Danzik a écrit : ↑lun. 15 juin 2020 12:20
STARSHOOTER

Note : je suis à peu près sur (?) que... Dark Pink ne téléchargera pas cet album !

Comment t'as deviné ?

Je l'ai en plusieurs exemplaires dans des formats différents
Je l'ai déjà raconté sur l'ancien forum, mais si tu le permets
Danzik, je le re raconte ici parce que c'était une époque vraiment sympa
Pour moi, ce premier
Starshooter, ça se passait comme ça :
Non, d’abord je ne voulais pas l’acheter ce disque là. Qu’est-ce qu’ils ont ces mecs là à se faire appeler
STARSHOOTER ? C’est pas un nom pour un groupe français et ils reprennent
Gainsbourg, et moi, j’aime pas
Gainsbourg. Alors je passe devant à la Fnac et je le snobe. Je ne prends même pas la pochette pour regarder derrière (c’est ma femme qui l’a fait et qui m’a dit qu’il y avait une reprise), je continue mes courses et comme d’habitude je veux 27 disques et je n’ai des ronds que pour trois ! Pourtant, ils m’emmerdent ces mecs, la pochette est énervante, je me dis que s’ils ont laissé la marque du camion c’est parce-qu’ils sont sponsorisés par Berliet et ça m’énerve encore plus, c’est pas très punk d’être sponsorisé. Ils sautent comme des niais et dans cette époque maussade, ya pas de quoi sauter. C’est une nana qui conduit et on a l’impression qu’elle veut les écraser ; si c’est encore ce genre de types qui ne savent pas s’y prendre avec les nanas et qui croient que « la libération de la femme » va les écraser je vais carrément les détester…
J’ai mes trois disques et je suis frustré, j’en ai laissé plein d’autres et je ne suis pas sûr d’avoir bien choisi alors je fais le geste qui a changé une partie de ma vie : je prends la pochette de
Starshooter, je la retourne et je lis d’abord le truc qu’elle a d’écrit en petit au bas du dos : «Un groupe efficace et dynamique dans une société saine ». C’est un peu magique, mon visage s’éclaire, je flaire immédiatement l’humour méchant et rigolard. En plus, les titres sont courts, à quoi ça sert de mettre toutes les paroles de la chanson dans le titre ? Juste un petit mot énigmatique ou percutant et le tour est joué, ya qu’à entendre les fans réduire les titres trop longs pour le comprendre. Eux, les
Starshooter, ils ont compris : la liste des chansons ressemble à un télégramme en forme de cadavre exquis :
Quelle crise, Baby Jennie – stop –
Betsy party à toute bombe – stop –
photos en chantier – stop –
Collector ! – stop –
35 tonnes accident – stop –
inoxydable macho get baque – stop –
Le poinçonneur des lilas touche la – fin.
Je repose le
Bowie et je le remplace par ce disque tout en me disant que
Starshooter, ça veut dire qu’on shoote les stars et ça leur fait pas de mal aux stars du rock qu’on leur botte le train un peu, en 1978 elles bouffent tellement de caviar à la louche qu’elles en deviennent bouffies. Tout compte fait, c’est pas un nom con.
Dans la queue interminable vers la caisse je regarde encore mes achats et ma femme me dit : « Tiens, t’as pris ce truc là, je croyais que tu n’en voulais pas ? » Je lui fais lire la maxime du bas de pochette et son sourire merveilleux apparaît une fois de plus (rien que pour ça je regrette pas mon coup de tête) « Ah ouais ! Ca promet ! Et leurs tronches valent le coup ! » C’est vrai que
Mickey « gaucher lunaire »,
Phil « Stevie Wonder »,
Jello « solo sérieux » et
Kent « le joker », c’est comme ça qu’on les surnomme en rigolant, invitent à quelque chose qu’on ne connaît pas encore mais qui est tout sauf triste. Les gens dans la queue sont tristes, le magasin est triste, le prix des disques est triste et nous nous marrons. Arrivés à la caisse, le caissier fait la moue. Je lui demande : « Ya quelque chose qui va pas ? » et il répond : « Moi, le rock français… » Il dit ça comme on dirait « le camembert chinois ». Il croit sans doute être un puriste ce qui est aussi grave que d’en être vraiment un. Je hais les puristes, ils font de l’eugénisme artistique et tuent la création par trop de consanguinité. Pour le déprimer, je lui répond : « Le rock anglo-saxon est mort, c’est sûr, il n’y a plus que les français pour le sauver ! L’avenir est aux groupes efficaces et dynamiques dans une société saine » Comme il ne sait pas que c’est écrit sur la pochette, il termine de taper, annonce le prix ; prend les sous et rend la monnaie le plus vite possible avec la volonté évidente de me faire déguerpir.
Sans blague, faire de la musique comme les
Beatles c’est que pour les anglais et nous on est condamnés au pire à
Claude François et au mieux à
Ferré ?
Les
Starshooter, eux, ont l’air d’avoir un problème avec les
Beatles : ça veut dire quoi ce «
Get baque » barré ? Je veux commencer par écouter ce titre là pour piger mais il n’est pas sur le disque, quand je déplace le bras de la platine avant j’ai : « Macho t’es qu’un obsédé ! » et après « pour Invalides changez à Opéra »… ? Pas de «
Get baque », il est barré sur la liste, il devait être là et ils l’ont supprimé, pourquoi ? A ce moment, j’ignore tout de l’histoire du titre, qu’il est sorti en 45 tours, qu’ils sont sur le même label que les
Beatles et que les paroles les traitent de faiseurs de musique pour retraités. Quelle connerie de leur refuser ce titre sur leur premier album, comme si les
Beatles craignaient quelque chose d’un groupe qui les engueule ! De toute manière, on ne peut pas vraiment détester les
Beatles quand on fait de la musique avec des guitares électriques, il faut prendre ces paroles autrement mais le second degré semble ne pas faire partie de la panoplie des patrons de majors, encore moins les cris pour survivre car là c’est de ça qu’il s’agit.
Je vais écouter l’album en entier, je vais me vautrer sur le divan et je n’aurai qu’à me relever pour changer de face, ce sera plus simple. Trop vite dit ! Dès le premier morceau (
Quelle crise, baby) le son et la frénésie me sautent à la gueule. Le son d’abord : on dirait que ce sont des mecs en camisole qui enregistrent dans une cellule capitonnée, c’est étouffant, pas de réverb ou si peu. Et ces guitares qui râpent ! Je fais un effort pour rester assis et ma femme, attirée par le bruit, cesse de bosser dans la pièce d’à côté et apparaît à la porte pendant «
Betsy party »:
- C’est ça
Starshooter ?
- Ouais !
- La vache !
- Ouais !
Je saisis le prétexte pour me lever et les chansons se succèdent vite. La première face nous a mis un gros pain : entendre défiler tour à tour la junkie suicidée, les vengeurs de banlieue, la star oisive et décadente, les bulldozers, le collectionneur psychopathe et le chanteur qui ne croit pas qu’une nana veuille bien de lui nous laisse un peu pantois, on se repasse la pochette en relisant le peu de mots écrits comme pour chercher une info qui nous serait passée sous le nez. Le nom du producteur (
Zacharopoulos) semble échappé d’un album de
Tintin et ya même pas le prénom de la voix féminine.
- On écoute la face B ?
- Ouais, ouais, bien sûr, vas-y ! Ils en parlent dans
Rock’é ou
Best ?
- J’ai lu ça vite fait, je vais rechercher à la cave, si ils aiment pas, c’est des nuls !
- Avec eux, on sait jamais…
Face B : c’est
35 tonnes, ça se calme un peu et on parle en écoutant :
- Pourquoi il croit que son camion peut séduire à sa place ? Si la fille est montée avec lui c’est pour son sourire, si c’est pour son camion, c’est une conne ! Il est vraiment pas sûr de lui…
- Tu préfères un gros tombeur qui croit les faire craquer avec son volant en cuir et ses sièges en skaï ?
L’argument fait mouche, et on écoute «
accident » sans rien dire en riant jaune : « la cervelle plein les dents » ! Avec «
Inoxydable » je me sens revenu quelques années auparavant quand je bossais sur les chantiers, le riff est minimal et efficace. Puis c’est reparti avec les hommes et les femmes, entre eux ça chie ! Mais on se marre quand même au refrain chanté en chœur par Kent et la « fameuse »
Chadelaud dont on ignore le prénom.
Le poinçonneur des Lilas surprend, ya longtemps qu’ils ont disparu les poinçonneurs et toutes les autres chansons parlent dans l’urgence de choses actuelles, mais on a l’impression qu’ils reprennent ce truc là pour montrer leur état d’esprit vis à vis de ce qui existe déjà et leur version est plus speedée que l’originale et surtout plus morbide : « Trou trou trou trou trou !!!» On conclut sur «
Touche la » avec son montage final jouissif façon grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf : « On est
Starshooter, on débute et on joue déjà devant des millions de personnes en délire ! En tout cas, c’est ce qu’on veut ! » Eh bien, les mecs, vous avez déjà fait deux nouveaux adeptes aujourd’hui. J’appelle mon pote Eric et je lui dis : « Je t’ai fait une cassette d’un nouveau groupe français :
Starshooter, c’est super… » Mais il me coupe : « C’est pas la peine, je l’ai acheté aussi et je l’écoute en boucle ! » C’est bien parti pour vous les mecs, non ?
Le soir, au lit, j’ai dans le crâne le refrain de
35 tonnes et ma petite femme me dit :
- J’ai la chanson du camion qui me tourne dans la tête.
- C’est marrant, moi aussi !
- T’as cherché les articles sur eux ?
- Non, j’ai pas eu le temps.
- Tu le feras demain, j’ai envie qu’ils aiment ça et que ça continue.
- Oui, moi aussi.
On chante : « Un monstre pour bouffer les autoroutes, une fille qui s’endort sur ton épaule ! »
Et on se marre comme des baleines. Puis la fille s’endort sur mon épaule.
Starshooter est entré chez nous et les choses sont juste un peu plus chouettes… Et c’est déjà beaucoup !