J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 11 déc. 2025 05:43

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Soft Machine – Drop – (2008)

Côté datation la première sortie de « Drop » remonte à deux mille-huit, mais il y a une réédition récente qui vient de paraître avec une nouvelle remastérisation et des notes de pochette de deux mille vingt-quatre, pour autant la musique est toujours issue de la tournée allemande automnale de soixante et onze, entre la sortie de « Fourth » et de « Fifth ».

Robert Wyatt vient de quitter le navire, et avec lui une grande partie de la pop psychédélique qui habitait la musique à ses débuts, il est remplacé à la batterie par le virtuose Phil Howard, spectaculaire, mais qui ne fera que passer.

Mike Ratledge, fondateur historique est toujours présent il joue du Fender Rhodes, du piano électrique et bien entendu de l’orgue. Hugh Hopper arrivé sur le second album est également le bassiste historique, quant à Elton Dean il est arrivé avec « Third », que l’on salue souvent comme le meilleur album de cette formation souvent vénérée. Il joue du saxello et du sax alto, ainsi que du Rhodes et du piano électrique.

Côté répertoire le quatuor joue l’excellent « Slightly All The Time » et l’énorme « Out-Bloody-Rageous » tous les deux issus de Third, et rôdent pas mal de pièces qui constitueront la quasi-totalité de l’album Fifth, comme « All White », « Drop », « M.C », « As If » et « Pigling Bland », sur lequel Phil Howard joue également, il sera ensuite remplacé par John Marshall.

Côté son c’est très correct, mais pas exceptionnel vu les circonstances. Je me range du côté des fans alors je suis comblé, d’autant que cet album dépasse la simple fusion pour aborder la folle improvisation, et n’hésite pas à se lancer dans la musique free, tout en conservant son style, sa personnalité et son étiquette. Pour moi c’est une grande réussite, mais j’ai vu que, sur Jazzmag, ils n’ont mis que trois étoiles, ce qui me semble particulièrement radin…

L’album est par contre généreux en musique, autour de soixante-douze minutes au compteur, de quoi passer un bon et long moment en bonne compagnie.

SOFT MACHiNE :: Neo Caliban Grides / All White (from Drop, live 1971)
Slightly All The Time
Drop
Out-Bloody-Rageous
As If
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 12 déc. 2025 05:34

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Henri Texier – Healing Songs – (2025)

Voici le dernier album d’Henri Texier, tout juste paru, celui des quatre-vingts ans, nous dit-on, c’est sans doute la raison de ce regard en arrière, dans le rétro, une sorte de bilan ou de coup de cœur pour certaines de ses compositions qu’il a créées, comme autant d’étapes, de vignettes envoyées…

Seule entorse, « Vent Poussière » qui est signé par son fils, Sébastien, un autre lui-même, qui joue du sax alto, de la clarinette alto et de la clarinette tout court. Cette pièce est issue de « Remparts D'Argile », album de l’année deux mille, celui qui est le plus représenté ici, avec « Chebika Courage », « Leïla » et « Grève Révolte » que l’on peut écouter également.

Avant d’aller plus loin il faut préciser une particularité qu’il est difficile de déceler si vous achetez par correspondance, et que l’on retrouve souvent sur les albums français. Le vinyle contient sept pièces et le Cd en contient neuf. « Decent Revolt » issu de l’album « Vivre » et « Sarajevo Blues » issu de l’album d’inspiration collective « Sarajevo (Suite) », sont les deux pièces, fort bien réussies, qui ne se tiennent que sur le Cd.

« Amazone Blues » provient d’An Indian's Week, « Quand Tout S'Arrête » terminait son premier album, « Amir », qui était à l’origine une version courte de quatre-vingt -huit secondes, mais elle dépassera les sept minutes sur l’album « Sand Woman » qu’il terminait également, tout comme il le fait encore ici, dépassant de peu les cinq minutes.

Toutes ces pièces sont à nouveau réinterprétées par Hermon Mehari à la trompette, Emmanuel Borghi au piano et au Rhodes, ainsi que Gauthier Garrigue à la batterie, le seul titre où ce dernier ne joue pas, c’est parce qu’il laisse la place à l’invité du jour, Manu Katché, qui drum sur « Leïla », « Healing Songs » est donc bien chouette, et gouleyant.

Une petite pointe de gravité cependant, car ces « Chants de Guérison » qui remettent à jour ces témoignages anciens, sont bien là pour nous redonner foi en ce « quelque chose » qui dépasse la musique…

Amazone Blues
Grêve révolte
Chebika Courage
Henri Texier - Samba Loca
Quand tout s'arrête
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 13 déc. 2025 04:54

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Wadada Leo Smith – Red Chrysanthemums Solos 1977 – (2015)

Il n’est pas anodin que ces enregistrements anciens, datant de décembre mille neuf cent soixante-dix-sept, refassent surface en deux mille quinze, à un moment où Wadada Leo Smith est largement et unanimement consacré comme un très grand de son instrument, mais aussi comme un très grand du jazz tout simplement.

C’est que ces années-là sont particulièrement mythiques dans la vie de musicien de Leo Smith. Dans la période comprise entre soixante-douze et soixante-dix-sept, il composa et interpréta, presque dans le secret, en tout cas loin des projecteurs, une série d’enregistrements absolument extraordinaires, bien qu’ils ne soient générés que par peu de moyens.

Ceux qui rechercheront trace de ce passé se tourneront vers la compile « Kabell Years : 1971-1979 », sur Tzadik, qui constitue une belle complète des sorties de cette période. Vous l’avez compris, ces solos de soixante-dix-sept, captés à Los Angeles par Lee Kaplan, coïncident avec cette période hors du temps, cette fois-ci c’est le label « Corbett vs Dempsey » qui publie les bandes inédites.

Que de merveilles ici, quarante-huit minutes exceptionnelles qui prennent poids lors d’une écoute attentive et rêveuse, qui vous emmènera tout doucement au pays de Wadada Leo Smith, un voyage qui peut s’avérer addictif et vous occuper par la suite pendant plus de temps que vous ne pourriez raisonnablement imaginer…

Wadada est un trompettiste remarquable et reconnu, mais ce n’est pas tout, ici il joue également du bugle, de la flûte, du steelophone, un instrument électronique miniature, des percussions et même du gong.

Trois pièces sont jouées et s’enchaînent, on comprend à l’écoute qu’il se passe quelque chose qui tient de l’ascétisme, d’une vision quasi prophétique de ce que deviendra la musique. On comprend, à la lumière d’aujourd’hui, les directions et les voies alors esquissées, tracées et dessinées, mais toujours peu empruntées, malgré qu’elles soient pourvoyeuses d’une grande beauté.

Wadada poursuivra avec bonheur cette route dont il est le meilleur représentant, en solitaire ou accompagné…

Malheureusement je ne trouve aucun extrait à vous proposer, alors je vous propose ce qu'il y a d'approchant, un extrait issu de ces fameuses "Kabell Years":

Nine (9) Stones On A Mountain
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 14 déc. 2025 04:20

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La Marmite Infernale – Or Mathilde – (2025)

Après « Humeur et vacillements », qui s’était avéré être une belle réussite, voici la toute dernière parution de la Marmite Infernale, « Or Mathilde » tout aussi fou-fou, avec un mélange hétéroclite de trouvailles iconoclastes et d’arrangements jazzeux soignés aux petits oignons.

Alors on se régale et on pense à Carla Bley, au Surnatural Orchestra, à Comelade, et à toute une lignée de créateurs géniaux, avec comme constance, cette idée première de sortir une bonne fois des sentiers battus, pour qu’un discours nouveau se manifeste et s’installe.

Alors les textes ici sont importants et dessinent des trames folles et inédites, souvent pleine d’humour et de décalage, je suis très preneur de cette folie créative, pleine de surprises et de mondes étranges se côtoyant, l’accompagnement sonore est idoine et fait place au free de temps en temps, à l’impro, bien sûr et aux arrangements malins.

Je dois dire que je connaissais La Marmite pour ses enregistrements anciens, les deux premiers notamment, avec des pointures fameuses que je ne liste pas, mais ce qui est proposé aujourd’hui est très différent et laisse entrevoir une trajectoire intéressante à laquelle il me faudra un peu me consacrer. Je pense que pas mal de découvertes m’attendent.

Dans un monde un peu meilleur la musique de La Marmite Infernale devrait s’entendre partout, télés et radios la diffuseraient et la formation serait célébrée…

Peut-être la faute aux textes plus réalistes, comme l’immense « Les dents de ma mère », poignant, cru, implacable et définitif. Il y a également un texte de James Baldwin, « Réservoir ».

Pour la peine voici la formation : Jean-Paul Autin sax soprano, Olivier Bost trombone, Colin Delzant violoncelle, Christophe Gauvert contrebasse, Clément Gibert sax ténor, Félix Gibert soubassophone, Thibaut Martin batterie, Alfred Spirli percussions et Damien Grange, Pauline Laurendeau, Laura Tejeda Martínet Élisa Trebouville au chant.

Cagneux boiteux
Les moules à la plancha
Or Mathilde
Réservoir
Les dents de ma mère
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 15 déc. 2025 04:39

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John Coltrane – The Last Trane – (1965)

Quand on fait le bilan des labels les plus importants pour la discographie de John Coltrane, il apparaît évident qu’« Impulse » est de loin le label le plus important, il contient le meilleur de John Coltrane et le plus imposant de sa discographie.

Arrive ensuite la période Atlantic avec quatre albums importants, « Giant Steps », « Ole », « Coltrane Jazz » et « My Favorite Things », quant à « Coltrane's Sound » il paraîtra plus tard. Il ne faut pas non plus oublier le « Blue Note », également essentiel car particulièrement soigné, « Blue Train » de cinquante-huit.

L’écurie « Prestige » arrive bonne dernière, les enregistrements précèdent grosso modo les autres périodes et, à l’échelle d’un géant comme Coltrane, elle éblouit moins. Il y a cependant quelques fulgurances un peu partout, que j’ai évoquées en les parcourant.

Le dernier officiel « Prestige » est ce « Last Trane », sorti en soixante-cinq mais enregistré à la fin des années cinquante. Août cinquante-sept pour « Slowtrane », janvier cinquante-huit pour « Lover » et « Come Rain or Come Shine », et enfin mars cinquante-huit pour « By The Numbers » qui dure onze minutes et est probablement la pièce la plus intéressante.

« Lover », plutôt speed, est également remarquable et dépote avec entrain, « Slowtrane » va bien aussi, plus relax et cool, comme il convient. L’album est tout simplement très bon, bien que ces pièces soient toutes des « outtakes », mises de côté au moment des choix, on ne s’y ennuie cependant pas pour peu qu’on soit amateur de hard bop.

Côté musiciens on note le très bon Red Garland, Donald Byrd et Paul Chambers les habitués, auxquels s’ajoutent Earl May, Louis Hayes et Art Taylor.

Lover (Album Version)
Slowtrane (Album Version)
By The Numbers (Album Version)
Come Rain Or Come Shine
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 15 déc. 2025 12:19

Je remonte ce post en pensant à Jack DeJohnette, disparu le 26 octobre de cette année, l'un des plus grands batteurs de sa génération.
Douglas a écrit :
mer. 18 mai 2022 04:45
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Jack DeJohnette, Ravi Coltrane, Matthew Garrison - In Movement (2016)

Cet album c’est un peu une histoire de famille, bien que les liens tissés entre les membres du trio ne soient pas de sang, mais plutôt de l’ordre de l’attachement spirituel. Ravi Coltrane est le fils de John et d’Alice, et Matthew Garrison celui de Jimmy, quant à Jack DeJohnette il figure le père, car il joua, il y a cinquante ans, à Chicago, en compagnie de ces pères mythiques, figures tutélaires et icônes vénérées.

Les esprits bienveillants veillent, en premier autour du répertoire qui rend grâce, tout d’abord à travers le premier titre, l’extraordinaire et engagé « Alabama », chant de lutte et d’espoir. La version ici est tout en respect et dignité, avec ce qu’il faut de retenue, une grande beauté se dégage de l’interprétation, il a fallu beaucoup de travail aux musiciens pour se hisser à ce niveau, alors ne vous embarrassez pas de « fils de… » comme on en trouve dans le show-biz, ici chacun est à sa place.

Il se trouve que j’ai vu plusieurs fois jouer Ravi, il n’a grillé aucune étape, a su rester à sa place et, si le nom a forcément aidé et parfois pas, la reconnaissance dont il jouit n’est que mérité. « Two Jimmys » est un hommage à Jimmy Garrison, bien sûr mais aussi à Jimmy Hendrix, à la basse et à l’électricité, d’ailleurs Matthew joue de la basse… électrique ! « Rashied » est également un hommage, cette fois-ci envers l’extraordinaire Rashied Ali qui parfois, fit figure « d’usurpateur » lorsqu’il prit la place du vénéré et tentaculaire Elvin Jones, par la seule volonté de John Coltrane.

Il faut également signaler la reprise de « Blue In Green » de Miles Davis et Bill Evans, ainsi que celle de « Serpentine Fire » que l’on doit au groupe Earth, Wind and Fire. Pour le reste les compos sont de Jack DeJohnette avec parfois la participation de ses deux autres compagnons. C’est la force de l’improvisation de permettre à certains titres d’exister en quelques minutes, la spontanéité et la créativité sont la marque des musiciens de jazz.

Pour être assez complet reste à signaler l’éventail des instruments que chacun utilise lors de cet enregistrement. Jack, en plus de la batterie joue du piano et des percussions électroniques. Ravi utilise une large panoplie de saxs, ténor, soprano et sopranino et Matthew, en plus de la basse électrique utilise les possibilités de l’électro.

Vraiment un très bel album, très aérien, dans le style ECM, pourvoyeur de grands espaces et de climats pleins de sérénité.
Alabama
In Movement
Jack DeJohnette - Music in the Key of Om
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 16 déc. 2025 06:23

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Jemeel Moondoc With Denis Charles – We Don't – (2003)

Retour de l’altiste Jemeel Moondoc, cette fois-ci en duo avec le batteur Denis Charles, enregistré le vingt-neuf juillet quatre-vingt-un au « Tucasa Sound Studio » à New York City. Des bandes oubliées, puis redécouvertes, et enfin remastérisées et publiées. C’est le label « Eremite » qui sera la cheville ouvrière de cette sortie, en deux mille trois.

Il y a une histoire des duos saxo/ batterie, depuis le fameux « Interstellar Space » de Coltrane, et le genre s’est très sérieusement étoffé, cette pratique ne surprend plus, on en connaît sa force et cette rencontre est souvent source d’un bel équilibre et surtout de bonne musique…

Ces deux-là sont des enfants de la scène des lofts à New-York, arrimés au free jazz, ils réussissent dans leur projet, et enregistrent un formidable album. Pour caractériser le jeu de Jemeel Moondoc on convoque volontiers Ornette Coleman ou même Steve Lacy, bien que ce dernier soit plus familier du soprano. On trouve cependant des traces de son jeu « en escalier » parfois dans ses solos, tout comme s’entendent l’esprit de ces « lamentations » qui sortaient assez souvent du sax d’Ornette…

Denis Charles est également un cas, son jeu est très ouvert et diversifié, sans cesse à l’écoute de son partenaire, il semble le suivre pas à pas et le stimuler dans ses choix, l’accompagnant ou le devançant. Son jeu est un encouragement, une pulsion dynamique qui envoie et enthousiasme, ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle Denis « Jazz » Charles !

Quatre pièces sont au menu pour un total de quarante-deux minutes, les standards de l’époque, chaque pièce tourne autour des dix minutes et l’ensemble est très équilibré. Jemeel se donne à fond et ne se ménage pas, comme le font certains saxophonistes de nos jours, prompt à bavarder au micro ou à se saisir des percussions, plutôt que de souffler avec hardiesse et de vider leurs poumons dans un effort méritoire !

Il ne faut pas négliger l’offrande physique des souffleurs comme Coltrane, Pharoah, Ayler, Gayle, Lowe, Ware ou Jemeel qui paient leur écot en donnant d’eux-mêmes…

Pour autant cet album peut se vivre comme une balade à deux à laquelle nous sommes conviés en tant qu’invités, spectateurs de cette conversation exquise et hors norme, stimulante et performante !

Une belle réussite.

Judy's Bounce
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 17 déc. 2025 04:54

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Jon Irabagon – The Observer – (2009)

Bien que ce ne soit pas le sujet de l’album, il semble bien que la prise de vue de la pochette se soit déroulée au « Mémorial aux Juifs assassinés d'Europe », à Berlin. Mais rien n’est précisé dans les notes du livret jointes à l’album.

Cet album est celui qui précède le magnifique « Doxy » présenté il y a peu. Il a été financé de façon peu usuelle, car en deux mille huit, Irabagon s’est vu déclaré vainqueur d’un concours dont le jury contenait Wayne Shorter, Jimmy Heath, David Sánchez et d’autres, ainsi il gagna une bourse, des cours avec le saxophoniste Roscoe Mitchell, et un contrat avec Concord Records, qui permit la parution de cet enregistrement, « The Observer » !

Du très beau monde sur cet opus, Irabagon est au sax alto et au ténor sur deux pièces, Nicholas Payton, alors très en vogue, joue de la trompette, Kenny Barron du piano, Rufus Reid tient la contrebasse et Victor Lewis siège à la batterie. L’enregistrement est plutôt copieux et dépasse généreusement l’heure.

Sur « Barfly » Barron cède les claviers à Bertha Hope, la veuve d’Elmo Hope, qui interprète la pièce écrite par son mari. L’hommage est poignant et remarquable, une ballade empoignée à deux, sax et piano qui se mélangent et réussissent à émouvoir…

Par ailleurs l’album se tient bien, du post bop plutôt conventionnel, avec de chouettes mélodies et d’excellents solistes qui se livrent tout du long, bonifiant l’ensemble. Certes, nous sommes un peu loin de l’excitant « Doxy » qui me paraît autrement aventureux, mais pour qui penche plutôt côté sécurité, celui-ci fait bien l’affaire et ravit, sans jamais vraiment surprendre.

De belles pièces, comme les deux jouées au sax ténor, « The Observer », « Makai And Tacoma » ou encore « Closing Arguments », « January Dream », « Joy’s Secret » ou « Big Jim's Twins » …

The Observer
Barfly
Cup Bearers
January Dream
Closing Arguments
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 18 déc. 2025 06:03

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Peter Lemer Quintet – Son Of Local Colour – (2019)

Cette formation prend ses racines fort loin, en soixante-huit, période où un album fut enregistré sous le nom de « Local Colour ». Il y avait alors Paul Lemer au piano, John Surman aux saxs soprano et baryton, Nisar Ahmad Khan au sax ténor, Tony Reeves à la contrebasse et John Hiseman à la batterie.

Le seul changement notable dans cet historique second album, « Son Of Local Colour » tient dans la présence d’Alan Skidmore au sax ténor, en lieu et place de Nisar Ahmad Khan, excusé, pour le reste, tout le monde est à son poste. Le répertoire est également entièrement repris, même si « Ciudad Enahenado » remplace « Enahenado », on retrouve « Ictus » de Carla Bley, « City », « Flowville » et « In The Out », des compos signées par Peter Lemer.

Une excellente et intense interprétation des « Impressions » de John Coltrane est également proposée, ainsi qu’une pièce de Lemer, « Big Dick », tout à fait bien montée, qui est un hommage au musicien britannique Dick Heckstall-Smith, alors influent, et une autre de John Surman, « URH ».

Reste à souligner que le premier album était sorti sur le label free ESP, au milieu d’autres enregistrements pionniers en matière de free jazz. Celui-ci est enregistré en live, à la « Pizza Express » de Soho, dans une ambiance toute londonienne, avec la volonté de fêter ce cinquantième anniversaire de belle manière, chacun ici se souvient des enregistrements anciens, ceux de la jeunesse et de l’insouciance…

Il faut également signaler qu’il s’agit probablement de l’un des tout derniers concerts de Jon Hiseman qui est décédé quatre mois plus tard, en juin soixante-dix-huit, à l’âge de soixante-treize ans, des suites d'une tumeur au cerveau. C’est une personnalité importante du free et du jazz d’avant-garde, également versé dans ce qu’on appela le « jazz rock », où il s’illustra aux côtés de Jack Bruce, Allan Holdsworth, Graham Bond Organization, Colosseum I et II, Tempest, Et Cetera, et beaucoup d’autres formations encore…

Quant au leader, Peter Lemer, il n’a guère enregistré sous son nom mais a participé à la vie active du jazz britannique, dans le Don Rendell Quintet, le Pierre Moerlen's Gong, le Spontaneous Music Ensemble, ou encore The Mike Oldfield Group et bien d’autres encore…

Un chouette album de jazz, avec des pointures à tous les postes, qui nous laisse une jolie trace phonographique à déguster… On retiendra prioritairement « Ictus », « Impressions », « Big Dick », « In The Out » et « « Ciudad Enahenado », le titre d’ouverture.

01. Ciudad Enahenado
02. Ictus
05. Impressions
06. Big Dick
08. In the Out
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 19 déc. 2025 03:49

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John Zorn – Fantasma (Illusions From A Surrealist Mirror) – (juin 2025)

Cet album pourrait être une extension ou une continuation de « Heaven and Earth Magick » paru en deux mille vingt et un. On retrouve le même quartet, Stephen Gosling au piano, Sae Hashimoto au vibraphone, Jorge Roeder à la contrebasse et Ches Smith à la batterie. Ikue Mori à l’électro est invitée sur « The Philosophy of Weightlessness ».

Ce jazz de chambre évolue au fil des pièces, différents trios se combinent, pour un seul quatuor sur la dernière pièce, « Terra Firma Terra Incognita ». Les compositions sont un peu anciennes, composées entre deux mille dix-sept et deux mille vingt-trois.

Ainsi se succèdent un premier trio vibraphone, basse batterie, suivi par une seconde formation plus classique, piano basse batterie, l’arrivée d’Ikue Mori autorise le mélange vibraphone, batterie, électro et, la dernière pièce à quatre, voit le quartet au complet, sans l’invitée du jour.

Les quatre pièces tournent autour des quarante minutes, un partage équilibré entre les pièces, la première, « Paradise Regained » est formée de trois mouvements. L’album est extrêmement agréable, on y retrouve toutes les qualités maintes fois louées sur les albums de Zorn, y compris cette aptitude extraordinaire concernant l’application des musiciens à se glisser dans une précision millimétrée.

Un petit mot à propos de Stephen Gosling qui appartient au monde du piano de tradition classique, visiblement son adaptation avec une rythmique de type jazz se fait sans problème, l’écriture de Zorn se plie avec une grande flexibilité à tous les genres.

Un album de plus à ajouter dans l’escarcelle du démiurge, ici l’album est « patronné » par Tristan Tzaran une personnalité qui siège dans la galerie de Zorn…

Paradise Regained Pt 1
Paradise Regained Pt 3
Terra Firma Terra Incognita
L’Antitête
The Philosophy of Weightlessness
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 20 déc. 2025 03:58

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Rob Mazurek And Black Cube SP – Return The Tides: Ascension Suite And Holy Ghost – (2014)

Ceux qui passent par ici ont déjà entendu parler de Rob Mazurek, alors je ne reviens pas trop sur lui et son parcours, mais cet album nous raconte encore un peu plus de lui. Le livret joint éclaire les circonstances qui ont présidées à la sortie de cet étonnant album.

Il écrit : « Cette musique a été composée deux semaines après le décès de ma chère mère, Kathleen Palma Barbara Curach Mazurek. » Elle disparaissait onze jours après le diagnostic de son cancer. Catholique, Rob s’est intéressé au bouddhisme et à différents dogmes, religieux ou non. Il insiste sur l’idée de « passage » qui restitue l’âme à l’immensité.

Il nous parle de sa maman : « Ma mère était une sorte d'être spirituel qui buvait sa tasse de thé vert chaque matin, s'émerveillait devant les oiseaux qui volaient dans le jardin et vous accordait, lentement et tranquillement, la beauté et les vertus de la vie. »

Cette musique est donc un hommage spirituel et émotionnel qui canalise l’énergie de la défunte « vers le voyage, et le passage en toute sécurité vers l'endroit où elle pourrait aller ». La musique ici est donc une sorte d’accompagnement de ce parcours, vers cet ailleurs meilleur, où tous nous irons.

Sans cet avertissement, il est quasi sûr que l’auditeur passerait à côté, enfin c’est ce qu’il me semble pour ce qui me concerne, car le parcours est absolument étonnant. L’idée d’énergie, mot qu’il a utilisé, est premier, il a par ailleurs décrit « un voyage chamanique » qui accompagnerait de façon musicale ou sonore le chemin que sa mère devra parcourir.

Ce voyage est forgé par un mélange d’électro et de sons instrumentaux plus habituels, mais ce mélange, et la complexité de la musique est telle, que parfois il est difficile d’identifier qui est quoi, ce serait d’ailleurs une recherche inutile…

Rob joue du cornet et de l’électro, mais je ne vais pas me perdre dans le descriptif trop précis, ce qui est important de noter c’est que l’électro et les synthés sont centraux ainsi que les instruments traditionnels et les voix.

De même il n’y a pas de style particulier si ce n’est une immense énergie qui circule et nous emmène, nous conduit. Sur « Let The Rain Fall Upwards » des bandes magnétiques sont manipulées et jouées à l’envers, peut-être certains devront s’accrocher…

La dernière pièce « Reverse the Lightning », se termine dans la sérénité, avec un chant tel que l’on pourrait l’imaginer lors d’une célébration religieuse ou d’une procession…

Le voyage dépasse les soixante-huit minutes en quatre étapes et me semble absolument passionnant et assez viscéral, si j’ose. Il a été enregistré le vingt mai deux mille treize à São Paulo, au Brésil. Pour la photo de la pochette vous avez deviné…

Oh Mother (Angel's Wings)
Return the Tides (excerpt)
Let the Rain Fall Upwards
Rob Mazurek & Black Cube SP - Reverse the Lightning
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