J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 4 févr. 2021 06:36

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Voici un album qui revient de temps en temps dans les jeux concernant les pochettes, « Le Déjeuner Sur L'Herbe », la relecture de la peinture de Manet a subi cette fois-ci le traitement photographique, mais garde ce petit parfum de scandale au travers du corps dénudé, mais aussi l’ambiance champêtre et pastorale dans ces extérieurs où la nonchalance le dispute au calme et au repos.

Derrière cette pochette se cache un fort bon album, aux apparences un peu désuètes, un grand orchestre britannique " The New Jazz Orchestra" mené par Neil Ardley, qui a également composé le morceau-titre. Le projet est somptueux et, dans sa démesure, très bien réussi, il faut dire que les seize musiciens qui sont présents ici sont tous fabuleux, il en est même de célèbres, Jack Bruce, Ian Carr, Jon Hiseman, Barbara Thompson mais il est impossible de citer tout le monde.

L’album a été enregistré en septembre 1968 et s’écoute encore fort bien, il faut dire qu’il contient un grand nombre de reprises qui font saliver, Naïma de Coltrane, Ballad de Mike Taylor, Dusk Fire de Michael Garrick, Nardis de Miles Davis et d’autres encore, huit compos au total. L’existence d’un tel Big Band est déjà un attrait en soit.

Pour qui connaît le travail de Gil Evans ou de George Russel, il n’y aura pas de surprise au niveau des arrangements, on reste dans un certain classicisme, c’est léché, brillant et même rutilant, plein de petites surprises un peu partout, c’est réglé au millimètre, à la fois chaud et cosy, on se sent bien et, finalement, on partagerait bien la couverture avec les convives pour grignoter un fruit ou deux, là-bas, sur l’herbe…

The New Jazz Orchestra - Le déjeuner sur l'herbe (1969)

A1 Le déjeuner sur l'herbe 0:00​
A2 Naïma 7:35​
A3 Angle 12:12​
A4 Ballad 17:14​
B1 Dusk Fire 22:39​
B2 Nardis 27:58​
B3 Study 33:01​
B4 Rebirth 39:35

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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Cooltrane » jeu. 4 févr. 2021 23:42

^^^
J'adore ce que fait Neil Ardley et il m'a fallu bcp de temps pour trouver ceci... et je l'ai eu en CD

Par contre, il y a un défaut sur une piste au moment du remastering, car on entends un camion qui recule (son alarme sonore) en plein milieu d'une piste.

=========================

Nouvelle compile du label Brownswood Records (ceux qui nous avaient gratifié de We Out Here - A LDN Story)

ci, c'est plus de Londres, mais bien de Jo'burg dont il est question.
Malheureusement le titre des Ancestors (oui de Shabaka) n'est pas dispo en écoute.


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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 5 févr. 2021 06:26

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Je vous ai déjà parlé de Mat Walerian à propos de son album précédent, enregistré sous le nom de « Toxic » en compagnie, à ma très grande surprise, de deux pointures du jazz improvisé, Matthew Shipp aux claviers et William Parker à la basse ainsi qu’au shakuhachi. J’avais noté également qu’il avait précédemment joué aux côtés de l’un des batteurs les plus créatifs de la scène actuelle, malgré qu’il ne soit plus très jeune, le vaillant et solide Hamid Drake à la batterie et aux percussions, c’était en page vingt.

Voici le retour du jeune polonais mais cette fois-ci pour un double Cd, soit plus d’une heure quarante-sept minutes, après un rapide calcul mental. Cette fois-ci ils sont en quartet, tels que détaillés ci-dessus, ça s’appelle « Okuden Quartet ». Ça commence à parler autour du jeune Walerian et on comprend mieux le phénomène, le saxophoniste, clarinettiste et flûtiste a été et est peut-être encore étudiant en philosophie orientale et en culture japonaise, ce qui éclaire le mot « Okuden » qui signifie «enseignements intérieurs».

On apprend que Matthew Shipp lui a donné quelques leçons de piano et que Mat a viré jazz après avoir pratiqué pas mal de genres de la musique rock-pop au sens le plus large. Que des icônes du jazz se mettent à son service en dit long sur le bonhomme et l’aura qu’il dégage. D’ailleurs la photo de pochette montre qu’il a beaucoup compris, il se dessine un personnage et construit une image, un peu comme Shabaka.

Derrière le répondant est solide, c’est un fameux musicien et il a beaucoup travaillé. L’album, comme le précédent, baigne dans une ambiance un peu noire et angoissante, mais le voile se lève petit à petit, particulièrement pendant la suite en trois volets « Magic World » où Walerian déploie ses gammes.

Ça doit être comme un rêve éveillé pour lui, déjà savoir que jamais plus il ne pourra connaître un tel niveau d’accompagnement, les trois fantastiques autour de lui déploient un éventail inouï de savoir-faire et de maîtrise, chaque seconde qui passe est évocatrice d’un instant de perfection qui s’échappe, pour mieux se renouveler.

A cet égard les solos qui parsèment l’album sont d’anthologie, comme par exemple sur « Sir Denis » assez free, l’occasion de signaler également l’influence de Steve Lacy, souvent entraperçue dans le jeu du saxophoniste. Pour les trois autres ce sont des maîtres qui eux aussi ont su se nourrir à la meilleure source, pour que se perpétue la musique.

Modifié en dernier par Douglas le mer. 24 févr. 2021 13:17, modifié 1 fois.
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Message par Douglas » sam. 6 févr. 2021 05:31

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Bobby Few est décédé le sept janvier, c’est un pianiste que j’ai beaucoup suivi, au travers de sa discographie, qui n’est pas pléthorique, mais aussi dans ses collaborations, et là c’est une autre histoire : il a joué avec Booker Ervin, Mazrette Watts, Albert Ayler, Frank Wright, Noah Howard, Archie Shepp, Sonny Murray, Alan Silva, David Murray et surtout Steve Lacy sur par loin d’une vingtaine d’enregistrements.

Il faudrait citer aussi ses collaborations sur le label « Center of The World », tout à fait remarquables, et aussi citer l’album « Diom Futa » avec Cheikh Tidiane Fall et Jo Maka, une véritable pépite. Pour ce dernier préférez la version vinyle, magnifique de bout en bout, plutôt que la version Cd qui ajoute deux titres un peu incongrus, et qui, par leur présence, nuisent à l’exceptionnelle qualité de l’ensemble.

Pourtant j’ai choisi de vous présenter un autre album, paru sur le label « Black Lion » en 1983. Il se nomme tout simplement Bobby Few, mais l’usage veut qu’on l’appelle « Rhapsody in Few » du nom du titre principal ici. Je le choisis tout d’abord pour le faible prix auquel on peut le trouver, ce n’est pas négligeable, on peut également se tourner vers « More or Less Few » ou encore vers celui cité plus haut, mais c’est plus cher, bien qu’il existe une réédition vinyle, me semble-t-il.

L’autre raison c’est qu’il est joué au piano solo, sauf sur « Dance All Night » où il est accompagné par Alan Silva à la basse et Mohammed Ali à la batterie. Bobby est très décontracté sur cet album, fredonnant constamment tout en jouant les pièces, il n’y a pas de manifestation liée au public mais on pourrait penser qu’il joue à son contact tant il est chaleureux, style ambiance au coin du feu.

Côté prise de son c’est également un peu faiblard, avec un côté amateur qui rapproche et enlève tout formalisme, ainsi Bobby pousse la chansonnette sans prétention, c’est sûr, il n’est pas à son meilleur ! Signalons aussi, pour finir, que c’est un beau chambardement dans l’ordonnancement des morceaux, sur la pochette et les labels, rien ne correspond, c’est un peu bordélique, mais malgré tous ces défauts, c’est l’album que j’ai envie d’écouter, parce que, toutes ces imperfections cumulées, attestent de la vie qui bat, qui bouge et, pour l’heure, je crois bien que c’est ça qui compte…
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Message par Douglas » dim. 7 févr. 2021 06:08

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Voici un album enregistré en mille neuf cent soixante par le John Wright Trio composé par John Wright au piano, Wendell Roberts à la basse et Walter McCants à la batterie. Il est paru sur Prestige, sous la houlette de Rudy Van Gelder, aux studios d’icelui. Cet album n’est pas encore très réputé, bien que du temps soit passé, mais sa renommée fait son chemin à petit rythme et les originaux, avec gravé « RVG » dans la Dead Wax, sont difficiles à dénicher et cotent sévèrement, mais ce qui compte c’est la musique et qu’importe le support pourvu qu’on ait l’ivresse, disait l’autre.

John Wright c’est une ivresse, c’est vrai, sans doute ce jazz nourri du blues de Chicago, ce groove bluesy qui se traîne à l’occasion, comme sur « 35th Street Blues ». Une certaine douceur également, dans ce toucher délicat, perlé, cristallin et quasi liquide, qui coule avec langueur, enrobé dans une grande simplicité.

L’album se nomme « South Side Soul », ce n’est pas anodin car il ne manque pas d’âme, avec « Amen Corner » ou sur le morceau titre, qui balance chaloupé, de façon très envoutante. Il faut dire que John Wright est du Kentucky, né à Louisville, alors les douze mesures il connaît et il pratique, soul gospel, blues et jazz vont bien ensemble.

Il swingue aussi, avec brio et élasticité, car c’est un maître, bien qu’il n’ait pas tellement enregistré, cinq albums je crois, le dernier en 1994, celui-ci est le premier, il respire les racines, le naturel et chaque pièce ici est à écouter avec attention, chacune recèle ce petit « plus » qui rend l’album très attachant et même addictif, le genre d’objet que l’on pose sur la platine en fin de soirée, quand on ne sait plus très bien quoi écouter, et c’est parti…

John Wright Trio - South Side Soul (Full Album)

1- South side soul [0:00​]
2- 47th and Calumet [4:58​]
3- La Salle St. After Hours [8:50​]
4- 63rd and Cotage groove [14:12​]
5- 35th St. Blues [18:15​]
6- sin corner [25:09​]
7- Amen corner [30:34​]

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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 8 févr. 2021 05:01

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Don Cherry a été le premier à se mettre en quête d’une musique universelle, respectueuse de toutes les cultures, ce souci a été le sien avec constance, il fut un homme de rencontre et d’échanges, aux quatre coins du monde, s’enrichissant de toutes les musiques en étudiant et pratiquant les instruments de musique venus de partout.

Le monde était sa maison et, à la fin des années soixante-dix, quand Collin Walcott lui proposa de former Codona, il acquiesça vivement. Le nom du groupe provient des deux premières lettres du prénom des musiciens. Collin joue du sitar, des tablas, du dulcimer, il chante également, tout comme les deux autres. Don joue de la trompette, de la flûte et du N’goni, la guitare traditionnelle malienne. Nana est un homme, il joue du berimbau, un arc musical brésilien, de la cuica, un tambour à friction et d’autres percussions.

Il faudrait également signaler une autre rencontre, celle de Manfred Eicher, car l’album est sorti chez ECM, je me souviens quel fut mon étonnement, à la sortie du disque, de constater la magie de cette fusion entre la chaleur de la « world music » et la froideur supposée de la « pureté » du son ECM !

D’autant que j’étais parfois réticent à cette beauté glacée qui m’agaçait assez souvent. Je dois reconnaître que les albums d’Old and New Dreams ou de Codona, ainsi que celui du duo formé par Don Cherry et Ed Blackwell sont pour moi des repères, des incontournables du label.

Les trois albums de Codona sont magnifiques, on y retrouve la mise en place spatiale du son, l’éclat des timbres, la précision des détails propres à ECM et, dans le même temps les couleurs des musiques venues de partout, au travers des instruments utilisés, de la richesse des percussions, de la couleur des flûtes, de l’Inde au Brésil, en passant par l’Europe et l’Afrique. Alors, même si le terme est galvaudé par les marchands, la « musique du monde », ça doit pouvoir ressembler à çà.

Il existe un petit coffret Cd produit par ECM qui regroupe les trois albums de Codona à petit prix, une sortie de 2008 qui est toujours distribuée.

Codona, Hamburg, 1978 - AUDIO - part 1/6 - Like That Of Sky (Une version live et étendue du titre d'ouverture qui n'est pas celle du disque, malgré sa qualité)
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Suricate » lun. 8 févr. 2021 12:36

Merci Douglas; je découvre plein de belles choses; tellement que je demande si je ne vais pas opter pour une seconde vie pour apprécier autant de beauté ! (je verrai cela avec st Pierre le moment venu).

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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 8 févr. 2021 18:30

Suricate a écrit :
lun. 8 févr. 2021 12:36
Merci Douglas; je découvre plein de belles choses; tellement que je demande si je ne vais pas opter pour une seconde vie pour apprécier autant de beauté ! (je verrai cela avec st Pierre le moment venu).
:hehe:
Ça va être chaud la négociation! peut-être en y mettant les formes!
:priezzz:
En tous cas je te remercie pour tes encouragements.
:)
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 9 févr. 2021 05:19

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Voici la première partie d’une trilogie écrite pour l’illustration sonore du film de Bill Morrison, « Spark Of Being », une variation autour du mythe de Frankenstein, la B.O. est une commande initiée par l’université de Stanford. Ce premier volet se nomme « Soundtrack » et correspond à la B.O. telle qu’elle apparaît dans le film.

C’est le groupe « Keystone », une émanation électrifiée réunie par Dave Douglas que l’on entend ici. Dave joue de la trompette, Adam Benjamin du Fender Rhodes, Brad Jones de la basse électrique, Gene Lake de la batterie et DJ Olive des platines et du portable. Cette trilogie est sortie en 2010 sous la forme d’un petit coffret réunissant les trois CDs, ou séparément pour ce qui concerne deux des volets.

Un important matériel sonore sera enregistré, dont on ne gardera pour le film qu’une partie réduite, le second volume contient les prises directes des extraits choisis, et le troisième volume ce qui n’a pas été conservé pour le film mais qui conserve un intérêt musical. Les trois volets sont en effet passionnants.

Une très grande partie de la musique présentée est improvisée, Douglas a totalement lâché la bride aux solistes, l’abondance de matériel sonore servant son projet. Avec un tel orchestre on baigne dans un espace sonore que n’aurait pas renié Miles Davis si ce n’est la place qui est faite ici à l’électro.

C’est en effet un mélange luxuriant de modernité qui nous est offert, un mix entre le jazz savant d’un surdoué de la trompette qui trempe avec les portables, les échantillons et toute l’armada de l’électro, plus encore, Dave Douglas n’hésite pas à mettre le doigt dans l’engrenage et à suppléer DJ Olive lui-même !

Il me semble que l’on pourrait entendre ici une extension de la musique de Miles telle qu’elle aurait pu être écrite s’il avait encore vécu en 2010. Je risque l’hypothèse car les climats, le phrasé de Dave Douglas, le Fender, la basse électrique, tout ça mélangé font revenir à la surface la musique de Miles, enfin je vous fais part d’une impression personnelle que d’autres, peut-être, jugeront sacrilège …

Quoiqu’il en soit, il y a ici soixante-quatre minutes de bonne musique et c’est tout ce qui compte !

Spark of Being


Travelogue


Creature Theme


Observer


Tree Ring Circus
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 10 févr. 2021 04:15

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Quand on cherche un album à écouter, avec des hésitations, il n’est pas rare de s’arrêter sur un album de Kahil El’Zabar, ici avec le « Spirit groove featuring David Muray ». Ce dernier est familier du travail de Kahil avec qui il a souvent enregistré. Une réunion de famille en quelque sorte, qu’il en soit ainsi !

Le chevronné percussionniste et l’expérimenté saxophoniste ténor sont entourés par Justin Dillard au synthé, au piano et à l’orgue et par Emma Dayhuff à la basse acoustique, celle-ci ayant, à ce jour, très peu enregistré, mais elle a fait école auprès d’Herbie Hancock. C’est le second album de la part du leader pour l’année 2020, il a dû paraître quelques mois avant « Kahil El’Zabar’s America the Beautiful » dont on a salué ici l’excellence au moment de sa sortie.

Comme souvent avec Kahil l’essentiel se passe au niveau du groove, il le respire et le transpire, son corps en entier en est l’expression, un claquement de langue parfois suffit, le rythme dans la voix suffit et l’intensité du chant suffit, tout en lui est la manifestation du balancement et du rythme. « In My House » qui occupe l’entièreté de la première face avec ses vingt minutes en est une illustration parfaite, comment créer une telle densité avec une telle sobriété ? Ça tient sans doute à une mise en place instinctive qui doit aussi à l’intelligence du corps.

David Murray est un saxophoniste voyageur, au risque même de se disperser, il aime les rencontres et ne refuse pas les expériences, Kahil, il le connaît bien, ces deux-là se respectent et ça s’entend. David n’en fait pas trop et tout ce qu’il fait, il le fait bien, on peut même convenir que ses solos sont énormes, on y sent brûler la flamme.

Toutefois l’ambiance générale est plus à la méditation contemplative qu’à la transe démonstrative, le voyage est intérieur et aux balancements irrépressibles de la tête, les yeux clos, qui suffiront à la manifestation de l’expressivité, ainsi en est-il de la présence des forces de l’esprit qui se manifestent dans cette musique. Il faut noter aussi un morceau hommage à Coltrane, le bien nommé « Trane in Mind » qui ouvre la quatrième face, prélude à la dernière pièce « One World Family », une moment funky, suave qui s’articule autour du chant et des rythmes sans fin...

Certainement l'un des albums les plus marquants, pour ce qui me concerne, de l'année vingt-vingt.

In My House


Kahil El'Zabar's Spirit Groove ft. David Murray - One World Family


Songs of Myself


Kahil El'Zabar's 'Spirit Groove' - Necktar


In the Spirit
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 11 févr. 2021 05:46

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Restons avec David Murray en remontant très sérieusement le temps, nous voici en 1992, l’année où sort « MX », l’album hommage à la mémoire de Malcom X, enregistré par la formation « David Murray & Friends ». Les voici donc, ses accompagnateurs et amis : le ténor est accompagné par un autre ténor qui a fait ses débuts en compagnie d’Elvin Jones, il s’agit de Ravi Coltrane, le fils de John, qui prénomma son fils ainsi, en hommage à Ravi Shankar qu’il admirait. Bobby Bradford est au cornet, John Hicks au piano, Fred Hopkins à la basse et Victor Lewis à la batterie.

Continuons dans l’environnement rencontré sur cet album, plus particulièrement en citant Bob Thiele qui œuvra dans les meilleurs années d’Impulse et qui a produit l’album et co-écrit trois titres avec Glenn Osser. Signalons aussi qu’il est très aisé de différencier les solos des deux ténors qui possèdent un style très distinct, Ravi étant le plus académique et son jeu est plus « droit », David lui est plus velu, gros son assez roué, il sait où toucher.

A ce propos il est intéressant de remarquer la trajectoire suivie par David Murray qui connut un départ plutôt free et qui, au fil des années, s’assagit et se dirigea vers un post bop de bon aloi, sans jamais perdre vraiment ce petit grain de folie et ce gros son un peu « écorché » qui le caractérise. Je le signale car ici nous sommes en territoire post bop assez sécurisé avec, fort heureusement, quelques glissades bienvenues vers le free, merci David, merci John Hicks. Il faut dire que dans cette même période il participait à l’aventure du World Saxophone Quartet.

On remarque quelques excellents titres comme « El-Hajj Malek El-Shabaz » du nom musulman de Malcom X, « A Dream Deffered », le blues toujours, « Blues for X » et ses incartades stylistiques, jouissif, « Hicks Time » signé par Thiele et Osser et "Icarus" où les solistes excellent sur tempo lent et informel…

Cet album de bon niveau n’est toutefois pas un incontournable de David Murray qui a su nous émouvoir et nous surprendre davantage à d’autres occasions.

David Murray and friends - Icarus ( MX - dedicated to the memory of Malcom X )
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par nunu » jeu. 11 févr. 2021 13:53

Alors oui ce n'est pas du jazz mais ca bien plus sa place ici que dans le topic des écoutes générales car bien plus proche d jazz que du reste.



Scott Joplin mort en 1917 était le roi du Ragtime et l'un des précurseurs du jazz.

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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 12 févr. 2021 06:32

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Parfois il y a comme un parfum de légende qui règne autour de certains albums, ceux qui connaissent une destinée absolument étonnante. C’est le cas de « Body, Mind And Spirit » enregistré par la formation Black Renaissance. Une histoire qui ne se passa pas comme prévu, de désenchantement en désenchantement.

C’est le pianiste Harry Whitaker qui est à l’origine de ce projet, il était alors connu pour avoir travaillé avec Roy Ayers sur les albums «Ubiquity» ainsi que sur l'OST de «Coffy». Il a également travaillé avec Roberta Flack. Pour cet album il s’est entouré d’excellents musiciens, de vrais pointures, Billy Hart et Howard King à la batterie et aux percussions, Azar Lawrence aux saxophones ténor et soprano, David Schnitter au ténor, Woody Shaw à la trompette, Buster Williams à la basse, Mtumé et Earl Bennett aux percussions et il faut ajouter les chœurs et des voix qui sont essentiels ici.

L’album a été enregistré le 15 janvier 1976 au Sound Ideas Studio de New York. On pourrait presque parler de session improvisée, bien qu’il existât un canevas pré-établi, par contre il n’y eut qu’une seule prise et, ma foi, c’est de la bonne ! On connait le groove qui s’entend dans la musique de Roy Ayers, et bien ici c’est la même chose, un long serpent sinueux qui file tout au long des deux morceaux qui se succèdent, un par face, « Black Renaissance » d’une durée de vingt-trois minutes et quarante secondes et « Magic Ritual, face deux, dépassant le quart d’heure.


Et puis surtout il y a deux diables au sommet de leur forme, Woody Shaw qui illumine les morceaux à chacun de ses solos et Azar Lawrence au sommet de sa forme également, eux deux combinés au groove de Mtume (on se souvient du légendaire « Alkebu-Lan - Land Of The Blacks ») et de Billy Hart, la légende, sans oublier le pivot autour de qui tout tourne et évolue, Buster Williams, absolument essentiel ici… Bon, bon musicalement ça tient sévèrement la route !

C’est la suite qui est moins drôle, Harry Whitaker n’est pas doué pour les affaires. Il envoie les bandes au Japon afin de sortir un pressage privé, malheureusement c’est une arnaque, quelques exemplaires sortent sans qu’il ne touche aucun dividende, aujourd’hui ces albums valent une petite fortune. L’album connaîtra une seconde vie après 2002, l’année où des rééditions de qualité seront enfin pressées.

Black Renaissance (Usa, 1976) - Body, Mind & Spirit (Full)
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 13 févr. 2021 05:52

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Il arrive à grands fracas le dernier album d’Airelle Besson, il faut dire que je suis assez inconditionnel. Le dernier enregistrement que je m’étais procuré sous son nom était le petit S.P. 45 tours sorti en soutien au festival « Jazz Sous Les Pommiers » de Coutances avec Vincent Segal, Sebastian Sternal & Jonas Burgwinkel, une petite pépite sortie en 2017. Avant, il y avait eu « Aïrés », un Cd en compagnie d’Edouard Ferlet et Stéphane Kerecki, encore un bel album, et, encore plus tôt, en 2016, l’excellent « Radio One » à la fois titre de l’album et nom de la formation accompagnante, ceci pour vous dire que ceux qui aiment ce créneau musical peuvent foncer les yeux fermés.

Radio One, la formation donc, revient avec « Try » qui vient de paraître. Airelle est devenue maman, j’ai appris ça sur l’interview qu’elle donne sur jazzmag de ce mois, félicitations, donc. On apprend également qu’elle bénéficie de l’aide de la Fondation BNP Parisbas depuis des années et qu’elle est contente, des braves gars ces gens de Parisbas, prêts à aider leur prochain de façon désintéressée, d’ailleurs si vous êtes un musicien dans la panade n’hésitez pas à leur demander un petit coup de main, merci pour le tuyau Airelle.

Concernant l’album faut se méfier également, perso j’ai fait mon choix sans savoir et, forcément, je me sens un peu con. J’ai choisi le vinyle et, dessus, il y a sept titres pour environ vingt boules. L’autre option c’est le CD, onze titres pour treize boules, il y a un peu plus de dix-sept minutes de différence soit une face de vinyle. C'est une pratique qui a tendance à se généraliser, autrefois on fabriquait un double LP avec une face muette, désormais on coupe! En gros on vous dit « achetez les deux », je vais aller voir avec Parisbas si on peut s’arranger, c’est si rare de rencontrer des philanthropes, dans ce monde de requins.

Sinon l’album est magnifique, pour la partie que j’ai entendue, de ce côté il n’y a aucune déception, cet aspect romantique et classieux, vraiment très beau, Airelle est sublime, aux côtés de la trompettiste on trouve Isabel Sörling au chant, Benjamin Moussay au piano et Fabrice Moreau à la batterie, tout colle, le courant est assez télépathique entre les intervenants, ça s’est passé aux Studios La Buissonne, gage de qualité, de plus le pressage du vinyle est réussi.

Airelle Besson - TRY !


Airelle Besson - The Sound of your Voice Part I


Après La Neige


Wild Animals
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Cooltrane » sam. 13 févr. 2021 16:48

c'est moi, ou est-ce que cela sonne très Maaloufien? (pas le premier truc, mais les trois suivants)

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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par nunu » sam. 13 févr. 2021 17:06

J'aime bien Areille Besson..


Quand a savoir si ca sonne comme Maalouf je n'en sais rien vu que ce personnage m'indiffere totalement. Pour moi c'est de la soupe ce qu'il fait

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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Cooltrane » sam. 13 févr. 2021 20:56

nunu a écrit :
sam. 13 févr. 2021 17:06
J'aime bien Areille Besson..


Quand a savoir si ca sonne comme Maalouf je n'en sais rien vu que ce personnage m'indiffere totalement. Pour moi c'est de la soupe ce qu'il fait
C'est vrai que ses BO de ces dernières années sont assez booooffffff!!!...



Mais entre 2010 et 2016, il n'en rate pas une :super:


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Douglas
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 13 févr. 2021 22:10

A mon avis, Ibrahim Maalouf a bien eu quelques intuitions qu'il a su traduire en une musique au départ authentique, puis il n'a fait qu'exploiter le même sillon, à fond, et s'est dévoyé dans une musique à but commercial, il postulait au rôle de Mr Jazz dans le milieu de la variété française, je ne suis pas sûr qu'il ait réussi à atteindre son objectif.
Pour moi il n'a pas grand chose à voir avec Airelle Besson (sauf peut-être un compte bancaire cher PB qui sait?)
We will dance again...

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Cooltrane
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Cooltrane » sam. 13 févr. 2021 22:46

c'est clair que depuis la publication des deux albums sur Impulse le même jour (Kalthoum et Red & Black Light) en 2015, il n'a pas fait grand chose de valable (sauf p-ê S3ns... et encore). Il se perd un peu dans le monde showbize, téloche/cinoche et pipole

Avant cela, le très rock Illusions (2013) et Winds (2012) étaient des réussites dans leur genre respectif.

Mais dans les festivals jazz, il continue d'assurer sur scène

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Douglas
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Re: J A Z Z - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 14 févr. 2021 05:03

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Je n’aime pas trop fréquenter les cimetières et je ne m’y rends que par nécessité, obligation, ou sens du devoir. Nous aussi sur notre cher fofo il y a un petit coin pour les morts, ça s’appelle R.I.P. et si parfois on s’y sent triste, on rigole aussi, parce que certains sont de gros déconneurs et que ça fait du bien. J’y suis passé y’a pas longtemps et c’est là que j’ai appris pour Ghédalia Tazartès, on annonçait également le décès de Chick Coréa, mais, pour ce qui le concerne, c’est cruel ce que je vais dire, mais ça ne m’a pas trop touché, je suis comme çà, y’a des morts que je regrette plus que d’autres, peut-être la scientologie, je sais, c’est pas bien.

Ghédalia ça m’a vraiment remué, pourtant je ne l’ai pas vu en concert, quasi rien lu sur lui, juste huit albums que j’ai beaucoup écoutés. Alors je me suis dit que ce serait bien de parler de l’un de ses albums, j’ai choisi le premier « Diasporas » enregistré en 77 et sorti en 79, surtout parce que c’est le premier et qu’il dit déjà beaucoup de Ghédalia.

Il est né à Paris, mais comme le chantait autrefois Moustaki, c’était un métèque, issu de la communauté juive de Thessalonique en Grèce, il parlait le ladino la langue judéo-hispanique partagée dans sa famille. De toute façon il s’en fout des langues, il les parle toutes, il en invente même, Ghédalia c’est une voix, un chant, un cri, une prière, des mots, des phrases, que l’on comprend, oui mais avec le cœur. Ça vous fait frissonner, vous touche, vous emmène souvent, dans des pays inconnus, où connus de lui seul, il nous fait rire aussi des fois, mais je dis ça parce qu’on pleure aussi, des fois, et ça grince même, de temps en temps.

Ghédalia, il n’est ni pianiste, ni guitariste, ni saxophoniste, ni rien de tout ça. C’est une voix. Cet album il l’a fait seul, il bidouille un peu des trucs avec sa voix ou des instrument bidons, il fait des collages, il bricole des sons et enregistre autour de lui et fabrique ainsi de la matière sonore. Il appelle ça « l'impromuz », avec les ciseaux il sélectionne ce qui le touche et construit petit à petit son œuvre.

Il aurait pu rester tout seul, inconnu dans son coin, mais ce n’est pas arrivé. La faute à la bande à Steve Stapleton qui ont eu l’idée de l’écouter, de l’apprécier et de le mettre dans la liste, la célèbre et fameuse « Nurse With Wound List » qui a sauvé tant de musiciens inconnus de l’anonymat, y figurer c’était comme une distinction qui attirait l’attention de ceux qui s’intéressaient, alors, à la musique underground.

On pourrait appeler ça de la musique expérimentale faute de trouver la bonne case, il est vrai que la dénomination est fourre-tout, pourtant ce chant a des racines et est issu d’un folklore, ça s’entend. Mais il est aussi sauvage, de ceux qui ne s’apprivoisent pas, indistincts, les racines sont multiples et proviennent même du cerveau de leur auteur, créations poétiques et fantasmées. Et pourtant ces « Diasporas», finalement si proches, me semblent bien familières.

Ghédalia Tazartès ‎- Diasporas (1979) FULL ALBUM

00:00​ A1. Un Amour Si Grand Qu'il Nie Son Objet
09:39​ A2. La Vie Et La Mort Légendaire Du Spermatozoïde Humuch Lardy
13:30​ A3. La Berlue Je T'aime
16:34​ A4. Casimodo Tango
19:25​ A5. Reviens
21:31​ B1. La Fin Du Prologue
26:12​ B2. Ouverture Fragile
30:19​ B3. Rien Qu'au Soleil
32:40​ B4. Mourir Un Peu
36:26​ B5. Rien N'est Assez Fort Pour Dire
39:22​ B6. Une Voix S'en Va

We will dance again...

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