J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 18 juin 2025 01:37

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Medeski, Martin & Wood + Nels Cline - Woodstock Sessions vol. 2

Medeski, Martin & Wood, on connaît, un trio magnifique galvanisé par John Medeski aux claviers qui performe continuellement, Billy Martin à la batterie et aux percus qui nourrit à foison et Chris Wood et ses basses qui grondent et relancent encore et encore, mais ici il y a plus… Un invité digne d’intérêt, Nels Cline à la guitare…

La collaboration entre les quatre, dure depuis un an environ, quand ils se sont rencontrés au « Blue Note » de New-York pour deux concerts qui ont fait le plein ! Une telle chimie entre les quatre demandait davantage, c’est ce qu’explique Medeski : « Quand nous avons parlé à Nels d'enregistrer quelque chose, nous avons pensé que le live était la meilleure solution. Et nous avons recommencé à réfléchir à cette idée d’une situation intime de concert/studio qui serait une expérience cool et amusante pour tout le monde. Cela semblait être la chose parfaite à faire ».

L’idée était lancée, en voici la concrétisation, enfin pour une moitié, car ici c’est uniquement le volume deux, mais il est remarquable et dépasse l’heure de trois minutes, de quoi se laisser largement convaincre ! Pourtant le « volume un » semble introuvable, peut-être n’existe-t-il tout simplement pas ? Ça s’est passé en août vingt-trois, la date figure sur la pochette en bas à droite, ils se sont retrouvés entourés d’environ soixante-quinze amis, aux Applehead Studios à Woodstock, regroupement qualifié « d’intime ».

Avant tout Medeski est énormissime au Fender Rhodes, quand il est à ce niveau on frôle le grandiose, mais il n’est pas le seul en forme, Martin et Wood sont également exceptionnels, mais il y a un véritable atout maître en la personne de Niels Cline, le maître des effets est ici à son aise, il aime les collaborations, s’entourer de musiciens nouveaux et improviser.

Il s’adapte avec aisances aux situations qui se présentent à lui, atmosphères spatiales psychés, moments de fusion rock où il se déchaîne, ou encore participant au groove général avec sa gratte qui grippe et accroche. Dans le trio Medeski, Martin et Wood il n’y a pas de véritable leader chacun propose une idée, ou une évolution, ensuite arrive ce qui doit arriver…

Ce n’est pas pour effrayer Cline qui se régale à ce jeu stimulant, il n’est pas le dernier à s’y frotter et se montre un partenaire très à l’aise, comme sur « Looters », un titre assez long où il se déchaîne et improvise avec brio en prenant le temps.

Je recommande évidemment, et j’en profite pour vous rappeler que « The Stone : Issue Four » était pas mal non plus !

Bonjour Beze
Mezcal
Los Blank
Looters
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 19 juin 2025 01:43

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Roy Haynes – Hip Ensemble – (1971)

Le batteur Roy Haynes est une légende, appartenant à la même génération que Sam Rivers, celle des pionniers pourrait-on dire. Mais il n’a pas connu de longue éclipse et son talent fut reconnu assez vite, ainsi il a joué aux côtés de Lester Young entre quarante-sept et quarante-neuf. Il a également beaucoup enregistré, on retient souvent dans sa discographie l’album « Out Of The Afternoon » de soixante-deux, enregistré sur « Impulse ! », avec Roland Kirk, je vous en avais parlé sur ce post.

Cette formation du « Hip Ensemble » millésimée soixante et onze est également intéressante et surtout, marque un retour vers la lumière, après une éclipse momentanée. Voici les musiciens qu’il rassemble, George Adams au saxophone ténor et à la flûte, Marvin Peterson à la trompette, Carl Schroeder au Fender Rhodes, Mervin Bronson à la basse électrique ou Terud Nakamura à la contrebasse, Elwood Johnson aux bongos et aux tambourins, Lawrence Killian aux congas, et lui-même officie à la batterie.

Roy n’est pas insensible à la musique plus moderne, parfois teintée de free, comme sur « Tangiers » où le piano s’électrifie, la trompette de Marvin Peterson improvise à fond et jouxte les territoires free, tout comme George Adams qui cède également aux sirènes du moment. Roy Haynes en profite pour faire chanter les toms, les tambours et les percus, dans un mouvement libérateur.

Mais ces audaces ne sont que ponctuelles car le bon vieux Roy aime davantage la tradition, même si son bop est hard et parfois risqué. Il faut dire qu’il baigne dans un environnement où règne la musique de fusion, il a également joué avec Shepp, Chick Corea ou Jackie McLean, il reste ouvert et ne ferme aucune porte, n’insultant pas l’avenir par principe.

L’accueil, sur cet album, du magnifique Marvin Peterson est en soi déjà un gage d’intérêt car ce dernier fait partie de ces musiciens qui se donnent à fond et ne s’investissent jamais à moitié. Les vents en général sont donc passionnants, même s’ils se déplacent sur des terrains balisés. Si on ajoute cette folie rythmique qui domine ici, on obtient un bel album.

Je signale que mon exemplaire est un import japonais et que le livret contient des commentaires uniquement en cette langue, ce qui n’aide pas trop, mais par contre la qualité du son est au niveau de l’attente, ce qui est l’essentiel.

On retient particulièrement le titre final « You Name It/Lift Ev'ry Voice and Sing » qui laisse exploser les qualités dynamiques de l’orchestre pendant plus de neuf minutes ! Indiscutablement un album sympa, à cheval entre un certain attachement à la règle et à la force irrépressible de la modernité, qui éclate avec puissance.

Equipoise
Tangiers
You Name It
Satan's Mysterious Feeling
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Message par Douglas » ven. 20 juin 2025 00:55

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Paul Dunmall Quartet – Here Today Gone Tomorrow – (déc 2024)

Paul Dunmall est un saxophoniste anglais né en cinquante-trois, après une assez longue carrière dans le jazz, le free jazz et le folk, le voilà à la tête d’une discographie conséquente et variée. Il a joué avec Alice Coltrane, Alan Skidmore et le jazz avant-gardiste anglais duquel il fit partie. Il était particulièrement familier de Keith Tippett et de le formation « Tapestry » à laquelle il participa.

C’est aujourd’hui une figure majeure du jazz anglais, cet album récent nous le montre à son apogée. C’est un très grand improvisateur et une figure de proue du free britannique. Il joue des saxophones ténor et soprano, en compagnie de Liam Noble au piano, John Edwards à la contrebasse et Mark Sanders à la batterie et aux percussions.

Dans la tradition du free britannique tous les musiciens signent les compos, car ce sont des titres issus d’improvisations, ici il y en a trois, pour une durée totale de plus de soixante-trois minutes. Ces musiciens se connaissent très bien et se sont côtoyés mille fois autour de divers projets. « Here Today Gone Tomorow » est une bonne synthèse des techniques d’impros auxquelles participent Paul Dunmall.

Ici l’essentiel est dans l’écoute de l’autre ou des autres, l’improvisation est totalement libre et ne démarre qu’à partir du bagage et du vécu de chacun des membres participants, point de consignes, de rendez-vous ou de points de passage établis. On reconnait « l’école » d’Evan Parker et de John Stevens.

Ce qui est un peu spécifique pour Paul Dunmall c’est son goût pour la musique folk, qui ne le pousse pas vers de grands débordements ou de manifestations trop intempestives. Il aime s’immerger dans la musique, la ressentir par tous ses pores, la mener vers certaines directions quand il en sent le moment, faisant sien le projet commun qu’il perçoit ou en pressent le désir ou la nécessité.

Ce choix continuel entre une infinité de possibles, en interaction totale dans le quartet avec les trois autres qui se cherchent, se trouvent et fusionnent, est d’une implacable beauté. Ici les mélodies peuvent surgir de la part des uns ou des autres, de façon brève ou impromptue, une certaine douceur tient tout à fait sa place et peut s’inscrire dans le flot de la musique qui s’écoule ainsi, portée par les quatre qui dessinent un chemin passionnant et bienfaisant…

Bel album de la part de RogueArt, le label à l’allure austère…

Lights
Modifié en dernier par Douglas le dim. 22 juin 2025 01:08, modifié 1 fois.
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Message par Douglas » sam. 21 juin 2025 02:02

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Joachim Kühn - Majid Bekkas - Ramon Lopez – Out Of The Desert – (2009)

Après « Kalimba », « Out Of The Desert » est le second rendez-vous du trio, cette fois-ci la rencontre sera immersive, précisément dans ce désert dont on parle. Ce voyage c’est le cadeau d’anniversaire que Majid a préparé pour son ami pianiste, qui fête ses soixante-quatre ans.

Ce jour-là, le quinze mars deux mille-huit, ils sont allés jouer de la musique au milieu du Sahara, avec les musiciens du désert de la « Source Bleue des Meski », une petite oasis proche de la frontière algérienne. Ils sont ensuite allés enregistrer à l'hôtel Palms, situé pas très loin, à la périphérie de la ville d'Erfoud, elle-même entourée par le désert.

C’est là que naîtra « Seawalk », pièce signée Joachim qui se positionne en cinquième place sur cet album qui en contient six. Joachim développe un thème autour des rythmes répétitifs joués par le guembri de Majid et par Ramon à la batterie, sept minutes entêtantes qui se posent sur une rythmique qui s’accélère en même temps que la piste avance, jusqu’au final…

L’album s’ouvre avec « Foulani » de Majid Bekkas, une sorte de blues des sables qui s’enroule autour du Guembri marocain, hypnotique et envoutant. Le chant de Majid, avec les chœurs du désert à l’arrière, parachève le coloris tout en « bleu » de la pièce qui s’ébroue, se soulève et s’agite sous les doigts de Joachim qui donne naissance à une fantaisie jazzy qui marie cultures et traditions.

C’est au « Studio Espace Bleu » à Rabat que s’établira la base définitive des prises de son, pendant ce mois qui verra la rencontre avec trois musiciens gnawa, Abdelfettah Houssaini au djembé, le tambour à main, Abdessadek Bounhar et Rachid El Fadili au Karkabou ou cymbales à main, avant que ne se joigne Kouassi Bessan Joseph, véritable virtuose du tambour parlant du Bénin, ils forment également les chœurs que l’on entend ici ou là…

« Transmitting » est également une magnifique pièce, basée sur un groove rythmique particulièrement simple, qui incite à une sorte de transe, la mélodie qui se déploie au piano est, elle aussi, relativement simple et répétitive, bien qu’elle connaisse quelques petites variations, elle s’agite ainsi en suivant l’accélération rythmique qui ne manque pas de se faire sentir…

« One, Two, Three » de Joachim Kühn est la pièce la plus décalée et la plus ouverte, Kühn y joue également du sax alto, Bekkas du kalimba et Ramon Lopez des tablas, la pièce se libère des conventions et s’offre au free, c’est également le morceau le plus long, douze minutes trente, offrant des impros, un espace pour les voix et un extraordinaire tapis rythmique se forme qui permet les envols les plus inattendus.

L’équilibre se tient sur cet album également par le nombre des pièces composées par Majid et Joachim, qui en signent chacun trois. Il devrait plaire également à ceux qui recherchent les musiques d’inspiration plus tribales, en quête d’une certaine authenticité, en même temps qu’un alliage entre des musiques peu habituées à frayer.

Foulani
Transmitting
One. Two, Free
Seawalk
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 22 juin 2025 01:30

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PainKiller – The Great God Pan – (2025)

Il attendait depuis quelques jours, le dernier volet de la trilogie, après « Samsara » et « The Equinox », voici « The Great God Pan » inspiré en partie de la nouvelle gothique d’Arthur Machan qui porte ce même nom. On retrouve le même trio de musiciens, Laswell, Harris et Zorn, basse, batterie et sax alto réunis qui nous livre ici une partition un peu différente.

Il y a toujours ce ressenti un peu « malsain » qui colle aux basques, mais il est plutôt dilué dans une sorte d’ambiant très sombre, les textures qui entourent la musique sont un peu moyenâgeuses, circulaires, elles tournent et vous égarent, un drone au loin va et vient, s’en va puis revient, laissant comme une impression légèrement angoissante qui vous accompagne et vous suit…

C’est encore Zorn qui brise faussement les effets anesthésiants, en cassant de temps à autres la douce torpeur qui vous saisit et vous emmène, « Ercildoune » vous tend les bras et vous offre une sorte de paix qui vous est promise, pendant presque vingt-cinq minutes, vous voilà pris, sans véritable résistance, piégé ?

« Secret Sins » prend le contre-pied total de la première pièce, Zorn s’empare du cri et semble vouloir sonner l’alerte, mais tout cela ne dure que le temps de quelques secousses, et les forces sombres, englouties et anciennes se font à nouveau entendre, elles se répandent même, venues du profond, des nappes souterraines, elles sont la force et la puissance, lentes et visqueuses, elles serpentent avec lenteur guidées par le mal, la fatalité et le remord…

L’alto se soumet, gronde à peine, semblant chercher quelques forces, se nourrir un peu et rugir encore, le temps d’un souffle, d’une secousse, dernières saccades, dernières gouttes de la semence, sont-ce là les effets des péchés anciens ? Voici venir l’heure aigre des regrets, alors que la vie se meurt, ridicule, en un misérable clapotis…

Ercildoune
Secret Sins
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Algernon » dim. 22 juin 2025 06:33

Bonjour Douglas
"...la nouvelle gothique d’Arthur Machan"
Arthur Machen : un des écrivains ayant inspiré ou influencé Lovecraft,
avec Abraham Merritt, Lord Dunsany, Robert W. Chambers, Algernon Blackwood ... :cote: ;)
Je ne suis pas trop vieux pour ces conneries.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 22 juin 2025 07:42

Algernon a écrit :
dim. 22 juin 2025 06:33
Bonjour Douglas
"...la nouvelle gothique d’Arthur Machan"
Arthur Machen : un des écrivains ayant inspiré ou influencé Lovecraft,
avec Abraham Merritt, Lord Dunsany, Robert W. Chambers, Algernon Blackwood ... :cote: ;)
Je te remercie pour tes précisions !
Les albums "Tzadik" sont accompagnés d'un "obi" qui font leur charme et leur élégance, malheureusement celui-ci était agrémenté d'une "coquille" qui n'a pas échappé à l'homme de culture de passage ici, et m'a transformé en propagateur de l’illettrisme !
::d

Voici l'objet du délit (photo en provenance de Discogs)

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Le prochain Zorn que j'enverrai est inspiré par Gilles De Rais Deleuze, je vais devoir m'accrocher avant de digérer l'intégrale !
:ghee:
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Algernon » dim. 22 juin 2025 09:22

Je soupçonnais, en effet, une source avec une coquille (classique), vu que tes textes sont toujours d'une haute tenue rédactionnelle, qui rivalise avec la pertinence et l'intérêt des contenus. :cote:
Le titre Samsara me renvoie direct à la mémoire du regretté Rupert Hine. Plus dans ce que j'écoute, je l'avoue.

Je ne suis pas trop vieux pour ces conneries.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 22 juin 2025 10:06

Algernon a écrit :
dim. 22 juin 2025 09:22
Je soupçonnais, en effet, une source avec une coquille (classique), vu que tes textes sont toujours d'une haute tenue rédactionnelle, qui rivalise avec la pertinence et l'intérêt des contenus. :cote:
Le titre Samsara me renvoie direct à la mémoire du regretté Rupert Hine. Plus dans ce que j'écoute, je l'avoue.

Je me souviens de ton goût déjà ancien pour Rupert Hine.
Il est vrai que c'est très magnifique !
:chapozzz:
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 23 juin 2025 02:44

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Albert Beger, Ziv Taubenfeld, Shay Hazan, Hamid Drake – Cosmic Waves – (2024)

Voici un album « NoBusiness Records » avec en vedette Hamid Drake, l’un des batteurs les plus enregistrés aujourd’hui, ses accompagnateurs sont par contre plutôt méconnus, sauf si on habite à Tel Aviv où ils officient, ainsi le saxophoniste ténor Albert Beger est une sorte de gloire locale et c’est plutôt mérité car il joue bien, avec beaucoup de cœur.

Ziv Taubenfeld joue de la clarinette basse, avec Beger ils font la paire et se cherchent bien, non pas qu’ils soient querelleurs, mais le duo les stimule avec bonheur. Shay Hazan est le contrebassiste, mais il joue également du guimbri, un instrument africain ancien, qui attire souvent les contrebassistes curieux.

Hamid Drake est passé une première fois à Tel Aviv en deux mille cinq, et il a laissé un grand souvenir, aussi, depuis, il lui arrive de passer au club « Levontin 7 », où il occupe la scène, il faut dire que ce club appartient à Assif Tsahar, le saxophoniste bien connu des amateurs de free. D’ailleurs la première pièce de l’album, « A Question Of Universality », ainsi que la dernière, « Astral Visit » sont issues de l’un de ces concerts, donnés en ce lieu, en juillet deux mille vingt-trois.

Les deux autres pièces ont été enregistrées deux jours plus tôt aux « Kitchas Studios », par Uri « Momo » Barak, précise-t-on sur les notes de pochette. Alors, bien sûr que Drake est franchement considérable, il est partout, fourmille d’idées et de propositions et quand les autres s’y mettent également ça donne un truc formidable, comme le magnifique « Into The Horizon », très habité par le duo des souffleurs très inspirés, propulsés par une rythmique magnifique où brille le guimbri de Shay Hazan qui réveille les musiques du Maghreb.

Sur la pièce « The Steamer » qui suit c’est à nouveau Shay qui prend un assez long solo, à la contrebasse cette fois, ensuite les deux souffleurs, toujours aussi excellents régalent en se stimulant l’un, l’autre, épousant les mêmes formes puis les développant en laissant remonter une certaine tradition, mais ça ne dure qu’un temps.

Seule la dernière pièce, « Astral Visite », ne possède pas une base improvisée, elle est signée du saxophoniste, elle semble un peu sombre, ou alors nostalgique et charrie quelques regrets, c’est que la musique de cet album est souvent évocatrice, elle nous parle, et, peut-être est-ce cette pointe de klezmer qui se maintient là, et transpire la tristesse, cette compagne dont on ne peut jamais se séparer bien longtemps…

Encore merci à Nobusiness, le label lithuanien qui tient encore le coup et ne cède en rien à la facilité.

A Question of Universality
Into the Horizon
The Steamer
Astral Visit
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 24 juin 2025 03:23

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Infinity Orchestra Avec Kahil El'Zabar, Joseph Bowie, Ernest Dawkins – Infiny Orchestra – (2006)

Je dois bien le reconnaître, c’est le genre d’album que j’écoute avec une certaine jubilation, pour de mauvaises raisons probablement, mais un album comme celui-ci ne peut vous tomber entre les mains que si vous savez qu’il existe, ou alors il faut suivre une piste, un chemin qui fait que vous puissiez le rencontrer, sans même savoir qu’il existât…

Mais pour ça il faut chercher, être en quête, un simple coup de chance est fort improbable, déjà il faut le connaître le gars, « Kahil El’Zabar », un nom à coucher dehors ! L’immense majorité de l’humanité passera devant ses albums sans même y jeter un coup d’œil, et si, par hasard, quelqu’un le regarde, prend le cd dans la main, l’examine sous toutes les coutures, il y a peu de chance pour qu’il le conserve par devers lui…

Sauf s’il connaît l’animal, ou bien qu’il en ait entendu parler, et encore en bien, ce qui ne va pas forcément de soi : « Hier soir j’ai été à un concert, c’était nul, de la frite-jazz ils appellent ça, le gars ne savait pas jouer, je suis ressorti et j’ai sauvé la soirée en écoutant Jojo avec les copains ! »

Admettons que le gars qui tombe sur le truc connaît « Kahil le Bazar » et qu’il l’a déjà écouté, et qu’il est tombé en amour de cette musique, un gars comme y’en a pas un sur un million notez bien ! Mais non seulement il aime sa musique mais il la kiffe autant qu’il kiffe sa copine ! Il faut dire que le gars n’est sans doute pas trop équilibré, il a été vu plusieurs fois en train de pleurer en écoutant un Cd, un côté midinette immature probablement…

Bon le gars il veut le Cd, il le retourne, et là, un grand choc : il est écrit au verso en caractères gras « Interdit à la Vente/Not For Sale », pas de bol. Comme il est plutôt réglo avec les mœurs, il décide de le glisser sous son aisselle, à l’abri de son manteau, c’est une petite boutique avec des gars sympas au comptoir, il lui suffit de filer avec discrétion, car d’évidence ce sont des recéleurs !

Une fois sorti de la boutique, après avoir réalisé quelques petites économies pour la bonne cause, cet homme néanmoins sans scrupule, et qui semble assumer ses actes avec une certaine jubilation, bien que ce soit probablement pour de mauvaises raisons, peut penser en effet qu’ils sont assez peu, ceux qui ont écouté ce Cd bien plein, d’environ soixante-dix-neuf minutes et dix secondes d’une musique tout simplement magnifique et extraordinaire.

Mais ça, il n’y a que les admirateurs de kail Bazar, Joseph Bowie, Ernest Dawkins et de « L’Infinity Orchestra » qui peuvent véritablement en juger…


Côté extrait faudra repasser, rien, nada, nothing, È pericoloso sporgersi...
Il y en a bien un qui ressemble, mais c'est un autre.
Il va falloir partir en quête !
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 25 juin 2025 01:26

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Daunik Lazro - Paul Lovens - Annick Nozati - Fred Van Hove – Résumé Of A Century – (2024)

Bien que paru très récemment la musique de cet album a vu le jour il y a bien longtemps, un vingt et un avril de l’année quatre-vingt-dix-neuf au festival « Music Action » de Vandoeuvre-lès-Nancy. C’est grâce à Jean-Marc Foussat que ce concert a pu être sauvé de l’oubli et, sans surprise, il est sorti chez « Fou Records ».

Dominique Lazro joue des saxs alto et baryton, Paul Lovens de la batterie, des cymbales, des percussions et également de la scie musicale, Annick Nozati est au chant et Fred Van Hove joue du piano et des percussions. On pourrait classer sans problème ce Cd côté free jazz, c’est d’évidence une musique improvisée, on y trouve deux titres « Facing The Facts » qui frôle la demi-heure, et « Consequences » qui pèse environ vingt et une minutes.

Parmi les personnalités présentes, Annick Nozati me semble la moins connue, bien qu’elle soit une grande Dame de l’impro et du free jazz, qui a participé à de nombreux projets. On la rencontre avec Gérard Marais, Didier Levallet, l'Art Ensemble of Chicago, Yochk’o Seffer, Steve Potts et assez souvent avec Joëlle Léandre et Irène Schweizer.

Elle enseigne même l’improvisation vocale à l’Université de Lille, vers la fin de sa vie. Elle décèdera en effet un an après avoir enregistré cet album, elle joue plus particulièrement avec le pianiste Fred Van Hove, le tromboniste Johannes Bauer, ainsi qu’en compagnie de Daunik Lazro.

Son art mérite une écoute attentionnée qui permettra la rencontre d’une artiste très sensible et viscérale. Elle pourrait évoquer la chanteuse Tamia, sans doute plus connue, mais son art est probablement encore plus audacieux, elle se fonde au centre de cet album comme le point pivot de cette musique autour duquel tout tourne.

La seconde pièce est démesurée, anarchique et révolutionnaire, elle semble vouloir franchir tous les codes et dépasser les limites, d’une extrême intensité, le quartet en son entier semble vouloir bouleverser l’ordre habituel des choses pour nous emporter vers une autre dimension, chaotique et imprévisible. De grands moments musicaux d’une intensité rare vous attendent sur ce très subversif « Résumé d’un siècle ».

Pour ma part, j’en suis resté baba.

Deux extraits sur cette page:
https://fourecords.com/FR-CD65.htm
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 26 juin 2025 03:42

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Steve Coleman And Five Elements – Live At The Village Vanguard, Vol. I (The Embedded Sets) – (2018)

Il y a bien longtemps, je vous avais présenté le second volume de ce concert contenu dans le double Cd « Steve Coleman And Five Elements – Live At The Village Vanguard Volume II », je vous avais dit tout le bien que je pensais de cet album. Depuis, pas mal de temps s’est écoulé sans que je ne vous présente le volume un, pourtant réputé meilleur encore, un double Cd également.

Les albums contenant ce titre « Live At The Village Vanguard » sont d’emblée au rendez-vous de l’histoire, la faute à deux albums pour moi iconiques, tout d’abord celui de mille neuf cent cinquante-sept, « A Night at The Village Vanguard » de Sonny Rollins, un chef d’œuvre que l’on peut enrichir avec l’incontournable « More From The Vanguard » de soixante-quinze.

Et puis, d’évidence, il y a également deux autres historiques, cette fois-ci de John Coltrane, « Live At The Village Vanguard » de soixante-deux, complété par l’incroyable « Live At The Village Vanguard Again! » de soixante-six !

Avec de tels référents, et sans creuser davantage, on comprend le challenge de Steve Coleman, dont on remarque que lui ne joue pas du ténor, mais de l’alto. Cette différence plaidera en sa faveur en effaçant un critère de comparaison. On sait l’alto plus fluide, plus rapide ou tout du moins plus véloce, même si, évidemment il ne possède pas la puissance grondante du ténor.

Même si Steve Coleman n’a pas la stature de ses deux aînés, il est plaisant de le voir associé, par le poids des lieux, à ces deux monstres sacrés. Il se débrouille plutôt bien même, peut-être est-il galvanisé par l’idée d’ainsi passer dans les pas de deux géants, foulant le même plancher et partageant la même scène !

Steve est bien entouré, Jonathan Finlayson à la trompette, Miles Okazaki à la guitare, Anthony Tidd à la basse et Sean Rickman à la batterie, les voilà unis à cinq pour entrer dans la légende ! Après avoir fait autrefois quelques tours dans ces lieux mythiques, voilà Steve « And Five Elements » invités à s’y installer avec plus de régularité, à partir de deux mille-quinze, et sur un temps long, forcément, il ne peut résister longtemps au désir de vouloir inscrire son groupe dans cette grande lignée d’artistes qui ont pu enregistrer en ces lieux.

Déjà, côté compos, c’est tout formidable et Steve signe quasiment tout, des titres forts et très inspirés, qui s’alignent bien, avec une forte identité, du post bop classieux qui déboîte et dévale les pentes à grande vitesse, Finlayson est également un bon interlocuteur qui assure divinement bien, jamais ça ne lâche pied et Rickman relance avec ténacité, toujours sur le pont, battant comme un guerrier !

L’autre qui régale c’est Okasaki à la guitare qui s’inscrit parfaitement dans le projet collectif et lui offre de superbes développements, toutes les couleurs, y compris celle de la grosse basse, parfois funky, participent au plaisir partagé, car d’évidence ils sont tous connectés et de mèche pour allumer ce brasier incandescent.

C’est certain, « Steve Coleman and Five Elements » ont bien laissé leur empreinte, ces soirées-là, au Village Vanguard !

Steve Coleman - At The Village Vanguard Vol. 1 & 2
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 27 juin 2025 03:01

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Medeski Martin And Wood – Uninvisible – (2002)

Sagement on pourrait indiquer que John Medeski joue des claviers, chacun comprend et associe le son avec l’instrument du musicien, pourtant rien n’est aisé sur cet album où Medeski joue de l’orgue Hammond A100, du clavinet, du Fender Rhodes, du Wurlitzer, du Mellotron, du piano acoustique, du mini-moog, du mélodica et puis aussi de trucs barbares genre Hohner string performer, ou arp string ensemble, ou encore super génie stringer et séquential Circuits Pro-one.

Rien qu’en lisant cette liste vous comprenez où vous êtes et la musique associée se devine un peu… Billy Martin le batteur est également intéressant, surtout parce qu’il est souvent mixé à l’avant, premier dans les préférences, il joue également des tambours parlants, du bata, des tambours du burundi, des cloches, du triangle et de quelques percus.

Seul Chris Wood est conventionnel, il joue en effet de la basse ou de la contrebasse, un gars simple et mesuré. Mais il reste un problème, celui des invités et là je ne vous fais pas la liste car ils sont trop nombreux, une bonne douzaine, mais il y a pas mal d’électro, avec DL Olive ou DJ P Love par exemple et puis des anches et des cuivres, des guitares et des percus, et tout ça, bien mélangé aboutit à ce curieux album.

Il y a quatorze pièces assez courtes, du genre trois ou quatre minutes, la plus longue est à six-trente-cinq, des tirs à un seul coup en gros. Alors quel est le goût de la soupe me demanderez-vous, non sans malice ?

Sans doute sommes-nous assez loin du meilleur Medeski, pour tout dire simplement. Cet album ne m’apparaît pas comme un passage obligé, on peut tout aussi bien le laisser de côté, si ce n’est un titre ou deux qui pourront plaire, des ambiances particulières bien trouvées, mais si vous êtes amateur d’électro sans doute verrez-vous les choses autrement, et c’est bien normal !

On pourra s’attarder sur « I Wanna Ride You » étudié pour plaire, ou « Pappy Check », ou encore « Smoke », sans oublier « Your Name Is Snake Anthony » et son atmosphère particulière, ainsi que « Where Have You Been ? » ou « First Time Long Time », ces derniers étant mes préférés…

Uninvisible
I Wanna Ride You
Pappy Check
Where Have You Been?
Smoke
We will dance again...

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