phrases, son style et ses caractéristiques, élevant l’auditeur de passage au statut de critique presque, et je reviens à ce que je disais un peu plus haut en parlant des musiciens plus modestes sur le papier mais parfaitement remarquables dans l’action, comme Ed Speight à la guitare par exemple.

« Hoarded Dreams » est une longue suite d’environ soixante-dix minutes, partagée en sept parties d’inégales longueurs, c’est Graham Collier qui a tissé les liens de l’œuvre, lui octroyant un souffle vraiment puissant, souvent épique où chacun trouve sa place avec une efficacité terrible. Cette conjonction entre l’écriture de Graham et la magnificence des solistes est pur bonheur.

Chacun s’inscrit avec évidence dans la discipline collective, mais cette forme très souple sait s’adapter à chacun avec une exigence horlogère, les dix-neuf qui sont là réunis sont les acteurs privilégiés d’une mise en scène sonore exceptionnelle. Alors bien sûr nous nageons en plein post-bop sans glisser jamais vers le free jazz, mai chacun des solistes ici, John Surman, Kenny Wheeler, Manfred Schoof, Conny Bauer ou Ed Speight par exemple, s’expriment avec une liberté totale lors des solos, et ne sont brimés que par le canevas général qui cadre la structure sonore.

Un monument.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 5 janv. 2024 06:56

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Bex Burch – There Is Only Love And Fear – (2023)

Voici donc à nouveau un album en provenance d’International Anthem, millésimé deux mille vingt-trois, une année où le tournant vers les musiques nouvelles et modernes s’est accentué pour le label, hésitant de moins en moins entre un mélange électro-jazz ou même électro tout court…

C’est Bex Burch l’autrice ici, Installée à Londres, puis à Berlin, après un saut au Festival « Guess Who? » elle arrive à Chicago pour la préparation de cet enregistrement qui est sorti en cette fin d’année, après un long travail de coupage, découpage, recollage, sélection, tri, bref le temps du montage dont nous profitons maintenant.

Alors je ne sais si c’est dû à Carlos Niño ou à Matthew Halsall, mais la prédominance des percussions est une nouvelle fois de mise, comme si la soif de ce tapis sonore, qui traversa le temps s’impose aujourd’hui avec une grande force dans les musiques les plus modernes.

Bex Burch son truc c’est le xylophone, que l’on pourrait mettre au pluriel dans son cas, mais elle joue également des tambours, des cloches, de la sanza, des pitch pipes, du water drum, du tongue drum, du piano et de la voix…

Elle est entourée également d’une douzaine d’invités, comme Ben Lamar Gay au cornet, Oren Marshall au tuba, Rob Frye à la flûte, Dan Bitney, le batteur de Tortoise également au synthé et beaucoup d’autres encore qui, chacun, apporte sa couleur et sa vision, de quoi égayer ce délire rythmique, souvent répétitif… des femmes également comme la contrebassiste Anna Butterss ou la violoniste Macie Stewart…

Toute cette énergie est mise au service d’une musique plutôt simple et même basique pourrait-on dire, bien qu’il faille de l’épure et du goût pour atteindre cet art brut, ce minimalisme exempt de scories, la pureté de la ligne, savoir faire la place à l’autre…

Quelques titres sympas, «Dawn Blessings», « You thought you were free ? », « When Love begins »…

Bex Burch - "Dawn blessings"


You thought you were free?


If I was you, I'd be doing exactly the same


When love begins
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 6 janv. 2024 07:05

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Ivo Perelman – Circle Dance - (RE -2005)

« Circle Dance » est la réédition allemande du tout premier album d’Ivo Perelman paru en quatre-vingt-neuf au Brésil sous le titre « Ivo ». Je ne sais si la pochette originale était une réussite, mais celle-ci n’est pas laide, malgré qu’elle semble apparemment assez éloignée du sujet initial.

Mais qu’importe, car cet album est très intéressant par les renseignements qu’il nous livre sur le passionnant saxophoniste brésilien. Le répertoire d’abord peut sembler étonnant puisqu’il est entièrement constitué d’airs folkloriques, dont cinq sont issus des chansons traditionnelles brésiliennes pour enfant.

Les trois premiers titres sont chantés par Flora Purim dont la renommée n’est plus à faire, elle est vraiment superbe sur « Nesta Rua » qu’elle ensorcèle. Au rang des musiciens très connus il y a également le percussionniste Airto Moreira qui fait une belle démonstration sur cet album, bien épaulé par le batteur Peter Erskine, un expert.

Assez curieusement il y a un duo de bassiste sur cinq des sept titres présents, ce sont John Patitucci et Buell Neidlinger qui assument le rôle, Don Preston tient le piano et le synthé sur « The Carnation and the rose ». La pianiste Eliane Elias, sur deux titres, jouent en duo avec Ivo Perelman, « El dia en que me quieras » et « Ponta de areia », deux belles pièces, des ballades lyriques, très sensibles.

Ces titres issus du terroir, ces chansons enfantines en provenance du répertoire des comptines nous rappellent inévitablement Albert Ayler qui partageait ces mêmes passions, à l’heure des débuts d’Ivo en tant que saxophoniste leader nous ne pouvons qu’exploiter la piste et le signaler comme une très probable influence, bien qu’il n’y ait cependant rien de commun en matière de vibrato, les deux étant bien éloignés par l’usage qu’ils en faisaient, à l’opposé presque.

Une autre influence se laisse entendre dans le jeu d’Ivo, c’est, sans véritable surprise, celle du saxophoniste argentin Gato Barbieri que l’on saisit au vol ici ou là, il faut dire qu’il a été bien longtemps le « son » du saxophone Sud-Américain et qu’il était difficile de s’extraire d’une telle signature, qui avait la force d’une empreinte.

Pour finir, on entend déjà également ce qui sera la force du jeu d’Ivo Perelman, cette application dans le registre aigu qui s’entend sur « Terezinha de jesus », par exemple, avec cette aisance mélodique issue de la pratique du folklore brésilien. Rétrospectivement se tiennent-là bien des aspects qui feront l’extraordinaire force de cet étonnant saxophoniste, le temps et la pratique élèveront cet art très haut, vers des sommets que nous aimons gravir…

Nesta Rua (feat. Flora Purim, Airto, John Patitucci, Peter Erskine & Buell Neidlinger)


Circle Dance (feat. Airto, Flora Purim, Buell Neidlinger, Don Preston, Peter Erskine & John...


Ponta De Areia (feat. Eliane Elias)


Terezinha De Jesus (feat. Don Preston, Flora Purim, Airto, Peter Erskine, Buell Neidlinger &...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 7 janv. 2024 04:48

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Michel Edelin Trio – Kuntu (2009)

On ne peut pas dire que le flûtiste Michel Edelin fasse du tapage, ni qu’il squatte les pages des journaux de la musique spécialisée, non, c’est plutôt un discret, un timide, de ceux qui passent sans faire trop de bruit. Pourtant il mériterait certainement une plus grande reconnaissance, ne serait-ce que parce qu’il est un musicien exceptionnel.

Né en quarante et un, sa carrière est derrière lui, bien qu’il soit toujours vaillant, il a enregistré une discographie qui mérite le respect et c’est avec un grand bonheur que j’ai commencé à explorer ses albums bien tard, moi aussi. Celui-ci est un beau témoignage de son art, enregistré sur RogueArt, le label qui demande que vous alliez vers lui.

Quelques lignes de pochette expliquent le titre, je ne résiste pas à vous les livrer comme elles se présentent :

Les mots du vocabulaire des langues bantoues sont classés en quatre catégories témoignant d’une certaine vision philosophique d’un univers où tous les éléments de la vie -terrestres et magiques- se répartissent en Muntu, Kintu, Hantu ou Kuntu.

Muntu : pour l’être humain. [On se souvient de l’album « Muntu Recordings » de Jemeel Moondoc].
Kintu : pour les choses, les plantes, les animaux…
Hantu : pour le lieu, le moment.
Kuntu : Pour les modalités, les actes de la création… Par exemple, le rire, la beauté, la musique, la danse, les arts sont « Kuntu ».


Nous serons donc un peu Kuntu à l’écoute de ce bel album enregistré en live au mois de février deux mille huit à « La Muse en Circuit » d’Alfortville. La dernière pièce, une reprise de Monk, provient d’un enregistrement « Home Studio ». Toutes les autres pièces sont signées par le flûtiste.

Michel est admirablement accompagné par Jean-Jacques Avenel à la contrebasse, ce dernier a longtemps été l’accompagnateur de Steve Lacy et son jeu est un pur joyau de cet album. Le batteur est l’américain John Betsch, plus ou moins stationné en France ces années-là. Mais il faut également signaler la présence de Steve Lehman au saxophone alto sur trois titres.

Les formations autour de la flûte n’étaient pas si nombreuses autrefois, bien qu’aujourd’hui l’instrument a su creuser son nid, rien d’étonnant donc à l’effacement des pratiquants d’alors, le renouveau dont bénéficie l’instrument apportera peut-être de nouveaux adeptes à Michel Edelin, qui est vraiment remarquable dans cet environnement.

D’évidence l’album est merveilleuse réussite jazz, toutes les pièces sont de très haut niveau et chacune porte son flambeau. S’il faut sélectionner je vous conseillerais « Goût Bulgare », « Tout Simplement » avec Lehman, « Daolo » ou « Bag’s mood » et bien sûr la reprise de « Ruby my Dear » qui clôt l’album.

Ce n'est pas un extrait de l'album, mais le trio est là:
28 févr. 2010
Michel EDELIN flute
Jean-Jacques AVENEL doublebass
John BETSCH drums
Charlie Free Festival - Vitrolles



Un court extrait de "Tout simplement" en écoute ici, avec un lot d'albums en promo, des photos... :
https://roguart.com/product/kuntu/31
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Message par Piranha » dim. 7 janv. 2024 12:37

Douglas a écrit :
ven. 5 janv. 2024 06:56
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Bex Burch – There Is Only Love And Fear – (2023)

Voici donc à nouveau un album en provenance d’International Anthem, millésimé deux mille vingt-trois, une année où le tournant vers les musiques nouvelles et modernes s’est accentué pour le label, hésitant de moins en moins entre un mélange électro-jazz ou même électro tout court…

C’est Bex Burch l’autrice ici, Installée à Londres, puis à Berlin, après un saut au Festival « Guess Who? » elle arrive à Chicago pour la préparation de cet enregistrement qui est sorti en cette fin d’année, après un long travail de coupage, découpage, recollage, sélection, tri, bref le temps du montage dont nous profitons maintenant.

Alors je ne sais si c’est dû à Carlos Niño ou à Matthew Halsall, mais la prédominance des percussions est une nouvelle fois de mise, comme si la soif de ce tapis sonore, qui traversa le temps s’impose aujourd’hui avec une grande force dans les musiques les plus modernes.

Bex Burch son truc c’est le xylophone, que l’on pourrait mettre au pluriel dans son cas, mais elle joue également des tambours, des cloches, de la sanza, des pitch pipes, du water drum, du tongue drum, du piano et de la voix…

Elle est entourée également d’une douzaine d’invités, comme Ben Lamar Gay au cornet, Oren Marshall au tuba, Rob Frye à la flûte, Dan Bitney, le batteur de Tortoise également au synthé et beaucoup d’autres encore qui, chacun, apporte sa couleur et sa vision, de quoi égayer ce délire rythmique, souvent répétitif… des femmes également comme la contrebassiste Anna Butterss ou la violoniste Macie Stewart…

Toute cette énergie est mise au service d’une musique plutôt simple et même basique pourrait-on dire, bien qu’il faille de l’épure et du goût pour atteindre cet art brut, ce minimalisme exempt de scories, la pureté de la ligne, savoir faire la place à l’autre…

Quelques titres sympas, «Dawn Blessings», « You thought you were free ? », « When Love begins »…

Bex Burch - "Dawn blessings"


You thought you were free?


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Complètement d'accord avec toi.

Les musiques nouvelles s'entrecroisent beaucoup, comme toujours me direz-vous et c'est très bien que les étiquettes, genres, styles soient de plus en plus difficiles à déterminer. Une musique, des musiques transgenres.

Les percussions ont effectivement le vent en poupe ces dernières années. Xylophone ici, gamelan là-bas.
Et c'est en général simple comme tu l'écris, dépouillé de tout artifice. Une musique qui se vit "live" (pléonasme ? :) ) avec les gestes du musicien qui apporte en général le cadre à la rythmique, à la logique sensorielle que nous cherchons.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 7 janv. 2024 19:09

Piranha a écrit :
dim. 7 janv. 2024 12:37

Complètement d'accord avec toi.

Les musiques nouvelles s'entrecroisent beaucoup, comme toujours me direz-vous et c'est très bien que les étiquettes, genres, styles soient de plus en plus difficiles à déterminer. Une musique, des musiques transgenres.

Les percussions ont effectivement le vent en poupe ces dernières années. Xylophone ici, gamelan là-bas.
Et c'est en général simple comme tu l'écris, dépouillé de tout artifice. Une musique qui se vit "live" (pléonasme ? :) ) avec les gestes du musicien qui apporte en général le cadre à la rythmique, à la logique sensorielle que nous cherchons.
Oui c'en est même fascinant, Mélanie de Biasio qui vire électro ou encore, écouté hier, Leila Martial qui perd son jazz pour une aventure éco-féministe à tendance folk, ou Meshell Ndegeocello qui fait des pas dans l'autre sens, bref les frontières semblent s'effacer devant l'artiste qui revendique une liberté encore plus totale...

C'est une belle période au bout du compte!
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » dim. 7 janv. 2024 20:51

Douglas a écrit :
dim. 7 janv. 2024 19:09
Piranha a écrit :
dim. 7 janv. 2024 12:37

Complètement d'accord avec toi.

Les musiques nouvelles s'entrecroisent beaucoup, comme toujours me direz-vous et c'est très bien que les étiquettes, genres, styles soient de plus en plus difficiles à déterminer. Une musique, des musiques transgenres.

Les percussions ont effectivement le vent en poupe ces dernières années. Xylophone ici, gamelan là-bas.
Et c'est en général simple comme tu l'écris, dépouillé de tout artifice. Une musique qui se vit "live" (pléonasme ? :) ) avec les gestes du musicien qui apporte en général le cadre à la rythmique, à la logique sensorielle que nous cherchons.
Oui c'en est même fascinant, Mélanie de Biasio qui vire électro ou encore, écouté hier, Leila Martial qui perd son jazz pour une aventure éco-féministe à tendance folk, ou Meshell Ndegeocello qui fait des pas dans l'autre sens, bref les frontières semblent s'effacer devant l'artiste qui revendique une liberté encore plus totale...

C'est une belle période au bout du compte!

Et on allait oublier André 3000 qui se prend pour Pharoah Sanders. :kiss2: Fascinant comme tu dis

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 8 janv. 2024 06:15

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Fred Frith / Chris Cutler – The Stone: Issue Two – (2007)

Dans l’ordre des sorties c’est le second, après « Issue One ». On rappelle que cette série est destinée à soutenir financièrement le fameux Club « The Stone » dédié aux musiques plutôt avant-gardistes. A l’origine ces Cds en série limitée n’étaient dispos que via la « Downtown Music Gallery », par internet.

Ce duo est composé de deux anciens d’Henri Cow, formation qui venait de se reformer brièvement lors de cette période. Fred Frith est aux guitares électriques et Chris Cutler à la batterie, aux detritus et à l’électro. Ces deux-là se connaissent parfaitement, y compris sous la forme du duo.

Fred est plutôt sur la droite de la scène, légèrement en retrait car la scène est assez exigüe. Il tient sa guitare et quelques pédales sont à portée ainsi qu’une petite table sur laquelle se trouvent quelques objets. Chris est installé devant sa batterie, mais aussi à côté d’une variété d’objets à disposition. L’électro est à côté avec une petite table de mixage. La pièce jouée se nomme simplement " Live At The Stone".

A l’écoute il est difficile de déterminer à coup sûr qui fait quoi, mais cela n’a véritablement aucune importance. La pièce frôle les cinquante et une minutes, on pourrait la trouver très tendue, intense, riche à foison et même sans doute incroyable et forcément fascinante.

Tout cela est vrai mais il faudrait également ajouter comme une sorte de « Story Telling », avec des pauses tranquilles, minimales et pourtant poignantes, bien qu’on ne sache pourquoi. C’est là tout le mystère de cette musique qui semble prendre vie et se développer selon ses propres règles, l’interaction entre les deux as est à cet égard tout à fait miraculeuse. La concentration de l’auditeur est de suite récompensée par des développements souvent inouïs.

Les amateurs de musique improvisée et de création spontanée devraient sans doute faire étape en ces lieux et profiter de cette tranquille ballade tout simplement belle et magique, une nouvelle fois, de ces moments hors du temps qui vous font aimer ou supporter la vie, et donnent du sens à votre quête musicale…

Je profite de cet album pour signaler à ceux qui veulent « creuser » encore, la présence d’un triple album de « Fred Frith Live At The Stone » qui s’appelle « All Is Always Now », et qui regroupe des extraits de concerts entre deux mille six et deux mille seize, de Fred en compagnie d’un alter égo. Une vingtaine d’invités défilent, Laurie Anderson, Sylvie Courvoisier, Jessica Lurie, Ikue Mori, Evan parker, Gian Riley, Nate Wooley…

Malheureusement il n'y a pas d'extrait pour cet album, manque de pot... Alors je glisse celui-ci qui est approchant mais réputé moins mémorable:

Fred Frith/Chris Cutler/Tim Hodgkinson 12-16-06 Stone, NYC
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 9 janv. 2024 05:35

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Steve Swell's Fire Into Music – Swimming In A Galaxy Of Goodwill And Sorrow – (2007)

Après vous avoir présenté il y a peu l’album sorti récemment « For Jemeel - Fire From The Road (2004 - 2005) », je plonge un peu aux racines de la formation pour écouter « Swimming In A Galaxy Of Goodwill And Sorrow » de deux mille sept. On se souvient de ce quartet impressionnant où se trouve à chaque poste un référent de l’instrument dont il joue.

Steve Swell est le tromboniste, il est à l’origine du projet, Jemeel Moondoc est le feu follet, il joue du saxophone alto. William Parker est à la contrebasse et Hamid Drake à la batterie. Les voici rassemblés autour de cet album, sur RogueArt, le label qui demande que vous alliez vers lui, car il ne fera pas le premier pas.

J’ai presque envie d’aller directement à la deuxième pièce qui est magnifique, « For Grachan », tellement dans l’esprit de Moncur III que remontent les souvenirs anciens, les tempos d’alors, l’esprit et la musique ensemble réunis. La basse hypnotique énorme et métronome, Swell qui remonte aux origines sans tomber dans la copie niaise, Le drumming léger de Drake qui martèle en chantant, et Moondoc qui libère la forme comme aurait fait un Shepp forçant l’allure…

Moondoc, justement il est l’auteur de deux titres ici dont « Blu Coo » qui arrive. Avec une telle rythmique qui le soutient il lui est loisible de s’échapper des lois de la pesanteur et de s’envoler, léger, transporté par le moindre mouvement d’air, et de voler, monter, encore et encore, avant de se poser sur une branche à mi-hauteur pour écouter le duo des princes-rythmiciens qui rigolent ensemble et balancent de ces trucs fameux qui font rêver en tapant du pied…

Le morceau titre « Swimming In A Galaxy Of Goodwill And Sorrow » est le plus long, fort de dix-sept minutes il prend un peu le temps. C’est à nouveau la basse de William Parker qui sculpte l’architecture de la pièce, répétitive, elle porte en elle la lourdeur de l’enclume mais s’échappe du modèle par petites bribes, à certains moments, quand l’heure des solos se fait sentir.

Moondoc et Swell à tour de rôle utilisent la liberté qu’on leur donne, et ce sont à nouveau les années post-free qui reviennent, on pense beaucoup à Shepp qui aimait ces environnements-là, il s’y plaisait et aimait à les emmener au bord de l’explosion…

La pièce suivante « For Arthur Williams » est juste un peu plus courte, c’est la seconde signée par Moondoc, toutes les autres sont de Steve Swell. La pièce est très lente, sombre et solennelle, elle offre à Steve Swell l’opportunité d’évoluer dans un registre sobre et serein qui convient bien au trombone. Swell le fait pleurer et feuler, en étirant le son et les plaintes avec grâce. Moondoc poursuit l’hommage avec une belle retenue.

Encore un bel album de la part de ces grands musiciens.



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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 10 janv. 2024 05:12

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Pharoah Sanders – Pharoah – (Re – 2023)

Voici une réédition officielle du mythique album de soixante-dix-sept, paru sur India Navigation, et qui est resté longtemps inaccessible, le prix de l’album ayant atteint des sphères sans retour. Même une tardive réédition au format Cd en quatre-vingt-seize fit l’objet de spéculations inattendues pour ce support.

Pour ma part il m’a fallu attendre la réédition « non officielle » c’est-à-dire pirate, en deux mille huit, pour enfin écouter l’album, ce dernier devint par ailleurs assez difficile à dénicher, malgré un cruel manque de prestige…

L’idée générale est que Pharoah ne tenait pas tant que ça à une éventuelle réédition, il se sentait assez éloigné de cet album qu’il ne ressentait pas trop. A l’écoute c’est évidemment une grande erreur, la première face est fabuleuse, mais inutile de vouloir contrarier le « boss ».

Ce désamour fut créé dès la session d’origine où Pharoah fut confronté à des musiciens inconnus, dont aucun ne fit plus jamais parti de sa vie. Tisziji Muñoz était le guitariste, mais il possédait également une casquette de gourou spirituel. L’épouse de Pharoah, Bedria Sanders, tient l’harmonium, elle a une formation de pianiste mais n’en a jamais joué auparavant. Une distance se créa avec Bob Cummins, le producteur d’India navigation qui se transforma, au fil du temps, en marasme…

C’est le succès de « Promises » avec Floating Points qui incita Pharoah à signer les conventions avec le label « Luaka Bop » pour autoriser la présente réédition, fût-elle post-mortem.

Jusqu’à présent je me sentais chanceux avec mon exemplaire bancal, mais je me suis tout de même précipité sur la présente réédition de mi-septembre deux mille vingt-trois, je pensais me pencher sur les notes de pochette et sur le copieux livret, mais le temps passe et le courage ne vient pas, c’est pourquoi je ne vous en parle que maintenant, bien que n'ayant pas effectué le travail programmé.

C’est un coffret avec plein de adds-on, photos à divers formats, ticket de concert, affichettes, c’est très copieux et ça n’en finit pas… Mais l’essentiel tient dans la réédition en fac-similé de l’album original, une merveille…Il surpasse en dynamique, en clarté et en légèreté mon édition ancienne, et de loin !

De plus la pochette est magnifique, complète, gatefold, telle que jamais encore observée, une belle pièce ! mais il faut également parler de la seconde surprise du coffret, deux enregistrements live inédits de la pièce « Harvest Time », pépite en provenance de l’album "Pharoah".

La première a été enregistré à Middelheim et dure dix-huit minutes et quinze secondes. La seconde en provenance de Willisau dure dix minutes trente-quatre, les deux versions datent du mois d’août soixante-dix-sept, lors d’une tournée européenne. Les bandes ont été restaurées et l’écoute est extrêmement plaisante, avec ce côté « cool » qui est conservé.

Pharoah est au ténor, aux percus et joue des clochettes également. Hayes Burnett est à la basse et aux percus, Clifford Jarvis à la batterie et Khalid Moss joue du piano et du piano électrique, sa partie fait beaucoup pour relier ces deux versions à l’original. Ce complément est tout simplement magnifique et participe à faire de ce coffret un indispensable pour ceux qui suivent Pharoah avec attention.

C’est probablement pour écouter ce genre d’albums qu’un jour vous vous êtes offert une chaîne…

Harvest Time


Pharoah Sanders – Harvest Time Live 1977 – Middelheim (Official Audio)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par whereisbrian » mer. 10 janv. 2024 10:29

Harvest Time, un titre magnifique, je l'écoute régulièrement.
J'ai même les premières notes qui balancent dans la tête!

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 10 janv. 2024 18:39

Superbe en effet, je remonte le texte que j'avais écrit il y a quelques temps à propos de cet alboum!
:cookzzz:
Douglas a écrit :
ven. 15 juil. 2022 18:11
On arrive en septembre 76 avec ce nouvel album, simplement nommé " Pharoah"
Douglas a écrit :
mer. 21 oct. 2020 07:06
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Il existe deux couvertures, l'une marron et l'autre bleue, celle du Cd est très différente.

Je saisis l’opportunité qui m’est donnée pour dire deux petits mots de cet album très particulier dans la discographie de Pharoah Sanders. J’ai déjà évoqué sa grande rareté, elle s’explique assez facilement, Pharoah était en errance de label et une opportunité lui est proposée par "India Navigation Company", un label underground basé à New York, il signe. Faute de moyens le tirage est relativement confidentiel alors que la renommée de Pharoah ne cesse de grandir, la distorsion engendrée par ce grand écart explique les prix. Les seules rééditions vinyles qui se trouvent sur le marché sont pirates, imitant tant bien que mal l’original. Il y a fort à parier que les « masters » n’ont pas été utilisés.

Par contre, comme le dit fort bien whereisbrian « Harvest Time » qui occupe à lui seul la première face est une « merveille de titre [plein de] groove et [de] spiritualité ». Il se distingue du reste de la discographie de Pharoah par une économie de moyen et une certaine sobriété. Il est accompagné par le guitariste Munoz avec lequel il joue en duo pendant l’introduction, le bassiste Steve Neil et, vers la fin du titre, par Lawrence Killian aux percussions et Bedria Sanders à l’harmonium.

Le titre est très zen, ici pas de luxuriance au niveau des percussions ni d’exubérance d’aucune sorte, cette sobriété ne signifie pas une économie d’investissement de la part de Pharoah qui joue quasiment tout du long, en laissant un peu de place aux impros de ses partenaires tout de même, sans jamais risquer le cri dont il est habituellement un grand amateur. Le bassiste Steve Neil est le grand interlocuteur de Pharoah sur cette pièce, le son de la basse est primordial ici, lancinant, répétitif, plein de calme et de sérénité. Pharoah se repose sur ce groove délicat pour dérouler un solo passionnant où même la respiration s’entend, la prise de son est délicate, quel contraste avec la face deux beaucoup plus négligée !

Après l’extraordinaire réussite de la première face, la seconde passe (un peu) à côté. La formation se modifie avec l’arrivée de Jiggs Chase à l’orgue et de Greg Bandy à la batterie qui remplacent leurs homologues. "Love Will Find A Way" est très enlevé avec Pharoah au chant et aux percussions, on retrouve le sens de la joie et de la fête qui se manifeste souvent dans sa musique, festif et joyeux donc, mais la prise de son est lointaine pour la batterie et trop imparfaite, heureusement le solo de ténor est particulièrement réussi, ce qui équilibre l’impression d’ensemble, le solo de guitare de Munoz plaira aux amateurs de Carlos Santana qui retrouveront la couleur du maître guitariste.

Le dernier titre « Memories of Edith Johnson » en souvenir probablement de l’actrice de ce nom, est le plus court, cinq minutes, c’est sans doute également le moins mémorable, il prend la forme d’un spiritual, malheureusement la prise de son n’est pas à la hauteur.

On retiendra essentiellement cette première face éblouissante.

PHAROAH SANDERS - Harvest time
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 11 janv. 2024 04:37

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Meshell Ndegeocello – The Omnichord Real Book – (2023)

Je vous parle de cet album principalement parce qu’il a été distingué « Album de l’année » par le collectif des journalistes de Jazz Mag et Jazz news réunis. Y’a pas au-dessus comme distinction alors du coup je ne pouvais pas éviter de l’écouter, bien que cet achat ne soit pas programmé.

Pourtant Meshell fait partie de ces artistes que j’aime bien et que j’écoute depuis longtemps, en pointillé mais avec une certaine fidélité, « Bitter », « Cookie : The Anthropological Mixtape », « Weather », « Comet, Come to Me », de quoi la suivre avec tout de même beaucoup d’intérêt, pour autant, bien que je n’ignore pas ce cousinage qu’elle entretient avec le jazz, je n’aurais pu imaginer tel honneur.

Je l’avais vu arriver sur le fameux « Black Radio » de Robert Glasper, déjà sur Blue Note, mais la voici en tant que leader avec pas mal de moyens, le prestigieux label a toujours su se ménager des niches un peu commerciales, il faut bien vivre. Meshell est parfois un peu pop mais surtout « soul » et aussi funky, on lui cèdera également la couleur jazz sur cet album, où beaucoup de musiciens « maison » se sont déplacés.

Mais ce qui fait l’originalité de l’album c’est ce format assez long, soixante-douze minutes partagées en dix-huit compos assez courtes. Le titre le plus long est le très intéressant « Virgo » qui frôle les neuf minutes. L’autre caractéristique c’est la production aux petits oignons, le son est rond, léché, très à la mode, dans le sens qui va, et du coup l’ambiance est assez chaude, très cool, avec tous ces rythmes qui fondent…

Parmi la longue liste des invités prestigieux, on remarque Jason Moran, Ambrose Akinmusire, Joel Ross, Jeff Parker, Brandee Younger, Julius Rodriguez, Mark Guiliana, Cory Henry, Joan As Police Woman et Thandiswa, ça jette pas mal en effet, pourtant ça n’explique rien de l’essentiel qui se joue ici.

Ce qui compte c’est la couleur générale, le confort, l’ordonnance des choses et des effets, la luxuriance des arrangements et ce groove continuel qui va. Il y a certes un côté recette, mais toute l’affaire est précisément là, comme un piège qui se referme.

Pour ma part ce ne sera pas mon album de l’année, mais si Meshell ramasse la mise il n’y a rien de scandaleux, souvent dans l’ombre avec sa basse, elle ne se met jamais à l’avant et reste toujours modeste, si la lumière lui arrive qu’elle en profite…

D’autant que l’album est sans reproche avec un résultat final très propret. Allez écoutons « Vuma », « The 5th Dimension », « Clearwater », « Georgia Ave » ou « Omnipuss » !

Meshell Ndegeocello - Georgia Ave (Official Video)


Meshell Ndegeocello - Clear Water (Official Video)


Meshell Ndegeocello - Vuma ft. Thandiswa, Joel Ross (Visualizer)


Virgo
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 12 janv. 2024 06:11

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Ambrose Akinmusire – Owl Song – (2023)

Voici un album de la mi-décembre, juste avant la période des fêtes. Après une très longue période avec Blue Note, Ambrose Akinmusire signe chez Nonesuch, cet album est le premier d’une série programmée de trois. Pourtant le trompettiste n’a jamais été un boulimique en matière de parution d’album, c’est même plutôt l’inverse, très appliqué et exigeant à chacune de ses sorties, chacun de ses albums est une pépite qui se révèle au fil des écoutes.

Je m’aperçois en consultant sa discographie qu’il a sorti un autre album en vingt-trois, un enregistrement en solo capté à l’église St Eustache de Paris, apparemment en dématérialisé dans un premier temps, puis en vinyle… Ça m’émoustille déjà…

Sans doute était-ce un pas vers cet ascétisme et cet essentiel que l’on entend également sur « Owl Song ». L’album est en trio, Ambrose y joue de la trompette et se fait accompagner par deux vénérables musiciens, une légende, Bill Frisell de soixante-douze ans, et Herlin Riley, batteur de soixante-six ans, tous les trois l’œil vif et l’oreille affûtée…

A y réfléchir la réunion de Frisell et d’Akinmusire bien que peu probable sur le papier, n’est finalement pas si incongrue. Ils partagent tous les deux le goût de l’introspection, la puissance du regard intérieur en font des personnes plutôt sérieuses et ouvertes. Ils sont également attirés par le goût de la perfection, mais aussi par le souffle éperdu de l’improvisation, bien que l’un comme l’autre sache où il va…

Je me souviens d’un concert télévisé de Frisell consacré à John Lennon, c’était dans le titre. J’ai passé un bon moment, mais je n’ai vu, ni entendu, Lennon nulle part, un peu vexant pour moi, mais c’est comme ça, quand le vent souffle et pousse il faut le suivre… C’est un peu ça cet album, juste suivre la route et profiter du chemin qui file, du son pur de la trompette souvent en retenue, de la guitare qui dessine des paysages et du pas de la batterie qui crapahute et caracole…

Il n’y a pas de basse, c’est dans ces moments-là qu’on s’interroge sur l’importance de l’instrument, on ne doit pas sentir l’amputation, les petites cordes frêles de Bill feront l’affaire, il est incroyable et crée un béton solide avec deux ou trois accords fragiles et tout tient, c’est un musicien à tout faire, tellement il est doué.

C’est une musique paisible, très. Contemplative, aussi. Quelque chose qui arrive, qui passe et puis s’en va… Comme une idée, une sensation, un moment intense. C’est aussi un baume, un calmant, une respiration, il faut profiter…

Ambrose a tout composé, et c’est beau, il y a « Mr. Frisell » et « Mr. Ryley » car Ambrose est un gentleman. Impossible de faire le tri dans ce tas de beau, alors je ne distingue pas, car tout va...

Ambrose Akinmusire - Owl Song 1 (Official Audio)


Mr. Frisell (feat. Bill Frisell)


Weighted Corners (feat. Bill Frisell & Herlin Riley)


Flux Fuelings (feat. Bill Frisell & Herlin Riley)
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Message par Douglas » ven. 12 janv. 2024 15:02

2023

A l'heure des bilans voici la rétrospective des albums parus en 2023 que j'ai évoqué sur ce fil.
La plupart sont des nouveautés, mais il peut y avoir des Inédits ou des rééditions (RE-).
Ils sont entrés dans l'ordre des parutions sur ce fil, quelques autres viendront s'ajouter si tout va bien.

Dhafer Youssef – Street Of Minarets (2023)
Mette Henriette – Drifting (2023)
Daniel Zimmermann – L'Homme A Tête De Chou In Uruguay (2022)
Lakecia Benjamin – Phoenix (2023)
Pharoah Sanders Quartet – Live At Fabrik Hamburg 1980 (2023)
Naïssam Jalal - Healing Rituals (2023)
James Brandon Lewis Trio – Eye of I (2023)
Jî Drû – Fantômes (2023)
Le Cri Du Caire – Le Cri Du Caire (2023)
Andy Emler MegaOctet – No Rush ! (2023)
Angel Bat Dawid – Requiem For Jazz (2023)
Sissoko, Segal, Parisien, Peirani – Les Égarés (2023)
Thomas Naïm- On The Far Side (2023)
Fred Frith - Susana Santos Silva – Laying Demons To Rest (2023)
Billy Valentine – Billy Valentine And The Universal Truth (2023)
Loïs Le Van, Alban Darche – Les Mots Bleus (2023)
Erik Truffaz – Rollin' (2023)
David El Malek – Travelling (2023)
London Brew – London Brew (2023)
Sandra Nkaké – Scars (2023)
Nguyên Lê Trio – Silk And Sand (2023)
Michel Portal – Our Meanings And Our Feelings (1969) – RE 2023
Laurent De Wilde – Life Is A Movie (2023)
Aka Moon – Quality Of Joy (2023)
Limousine – Hula Hoop (2023)
Abdul Wadud – By Myself (2023) RE
Natural Information Society - Since Time Is Gravity (2023)
Various – Björk In Jazz - A Jazz Tribute To Björk (2023)
Kahil El'Zabar's Ethnic Heritage Ensemble Ft Dwight Trible & David Ornette Cherry – Spirit Gatherer • Tribute To Don Cherry (2023)
Ishkero – Shama (2023)
Emile Parisien, Roberto Negro – Les Métanuits (2023)
John Coltrane With Eric Dolphy – Evenings At The Village Gate (2023) Inedit
Ricardo Izquierdo – Kikun Pelu Mi Wa - (2023)
Rob Mazurek, Exploding Star Orchestra – Lightning Dreamers (2023)
Brötzmann - Bekkas - Drake – Catching Ghosts (26 mai 2023)
Ceramic Dog – Connection (2023)
John Zorn feat. Julian Lage & Gyan Riley - Quatrain (2023)
Cécile McLorin Salvant – Mélusine (2023)
Johnathan Blake – Passage (2023)
Jaimie Branch – Fly Or Die Fly Or Die Fly Or Die ((World War)) – (2023)
Don Cherry, Jean Schwarz – Roundtrip (1977) (Live at Théâtre Récamier, Paris) - (RE - 2023)
Alabaster DePlume – Come With Fierce Grace (2023)
The Jazz Doctors – Intensive Care: Prescriptions Filled (The Billy Bang Quartet Sesssions 1983 / 1984) – RE (2023)
Roots Magic Sextet – Long Old Road (Retold Pasts And Present Day Musings) – 2023
Greg Foat & Gigi Masin – Dolphin (2023)
John Zorn, Bill Laswell – Memoria (2023)
Lionel Belmondo, Stéphane Belmondo, Eric Legnini, Laurent Fickelson, Thomas Bramerie, Dré Pallemaerts – Dead Jazz - Plays The Music Of The Grateful Dead – (2023)
Henri Texier – An Indian’s Life – (2023)
James Brandon Lewis, Red Lily Quintet – For Mahalia, With Love (2023)
John Zorn – New Masada Quartet Vol. 2 (2023)
Melanie De Biasio – Il Viaggio - (Octobre 2023)
Ryuichi Sakamoto – 12 – (2023)
Erik Truffaz – Clap ! – (2023)
Diego Imbert Quartet – Le Temps Suspendu - (2023)
Avishai Cohen, Abraham Rodriguez Jr – Iroko – (2023)
Bojan Z – As Is – (2023)
Biréli Lagrène – Biréli Lagrène plays Loulou Gasté – (2023)
Sophie Alour – Le Temps Virtuose – (2023)
John Scofield – Uncle John's Band – (2023)
Céline Bonacina – Jump ! – (2023)
Mendoza Hoff Revels, Ava Mendoza, Devin Hoff – Echolocation (2023)
Matana Roberts – Coin Coin Chapter Five: In The Garden (2023)
Irreversible Entanglements – Protect Your Light - (2023)
Arto Lindsay – Charivari (Black Cross Solo Sessions 7) – (2023)
David Enhco - Marc Perrenoud – CHET – (2023)
Fire! Orchestra – Echoes – (2023)
Steve Swell's Fire Into Music – For Jemeel - Fire From The Road (2004 - 2005) – (2023)
Pat Metheny – Dream Box – (2023)
Jean-Michel Jarre – Les Granges Brûlées (Bande Originale Du Film) – (RE - 2023)
Resavoir – Resavoir – (2023)
Asher Gamedze – Turbulence And Pulse – (2023)
Thandi Ntuli With Carlos Niño – Rainbow Revisited – (2023)
Ana Layla – Introvert And Naked – (2023)
Yom - Alone in the Light – (2023)
Suzanne Ciani, Jonathan Fitoussi – Golden Apples of the Sun – (2023)
Rob Brown Quartet – Oblongata – (2023)
Matthew Halsall – An Ever Changing View – (2023)
Carlos Niño & Friends – (I'm just) Chillin', on Fire – (2023)
Bex Burch – There Is Only Love And Fear – (2023)
Pharoah Sanders – Pharoah – (Re – 2023)
Meshell Ndegeocello – The Omnichord Real Book – (2023)
Ambrose Akinmusire – Owl Song – (2023)
Wes Montgomery – The Complete Full House Recordings – (RE-2023)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 13 janv. 2024 06:05

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Wes Montgomery – The Complete Full House Recordings – (RE-2023)

Tout le monde a entendu parler du fabuleux Wes Montgomery, l’un des guitaristes majeurs de l’histoire du jazz. Il se trouve que, pour la première fois, on peut entendre le légendaire « Full House Recordings » en version complète. Alors que Wes jouait dans de nombreux clubs pour arrondir ses fins de mois et courait le cachet, afin de compléter son salaire de soudeur, métier qu’il pratiquait le jour. Il existe très peu d’enregistrements en live de ses prestations, c’est pourquoi cette « complète » est une rareté.

Il y a une petite polémique sur la version vinyle qui n’obéirait pas au cahier des charges annoncé, le son n’étant pas au niveau, particulièrement dans les graves, bah la version Cd fera l’affaire car un tel album de Wes est une opportunité à ne pas snober, et il est, en cette année soixante-deux, au tout meilleur de sa forme, les albums « Riverside » correspondent à ce qui est souvent décrit comme l’apogée de sa carrière.

Wes Montgomery a développé une technique particulière et personnelle concernant l'usage du pouce de la main droite au toucher extrêmement léger. Il l’utilisait dans les deux sens, vers le haut ou le bas, avec une dextérité et une vélocité extraordinaire. C’est à la demande de son épouse qui ne voulait pas que les enfants se réveillent, qu’il a mis au point cette étonnante innovation.

En cette année soixante-deux, Wes apprit que Johnny Griffin et la rythmique de Miles Davis était dans le coin, il prévint aussitôt son producteur Orrin Keepnews qui organisa aussitôt un concert au « Tsubo » de Berkeley, le vingt-cinq juin, normalement jour de relâche. Et bien ce soir-là on refusa du monde, le public s’installa même devant le club pour écouter ce qui s’en échappait.

Johnny Griffin était au ténor, Wynton Kelly au piano, Paul Chambers à la basse et Jimmy Cobb à la batterie et, bien sûr, Wes à la guitare. Les notes de pochette indiquent que la première version de « Full House » qui ouvre l’album est celle de l’album original. Il en est présenté une seconde au début du second Cd qui est celle qui a été vraiment jouée ce soir-là, la première version étant un mélange de deux autres comprenant un solo incorporé au montage. Cette version bonus est absolument inédite.

Ainsi tout est bien indiqué, on navigue entre « album version » sur le Cd un, et alternate takes ou outtakes sur le Cd deux. Ainsi tout ce qui est connu est regroupé sur ce double Cd bien rempli, au point que le second est plus tassé que le premier ! C’est évidemment un pur régal qui réjouira les amateurs du guitariste ou plus simplement ceux qui aiment la guitare jazz, car on s’y régale vraiment.

Montgomery, malgré sa vie compliquée, jouit en effet d’une très grande réputation, que ce soit auprès du public ou des musiciens professionnels et même des journalistes et du milieu du jazz en général. Tout ici se passe au mieux et chaque pièce ajoute à la précédente, faisant de cet enregistrement un ravissement, et comme il est à son zénith ou pas loin…

Full House (Live)


Born To Be Blue (Live)


Wes Montgomery - Blue 'N' Boogie (Take 2, Album Version) (Official Visualizer)


Wes Montgomery - Cariba (Take 1, Alternate) (Official Visualizer)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 14 janv. 2024 05:30

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Marion Rampal, Quatuor Manfred Feat. Raphaël Imbert – Bye-Bye Berlin (2018)

Marion Rampal est une chanteuse qui m’a beaucoup embarqué dans ses choix et ses projets, bien qu’ils n’appartiennent pas tous à la sphère jazz qu’on aime tant par ici. Elle est demeurée toujours proche d’Archie Shepp, participant aux différents concerts et spectacles live d’importance qu’il a mené sur les scènes parisiennes et répondant toujours favorablement aux demandes …

Mais ici point de Shepp, Marion Rampal est bien au chant, mais entouré par le Quatuor Manfred, de facture classique. Il est composé par Marie Béreau, premier violon, Luigi Vecchioni, second violon Emmanuel Haratyk, alto et Christian Wolff au violoncelle. Le jazz est toutefois présent grâce à la participation de Raphaël Imbert aux saxophones et à la basse clarinette.

Comme l’indique le titre, l’album est une plongée dans le Berlin des années vingt et plus, la misère le côtoie à la vie nocturne des cabarets qui s’érigent en exutoire, permettant de supporter le reste. On pense évidemment à « L’ange bleu » resté dans les mémoires, à Kurt Weil et son « Opéra de quat’ sous » et à « Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny ».

Mais plus encore à l’écrivain anglais Christopher Isherwood et à sa nouvelle « Goobye Berlin », qui inspira la revue musicale « Cabaret » avec Lotte Lenya et le film « Cabaret » de Bob Fosse de soixante-douze. Voilà en gros le terreau sur lequel se construit cet album.

Marion chante le premier titre « Youkali », un poème d’Alphonse Leduc sur une musique de Kurt Weil » en français. Les autres titres sont chantés soit en allemand le plus souvent ou en anglais, on reconnait des titres célèbres ici ou là, comme « Mack the Knife » par exemple. Au total il y a dix-sept chansons ou lieder, composés par Kurt Weill, Paul Hindemith, Hanns Eisler, Friedrich Hollaender, Bertolt Brecht, il y a même une pièce d’Alban berg…

On appréciera Raphaël Imbert sur « Solidaritätslied » par exemple, mais aussi le quatuor Manfred sur des titres dédiés. L’album n’est donc pas conseillé à ceux qui sont rétifs aux accents du quatuor à cordes, car il prédomine ici. Je reconnais que l’album est un peu hybride, entre chanson, classique et jazz, répertoire ancien et éclairage plus moderne, c’est un fourre-tout qui se présente, fabriqué avec des bouts de ficelle issus de terroirs différents. Mais domine ce répertoire cabaret qui peut plaire à quelques-uns…

Kurt Weill - Youkali (Marion Rampal, Quatuor Manfred)


"C'est presque au bout du monde
Ma barque vagabonde
Errante au gré de l'onde
M'y conduisit un jour
L'île est toute petite
Mais la fée qui l'habite
Gentiment nous invite
A en faire le tour
C'est le pays de nos désirs
C'est le bonheur, c'est le plaisir
C'est la terre où l'on quitte tous les soucis
C'est, dans notre nuit, comme une éclaircie
L'étoile qu'on suit
C'est Youkali
Et la vie nous entraîne
Lassante, quotidienne
Mais la pauvre âme humaine
Cherchant partout l'oubli
A pour quitter la terre
Su trouver le mystère
Où nos rêves se terrent
En quelques Youkali...
C'est le pays de nos désirs
C'est le bonheur, c'est le plaisir
C'est la terre où l'on quitte tous les soucis
C'est, dans notre nuit, comme une éclaircie
L'étoile qu'on suit
C'est Youkali, c'est Youkali, c'est Youkali."

Die Dreigroschenoper: Barbara-Song


Die Dreigroschenoper: Die Morität von Mackie Messer


The Lavender Song
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 15 janv. 2024 04:48

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Ethnic Heritage Ensemble – Ka-Real – (2000)

Voici une étape intéressante de la discographie de l’Ethnic Heritage Ensemble, sur Silkheart, le label free qui ne déçoit guère, cher aux amateurs de free jazz, tout simplement. La formation est toujours aussi fameuse, avec des individualités de premier ordre, Kahil El’Zabar en tête avec ses tambours et son piano à pouces, aidé de Atu Harold Murray aux différents tambours et à la flûte.

Ernest Dawkins joue des saxophones et de la flûte et Joseph Bowie du trombone, du djembe et des tambours conga. A part ça tout le monde utilise diverses percussions au fil de l’album. Comme souvent sur ce label, on dépasse l’heure de musique assez largement. Sept titres se succèdent, enregistrés en studio, à Chicago, en quatre-vingt-dix-sept. L’étonnante photo de couverture intitulée « couler » est signée d’Anthony Gormley.

On retrouve sur ce bel album tout ce qui fait l’attrait de la formation, en premier lieu un tapis rythmique souvent extraordinaire, à la fois d’origine multiple et pourtant bien cool, qui se déroule comme un long fil tortueux, plein de variété et de nuances qui se renouvellent continuellement. L’extraordinaire Joseph Bowie est à la fête ici, dès le somptueux titre d’ouverture « Great Black Music », où il nous régale de soli de trombone tout simplement extraordinaires, une vraie jubilation émane de ce grand musicien de l’école de St Louis.

Ernest Dawkins titulaire de son poste est lui aussi à la fête, il passe d’un saxo à l’autre selon les pièces, du ténor au soprano en passant par l’alto, il ne dédaigne pas la flûte dont il est expert également. Le format des pièces étant assez long, puisque ça tourne aux environs des neuf minutes en moyenne par titre, de quoi laisser le temps à chacun de s’exprimer confortablement, bien soutenu par ces théories de tambours omniprésents…

C’est bien l’Afrique qui s’entend en cette belle Amérique, citée par les membres du Black Artists Group de St. Louis, à travers l’improvisation reine ici, mais aussi par le truchement des compos, car, même si Kahil en est le pourvoyeur numéro un, chacun a apporté sa contribution au partage.

Il est difficile d’isoler des pièces car chacune à sa caractéristique particulière qui la distingue de ses voisines et la sublime, mais je retiendrais, en plus du titre d’ouverture ce beau final avec cette succession des trois dernières pièces, « kampfumo Schuffle », « The Christening » et « Jam for the Babas », avec un titre pareil l’espérance est là !

Un chouette album de plus !

Great Black Music


Kampfumo Shuffle


The Christening


Jam for the Babas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 16 janv. 2024 04:27

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Jean-Jacques Birgé – Pique-nique Au Labo 3 – (2023)

C’est curieux, il me semblait vous avoir présenté le double Cd composant les deux premiers volumes de cette trilogie, mais je ne retrouve pas sur le fil, ayant juste évoqué l’album sans plus. Pourtant ça m’avait vraiment bien plu, ce qui explique la présence de ce volume trois dans les rayons. Birgé ne vend pas cher ses productions, son truc c’est la musique, la diffusion et même la gratuité, le plus souvent à travers son bandcamp ou son site, une sorte d’idéaliste échappé des années soixante-dix, je suppose qu’il doit ressentir amèrement les basculements du monde…

C’est pourquoi Birgé est un trésor et une pépite. L’album est plein, bourré à fond de bonnes ziques gorgées d’impros. Des invités, vingt qui viennent participer au pique-nique et vous offrir ce bel album plein de rêves et de surprises. Je vous mets les plus connus pour que ça évoque de bons souvenirs musicaux chez vous, mais ici personne ne vaut plus qu’un autre. On pourrait citer François Corneloup, Gilles Coronado, David Fenech, Fidel Fourneyron, Naïssam Jalal, Olivier Lété ou Elise Caron et beaucoup de musiciennes et musiciens inconnus pour moi mais dont on fait la découverte à travers ce précieux album…

« Il s’agit de jouer pour se rencontrer et non le contraire comme il est d’usage », écrit Birgé sur le petit livret accompagnant, alors à l’impro on ajoute l’aléatoire, en tirant la thématique de la pièce jouée au hasard. A côté du titre de la pièce jouée figure le nom de l’album virtuel dont elle est extraite. On se rapproche de la démarche d’Eno et de John Zorn et sa série « Cobra ».

Ce n’est pas le genre d’album dont il est aisé d’isoler un extrait car tout fait sens, et le plus curieux, finalement, c’est l’homogénéité de l’album, rien ne devrait prédisposer à cela, pourtant il y a comme un fil secret qui réunit les pièces. Peut-être est-ce la présence de Jean-Jacques Birgé qui joue des claviers, percussions, harmonica, kazoo, guimbarde, flûte et autres instruments, qui fait le liant et par sa seule présence assure une identité à l’ensemble.

Il faut savoir que chaque pièce est individuellement un extrait d’une création plus large qui aurait le format d’un album, disponible gratuitement par ailleurs sur drame.org ou Bandcamp. Les musiciens sont le plus souvent réunis en formation de trois, ou plus rarement de deux. Je vous cite le titre de l’intéressante huitième pièce, car elle prête à sourire, « Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit c’est discuter beaux-arts avec un abruti » ne pas oublier que nous sommes dans le cadre d’un pique-nique…

Chez GRRR.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 17 janv. 2024 04:54

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Tony Allen – There Is No End – (2021)
(Plusieurs pochettes selon les versions)

Tony Allen nous a quitté en avril deux mille vingt, bien qu’il soit un roi de l’afrobeat il avait laissé dans les tuyaux ce curieux enregistrement qui est sorti un an après son départ, ici pas vraiment de musique africaine mais plutôt un mélange de musique moderne, avec du rap, du hip-hop, de la musique de djeunes, très actuelle, en tout cas pas prévue pour un gars comme moi, et pourtant, je ne peux pas dire que j’aime pas, bien que le jazz ne soit qu’une influence perdue au milieu d’autres…

Déjà Tony il assure côté batterie, c’est du solide bien que tout se mélange dans ce bazar soul-électro, il y a de grosses basses et des claviers qui grouillent. Il y a des invités à tour de bras, des chanteurs, rappeurs ou chanteuses, rappeuses à chaque titre, de quoi identifier les pièces avec le nom de l’intervenant, comme « Sampa The Great », ou « Zelooperz », « Lava La Rue », « Danny Brown », « Ben Okri & Skepta » ou « Jeremiah Jae » pour n’en citer que quelques-uns.

Dans ce grand mix ma culture est nulle, bien que le bain sonore soit très réussi et pas pour me déplaire, mais ça parlera sans doute à d’autres, plus qualifiés. Côté qualité c’est pas étal, c’est plutôt ski de bosses avec des hauts et des bas, mais jamais très bas non plus, l’album passe en entier assez rapidement, il dépasse à peine les quarante minutes d’ailleurs, ce qui reste honorable pour un album posthume d’un gars de quatre-vingts piges, branché à la musique d’aujourd’hui.

Il est dit que Tony avait terminé l’enregistrement de sa partie avec le producteur français Vincent Taeger et le copro Vincent Taurelle, ensuite le destin sépara l’âme disparue des autres, qui s’affairèrent pour terminer le travail avec ce qui était prévu, c’est l’histoire qui fut racontée. Ce qui est sûr c’est que Tony n’entendit cette musique que dans son esprit, lorsqu’il en dessina l’esquisse, dégrossit l’ébauche.

Alors soyons heureux de profiter de cette musique boulimique et pleine de vie !

Tony Allen - Stumbling Down (Official Visualizer) ft. Sampa The Great


Coonta Kinte


Tony Allen - One In A Million (Official Visualizer) ft. Lava La Rue


Tony Allen - Cosmosis (Official Clip) ft. Skepta, Ben Okri
Bienvenue chez vous, à la petite épicerie indépendante...

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