J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 20 août 2024 02:08

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Simon Spiess Quiet Tree – Euphorbia – (2024)

Un album que je me suis procuré un petit peu comme ça, sans rien connaître, ni le nom des musiciens, ni rien de solide, si ce n’est d’être passé sur le tube pour écouter et créer l’envie. Mais il y a de pires critères de choix, me semble-t-il…

Du coup ils sont suisses, mais ce n’est pas de leur faute, il ne faut pas leur en vouloir. Simon Spiess, le plus en vue sur la pochette car son nom est bien gros, est le saxophoniste, sans rien connaître de lui je pense qu’il y a une préséance le concernant, sans doute des qualités de leader et aussi de compositeur car il signe quatre compos sur les neufs.

Il y a également Marc Méan au piano, synthés et effets divers. Son apport est décisif pour le son de la formation, en fait un trio, avec comme troisième pilier Jonas Ruther, à la batterie et même au piano sur « Das Isch Diis » qu’il signe également. Marc Méan est également un bon pourvoyeur de bonnes compos, quatre au total lui aussi, plutôt bien foutues.

Bref des titres au format chanson, plutôt bien huilées, ça roule et s’enchaîne bien, c’est sans prétention mais très efficace, une sorte de jazz rock assumé, bien porté par un groove solide et des effets électro qui sonnent avec efficacité. C’est enregistré à Berne, en vingt vingt-deux, le temps de trouver le producteur, le distributeur et de sortir le beau Cd, trois volets avec livret en anglais et en allemand, ainsi que la photo avec le portrait à trois, sans sourire et le regard qui toise.

Les compos de Marc Méan sont les plus ludiques et celles de Simon Spiess les plus ambitieuses me semble-t-il, mais la plus charnelle est celle de Jonas Ryther avec la voix des minots que l’on entend parler et humaniser la séquence. C’est en effet un album d’ambiances qui se succèdent, des petits mondes qui se côtoient comme sur un gros puzzle à neuf pièces, c’est assez pour garantir la réussite et éviter le casse-tête, de quoi se régaler avec une belle lenteur, le rythme helvète dit-on…

Je ne sais pas si l’album marchera, trottinera ou galopera, mais je lui souhaite bonne course, car il le mérite, rassemblant une chouette production d’ensemble, belle personnalité et jolie sensibilité, au format chanson, mais catégorie muette. Je n’évoque même pas la qualité des musiciens car, bien que ce soit un premier essai pour cette formation, ils sont sans surprise très au niveau !

Grieving Was Yesterday


Indulge In Fancy


Quiet Tree „Euphorbia“ live at Moods Zürich
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Bebeto » mar. 20 août 2024 22:40

Jasmine Myra - Rising, '24)
Désolé si cela fait doublon, j'ai regardé rapidement les dernières publis pour savoir si quelqu'un en avait parlé. C'est l'album jazz, un peu crossover, clin d'oeil spiritual, accessible, que j'écoute en ce moment. J'aime bien cette formation.



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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 21 août 2024 02:01

Bebeto a écrit :
mar. 20 août 2024 22:40
Jasmine Myra - Rising, '24)
Désolé si cela fait doublon, j'ai regardé rapidement les dernières publis pour savoir si quelqu'un en avait parlé. C'est l'album jazz, un peu crossover, clin d'oeil spiritual, accessible, que j'écoute en ce moment. J'aime bien cette formation.


Non, non, pas de doublon, une découverte pour ce qui me concerne, de la belle coolitude qui fait du bien, et de la flûte également, ce qu'il me fallait pour un tôt réveil, alors que les lumières éclairent la ville et que le soleil se cache encore...
Modifié en dernier par Douglas le mer. 21 août 2024 02:40, modifié 1 fois.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 21 août 2024 02:16

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John Stevens, Paul Rutherford, Evan Parker, Barry Guy – One Four And Two Twos – (2012)

L’année de parution correspond à celle de la sortie du support Cd et non pas à l’époque des enregistrements. En effet ceux-ci plongent plus loin dans les âges et se présentent comme une sorte de compile de ce jazz anglais free et essentiellement improvisé.

La formation présentée sur la pochette est celle présente sur les quatre premiers titres de la version originale vinyle parue en mille neuf cent quatre-vingts, sous le titre « 4,4,4, ». Si on ajoute le cinquième titre d’une minute et trente-huit secondes, on retrouve la première réédition Cd de mille neuf cent quatre-vingt-treize.

Et pour présenter le tout, il faut également ajouter sur cette riche édition, trois titres du duo Paul Rutherford et Barry Guy, enregistrés à Milan le vingt-deux novembre soixante-dix-neuf au Théâtre Autéo de Milan. Mais également deux titres d’un autre duo réunissant John Stevens et Evan Parker, à Londres en janvier quatre-vingt-douze.

Voilà l’objet tel qu’il se présente, un album devenu compile par l’ajout de riches enregistrements qui lui donnent fière allure, pour peu que l’on soit sensible à ce « free-british » aux accents expérimentaux. Alors John Stevens est aux percussions, il ajoute sa voix également, Paul Rutherford joue du trombone mais aussi de l’euphonium, Evan Parker du saxophone soprano ou ténor, et Barry Guy est non seulement à la contrebasse mais il ajoute également une discrète touche électro.

Les périodes mentionnées ci-dessus sont déjà comme une description de la musique enregistrée, tant ce free à base d’impro totale est représentatif de son époque. Certains bouderont peut-être, mais d’autres iront bravement au front pour goûter cette saveur libertaire inouïe tellement fraîche et audacieuse, riche et insondable.

Ici pas de titre ou d’indice descriptif, juste des numéros dont celui-ci qui présente la masse totale : ça frôle les soixante-dix-huit minutes de folie collective, à quatre et parfois à deux. De quoi se laisser emporter par cette radicalité, tellement vivante et crue, mais à la manière anglaise, sans hurlements, il n’est que de goûter aux échanges entre Parker et Paul Rutherford, aux grincements énergiques de Barry Guy et à la précision de Stevens, pôle créateur décisif à son poste.

La première partie à quatre est tout simplement merveilleuse, à la fois bouillonnante et charnue, riche en diable et abondante en flux incessants, c’est le meilleur ici, tout est bon. Je ne sais s’il existe d’autres enregistrements de ces quatre-là, mais l’idée paraît tellement évidente à l’écoute de cette réunion si prometteuse. Bien sûr ces musiciens sont souvent évoqués dans ces pages, mais ma petite recherche ne me permet pas de dénicher d’autres traces de ce quartet, où alors comme éléments d’ensembles plus importants encore !

Le premier duo entre Barry Guy et Paul Rutherford est à l’évidence expérimental, c’est le terrain qu’ils aiment, eux les forts créateurs, bravaches et preux, ils se connaissent bien et pratiquent l’échange à deux à d’autres occasions. Pendant une vingtaine de minutes ils barbouillent, gazulent et torticotent de concert, créant un dialogue évident et plein de répondant, plein de schmürz et de grings, de quoi étonner ceux qui stationnent devant eux, contemplatifs et souriants, massés à l’Autéo…

John Stevens et Evan Parker c’est pas mal non plus, sont-ils plus radicaux, plus extrêmes, plus souvent encore que d’autres dans les excès producteurs de Kolestéroll and rock ? Alors goûtons à ce free-jazz des grandes années encore, des combattants de l’an II du free, où, parfois, ça faisait battre le cœur bien trop vite, plus que ça n’aurait dû, car la voie n’était pas sans risque ni danger…

(Malheureusement pas d'extrait, il faut croire que l'album est passé inaperçu... et pourtant ! )
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 21 août 2024 02:38

Je déterre donc cette vieillerie, un beau Shepp d'alors...

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Archie Shepp & Philly Joe Jones (décembre 69)
Enregistré à Paris, France, Novembre-Décembre, 1969

1. "The Lowlands" - 18:33
2. "Howling In The Silence: (a) Raynes Or Thunders (b) Julio's Song" - 21:40
• Archie Shepp : saxophone ténor , piano,
• Philly Joe Jones : batterie
• Anthony Braxton : saxophone soprano , saxophone alto
• Chicago Beau : saxophone soprano, harmonica , chant
• Julio Finn : harmonica, voix
• Leroy Jenkins : violon
• Earl Freeman : basse , chant

La chronologie voudrait qu’entre le précédent et celui-ci s’intercale le morceau Pitchin Can issu des mêmes sessions que Black Gipsy, mais l’album sur lequel il figure sortira en 1970 en compagnie d’une longue suite elle-même enregistrée pendant l’été 70.

Ce disque est cosigné par Philly Joe Jones qui côtoie Archie Shepp depuis plusieurs albums, il est en quelque sorte l’emblème de l’ancienne génération, celle des précurseurs, lui qui a côtoyé tous les grands du be bop et les a accompagnés pendant cette première grande révolution artistique du jazz !

Il est même devenu membre à part entière du quintet mythique de Miles Davis et John Coltrane ! Le voici, aux côtés d’Archie Shepp, représentant en quelque sorte l’histoire et les racines, si importantes aux yeux du saxophoniste.

Mais il est également une autre génération présente celle de l’avenir et de la relève, Anthony Braxton l’incarne à merveille, ainsi que Leroy Jenkins, déjà présent sur l’album précédent. Ce groupe de musiciens emblématique de plusieurs générations va se réunir autour d’un projet musical réuni autour du free jazz et du blues.

The Lowlands que l’on pourrait traduire pas Basse-Terre, comme en Guadeloupe, représente, d’après les notes de pochette, un portrait musical de la vie dans les ghettos et les communautés noires du Sud. L’album commence par des cris qui sont « une manifestation certaine de la vie ».

Ici la musique est revendicative, plus en colère que sur les enregistrements précédents. Des accents plus free succèdent aux déclamations, une improvisation collective libère les tensions autour du saxophone d’Archie Shepp, puis un thème prend forme, se répète avec l’alto et enfin se structure autour des déclamations du Chicagoan… Le blues de Chicago Beau (aka Chicago Beauchamp) et Julio Finn se montre donc plus sauvage, les harmonicas se mélangeant l’un, l’autre, en une même sonorité obsédante et répétitive.

Le jeu de batterie de Philly Joe Jones se concentre autour des tambours, contrairement à Sunny Murray qui formait un mur de cymbales, ici les rythmes sont marqués de façon plus classique, avec des évolutions plus libres à certains moments, lors des changements de tempo qui mettent en évidence la voix et le cri. Le morceau s’étire avec peu de variations, Archie Shepp développe un très long solo de saxophone sur la plus grande partie du morceau, au centre du spectre sonore, en compagnie d’Earl Freeman et de sa basse. A droite, on entend les improvisations de Leroy Jenkins au violon, qui font écho aux harmonicas qui occupent le canal gauche, rejoints bientôt par Anthony Braxton.

« Howling In The Silence » est une composition en deux parties dont le thème est l’amour et la difficulté de l’exprimer. La première partie, « Raynes Or Thunders », est une magnifique composition très sensible, tout en délicatesse et souvent même à fleur de peau. Archie Shepp au piano réussit à émouvoir.

Dans un registre lyrique Leroy Jenkins se montre lui aussi un partenaire à la hauteur, véritable alter égo de Shepp, tandis qu’Anthony Braxton retrouve l’influence Coltranienne sur le mode de la quête. La section rythmique est vraiment sans faille et la basse contribue par sa rondeur et sa profondeur à la réussite de cette pièce qui se révèle être une peinture de notre monde intérieur, entre drame et passion. Le beau texte d’Augustus Arnold a trouvé en la personne de Chicago Beau, un interprète idéal.

Un petit solo de batterie de la part de Philly Joe Jones marque l’articulation entre les deux parties de la composition. « Julio's Song » est un blues qui s’inscrit dans la tradition. La lecture est évidemment libre et prétexte aux solos qui en font toute la saveur, saxo, basse, violon, piano, soprano enchaînent une succession d’improvisations brillantes et jamais ennuyeuses, confirmant la parfaite tenue de cette seconde face.

Album qui ménage de magnifiques moments.

Archie Shepp & Philly Joe Jones, "Howling in the silence", Paris, 1969
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » mer. 21 août 2024 06:24

Douglas a écrit :
jeu. 23 mai 2024 15:40
Piranha a écrit :
mer. 22 mai 2024 20:09

Je te réponds, je vous réponds enfin.
Un album que j'ai écouté deux fois même si je ne le possède pas (encore ?).

Un album dans lequel je rentre moins facilement que dans son 1er sorti en 2022 ("Afrikan Culture"). Je retrouve pour l'instant moins le côté intimiste, simple du 1er, cet idée d'écouter l'album en plein air, une nuit d'été, perdu dans la Nature.
Ca va venir
Oui, il y en a qui ne rentre pas dans ce "trip", par exemple Jazz Mag a snobé l'E.P et a décerné à "...Beauty..." trois étoiles sur les cinq dispos, ce qui le ravale dans les albums à éviter du mois, vu qu'ils ne sont pas tant que ça à avoir trois étoiles ou moins.
Donc soit l'album est moyen voire médiocre, soit le chroniqueur est passé à côté...
C'est arrivé :hehe:

Voilà, j'ai pu enfin apprécier à sa juste valeur ce second album solo de Shabaka Hutchings.
Un albul plus travaillé peut-être. Plus long ; qui s'étire comme la longue liste des invités : Laraaji, Carlos Nino, Jason Moran, Miguel Atwood-Ferguson...



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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 22 août 2024 02:42

Piranha a écrit :
mer. 21 août 2024 06:24

C'est arrivé :hehe:

Voilà, j'ai pu enfin apprécier à sa juste valeur ce second album solo de Shabaka Hutchings.
Un albul plus travaillé peut-être. Plus long ; qui s'étire comme la longue liste des invités : Laraaji, Carlos Nino, Jason Moran, Miguel Atwood-Ferguson...

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Et puis il y a cette pochette qui vaut le détour avec cette expression un peu gaffeuse...
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 22 août 2024 03:04

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Steven Bernstein – Diaspora Suite – (2008)

Un album Tzadik plutôt remarquable qui pourrait revendiquer, plus que d’autres, l’étiquette « musique du monde » bien que celle-ci soit trop souvent galvaudée et même moquée. « Tzadik » évoque d’emblée la musique klezmer et nous y sommes, mais bien plus encore, car cet album est la rencontre d’un tas de musiques et d’influences, de genres mélangés et mixés, une sorte de melting-pot savant qui respire l’orient, l’Amérique et diverses musiques venues des quatre coins de la planète.

Que l’on songe que cette « Diaspora Suite » succède à « Diaspora Soul » de quatre-vingt-dix-neuf, « Diaspora Blues » de deux mille deux et « Diaspora Hollywood » de deux mille quatre, celui-ci étant le dernier de la série. Steven Bernstein en est le concepteur et l’architecte, il faut dire qu’il porte plusieurs casquettes, compositeur, arrangeur, chef d’orchestre et trompettiste, utilisant la trompette classique ainsi que la trompette slide, à coulisse.

Jazz, rock, blues et soul représentent une partie de son langage, il aime aussi les airs traditionnels et folk issus du monde, et particulièrement de la culture ashkénaze, qu’il connaît bien. Il sait également s’entourer de fantastiques musiciens que l’on entend ici. A commencer par l’extraordinaire saxophoniste Peter Apfelbaum, le tromboniste Jeff Cressman, il faut également compter avec le grand clarinettiste Ben Goldberg, trois guitaristes fantastiques, John Schott, Nels Cline et Will Bernard, ainsi que du bassiste Devin Hoff et des batteurs Josh Jones et Scott Amendola.

Ça ne rigole pas, et tout se mélange, comme ça se passe souvent avec la musique klezmer, on ne sait plus si on rit ou si on pleure, ou plutôt les deux se mélangent, le bonheur de vivre avec le chagrin et la tristesse, la joie et la frayeur, la fatalité et la persécution, car au final, il faudra payer le prix du sang, et c’est ainsi depuis le début des temps, la fuite mène à la diaspora, qui elle-même engendre le rejet, voire, pire, la discrimination et la persécution.

Une sorte de génie propre est né de cette spirale sans fin, le prix est parfois lourd, mais il faut payer son écot au destin pour survivre. C’est ce qui s’entend ici, chaque titre se nomme de la façon suivante, « Diaspora Suite, for ensemble… » et là est écrit un prénom.

Chacun de ces prénoms est celui de l'un des fils de Jacob, chefs des douze tribus d'Israël, « Reuben » est le premier, suivi de « Simeon (Yis May Chu) », et de « Judah » le quatrième titre, le dramatique « Gad » arrive en sept, « Issachar » en neuf, et l’excellent « Joseph », terrien et Davisien. Il est difficile de choisir car chaque pièce semble indissociable de l’ensemble et possède son charme et sa particularité, l’album se termine sur le conclusif « Benjamin ».

Les amateurs de ce style de musique se régaleront et verront sans doute un intérêt à creuser la discographie de l’excellent Steven Bernstein !

Reuben - Steven Bernstein


Simeon (Yis May Chu)


Joseph


Benjamin
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Bebeto » jeu. 22 août 2024 11:31

Douglas a écrit :
mer. 21 août 2024 02:38


Album qui ménage de magnifiques moments.

Archie Shepp & Philly Joe Jones, "Howling in the silence", Paris, 1969
Je ne connais pas cet Archie Shepp, j'attends justement un disque que je viens d'acheter, espérant qu'il soit en bon état. Bijou, je ne sais pas si tu connais. Je ferai un compte rendu après réception.
Pour l'instant j'écoute du rap, Rocé, très fan d'Archie Shepp, à tel point qu'il a collaboré avec lui sur le superbe "Identité en crescendo"

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 22 août 2024 15:29

Bebeto a écrit :
jeu. 22 août 2024 11:31
Douglas a écrit :
mer. 21 août 2024 02:38


Album qui ménage de magnifiques moments.

Archie Shepp & Philly Joe Jones, "Howling in the silence", Paris, 1969
Je ne connais pas cet Archie Shepp, j'attends justement un disque que je viens d'acheter, espérant qu'il soit en bon état. Bijou, je ne sais pas si tu connais. Je ferai un compte rendu après réception.
Pour l'instant j'écoute du rap, Rocé, très fan d'Archie Shepp, à tel point qu'il a collaboré avec lui sur le superbe "Identité en crescendo"
Je suis un inconditionnel de Shepp et je crois bien avoir (presque) épuisé sa discographie, j'apprécie le Rocé également, "Bijou" est un très très honnête Shepp, de ceux qui tournent avec grand plaisir et sont particulièrement intéressants, encore aventureux et sans balise, il innove et joue en duo avec Arthur Jones. Il se met au piano pour accompagner le chant de Suzaan Fasto. Bonne pioche sans nul doute!
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 23 août 2024 02:08

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Paal Nilssen-Love, Ken Vandermark – Dual Pleasure 2 – (2004)

Cet album est le second du duo, après le volume un sorti deux années plus tôt. C’est un double Cd, il faut croire que cette conversation à deux est bien délectable, d’autant qu’elle se poursuivra au fil des années, jusqu’à présenter une somme assez imposante, sept volumes au total dont un copieux coffret regroupant six Cds et un Dvd, oui, ces deux-là s’apprécient et, comme l’indique le titre de l’album, prennent plaisir à partager ce dialogue.

Et le public également qui célébra le premier volume dont la magie se perpétue sur ce très beau second set, partagé entre un premier Cd enregistré les dix-huit et dix-neuf septembre deux mille trois en studio, à Oslo, et un second en concert le vingt-deux septembre au Kampen Jazz, toujours à Oslo. Je le précise, bien que vous vous en doutiez déjà, la plupart du matériel présent ici est improvisé et signé conjointement par les deux partenaires.

Il faut bien le reconnaître, tout est bon ici, Paal est magique à la batterie et aux percussions, livrant un large éventail de ses compétences et dévoilant son immense adaptabilité face à tout ce qui se présente, et quelles ques soient les circonstances, son jeu est immensément varié et se déploie sur cet enregistrement comme une sorte de récital.

Du pain béni pour Ken Vandermark qui joue du saxo ténor mais également de la clarinette et de la basse clarinette. Il est par ailleurs noté, sur le livret accompagnant, que Ken remercie Jørgen Munkeby pour le prêt de ce dernier instrument, il est vrai que le prix dissuasif de cet instrument ne permet pas de s’en procurer un tous les six mois…

Les neuf pièces qui composent le premier Cd sont relativement courtes pour ces deux musiciens habitués à travailler au long cours. Les deux plus courtes pièces frôlent les quatre minutes et les deux plus longues dépassent neuf et onze minutes, de quoi s’exprimer, certes, d’ailleurs ils ne s’en privent pas, présentant un éventail très large de leur riche palette.

Les pièces sont de conceptions différentes, prenant un parti pris de départ ouvrant un champ d’action très large, de l’intimisme discret et aérien au rentre-dedans un peu brutal, mais pas trop, proposant des densités légères ou fortes, des variétés dans les rythmes ou les timbres, avec le souci constant de vouloir chercher, explorer et creuser pour aller dénicher le beau et le brut.

Ils sont maîtres à ce jeu et ne manquent jamais de proposer des innovations à chaque étage, dès le premier titre, « Train Hits The Station » qui envoie sans rémission. Mais je dois reconnaître que les trois titres joués en concert ont également leur charme, par leur durée déjà, « Stray Dogs » qui ouvre le concert est plutôt parfait et engageant, dépassant les vingt-six minutes, suivi de l’exaltant « Double Weight » encore plus long, mais qui ménage en son milieu une période calme et apaisée, « As It Goes » termine le set et conclut cet album magistral.

Train Hits the Station


Nice and Dry


Stray Dog


Double Weight
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 24 août 2024 01:06

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Anne-Gabriel Debaecker, Patrick Defossez, Simon Goubert – Pourquoi Tant De...? – (2011)

Voici un album un peu plus confidentiel encore, dont le musicien le plus connu, le batteur Simon Goubert, est l’invité de dernière minute. C’est enregistré au fameux Triton, entre le premier et le quatre mars, aux Lilas, prière d’ouvrir la bonne porte…

Anne-Gabriel Debaecker est à la page, elle joue du piano digital et taille des sculptures de samples. Patrick Defossez joue lui aussi du piano, mais acoustique, les deux composent et sont à l’initiative de cette aventure discographique. Ils sont en outre fans d’expérimentations et d’aventures sonores, l’inventeur des Ondes Martenot a été le mentor d’Anne-Gabriel depuis son tout jeune âge, et son aventure musicale est immense et plein de grands noms et de rencontres…

Patrick Defossez est né belge et amoureux du jazz et des musiques instables, qui cherchent, dans un territoire qui jouxte les musiques contemporaines et expérimentales. De formation classique, il n’aura de cesse de rechercher la délivrance et la liberté : le free c’est pour lui. Les deux sont faits pour se rencontrer, ce qui fut fait.

Ne vous plongez pourtant pas dans l’étude le leurs discographies, vous risquez de faire un « plat » puis de buter contre le fond de la piscine, ce qui pourrait être dommageable et nuire à votre santé. Il n’existe quasi que cet album, ce qui est peu, alors tendez l’oreille. Déjà, dès l’ouverture, avec « Pourquoi Tant De...? » ce qui s’inscrit c’est le contraste élevé entre le jeu débridé et fécond de Simon Goubert, absolument effervescent et verbeux, et la prise de parole plutôt rare du piano quasi « à côté » du propos, jusqu’à prendre le relais sur le final, pour conclure dans la rareté du son…

Mais nous sommes dans une suite, et qui dit suite, dit long fleuve qui s’écoule. Avec la seconde pièce « Et si peu de lumière ! », comme indiqué, nous sommes entourés par un environnement obscur, mystérieux, voire possiblement menaçant. Bien vite piano et environnement électronique, toujours portés par le stratège Goubert, laissent émerger une sorte de bruissement sonore qui pourrait signifier une présence vivante, qui frémit et frissonne dans cet environnement, peut-être lacustre ou marécageux…

Enfin « Lumière, tu nais, » comme une réponse à l’angoisse, un espoir. Mieux, même « …tu lascives, » puis « …tu t’irises, » et même « …tu t’asphyxies, » avant de « …tu te précieuses, » et enfin, la dernière pièce arrive, « …tu émanes, tu souris. »

Nous voici témoin d’un univers décidément poétique et onirique, spectateur de cette mutation, comme une renaissance, où la musique accompagne, organise une évocation immatérielle, entre obscurité, lueur et lumière.

Pourquoi Tant De... ?


Et Si Peu De Lumiere!


Lumiere, Tu Nais


... Tu Emanes, Tu Souris
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 25 août 2024 03:32

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John Zorn, Jesse Harris – Love Songs Live – (2024)

Ces « Love Songs » ont donc été enregistrées lors d’un concert qui s’est tenu le seize septembre de l’années dernière, au prestigieux « National Sawdust », dans le quartier de Brooklyn à New York. Le répertoire est constitué de seize titres autour du thème de l’amour perdu puis retrouvé, qui s’en va et revient… John Zorn a écrit la musique et Jesse Harris les paroles.

Ce dernier est reconnu en tant que compositeur et interprète soliste, mais il ne fait pas partie du petit monde des musiciens qui me sont familiers, ou alors malgré moi, par incidence. Il faut également parler des interprètes, toujours fondamentaux sur les albums de Zorn. Ces dernières années, Zorn a tendance à se concentrer autour d’un pôle de musiciens fidèles avec lesquels il collabore dans l’harmonie.

C’est donc sans surprise que nous retrouvons au chant Petra Haden, la fille de Charlie Haden et de la chanteuse Ruth Cameron. Le subtil Brian Marsella est au piano, on sait qu’il est un monstre de l’instrument, Jorge Roeder joue de la contrebasse et l’excellent Ches Smith se tient derrière les fûts. Tout semble bien en place pour entreprendre un enregistrement de choix.

Mais, avant d’aller plus loin, précisons que ce « jazz » qui nous est présenté se situe dans une lignée qui précisément n’a pas trop à voir avec cette musique, où d’un peu loin, dans la tradition des chanteuses interprètes à grandes voix comme Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan ou Dinah Washington, bien que Petra se situe dans un registre plus habituel, loin d’une Billie Holiday et plus proche d’une Nina Simone, plutôt dans un registre qui évoque parfois celui de la variété de qualité, et elle le fait très bien, à sa façon.

Évidemment l’accompagnement est sans reproche mais terriblement « classique » avec ce trio si conventionnel, il n’y a guère de surprise au niveau du son, bien que tout soit propret et impeccable, net et swinguant comme il faut. Il faut dire que les quatre sont redoutables et efficaces, ils connaissent le job et vous prennent aisément à la petite cuillère, vous emmènent quasiment malgré vous, à votre corps défendant, sans prévenir, et même par surprise !

Parmi les pièces on retient « As A Flying Bird », « Secrets », « And I Will Dream of You », « Look to the Future », « Winter on the Phone » ou encore « A Fool » qui ouvre l’album. A noter que les trois instrumentistes, sous la férule de Marsella, ont enregistré eux-aussi un album, paru également ces jours derniers.

Secrets (Live)


Winter on the Phone (Live)


As a Flying Bird (Live)


Look to the Future (Live)
Modifié en dernier par Douglas le lun. 26 août 2024 08:46, modifié 1 fois.
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 26 août 2024 05:14

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Leïla Martial, Valentin Ceccaldi – Le jardin des délices – (2024)

Leïla Martial fait partie de ces chanteuses dont je suis le parcours discographique avec intérêt, ne serait-ce que pour le magnifique « Baabel » de deux mille seize et le très réussi « Warm Canto » paru en deux mille dix-neuf, mais de l’eau est coulée sous les ponts, l’intéressant « Oliphantre » est paru en deux mille vingt-deux et voici la plus récente sortie de Leïla, en ce début d’année.

Il s’inscrit un peu à part et je lui ai laissé un peu de temps, ainsi que plusieurs écoutes. Leïla partage l’œuvre avec Valentin Ceccaldi, frère de Théo ajoute-t-on souvent, lui c’est le violoncelliste, un peu jazz, un peu classique. L’album s’ouvre sur une intéressante version de la chanson de Barbara, « Au bois de Saint-Amand », c’est un peu une surprise car on n’attendait pas Leïla dans un style si trempé.

Mais c’est le titre suivant qui surprend davantage. Il semble être ici le plus aventureux et le plus central, d’une grande ambition. « Eve au jardin des délices » est l’œuvre des deux musiciens, la portée féministe est évidente, mais ce qui surprend c’est que la pièce semble le fruit d’un collage, un peu déjanté et expérimentale, la couleur navigue entre comptines enfantines et déclamations patriarcales, si bien que c’est un peu déroutant et pas forcément évident.

En fait le thème principal est la traversée de la vie et l’existence, des influences du « Jardin des délices » de Jérôme Bosch sont évoquées durant cette longue pièce qui frôle les quinze minutes. Certains passages sont magnifiques mais d’autres un peu moins évidents à aborder, et le titre prend de la force dans sa seconde moitié, mais son ordonnancement en seconde position arrive peut-être un peu tôt dans l’album, et aurait connu une meilleure place en fin de parcours, me semble-t-il.

La troisième pièce « Cold Song » de Henry Purcell et John Dryden est plutôt réussie, avec un Théo économe à souhait, ce qui offre à la pièce une respiration très particulière qu’utilise avec beaucoup d’à-propos Leïla, très à l’aise dans cette interprétation à fleur de peau.

La pièce suivante est ma préférée, c’est une reprise d’Alain Péters, le fantastique chanteur compositeur Réunionnais, Leïla a modifié les paroles et le titre « Mangé pou le Cœur » se nomme désormais « Mon Frère », mais le souffle est toujours là et la reprise conserve sa magie. La pièce suivante est signée Gabriel Fauré et Sully Prudhomme, elle se nomme « Au bord de l’eau » et toujours pas de rigolade, d’autant que Leïla reste fidèle à son parti-pris de « vivre » l’interprétation à fond, ce qui est sa marque…

La dernière pièce est encore d’inspiration classique, une version d’« Asturiana » de Manuel De Falla », avec un magnifique Théo au violoncelle, une belle façon de dire au revoir. Malgré ses fractures l’album conserve beaucoup de moments très forts et très beaux, et les deux sont, incontestablement, de grands interprètes avec une démarche originale et entière. Assez curieusement, il est à noter que le Cd est absent de discogs.

Mon frère


Asturiana


Au bois de saint amand


Eve au jardin des délices
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 27 août 2024 01:20

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Nduduzo Makhathini – uNomkhubulwane – (2024)

Depuis qu’il a signé pour Blue Note, la carrière de Nduduzo Makhathini a connu un envol absolument remarquable, les albums s’enchaînent avec une belle réussite, et ce n’est pas celui-ci qui démentira cette belle courbe, tant il est prometteur. Après « Modes Of Communication : Letters From The Underworlds » de deux mille-vingt et « In The Spirit Of Ntu » paru deux années plus tard, « uNomkhubulwane » prend fièrement le témoin.

Comme le suggère la pochette, Nduduzo semble vouloir remonter vers les racines, on se souvient que c’est un musicien de jazz sud-africain, originaire de PieterMaritzburg. On sait également qu’il est chaman et guérisseur, rien d’étonnant à ce qu’il puise dans la culture des ancêtres. Ainsi le titre de l’album « uNomkhubulwane » désigne celle qui est la fille de Dieu, déesse de la pluie, régulatrice de la nature, de la lumière et de la fertilité, comme l’indique la tradition zouloue. Elle se manifeste sous la forme d’un animal dans lequel elle se métamorphose.

Nduduzo propose trois mouvements qui structurent l’album, le premier se nomme « Liberations », il est constitué par trois titres, le second « Water Spirits » contient quatre pièces, et le troisième « Inner Attainment » en possède également quatre. Au total onze titres se succèdent.

Nduduzo Makhathini est le pianiste, compositeur et également chanteur ou narrateur. Zwelakhe-Duma Bell Le Père est le bassiste, à l’occasion il fait également les chœurs. Francesco Mela, le batteur, participe aussi aux chœurs. Les voix sont importantes et véhiculent en langues zoulou ou bantoue la trame initiale. Il y a également un petit livret accompagnant.

La première pièce « Omnyama » est d’une accroche immédiate et nous baigne d’emblée dans cette ambiance originelle. Le trio est assez fabuleux et remonte le souvenir incandescent de McCoy Tyner, très prégnant, comme sur « Amanxusa Asemkhathini », la contrebasse de Zwelakhe-Duma Bell Le Père est très puissante, mais sait aussi se faire douce presque discrète, car ici règne la mesure. Bien des fois nous sentons l’esprit des « gris-gris », des envoûtements et des charmes qui se déposent entre nos oreilles…

Il y a de grands esprits dans ce coin, c’est absolument certain, les voix participent à l’enchantement, quelques mots suffisent à créer la magie et à s’emparer des corps. Les charmes sont grands et convoquent les forces occultes et leurs conséquences, hypnotisme et transe, même si tout se déroule sans qu’on y prenne garde, par St McCoy !

L’album est grand et majestueux, de ceux qui reviennent fatalement, sous les auspices des esprits et des revenants, avec leurs rituels anciens et leurs chants envoûtants. Francesco Mela, le batteur cubain, a justement joué aux côtés du grand McCoy Tyner, ressuscité présentement, il a également joué en compagnie de Zoh Amba. Lui aussi est également époustouflant et enthousiasmant.

Les pièces se succèdent sans que jamais ne baisse la tension ou l’intérêt, bien qu’il n’y ait pas de souffleurs, l’esprit est là et suffit. Faire une sélection est tout simplement impossible, pour peu que l’on désire rester simplement honnête, on peut tirer un titre au hasard sans jamais risquer la déception, c’est une des marques qui détermine les grands albums, je crois bien qu’ici nous y sommes…

Libations: Omnyama


Water Spirits: Amanxusa Asemkhathini


Libations: KwaKhangelamankengana


Water Spirits: Izinkonjana
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 28 août 2024 02:04

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Graham Collier Music Featuring Harry Beckett – Songs For My Father – (1970)

Un petit crochet par l’incroyable Graham Collier Music de mille neuf cent soixante-dix, ce « Song For My Father » réveille chez tout musicien de jazz ce bon vieux classique Blue Note d’Horace Silver du même nom, qui sommeille dans toute bonne discothèque, mais mauvaise pioche, rien à voir, bien que farouche et redoutable.

L’a une drôle de tête quand même, les pièces se présentent toutes nues, « Song One (Seven-Four) », et toutes sur ce même modèle, jusqu’à la dernière, « Song Seven (Four-Four Figured) », ce qui est entre parenthèse est plus significatif, mais uniquement descriptif. Ils sont neuf ici, voici les noms : Graham Collier, basse et compos, John Webb à la batterie, Phillip Lee à la guitare, John Taylor au piano, Alan Skidmore, Tony Roberts aux saxos ténor, Bob Sydor aux saxos ténor et alto, Alan Wakeman aux saxos ténor et soprano et Derek Wadsworth au trombone.

Il y a également cette particularité qui se niche dans le « featuring », Harry Beckett, à la trompette et au bugle est mis en évidence, comme invité principal. Ce sont probablement ses prestations dans le groupe de Mike Westbrook, ainsi qu’aux côtés de Chris McGregor qui lui valent cette préséance.

Neuf ce n’est pas tant que ça, pour un Big Band, même s’ils donnent l’effet d’être encore plus nombreux, les anches dominent et font le job merveilleusement, même s’il n’y a qu’un seul trombone et un seul trompettiste en face, jamais de sentiment d’anémie ici, bien au contraire, la musique avance comme un rouleau compresseur, dès la première pièce qui emporte tout, avec un solo de soprano de Wakeman qui déchire et le solo de gratte qui régale !

Souvent Graham aime les compos qui prennent le temps, tout en offrant des espaces d’impros aux musiciens, les arrangements sont parfois tellement emberlificotés qu’on ne sait d’ailleurs pas trop où on est, qui improvise et qui lit sa partie, tout se mélange, mais c’est tellement bon qu’on en redemande et que seul compte ce long ruban qui défile inlassablement, en déployant une immense énergie.

Alors évidemment le train du free est déjà passé et Graham l’a snobé, mais il en a extrait toute la saveur en laissant les solistes balancer la sauce à l’envie, d’ailleurs Graham n’a rien contre le désordre, s’il le sert, il prend, mais il n’a rien non plus contre des formes d’organisation, vu que c’est un peu son boulot, faut dire.

Un magnifique enregistrement encore, qui se lit d’une traite, les pièces se chevauchant en un long ruban sonore. Un musicien qui ne déçoit jamais, même si la priorité de Graham n’a jamais été de « vendre », les compromissions ce ne sera jamais son « truc », lui se contente de faire au mieux son job, ce qui le place très haut dans la grande lignée des chefs de band.

Graham Collier Music - Song One (Seven-Four)


Song Two (Ballad)


Song Three (Nine-Eight Blues)


Song Four (Waltz In Four-Four)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 29 août 2024 01:47

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Steve Lacy & Evan Parker – Chirps – (1986)

« Chirps » est un album paru à l’origine sur le label allemand FMP, célèbre pour son activité autour des enregistrements de free-jazz. Celui-ci est donc une réédition Cd de deux mille vingt-deux, parue sur « Corbett vs. Dempsey », limitée à cinq cents, ce qui devrait suffire. Pour la clarté des échanges il faut déterminer qui joue où, car les deux sont de grands spécialistes du saxophone soprano, et chacun joue de son instrument fétiche sur un canal précis.

Steve Lacy joue à droite et Evan Parker canal gauche, pour qui est habitué à ces deux solistes il n’y a pas trop de difficulté à reconnaître le style de chacun, mais aucun n’est à l’abri de l’influence de l’autre, dans les sphères où nous nous trouvons. Pour ne citer qu’une seule référence, le « Penguin Guide to Jazz » a écrit que ce Cd est « l'un des meilleurs et des plus importants albums free de la décennie », celle des années quatre-vingts, bien sûr.

Pourtant l’album fascine encore, malgré que l’exercice soit abrupt, certains diront même « austère », je présume. Pourtant une simple concentration au départ suffit, car bien vite l’esprit vagabonde et s’extasie face à tant de virtuosité et de créativité. L’enregistrement de départ est live, capté pendant le « Summer Music », à la « Haus am Waldese » de Berlin, le dix-huit juillet quatre-vingt-cinq. On connait l’exigence pointilleuse de « Corbett vs. Dempsey » au niveau de la qualité sonore, ici tout est parfait.

La première pièce, « Full Scale » s’arrête un peu avant la vingt et unième minute, la seconde, « Relations » dure seize minutes et trente-cinq secondes, et la dernière, « Twittering », est la plus courte, probablement le rappel, un peu plus de quatre minutes. Les deux improvisateurs sont, c’est évident, les signataires des compos.

On comprend bien que les deux jouent spontanément, sans écart ni possibilité d’analyse, où alors c’est très rapide, voire fugace, dans l’instant. L’immédiateté est inhérente à l’improvisation, comme un réflexe, quand on se lâche lors d’une conversation à bâtons rompus, et que la parole est libre. C’est ce qui se passe ici, chacun se concentre sur ce que dit l’autre et lui répond spontanément, sans réfléchir. Ici l’homme est à nu, sans possibilité de se cacher ou de dissimuler.

Ce langage est vivant, c’est ce qui lui donne cette extraordinaire authenticité, malgré la vélocité des échanges, voire la fulgurance du dialogue, surgit la personnalité de ce que chacun est, sa sensibilité et sa personnalité profonde. C’est ainsi que se révèle cette étrange beauté qui nous submerge et nous ébahit.

Encore un magnifique album free, qui permet à ces deux grands saxophonistes de remettre d’une certaine façon les points sur les « i », si c’était nécessaire…

(Pas trouvé d'extrait...)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 29 août 2024 02:03

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Archie Shepp - Coral Rock (1970)

A - Coral Rock B - I Should Care

Bass – Bob Reid, Congas – Djibrill, Drums – Muhammed Ali, Flugelhorn – Alan Shorter, Percussion – Ostaine Blue Warner, Piano – Bobby Few, Tenor Saxophone – Joseph Jarman, Tenor Saxophone, Piano – Archie Shepp, Trumpet – Lester Bowie , Trombone - Clifford Thornton.

Cet album date des mêmes sessions qui ont produit « Pitchin Can », il a été enregistré pour le label français America, puis réédité aux Etats-Unis par le label Prestige en 73. C’est le quatrième et dernier album de Shepp pour le petit label Français.

Il faut dire que son aventure avec BYG s’est mal terminée, et que tous ces originaux qui aujourd’hui s’échangent à prix assez élevé ne se diffusaient alors qu’au compte-gouttes. Les fondateurs de BYG sont entrés en conflit avec Archie Shepp :

« Je n’ai jamais signé de contrat pour les bandes d’Antibes. Le concert a été annulé mais BYG l’a maintenu. J ‘avais refusé que ce soit enregistré, malgré cela ils l’ont édité en inventant des titres à mes morceaux, je n’ai jamais touché un sou ! C’est passé d’Actuel à Monkey Records, maintenant ça s’appelle Charly Records. Claude Delcloo et Jean-Luc Young avait volé pas mal de bandes à Radio France, pareil pour Jean Karakos sur EMI. Ils ont transféré leur compagnie sur l’île de Man où ils sont intouchables. Je les ai poursuivis pendant des années. Ils ont tenté de s’attribuer les droits de Mama Rose etc. J’étais pourtant coéditeur de tous les titres ».

Les jeunes musiciens de l’Art ensemble de Chicago suivront la même trajectoire, passant de BYG à America, et il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’on retrouve Joseph Jarman et Lester Bowie sur cet album. On le constate Archie Shepp n’hésite plus à s’associer à des musiciens venus d’horizons très divers, la jeune garde, bien sûr, mais aussi le hard- bop avec Philly Joe Jones et le blues avec Chicago Beau et Julio Finn. Il arrive sans difficulté à s’associer à tous ces différents styles et cette tendance s’accentuera dans les années à venir, alternant les purs joyaux et (parfois) les demi-réussites.

Al Shorter (frère de Wayne, donc) signe le premier des deux titres de l’album. Le rythme ici est lent, il figure une marche lourde, pesante et pour ainsi dire funèbre. Cette impression est augmentée par le jeu de piano de Bobby Few qui martèle sans cesse le clavier en suivant le rythme sourd de la grosse caisse, d’autant que les percussions ajoutent à l’ambiance en ne laissant aucun espace sonore propre à la respiration, seuls de dramatiques sonorités provenant des congas ou du piano s’échappent de ce rythme lancinant.

Après un bref motif répétitif et grave joué par la basse, un chant, entre mélopée et cri, s’élève, porté par les accents sombres de la marche. Cuivres et anches se mélangent en un magma sonore plaintif d’où s’extrait le son lancinant du trombone de Clifford Thornton, suivi par celui du saxo de Jarman qui se lance dans un tortueux solo qui souffle sur la braise.

Bientôt la plainte se change en cri, la disharmonie s’installe sous l’effet du souffle d’Archie Shepp qui désarticule l’ensemble, Al Shorter revient au blues, puis ponctue d’envolées cuivrées la masse sonore, Bobby Few accentue la perte de repère en jouant des lignes dissonantes… retour au rythme, aux envolées des cuivres. Muhammed Ali ne laisse aucune chance, impossible d’échapper à la sombre torpeur, il gardera le tempo sans faiblesse pendant les vingt-deux minutes que dure le morceau. Bob Reid avec son archet ajoute les frottements grinçants de la basse à la tension ambiante, le morceau s’achève ainsi sur un bref rappel bluesy du saxophone bleuté.

Cette pièce s’inscrit parfaitement dans la lignée de la musique d’Archie Shepp de ces années-là, peut-être la période la plus créative du saxophoniste, en tout cas cette plongée parisienne, de la fin des années soixante, entre blues et free est absolument merveilleuse, l’interprétation de Coral Rock en restera un précieux témoignage.

« I Should Care » est une reprise dans un registre très différent. Le très talentueux Bobby few procède à une relecture du standard, en trio, accompagné par la basse et la batterie. L’interprétation est très lyrique, entre blues et ballade, Bob Reid se montre un interlocuteur passionné et Muhammed Ali très sobre. Après cette longue introduction le reste du groupe s’invite en background, jouant le thème. La joyeuse compagnie nous quitte avec ce beau retour sur cette page de l’histoire de cette musique qui en figure une certaine intemporalité.

Une première face habitée.

Coral Rock A (Archie Shepp) - "Coral Rock"
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Bebeto » jeu. 29 août 2024 21:11

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Archie Shepp - Bijou, '76)
Tiens, puisque tu l'évoques, voici reçu et écouté cet opus dont je t'avais parlé, que je ne connaissais pas et que je découvre entièrement. Parfois, en fonction de l'offre, je prends encore des disques sans les avoir écoutés au préalable, comme ici avec pour seule garantie le nom de l'artiste.
Il s'agit d'un album considéré comme mineur dans sa discographie et déconcertant avec ce chant sur plusieurs titres, quelque part entre le kobaïen et ce que pouvait faire Meredith Monk. Des titres en solo également. Au final, après une seule écoute, il s'en dégage un sentiment d'une aventure musicale sans heurts. Bien entendu, aux accents free bien prononcés qui peuvent dérouter l'auditeur attentif au jazz qui flatte l'oreille.

Archie Shepp - tenor saxophone, soprano saxophone, piano, composer
Arthur Jones - alto saxophone
Zusaan Kali Fasteau - vocals
Pablo - percussion
Alain Boucanus - producer
Jef Gilson - engineer

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 30 août 2024 01:35

Bebeto a écrit :
jeu. 29 août 2024 21:11
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Archie Shepp - Bijou, '76)
Tiens, puisque tu l'évoques, voici reçu et écouté cet opus dont je t'avais parlé, que je ne connaissais pas et que je découvre entièrement. Parfois, en fonction de l'offre, je prends encore des disques sans les avoir écoutés au préalable, comme ici avec pour seule garantie le nom de l'artiste.
Il s'agit d'un album considéré comme mineur dans sa discographie et déconcertant avec ce chant sur plusieurs titres, quelque part entre le kobaïen et ce que pouvait faire Meredith Monk. Des titres en solo également. Au final, après une seule écoute, il s'en dégage un sentiment d'une aventure musicale sans heurts. Bien entendu, aux accents free bien prononcés qui peuvent dérouter l'auditeur attentif au jazz qui flatte l'oreille.

Archie Shepp - tenor saxophone, soprano saxophone, piano, composer
Arthur Jones - alto saxophone
Zusaan Kali Fasteau - vocals
Pablo - percussion
Alain Boucanus - producer
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Cet album fait partie encore de cette période où Shepp est un "cherchant", qui innove et prend quelques risques...

Bientôt il se cantonnera dans un rôle plus confortable d'interprète, épuisant les standards, certes avec un succès plus important sans doute, mais cédant également à une certaine facilité, parfois.

Mais son style est si personnel, avec ce "son" si authentique, marqué par le blues et la plainte, qu'il peut chevaucher n'importe quelle pièce et la rendre incroyable et unique.

La présence de Kali Fasteau est notable, elle laissera au fil du temps quelques beaux albums free remarquables qui méritent également l'écoute.
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