J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 2 nov. 2025 03:01

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Booker Little – Out Front – (1961)

Après vous avoir présenté une pièce de cet album il n’y a pas très longtemps, je fais une petite pause sur cet enregistrement qui est magnifique en tous points. Après avoir joué dans la formation de Mal Waldron en mille neuf cent soixante, Booker Ervin joue au « Five Spot » avec Coltrane. L’année suivante il participe à l’enregistrement des trois volumes « At The Five Spot » avec Eric Dolphy et participe également à l’enregistrements de la pièce « Africa » de Coltrane.

Tout comme Trane il se passionne pour l’harmonie et c’est là qu’il cultive sa différence, malgré un bagage technique impressionnant qu’il aurait pu mettre en avant, il ne recherche ni l’éclat, ni la brillance. Il a déclaré : « Il n’existe pas pour moi de mauvaises notes », à l’instar de Monk il cultive les dissonances et provoque l’étonnement.

Mais son temps est compté, seulement trois années au pinacle et cet « Out Front », qui contient plus qu’un autre l’identité musicale de Booker Little, rien de petit, non, non. Sept pièces magnifiques qui résument ses conceptions et les laisse à entendre à qui dresse l’oreille…

Je vous ai déjà présenté ce petit joyau que j’aime tant « Man of Words », beau à vous tirer des larmes, avec l’incroyable Julian Priester au trombone, morne et répétitif, autour duquel s’ébat la trompette interrogative de Booker Little.

Mais « We Speak » est également magnifique, tout aussi important certainement, malgré son apparence davantage carrée. Il faut dire qu’il y a également le grand Eric Dolphy sur cet enregistrement, que l’on pourrait qualifier d’alter-égo de Coltrane, en cette période…

Est également présent le batteur Max Roach, la légende de la batterie, qui a sorti cette même année et sur ce même label « Candid », le superlatif « We Insist! Max Roach's Freedom Now Suite » auquel participait également Booker Little.

Pour être complet il faudrait également ajouter les deux contrebassistes, Art Davis et Ron Carter qui joue alternativement, ainsi que le pianiste Don Friedman qui mène bien son affaire. Un chef d’œuvre probablement, bien que trop peu cité dans cette catégorie, peut-être aurait-il suffit d’une longévité plus grande pour permettre à l’aigle de voler encore plus haut…

Booker Little – 1961 - Out Front - 01 We Speak
Booker Little – 1961 - Out Front - 02 Strength and Sanity
Booker Little – 1961 - Out Front - 03 Quiet Please
Booker Little – 1961 - Out Front - 05 Man of Words
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Message par Douglas » lun. 3 nov. 2025 04:22

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David Murray & The Gwo-Ka Masters Featuring Guy Konket & Klod Kiavué – Yonn-Dé – (2002)

Et voici « Yonn-Dé » de David Murray et « The Gwo-Ka Masters », le troisième que je vous présente, mais le premier dans l’ordre chronologique. Celui-ci ouvre donc la trilogie, qui avait vu le second album, « Gwotet », de deux mille quatre, s’enrichir de la présence de Pharoah Sanders et le troisième, « The Devil Tried To Kill Me », accueillir le grand Taj Mahal.

Ces trois albums sont tous magnifiques, d’abord et avant tout par la rencontre magique de David Murray avec les musiciens de la Guadeloupe. Sur la pochette sont cités le chanteur Guy Konket et Kloo Kiayué le joueur de tambour gwo-ka moteurs de cette rencontre.

Pour citer tout le monde il faut ajouter le percussionnistes et chanteur François Ladrezeau, le troisième guadeloupéen, et les américains débarqués avec David Murray, le trompettiste Hugh Ragin, le tromboniste Craig Harris, le bassiste Santi Debriano et le batteur Pheeroan AkLaff.

Grâce à l’âme guadeloupéenne c’est l’Afrique qui est convoquée ici, avec les tambours, les percussions, les chants anciens et la mémoire qui subsiste dans les traditions, les coutumes, les croyances et la foi ancienne qui résiste en traversant le temps, au travers de la musique et de la transe…

David Murray a su déterrer ces trésors anciens et les a mis en musique de façon extraordinaire, s’intégrant à la vie communautaire et s’enivrant du chant de Guy Konket, qu’il revêt d’un fort lyrisme, dont les secrets sont cachés entre les notes de son saxophone ténor.

Les messagers secrets des douleurs et des joies anciennes sont ces fameux « Gwo-Kas », les tambours anciens qui portent encore dans leurs résonances les souvenirs toujours à vif de l’esclavage, de l’arrachage à la mère Africa, toute la mémoire est là, inscrite dans la peau tendue des tambours sacrés.

Les chants, avec ce créole imbibé de la culture française résonne à nos oreilles et ne nous perd jamais tout à fait, dans le détour d’une phrase, d’une expression qui nous parle, ou plus simplement de mots qui nous arrivent et que nous comprenons dans le partage.

Subsiste un petit mystère pour moi, le choix d’un label canadien pour faire paraître cet album. Il faut cependant noter que ce n’est pas le premier album de David Murray qui est paru sur ce label, qui est souvent prêt à accueillir les musiques ethniques en s’ouvrant aux musiques du monde.

Une superbe trilogie qui vaut le détour…

Twa Jou San Manje
On Jou Maten
Yonn-De
La Pli La
Moman Colombo
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Message par Douglas » mar. 4 nov. 2025 04:59

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Gétatchèw Mèkurya – Éthiopiques 14 : Negus Of Ethiopian Sax – (2003)

D’une certaine façon je vous ai déjà parlé de cet album car il contient tous les titres contenus dans le vinyle « Getatchew Mekuria And His Saxophone » de soixante-douze, que je vous ai déjà présenté lors d’une réédition. Mais cette version Cd, dans la série Ethiopiques, est élevée au statut de compilation, et possède quinze titres au total, c’est-à-dire cinq de plus que la version précédente. Je ne saurais donc vous la déconseiller…

A l’âge de treize ans, dans sa campagne natale, Gétatchèw entendit un jour un saxophone à la radio, et cela l’envoûta, et même modifia le cours de sa vie… Quel que soit l’endroit où il se trouvait, il pensait à ce saxophone et l’entendait encore, ce qui le poussa à entreprendre le voyage jusqu’à Addis-Abeba…

Une fois arrivé, il fit tant qu’il entreprit l’étude de l’instrument, personne n’osa décourager cet adolescent hors du commun, bien lui en prit car il réussit à intégrer le Municipal Band ! Il joua même dans l'orchestre de Hailé Selassié, puis dans l'orchestre du Théâtre National et devint, au fil du temps, une sorte de légende…

A lui seul il représente un genre particulier, celui de la voix du saxophone dans l’Ethiojazz, il déclame et transpose avec son saxophone les chants guerriers qui réchauffaient le cœur des combattants avant la bataille, et, comme il ressemblait à un colosse, chacun y croyait ! On le surnomma alors « Le Négus du saxophone ».

Pour l’amateur de jazz cet album est tout simplement le plus beau de la série, unique et inouï, la musique qui siège ici est de la plus grande des beautés, elle s’élève haut et, si elle vous transforme en guerrier, elle peut aussi bien vous émouvoir et vous arracher des larmes, où vous transporter dans un monde nouveau, celui de la liberté retrouvée, dans la ville d’Addis Abèba, quand tout cela fut possible, sous le règne d’Haylé-Sellassié.

Cet album est donc constitué par l’intégralité de « Getatchew Mekuria And His Saxophone » auquel s’ajoutent deux quarante-cinq tours et un document rare, la dernière pièce, « Shellèla bèsaxophone » qui date de la fin des années cinquante, sous la direction de Nersès Nalbandian, avec le « Haylé-Sellassié Théâtre Orchestra ». L’album frôle les soixante-huit minutes.

Pour l’anecdote, Gétatchèw Mèkurya a tourné avec le groupe punk-rock néerlandais « The Ex », si, si…

Gétatchèw Mèkurya - Ambassèl (Official Audio)
Gétatchèw Mèkurya - Yègènèt Muzika (Official Audio)
Shellela
Gétatchèw Mèkurya - Almaz Yèharèrwa
Gétatchèw Mèkurya - Gofere / Antchi Hoyé (Official Audio)
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Message par Douglas » mer. 5 nov. 2025 04:01

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My Cat Is An Alien / Mats Gustafsson – Cosmic Debris Volume IV – (2008)

Je vous avais déjà présenté le volume un de ces « Cosmic Debris » avec « My Cat Is An Alien » et la formation « Text Of Light », qui présentent, sous la forme d’un « split », les deux formations occupants une face chacune.

Ce même principe se perpétue avec ce volume quatre, recueillant tout d’abord Mats Gustafsson qui joue « I have not set any time limits for the attempt », une pièce de vingt et une minutes et trente secondes, et à nouveau « My cat Is An Alien » qui improvise « Everything burns like cosmic debris » sur une durée de vingt-quatre minutes et trente secondes.

La pièce de Gustafsson est jouée entièrement en solo le douze janvier deux mille six, je l’ai fait couiner un peu moins de dix minutes dans le salon, mon épouse m’a supplié de cesser immédiatement le raffut, j’en ai profité pour négocier un arrêt du mixeur, nous nous sommes accordés pour une cessation mutuelle des hostilités. Nous avons ensuite paraphé un traité de non-agression…

Mats joue du ténor, du « slide sax » et du « weevil sax » ou sax charançon, une panoplie dont il use en solo avec une amplification, il joue également de l’électro ce qui va bien, offrant un résultat étonnant qui s’apparente à de la musique planante après un départ où s’entendent les cliquetis des clés des saxs.

La seconde pièce, celle des frères Maurizio et Roberto Opalio s’oriente vers les musiques spatiales et des univers cosmiques, elle est d'un abord plus aisé. Côté instrumentation rien n’est révélé mais on penche par habitude côté guitares trafiquées et électro, avec probablement un harmonica également et sans doute d’autres secrets, vers la treizième s’entendent également des voix célestes, je penche pour des anges, il m’a bien semblé en effet en reconnaître un qui me suit assez souvent…

Les éditions originales étaient limitées à cent en tirage vinyle privé, peut-être une façon de coter le groupe vers le haut…

Mats Gustafsson - I have not set any time limits for the attempt
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Message par Douglas » jeu. 6 nov. 2025 03:16

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Mehbooba Band – Fanfare De Calcutta – (2000 ?)

Faisons un grand pas de côté avec la culture populaire des fanfares, qui ont un lointain cousinage avec le jazz, mais qui n’en sont pas. La prestigieuse collection dirigée par France Musiques, « Signature » s’est focalisée le temps d’un album sur le « Mehbooba Band », autrement dit la « Fanfare De Calcutta », le temps d’un Cd et de soixante et une minutes de musique.

Historiquement c’est le dix-neuvième siècle qui vit la naissance des fanfares de « cuivres », elles représentent les lointaines ancêtres des musiques jazz, et seront autrefois intégrées dans les régiments, particulièrement de cavalerie, tant aux USA que dans l’Empire Britannique.

Pour ce qui est des Indes ce sont trois petits villages de commerces qui commencèrent cette longue histoire, « Gobindapur », « Sutanuti » et « Kalikata », qui deviendra Calcutta et réunira les trois villages en un unique ensemble. Le colonialisme amènera avec lui des fanfares qui serviront de modèle aux fanfares Indiennes et plus particulièrement à celle de Calcutta.

Cette dernière ressemblait aux fanfares britanniques mais comprenait le « dholak », une percussion indienne. Elle se forma en se vivant comme un défi à l’ordre colonial, elle accompagnait les processions à caractère social, religieux et les rites funéraires.

La fanfare enregistrée ici est captée en l’année deux mille, en février, dans une ruelle de Calcutta. Elle contient des clarinettes, des cornets, des trompettes, des saxhorns basses, des percussions européennes et indiennes, ainsi qu’une grande paire de cymbales. Ils sont douze musiciens réunis sous la houlette de Maître Majnu, qui dirige l’ensemble.

Onze pièces sont jouées, des ragas comme « Sahana » qui ouvre l’album, des airs patriotiques, comme « Hai mere watan ke logan », des chants religieux comme « Ramachandra » ou des chants populaires comme « Thora se raji naa balamawa se raji » voire une danse comme « Ras Garba ».

Sur le Cd chaque pièce contient une explication qui en indique le sens et la raison d’être, ainsi l’auditeur n’est jamais perdu, on évoque aussi bien une chanson de mariage, d’amour, ou de dévotion, il y a même place à l’humour et aux évocations sociales en général.

Le livret accompagnant nous donne un grand nombre d’explications, et je vous fais part de quelques-unes ici, reste à goûter à ces musiques exotiques et différentes, d’essence populaire.

Raga Sahana
Ramachandra
Tomar hridaya range bharaa
Om jaya jagadisha Hare
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 7 nov. 2025 01:20

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Dave Douglas – Charms Of The Night Sky – (1998)

On connaît Dave Douglas sous de multiples facettes, jouant dans différents environnements, avec des lignes de force multiples, jonglant avec les genres selon les rencontres et les circonstances. Il a évidemment laissé une forte empreinte sur la musique klezmer lors de ses enregistrements aux côtés de John Zorn, sur les mythiques enregistrements « Masada ».

Ici c’est pourtant différent et innovant, engagé à nouveau vers une autre direction, bien que la pièce « Facing West » réveille à nouveau la musique klezmer. Mais il faudrait se diriger au fil de cet album vers une sorte de musique hybride entre le jazz et le folk.

Le trompettiste Dave Douglas a invité pour cet enregistrement le violoniste Mark Feldman, le bassiste Greg Cohen, tous les deux également familiers de Zorn et surtout l’accordéoniste Guy Klucevsek qui apporte son concours tout au long de l’album.

Ainsi « Charms of the Night Sky » possède une couleur unique et convoque des valses, comme « Bal Masqué » qui renvoie à la culture française, ou même « Decafinata » qui tourne également la tête. Il y a également « Wild Coffee » qui évoque les musiques de l’est. Ainsi on baigne en plein romantisme, ou en danses tournoyantes, des duos également où l’accordéon dialogue, mais aussi de la musique de chambre, la nostalgie est également convoquée qui roule avec ce violon qui en sait long…

Les morceaux sont essentiellement signés par Dave Douglas, à l’exception de trois, ce qui fait dix sur treize, on remarque « Little One » d’Herbie Hancock, « Mugshots » de Guy Klucevsek ainsi que « Poveri Fiori » de Francesco Cilea.

Ainsi file ce bel album à la couleur douce-amère, certainement l’un des plus personnels de Dave Douglas et, conséquemment, des plus réussis pourrait-on dire, même si l’absence de batterie renforce le côté terreux, bien que paradoxalement évanescent, que l’on ressent à l’écoute de cette musique.

Charms of the Night Sky
Facing West
Bal Masqué
Twisted
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 8 nov. 2025 02:59

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Mama Baray – Enishi – (2006)

Quel drôle de nom pour un groupe, « Mama Baray », y aurait-il une explication ? En effet la simple observation permet de percer ce mystère pour peu que l’on s’intéresse aux membres de cette formation.

Le premier « Ma » pourrait correspondre au début du nom de Nakano Maki, qui joue du saxo et de la métal-clarinette, le second irait bien avec le batteur Sato Makato, « Ba » s’assemble avec Bastien Boni qui joue de la contrebasse, et « Ray » c’est bien entendu le début de Raymond, l’autre Boni, connu comme guitariste dans la planète jazz…

S’il faut remonter un peu le temps, l’histoire commença par un concert de Maki Nakano en solo, Makoto Sato, qui passait par là, apprécia fort la performance de Maki et commença une riche collaboration, puis le temps passa…

Makoto enregistra un album avec Joe McPhee qui tournait alors avec Raymond Boni, de fil en aiguille Makoto se rapprocha de Raymond, puis appela Maki, voilà un beau trio ! Il se trouve que Raymond a un fils, Bastien, qui est contrebassiste et qui joua avec Makoto et Maki lors d’un concert qui fit parler de lui.

Ce succès servit d’entraînement à la création du quartet, qui enregistra cet album, au studio « Gallix Productions » à Paris, en deux mille six. Mais l’album ne fut pas un grand succès et ne déchaîna pas les masses, malgré qu’il soit intéressant, improvisé, free et, tout en restant malgré tout, sage et bien élevé.

Cinquante-trois minutes de bonne zique tout de même, un free propre et poli où chacun ajoute sa pierre, avec un Bastien qui prend souvent la main et n’hésite pas. Makoto ajoute pas mal de couleurs en toile de fond, pas trop bien servi par la prod. Raymond Boni réussit à se faire une place sur la gauche et apporte une dynamique toujours un poil énervé, telle la « mouche du coche »...

Maki Nakano distend le temps lors de ses interventions, raisonnable et économe, elle intervient souvent à point nommé, et développe des textures longues et lentes qui s’étendent dans l’espace, calme et poésie penchent de son côté.

Un album qui méritait meilleur sort, c’est certain!
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 8 nov. 2025 03:07

On se souvient, page précédente de Jon Irabagon avec tous ses titres représentant une variation du "Doxy" de Sonny Rollins, et bien le voici dans une version longue, lors d'un concert au "Village Gate", en soixante-deux, avec Don Cherry au cornet, Bob Cranshaw à la contrebasse et Billy Higgins à la batterie:

Sonny Rollins - Doxy (Live at The Village Gate, 1962)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 9 nov. 2025 02:54

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John Zorn – Rituals – (2005)

Bien sûr cet album-ci n’est pas du jazz, mais de la musique contemporaine. On sait que Zorn navigue sans œillères, sans apriori, certes pas « au doigt mouillé », ce serait sans doute excessif, mais obéissant à ses passions et peut-être même à ses démons, à ses foucades possiblement, mais il ne se refrène pas, laissant parler les voix intérieures qui dictent sa conduite…

A ce jeu on le pense jazz, ou free-jazz, voire rock, et même hard, sans rien qui ne le limite, le voici donc, cette fois-ci, à la tête d’un mini-opéra d’environ vingt-six minutes ! Ce monodrame d’avant-garde a été composé pour le Festival de Bayreuth en mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit et mis à la disposition du public sept années plus tard.

C’est une pièce pour voix, celle d’Heather Gardner qui est mezzo-soprano, elle contient cinq mouvements et n’est pas véritablement écrite, par exemple il n’y a pas de livret, mais de simples indications scéniques dont on peut aisément se passer. Zorn déclara : « La mezzo-soprano reçoit des notes et diverses articulations et dynamiques à exprimer, sans aucune indication sur le son de voyelle qu'elle doit utiliser. »

Aussi le terme « opéra » est-il sans doute excessif, en effet la pièce peut tout à fait être jouée sans véritable mise en scène, lors d’un concert. Ce qu’il regretta : « Malheureusement, ce que j’ai réalisé, c’est qu’un paradigme de ce type de créativité et d’ouverture n’est pas si propice au monde de l’opéra. »

On pourrait parler ici de minimalisme, c’est Brad Lubman qui dirige le petit orchestre composé de la crème des musiciens new-yorkais, qui sont au nombre de douze, sans le chef. Mais il est également intéressant de s’intéresser aux nombreux effets sonores qui occupent l’espace de la pièce, moulins à vent, cris d’oiseaux, rugissements de taureaux, et même le bruit des outils qui creusent les tombes vers la fin de la deuxième partie, humour noir et légèrement décalé. Il faut dire que l’œuvre s’inspire des écrits d'Aleister Crowley.

Voilà, c’est de toute évidence une nouvelle face de Zorn qui se dévoile ici, qui est passionnante, étonnante et même surprenante, elle mérite évidemment l’attention, j’espère qu’elle vous a intéressé.

John Zorn Rituals Track 1
John Zorn Rituals Track 2
John Zorn Rituals Track 3
John Zorn Rituals Track 4
John Zorn Rituals Track 5
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 10 nov. 2025 04:07

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Byard Lancaster – Funny Funky Rib Crib – (1979)

Cet album de soixante-dix-neuf paru sur « Palm », le label français créé par Jef Gilson, est le dernier d’une série de quatre, d’ailleurs il contient des pièces venues de plusieurs sessions, ce qui n’aide pas pour savoir qui joue quoi et avec qui…

Pour autant c’est une sorte de pépite, vraiment excellent, qui pourra plaire à beaucoup. Il semble même qu’il ait été créé pour ça, tout est dans le titre d’ailleurs, qui dévoile le contenu, au menu une sorte de mélange entre jazz et funk, on pourrait simplifier en disant : « John Coltrane rencontre James Brown », même si c’est évidemment excessif, l’esprit est bien là !

Alors ça groove d’un bout à l’autre et ça fait plaisir, le temps d’une quarantaine de minutes, ce qui le place dans les standards de l’époque. Mais il y a un peu plus, avec deux pièces qui tranchent un peu. L’extraordinaire « Work And Pray » qui penche côté blues et avance lentement, Byard Lancaster y chante avec conviction et régale vraiment.

Tout comme sur le merveilleux « Loving Kindness » qui se balade dans les folklores, avec Byard qui se partage entre la voix et la flûte. Mais le cœur de l’album c’est bien sûr le délicieux funk/jazz qui s’écoule avec magie sur les autres pièces, « Just test » qui ouvre, les deux « Rib Crib » du milieu, qui atteignent ensemble les dix-neuf minutes, et l’énorme « Dogtown » qui clôt les réjouissances de la meilleure des manières, avec un excellent François Nyombo à la guitare.

Cet album se défend tout seul et l’écouter c’est l’adopter, côté musiciens il y a, outre le guitariste, Byard Lancaster aux saxs, à la flûte, au chant ainsi qu’au piano, qui compose également, Eric Denfert aux saxs, Zizi Japhet à la basse, Sylvain Marc à la basse et à la batterie, Frank Raholison et Steve McCall à la batterie, Francois Tusques au piano, Del Rabenja au piano et au sax, Joseph Traindl au trombone et Clint Jackson à la trompette. Les différentes sessions expliquent cette énumération un peu foutoir, mais ils sont tous là, particulièrement les recrues de Jeff Gilson.

Byard Lancaster - Just Test (1979)
Byard Lancaster - Work and Pray
Byard Lancaster Rib Crib 1
Byard Lancaster – Loving Kindness
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 11 nov. 2025 03:13

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Larry Ochs, Mars Williams, Julien Desprez, Mathieu Sourisseau, Samuel Silvant – Stroboscope – (2018)

Voici un nouvel épisode des aventures transatlantiques initiées par Alexandre Pierrepont au travers de « The Bridge », ces rencontres entre des jazzmen français et américains, souvent chicagoans, qui se concrétisent dans la production d’albums regroupés dans la série « The Bridge Sessions ».

Il y aura un peu plus ici, indiquent les notes de pochette, car la rencontre est fortuite et doit autant au hasard qu’au reste… En effet le guitariste électrique Julien Desprez et Mathieu Sourisseau, guitariste à la basse acoustique, étaient à Chicago au sein de l'ensemble Shore to Shore lors de leur voyage exploratoire avec The Bridge, lorsque la rencontre se fit.

Le saxophoniste ténor et soprano Larry Ochs, le saxophoniste Mars Williams et le batteur Samuel Silvant se trouvaient également en ville, cette rencontre déboucha très rapidement vers la création de cette boulette de free électrisante, au Strobe Studio le trente avril deux mille quatorze.

Deux pièces sont enregistrées, « Stropscope #1 » de treize minutes trente, et « Stroboscope #2 » de près de vingt-sept minutes. Larry Ochs est connu comme étant un pilier du Rova Saxophone Quartet et Mars Williams une figure du free ouvert également au monde du rock.

Côté France Julien Desprez se classe dans les guitaristes électriques expérimentaux, il est vraiment très excitant tout du long, stimulant les uns et les autres avec une énergie hors norme. Mathieu Sourisseau fait partie de la scène toulousaine, il a gravé de délicieux albums avec « Le tigre des Platanes » et l’éthiopienne « Eténèsh Wassié », Samuel Silvant démontre également une très grande classe sur cet album, une révélation pour moi.

Ce neuvième album de la série « The Bridge » est mémorable et fait partie de ceux qui sont les plus marquants, la rencontre très fusionnelle est particulièrement remarquable et laissera une belle marque, dans cette série de prestige.

Stroboscope #1
Stroboscope #2
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 12 nov. 2025 05:02

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Moor, Lehn, Butcher – Thermal – (2001)

Cet album est d’abord paru au format Cd en deux mille un, puis a été réédité en deux mille dix-sept avec une nouvelle pochette, celle qui est représentée ici. « Thermal » deviendra le nom de ce trio pour une nouvelle parution d’album, « Ice in a Hot World », qui sortira en deux mille vingt.

Pas d’ambiguïté ici, des impros à gogo, avec le génial gars de « The Ex », Andy Moor à la guitare électrique, John Butcher aux saxos et Thomas Lehn à l’électro et aux synthés. Quatorze pièces assez courtes se succèdent, mais attention ici la punkitude est dans la tête mais ne s’entend pas à la manière de « The Ex », c’est de l’Andy Moor comme on le connaît et qu’on l’aime lorsqu’il quitte le port à bord de son navire et ne s’embarrasse plus de rien…

Il laisse aller son esprit vagabond et s’oublie dans son « run », s’en va loin, vers un ailleurs inexploré qu’il défriche avec les copains, il est souvent devant, mais jamais seul, à ses côtés des amis qui le secondent et le stimulent, le précèdent même parfois…

Il n’y a qu’une seule route, où ils avancent, franchissant les étapes sans que rien ne tranche vraiment avec ce qui précède ou ce qui suit, l’avancée est franche et volontaire, riche aussi de mille variations, de haltes et de faux bonds, avec parfois des interrogations, des remises en cause, car rien n’est simple et tout enchante, ainsi les frontières se franchissent, même s’il faut passer par un trou de souris…

John Butcher est lui aussi un habitué des chemins de traverse, il a côtoyé Fred Frith, Misha Mengelberg ou encore Derek Bailey de quoi se forger une forte personnalité, mais surtout savoir entendre et écouter, surprendre, innover et apporter sa différence. Quant à Thomas Lehn il est également très respecté, issu de la musique contemporaine mais attiré par l’impro et la musique libre, il n’aura de cesse de créer, et se trouve ici dans son milieu préféré, il a également joué avec Eugene Chadbourne, et ça, c’est une référence ! Il faudrait que je vous présente son album aux côtés de Jean-Marc Foussat, qui est également très réussi…

Les titres ici racontent une histoire, ou une suite de situations qu’illustre la musique, c’est « bien joué » comme disent les sportifs quand c’est bien joué, ici c’est sûr…

Thermal
Once Gravity Strikes For Real Broken Fighter Plane Teeth Quarry Traffic
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 14 nov. 2025 05:13

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Jemeel Moondoc Sextet – Konstanze's Delight – (1983)

Y’a des albums comme ça, qu’au bout de quelques minutes on sait déjà qu’ils sont taillés pour être grands, celui-ci est de cette espèce. Enfin je parle pour moi, d’autres, les pauvres, me désolais-je, ne seront pas de mon avis, mais rien de grave, c’est ainsi depuis que le monde est monde, la sagesse populaire l’explique par une maxime qui dit tout : « les goûts et les couleurs… »

Déjà Jemeel Moondoc, le saxophoniste alto, est un type pas ordinaire, de ceux qui vous marquent, j’ai dû vous parler quatre ou cinq fois de ses albums, celui sur « Ayler Records » indispensable, le coffret « Muntu » sur Nobusiness, grandiose, celui enregistré sur le label polonais en live, géant également, et les deux sur le label austère « Rogueart » avec Steve Swell, je le suis de loin, bien que ce ne soit pas toujours facile…

Celui-ci est un « Soul Note », le cousin de Black Saint, pas rare ni trop difficile à dénicher, Jemeel n’est pas la seule personnalité remarquable de cet album, il y a également le trompettiste Roy Campbell, tellement excellent, les deux font la paire, mais il y a également l’immense William Parker à la contrebasse, là, ça commence à faire beaucoup, c’est vrai, mais il faut encore ajouter Khan Jamal au vibraphone et Dennis Charles à la batterie, que des géants, des gloires !

Et puis il y a un petit bonus avec une chanteuse que je ne connais pas, Ellen Christi, parfois c’est la goutte qui peut gâcher le paysage, mais non, pas cette fois, pas ici : magnifique !

Je vous ai prévenu dès l’entame de ce billet, un grand album, il faut donc ajouter : noyauté également par une myriade de musiciens excellentissimes, de folie même. La première pièce est incroyable, une demi-heure habitée avec « Konstanze’s Delight » le morceau titre, enregistré live au « 3rd Street Music School » à New-York, le vingt-quatre octobre quatre-vingt-un, je ne m’en lasse pas…

Viennent ensuite « Chasing The Moon » lui aussi sur ce même nuage et « High Rise » d’un peu plus de deux minutes, pour dire au revoir…

L’est pas né au bon moment, trop en retard avec tous ceux de sa génération qui ont subi le même sort, pourtant tellement bons mais pas vraiment reconnus, des héros de poche, qui font le bonheur de quelques-uns, tandis que les gens écoutent ailleurs…

Il nous a quitté le vingt-neuf août deux mille vingt et un, il n’en parlait jamais, mais il est né malade, drépanocytose, il s'est assis un beau soir sous le porche de sa maison, à Atlanta, et est passé de l’autre côté, tranquillement, sans faire de bruit…

Konstanze's Delight
Chasing The Moon
High Rise
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 15 nov. 2025 07:05

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Rashied Ali / Peter Kowald / Assif Tsahar – Deals, Ideas & Ideals – (2001)

Les trois ensemble forment « The Trio », Rashied est bien entendu à la batterie, Kowald à la contrebasse et Assif Tsahar au sax ténor et à la clarinette basse. Les pièces sont signées par les trois qui partagent le même souffle et le même élan. L’album est superbe, enregistré en mai deux mille, en studio à New-York, et paru chez « Hopscotch Records », le label coopératif du saxophoniste.

Rashied Ali tout le monde connaît, depuis qu’il a enregistré ce sommet du free « Interstellar Space » en compagnie de Coltrane. Peter Kowald est d’origine allemande et s’est fait connaître en Europe aux côtés de Brötzmann et du « Globe Unity Orchestra » d'Alexander Von Schlippenbach, avant de s’exiler à New-York, où il décèdera peu de temps après cet enregistrement, le vingt et un septembre deux mille deux.

Assif Tsahar est un saxophoniste et clarinettiste d’origine israélienne, il a grandi à Tel Aviv avant de partir pour s’installer à New-York, au début des années quatre-vingt-dix, il a développé un jeu extrêmement élaboré, avec une grande technique et une mise en place parfaite. Les trois ensemble sont vraiment au top niveau, et cela s’entend…

On reconnaît ici l’élan vital qui soufflait lors de la période des lofts, et qui semble vouloir perdurer en ce début de nouveau siècle. L’album est « free » et revendique haut l’héritage, chacun est porteur d’un vecteur de ce passé, si bien qu’il perpétue mieux qu’un autre cette ère free qui traversa le jazz naguère, tel qu’il apparut et tel qu’il se développa dans les années soixante-dix.

Pour autant il reste moderne et chacun apporte sa pierre, Rashied Ali et son foisonnement multi directionnel, Peter Kowald, son pizzicato merveilleux et son travail à l’archet sûr et impeccable, et Assif qui déménage encore, tant au sax qu’à la clarinette basse, particulièrement sur « Currents » où il brille et élève la pièce vers les sommets…
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Message par Douglas » lun. 17 nov. 2025 02:48

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Vijay Iyer Trio – Historicity – (2009)

Retrouver un moment la grâce des trios piano, basse batterie, avec un pianiste qui excelle, même s’il n’est pas coutumier de l’exercice, oui, cet album fait partie des meilleures adresses du genre, premier essai et déjà un coup de maître, pourtant ce n’est pas une surprise pour qui connaît un peu ce spécialiste des touches noires et blanches, souvent hors-norme, cet enregistrement est précieux et éblouissant.

Stephan Crump est le contrebassiste et Marcus Gilmore le batteur. Tous les deux sont les musiciens qu’il faut, au bon endroit, au bon moment. La fusion est telle, qu’il est difficile d’imaginer d’autres partenaires. Si vous faites partie de ces gens qui n’apprécient pas le piano, ou la formule du trio, ou qui n’aimez le jazz qu’à travers les cuivres et les anches, alors, c’est cet album qu’il vous faut pour sauter le pas.

Il pourrait évoquer Keith Jarrett pour son accessibilité, car il possède un don pour les mélodies qui se déploient sans en avoir l’air, une capacité à faire vivre le piano dans le risque calculé, avec une habilité à porter les effets rythmiques ou mélodiques de façon époustouflante.

Il aime s’emparer du monde de la musique populaire dans sa globalité, ou même de la musique la plus actuelle, quelque part entre McCoy Tyner ou Cecil Taylor, mais rien n’y fait, ce qui passe entre ses doigts se transforme et finit par sonner « Vijay Iyer », estampillé et certifié : c’est un sorcier du clavier !

Sur cet album il reprend Leonard Bernstein/Stephen Sondheim, Andrew Hill, Stevie Wonder, Julius Hemphill ou Ronnie Foster, mais quand il s’empare d’un thème c’est pour y ajouter autre chose, une signature, quelque-chose de personnel et d’élégant qui n’appartient qu’à lui. Par ailleurs il signe lui-même quatre compositions, dont Mystic Brew.

La pièce « Dogon A.D. » de Hemphill est forcément attendue, avec sa rythmique étonnante et pointue qu’il réussit à transmettre merveilleusement bien, avec cette base très groovy, basse et batterie martelantes et entêtées…

Le « Big Brother » de Wonder est également réussi, fidèlement restitué, un hommage à la Motown qu’il met à l’honneur. L’album ne fléchit pas, qui a été bien rôdé en concert jusqu’à ce que l’osmose à trois prenne, avec une très grande efficacité. Le titre d’ouverture « Historicity » signé du pianiste atteste bien de cet effort collectif et technique qui fonctionne et se révèle sous la forme d’une grande beauté.

Un petit mot pour « Smoke Stack » d’Andrew Hill, la principale influence reconnue par Vijay Iyer, né Vijay Srinivas Raghunathan.

Un album « ACT » de soixante-deux minutes.

Historicity
Dogon A.D.
Mystic Brew
Big Brother
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 18 nov. 2025 02:36

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Ivo Perelman, Matthew Shipp, William Parker – Book Of Sound – (2014)

Au-delà du free jazz, de la musique sans convention, existe ce que recherchait John Coltrane lorsqu’il embouchait son saxophone, un désir inextinguible de nouveauté, de créer ce qui n’avait jamais été encore entendu, au-delà du free même devenu malgré soi conventionnel, mécaniquement organisé par la force de l’habitude…

Cet inouï Ivo le recherche, tout autant que le pianiste Matthew Shipp ou le contrebassiste William Parker. Sur les notes de pochette Neil Tesser évoque le concept « d’improvisation totale » et le rejette aussitôt en lui substituant celui de « post-liberté », car jouer librement sans rien concevoir ou préparer n’est encore pas suffisant, il faut véritablement jouer une musique nouvelle, jamais jouée ni jamais entendue.

Alors on met le « beau » et le « joli » à la poubelle, tout a déjà été fait en ce domaine, alors ici rien ne va dans ce sens, les trois inventent de l’inédit, de l’inouï, du jamais entendu, certifié.

Certes, même si on n’oublie pas d’où on vient, le rythme qui bat, la musique répétitive peut également faire l’affaire, enfin en séquences non ordrées, car la note en elle-même reste pure et belle, et quand elle s’accroche à une autre, la dissonance peut convenir et s’installer dans un flux qui n’obéit qu’à la pulsion du moment…

Ainsi dérive cette curieuse musique faite d’interrogation et de « non habitude », hors conventions, qui nous est offerte, et le timbre se fait lyrisme, et voilà qu’au milieu de ces détours, de cette anarchie volontaire une étrange « beauté » apparaît et se fait jour, est-ce « beau » où simplement concordant, apaisant et confortable ?

Bien qu’ils soient entrés en studio sans rien de préconçu, la magie fonctionne et l’addiction opère, rien n’est beau puisqu’il ne le faut pas, mais cette non beauté forgée dans l’histoire de chacun, opère malgré la volonté des musiciens, et l’inouï se concilie avec l’inattendu pour nous offrir un album forcément extraordinaire.

Damnant Quod Non Intelligunt
Candor Dat Viribus Alas
Veritas Vos Liberabit
De Gustibus Non Est Disputandum
Adde Parvum Parvo Magnus Acervus Erit
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 19 nov. 2025 03:42

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Various - Chicago’s Avant Today – (2003)

En recherchant dans les piles de Cds inécoutés, je tombe sur celui-ci qui correspond à peu près à ce que je recherche : un Cd facile à écouter, qui me parle direct sur lequel il est facile de poser des mots sans trop se prendre la tête.

C’est une vieille compile de deux mille trois qui fête le cinquantième anniversaire du fantastique label chicagoan « Delmark Records ». Ce dernier possède une face blues très présente et tout à fait magnifique, destinée aux amateurs du genre, et une autre de musique actuelle, jazz, assez innovante avec des artistes que j’aime par-dessus tout. Ils sont regroupés sur ce bel album.

C’est Ernst Dawkins qui ouvre le bal avec le New Horizons ensemble, un extrait décapant de l’album « Jo’Burg Jump » avec entre autres Ameen Muhammad à le trompette et Avreeayl Ra à la batterie. « Stranger » ouvre les débats avec une grande ampleur.

Le « NRG Ensemble » est le groupe de Mars Williams avec Ken Vandermark aux anches et Brian Sandstrom à la guitare électrique. On continue avec Robert Mazurek et son Chicago Underground avec un extrait de « Playground » où l’on entend Jeff Parker à la guitare, Chad Taylor à la batterie et Mazurek au cornet. Toutes ces sélections sont excellentes et de très haute volée.

Kahil El’Zabar et son Ritual Trio avec un extrait de « Renaissance of the Resistance » que je vous ai déjà présenté jouent l’excellent « Trane In Mind ». La compile reste au zénith avec la moyenne formation du trompettiste Malachi Thompson et un extrait de l’album 47th Street bien foutu où Billy Harper déclenche grave.

C’est ensuite Jeff Parker en trio qui joue « Holiday For a Despot », et le « Ken Vandermark’s Sound in Action Trio » qui termine ce grand survol des productions Delmark sur une note sympathique, mais vu la qualité du label il aurait été vraiment difficile de rater une compile, tant les musiciens qui sont réunis ici sont fantastiques !

Sept formations et près de cinquante minutes ne peuvent pas résumer une telle institution, mais le Cd est peu cher et de qualité…

Stranger - Ernst Dawkins
Hyperspace - NRG Ensemble
Osinato - Robert Mazurek & Chicago Underground
An Elevated Cry - Malachi Thompson
Kahil El’Zabar et son Ritual Trio - Trane In Mind
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 20 nov. 2025 03:06

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La Marmite Infernale – Humeurs Et Vacillements – (2022)

L’acronyme ARFI signifie « Association à la Recherche d’un Folklore Imaginaire », cette dernière a été créée il y a bien longtemps, en soixante-dix-sept à Lyon, avec le « Workshop de Lyon » et beaucoup de musiciens remarquables des environs, comme ceux du « Marvelous Band » ou de « La Ma marmite Infernale », toujours en vie, qui perpétue une certaine vision du Big Band d’aujourd’hui.

Ils sont aujourd’hui seize réunis autour de cet album, mais on ne peut les citer tous, alors je n’en cite aucun, bien que cet album soit tout à fait excellent et que chaque élément de l’ensemble mériterait des éloges, à l’écoute c’est évident.

La Marmite est un collectif qui se renouvelle constamment, il obéit à quelques règles simples, ainsi chaque membre a autorité pour apporter des compositions, mais chacun peut également modifier ou arranger les compositions comme il l’entend, c’est le collectif qui décide et, bien entendu, ces différents traitements aboutissent à des compos très travaillées, tarabiscotées, originales et uniques, mais le mieux c’est d’écouter…

Ce qui est certain c’est que l’ennui n’est pas invité et que tout fait sens, des genres différents peuvent cohabiter, des chansons, du jazz, des trucs pop, de l’humour également. On se régale à tous les étages en se baladant de la cave au grenier, car tout semble être avant tout poésie.

S’entendent ici des cuivres, des bois, des anches, mais aussi des cordes, des voix et de nombreuses percussions. Alors forcément ça folk un peu, mais c’est compris dès l’annonce du nom, le « F » de l’arfi. Il y a même un titre qui se nomme « biathlon » et qui vaut le détour, ce doit être le premier du genre dans cette catégorie, il s’accorde en genre avec « Viscères électriques » qui ouvre l’album !

Vraiment une réussite de la part d’un collectif renouvelé et en pleine forme.

Viscères électriques
Le jardin des amours
Biathlon
Humeurs et vacillements
Boum boum Billy
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 21 nov. 2025 01:14

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Jemeel Moondoc & William Parker – New World Pygmies – (1999)

Le saxophoniste alto Jemeel Moondoc et le contrebassiste William Parker ne sont pas des inconnus l’un pour l’autre, lorsqu’ils participent en duo au festival « Fire In the Valley » en quatre-vingt-dix-huit, à l’Université d'Amherst, dans le Massachusetts.

En effet ils se côtoient depuis la fin des années soixante-dix et possèdent une assez longue pratique commune. On trouve une trace de leur rencontre dès l’album « Through Acceptance Of The Mystery Peace » enregistré sous le nom de Parker en quatre-vingts.

Sur cet album Jemeel Moondoc trouve en William Parker un partenaire idéal qui ne cherche pas à briller pour lui-même, mais accepte de le soutenir tout du long, du coup la partie de basse est somptueuse. Il faut dire que le rendu du son est exceptionnel, les deux sont enregistrés avec une clarté et une définition de haut niveau, malgré qu’il s’agisse d’une captation en live.

La première pièce « New World Pygmies », signée conjointement par les deux partenaires, se développe sur dix-sept minutes, et pose les termes d’une association fructueuse. Le jeu de Moondoc évoque les grands saxophonistes alto qui ont fait le jazz, particulièrement Ornette Coleman qu’il a dû étudier et dont on reconnaît parfois une tournure, on pourrait évoquer également l’art brut de Jimmy Lyons ou le son acéré de Jackie McLean.

Autant de références qu’il maîtrise et dont il a su tirer le meilleur pour créer un son unique et personnel, bien au-delà de la technique, il se concentre sur l’essentiel, ne craignant pas le minimalisme ou l’économie, ne conservant parfois dans son discours que le suc, souvent suffisant pour créer un discours passionnant, direct, mais jamais évident.

C’est ce qui fait la beauté de cet album où s’étale son jeu riche d’une très grande pureté, sans esbroufe, difficile à anticiper, comme si son chemin n’appartenait qu’à lui et qu’il en était l’unique défricheur. Chaque pièce ici en est une illustration, comme « Not Quite Ready For Prime Time » dont il est compositeur.

Mais c’est William Parker qui est le compositeur le plus prolixe, trois pièces sont signées de sa plume, dont le déchirant « Another Angel Goes Home », qu’il a écrit en hommage au batteur disparu Denis Charles, avec lequel il a beaucoup joué.

La dernière pièce « Encore » est également une impro signée à deux, tout comme le titre d’ouverture, la durée de l’album tourne autour des soixante-huit minutes et ne baisse jamais en intensité, il y a quelque chose de l’idée de « pureté » qui se joue ici : un album précieux.

Huey Sees A Rainbow (Parker)
Another Angel Goes Home (Parker)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 22 nov. 2025 02:17

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Anti RubBer brAiN fAct0rY & Yoram Rosilio – El Hal – (2009)

Alors que j’écrivais une bafouille sur l’album de Yann Pittard dont je vous ai parlé il y a peu, l’envie me vint de faire une petite commande chez « openmusic », que j’ai reçue, accompagnée d’un Cd bonus que voici, cadeau de Yann*, il y joue de la guitare, du oud et des karkabous, ce sont des percussions maghrébines constituées de deux coques métalliques.

« Anti RubBer brAiN fAct0rY » est le nom de l’ensemble musical impressionnant que l’on entend ici. Il représente la rencontre entre le free jazz et la tradition marocaine, un mélange qui se retrouve autour de la composition « El Hal », en cinq mouvements, composée par Yoram Rosilio qui s’est inspiré du plasticien Redouane Bernaz.

Le livret décrit la musique comme « un processus d’entrée en transe présent dans différents courants du soufisme marocain ». Par contre il faut noter qu’aucun musicien marocain n’est crédité sur la pochette de l’album et son livret, seuls des européens semble-t-il, ainsi que Maki Nakano, sont cités dans la liste des douze réunis autour de ce projet.

Le collectif est donc essentiellement free ou approchant, qui obéit à la trajectoire écrite par Yoram Rosilio, on entend bien de multiples instruments de percussion marocains utilisés par ces mêmes musiciens. J’avoue que j’aurais préféré une véritable rencontre, mais peut-être que cela ne fut pas possible, et que le projet ne pouvait naître que sous cette forme.

Par ailleurs c’est assez plaisant, bien que parfois curieusement un peu lent, comme s’il manquait un grain de folie définitif, celui qui, précisément, décide du « passage » vers un ailleurs, de cette transe, signifiée par le sens du mot « El Hal ».

Par contre beaucoup de chouettes solos, et un réel dépassement lors du cinquième et dernier mouvement, « Marabou » qui constitue le sommet de l’album et une belle réussite, il atteint les treize minutes trente et apporte ce « petit plus » qui manquait et qu’on attendait, le reste n’apparaissant que comme un préambule à cet emballement enfin libérateur.

Le but est toutefois bien atteint, ce qui est l’essentiel, je remercie Yann pour ce bon moment que j’ai passé, tout d’abord dans l’attente parfois impatiente, puis dans le partage de cette émotion libératrice et explosive qui conclue parfaitement ce voyage.

Portes Fenêtres
Dhikr
Les chuchotements d'un cheikh
Nass El Ghiwane
Marabou
* Un petit mot accompagnant explique que c'est pour compenser des frais de port mal calculés, mais franchement rien ne m'est sauté aux yeux! Je précise car si vous commandez à votre tour, rien ne dit que vous toucherez le cadeau bonux
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