J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 14 févr. 2022 04:37

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Anteloper ‎– Kudu

Un album qui est sorti uniquement en cassette en 2018, après un accueil chaleureux de la critique, il est enfin réédité en vinyle, je l’ai reçu il y a une dizaine de jours. Il s’agit de « Kudu » par Anteloper, une production International Anthem, millésimée 2021 pour ma version colorée. Deux musiciens à l’œuvre, Jaimie Branch à la trompette et au synthé et Jason Nazary à la batterie et au synthé également.

Ces deux-là se côtoient de puis deux mille deux, année où ils se sont rencontrés au Conservatoire de musique de la Nouvelle-Angleterre à Boston. J’ai beaucoup d’admiration pour la trompettiste Jaimie Branch dont j’essaie de suivre la discographie souvent passionnante à travers la série « Fly Or Die » ou en compagnie de Ig Henneman et Anne La Berge, ou encore avec le Dave Gisler Trio, autant d’albums dont on a parlé ici, mais il faudrait également citer l’autre album d’Anteloper, l'EP « Tour Beats Vol. 1 » paru en 2019.

Celui-ci a été enregistré live aux Carefree Studios de Brooklyn, c’est à la fois free et très improvisé, mais il y a également une forte empreinte électro, les deux musiciens se lâchent volontiers dans le monde des machines, sans doute utilisent-ils des claviers également (on voit Jaimie qui en joue sur une vidéo) mais ce n’est pas spécifié dans les notes de pochette.

Jason Nazary qui assure la pulsation rythmique sur sa batterie se fait en outre aider, ou doubler, par des rythmes électroniques, ce qui nous plonge dans un univers très foisonnant, luxuriant et un chouïa aseptisé par le son sec et froid des tambours synthétiques.

Le nom des pistes ne figure ni sur la pochette, ni sur le obi, ni sur l’insert mais uniquement sur le macaron du vinyle, ce qui n’est pas hyper pratique mais n’enlève rien au plaisir de l’écoute. « Ohoneotree Suite » qui dépasse le quart d’heure est peut-être la pièce la plus en vue ici, elle possède une très grande densité, on ne sait plus très bien, à certains moments, si on est encore avec le son de la trompette, en tout cas elle subit un traitement finalement très viscéral, la mutation fonctionne.

Si vous êtes amateur d’électro cet album est susceptible de vous plaire, les autres préfèreront les « Fly Or Die ».

Anteloper - Ohoneotree Suite


Fossil Record


Lethal Curve


Oryx
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 15 févr. 2022 03:17

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John Carter / Bobby Bradford – Self Determination Music (1970) - S/FJMt°

Bob Thiele a travaillé chez Impulse depuis 1961, il a fait de ce label l’un des plus mythique du jazz, enregistrant des albums indispensables et essentiels qui parlent encore aujourd’hui à tous les amateurs de jazz. Puis, en 1969, il quitta le navire, un peu poussé il faut dire, pour se lancer dans une autre aventure : la création du label « Flying Dutchman Productions ».

L’album de John Carter et Bobby Bradford, « Self Determination Music » sortira donc en 1970, bien accueilli sur ce label par Bob Thiele qui voulait maintenir un pôle moderne et innovant, dans la lignée d’Ornette Coleman. Par bonheur une réédition Cd de 2015 permet à chacun de pouvoir profiter de cet album enthousiasmant, qui n’existât longtemps qu’à travers sa sortie originale, pendant quarante-cinq années durant.

C’est le deuxième album du duo sur « Flying Dutchman », après « Flight For Four » sorti en soixante-neuf. John Carter est muti-instrumentiste, il joue des saxophones mais aussi de la clarinette et de la flûte, au moment où il enregistre cet album il a quarante et un ans. Bobby Bradford est trompettiste, né en 1934, il a donc cinq ans de moins que John Carter. Tous deux ont côtoyé dans leur jeunesse Ornette Coleman, jouant en sa compagnie et se liant d’amitié. La filiation musicale est d’ailleurs immédiatement audible.

Le quintet possède une forte originalité car il contient deux bassistes, Tom Williamson et Henry Franklin, un batteur, Buz Freeman, complète la formation. L’album est constitué de quatre titres, trois sont signés par John Carter et l’autre par Bobby Bradford, c’est du free posé sur des grilles très structurées, à l’école colemanienne.

L’album dépasse le post bop tout en conservant un discours lisible, l’assise rythmique est puissante, au jeu très complet et énervé de Buzz Freeman, le duo de bassiste ajoute une réelle force. Chacune dans son canal, elles apportent une complémentarité aisément identifiable, d'autant que la production de l’album est parfaite.

Les solistes ne s’échappent pas dans le cri, mais se relancent volontiers, l’un poussant l’autre, sans jamais se lasser, les deux sont magiques, il est même difficile de dégager une piste dans l’album tant les quatre semblent exceptionnelles, poussées par une énergie continuelle. Il va de soi que l’album ne se vendit pas aussi bien qu’il aurait mérité, pas trop aidé par la pochette.

A ranger au rayon des « inconnus du free jazz », merci aux défricheurs.

The Sunday Afternoon Jazz Blues Society


The Eye of the Storm


Loneliness


Encounter
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 16 févr. 2022 05:15

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Jaimie Branch – Fly Or Die Live (2021)

J’ai enfin reçu ce fameux « Fly Or Die Live » qui a dû traverser l’océan et connaître un parcours en zig et en zag avant de finir dans ma boîte, après une errance de près d’une demie année. Mais tout est bien qui finit bien, et les gars d’International Anthem ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour honorer le contrat, bien que le tirage soit limité…

C’est donc en live que l’on retrouve Jaimie Branch, au Moods de Zurich en Suisse, le vingt-trois janvier vingt-vingt et un. Ici ils rejouent presque l’intégralité du « Fly Or Die II: Bird Dogs Of Paradise » et une bonne partie du premier volume également. Mais tout change, la musique est quasi « naked » pour paraphraser le fameux « Let it Be », comprendre ici qu’elle est sans sophistications, brute et nue, chaude et joyeuse, assez « rock » dans l’esprit, sans fioriture et assez « brut de décoffrage ».

Jaimie est à la trompette, au vibraslap et elle chante, elle est soutenue par le violoncelliste Lester St. Louis, le contrebassiste Jason Ajemian et le batteur, percussionniste et joueur de mbira Chad Taylor dont on parle assez souvent par ici, beaucoup chantent et percussionnent également. Un simple quartet qui nous en met plein les oreilles, car, en live, ce qu’ils veulent c’est toucher le public, lui donner envie de bouger et lui faire partager un bon moment festif et joyeux.

Il faut dire que cette tournée européenne était importante pour le groupe, particulièrement ce concert de Zurich qui était enregistré en vue de ce live. Le point fort du groupe, outre la grande qualité des musiciens, c’est leur aisance à l’improvisation, le « liant » de ce concert qui avance au fil de la re-création, en suivant l’ordre des pièces, alternant rythmes rapides et rythmes lents, passages énergivores et d’autres carrément planants, décharnés.

« Je pense que c'est le meilleur que nous ayons jamais joué » déclarera quelques mois plus tard Jaimie Branch à l’écoute des bandes de ce concert. Voici aussi ce qu’elle déclara à propos de « Prayer » :

« Il y a un moment dans la deuxième partie de la chanson, quand Jason retourne la ligne de basse, il y a, à ce moment une bizarrerie, mais personne ne s'arrête […] Alors j'ai juste ajouté une demi-mesure de plus d'une voix, parce que j'ai compris que Jason était bancal. Et puis Chad a ajouté une note de remplissage. C'est ma partie préférée de tout le disque parce que j'entends l'erreur et je nous entends passer au bulldozer, transformer l'erreur en danse – parce que c'est vraiment ce qu'il y a au cœur de tout cela, la musique devenue danse. »

Ça c’est un album qu’il est bon !

prayer for amerikkka pt. 1 & 2


birds of paradise


jaimie branch - theme 001 (Live at Moods 1/23/2020) - Où l'on comprend que la photo de pochette correspond à un gros plan du vêtement que Jaimie portait ce soir-là !


love song
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Message par Douglas » jeu. 17 févr. 2022 05:58

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Griot Galaxy – Kins (1982) - S/FJMt°

Griot Galaxy est une formation menée par la saxophoniste Faruq Z. Bey qui appartient à la scène de Détroit. Voici son premier enregistrement, « Kins », enregistré en 1981 et paru l’année suivante. L’album n’avait jamais été réédité jusqu’en 2019, année où le label « Third Man Records » s’est penché sur son berceau pour le ressusciter. Soulignons au passage l’excellente qualité du son concernant la réédition, effectuée à partir des matrices d’origine.

Il faut dire qu’il ne reste que deux cents exemplaires du premier tirage sur deux mille parutions, les autres ont sans doute été passés au pilon. L’album a joui longtemps d’une bonne réputation dans le petit monde des collectionneurs du free jazz, et la recherche des originaux en a occupé plus d’un.

Faruq Z. Bey est également poète et compositeur de quatre titres parmi les six présentes ici. Il est secondé au saxophone par Anthony Holland et David McMurray, ce dernier joue également de la flûte. Jaribu Shahid est à la basse et Tani Tabbal à la batterie, ces deux derniers apportent chacun une compo dans sa besace.

S’il fallait chercher des références ce serait à nouveau Ornette Coleman qui s’imposerait, la musique qu’il jouait à la fin des années soixante-dix et dans les années quatre-vingts, correspond assez bien à ce que l’on entend ici, avec la basse tantôt acoustique, tantôt électrique, les rythmes assez funk et l’harmolodie qui pointe le nez. Il n’y a toutefois pas de guitare, mais trois saxos à l’avant, une puissance d’attaque assez considérable, l’album s’écoute assez fort, c’est comme ça que je le préfère.

Bien que souvent joyeuse et enlevée, la musique est parfois assez noire, l’ombre d’Ayler plane parfois, particulièrement sur « Kins », l’avant-dernière piste. L’ambiance est ainsi assez étrange, dans un entre-deux qui ne choisit pas son camp, et on songe également à ce blues qui hantait parfois la musique d’Ornette.

Un album qui ravira les amateurs de raretés et de plaisirs longtemps cachés, autant de découvertes qui, accumulées, rendent la fin plus douce…

Griot Galaxy: "Androgeny"


Griot Galaxy - Zenolog Aintro


Griot Galaxy - Xy-Moch


Griot Galaxy - Kins
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 18 févr. 2022 06:36

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Immanuel Wilkins – The 7th Hand (2022)

Voici « The 7th Hand » le second album d’Immanuel Wilkins, après « Omega » dont je vous avais parlé avec enthousiasme. Celui-ci est aussi un double LP, mais il est plus court, la moyenne des faces qui tournait autour des quinze minutes sur le premier, se limite à dépasser les dix minutes seulement, il faut donc se lever assez souvent pour alimenter la platine, excepté pour la dernière face qui dépasse les vingt minutes.

Parmi les bonnes nouvelles on remarque la présence de la gracieuse flûtiste Elena Pinderhughes qui jouait autrefois dans la formation de Christian Scott, elle apporte ce petit plus sur les deux titres de la face C, « Witness » et « Lighthouse » qui sont parmi les plus enlevés de ce post-bop qui, hélas, semble assez souvent tourner en rond.

Immanuel Wilkins joue de l’alto en virtuose, Micah Thomas est au piano, ici ou là il sait se souvenir de McCoy Tyner, tant mieux. Daryl Johns est à la basse et Kweku Sumbry à la batterie. Tous les quatre sont de jeunes et brillants musiciens, bien élevés et tout.

Allons directement à la face quatre qui, d’une certaine façon, sauve l’album d’une léthargie qui guettait. « Lift », qui se souvient de John Coltrane, est la meilleure part ici, enfin pour ce qui me concerne. Certes, c’est plus free que l’entièreté du premier disque qui ronronne en jouant une musique que tout le monde a déjà entendu depuis quarante ans, un post bop assez conventionnel qui ne bouleverse plus.

Je ne sais trop si on peut qualifier « Lift » de pièce majeure, mais au moins, elle vibre, secoue et emmène vers un ailleurs. Elle est nourrie d’impros et ça compte, ça dans le jazz ! Elle représente une prise de risque évidente, on lâche prise et on perd pied pour se laisser embarquer et voir vers où pousse le vent… Je ne sais si c’est l’appartenance à Blue Note qui pousse Wilkins vers une sécurité musicale, me semble-t-il, assez mauvaise conseillère.

Bon, un disque sur deux c’est peu pour un vinyle assez onéreux, mais on peut opter pour la version Cd qui me paraît un meilleur choix, car Wilkins est malgré tout un fabuleux saxophoniste.

Immanuel Wilkins - Emanation (Pseudo Video)


Lighthouse


Witness


Lift
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Piranha » ven. 18 févr. 2022 07:07

Douglas a écrit :
ven. 18 févr. 2022 06:36
Certes, c’est plus free que l’entièreté du premier disque qui ronronne en jouant une musique que tout le monde a déjà entendu depuis quarante ans, un post bop assez conventionnel qui ne bouleverse plus.
Merci Douglas pour ce focus, très complet comme toujours :super:

Par rapport à ta phrase, c'est je trouve, assez souvent le cas chez les jeunes (30/40) jazzmen contemporains. Le souffle vient souvent des plus jeunes... ou des plus vieux (Sanders, Shepp...)qui 'hésitent pas à bousculer les codes.

J'exclue évidemment de mon propos en partie la nouvelle scène jazz britannique et bien sûr chicagoane

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 18 févr. 2022 13:56

Piranha a écrit :
ven. 18 févr. 2022 07:07
Douglas a écrit :
ven. 18 févr. 2022 06:36
Certes, c’est plus free que l’entièreté du premier disque qui ronronne en jouant une musique que tout le monde a déjà entendu depuis quarante ans, un post bop assez conventionnel qui ne bouleverse plus.
Merci Douglas pour ce focus, très complet comme toujours :super:

Par rapport à ta phrase, c'est je trouve, assez souvent le cas chez les jeunes (30/40) jazzmen contemporains. Le souffle vient souvent des plus jeunes... ou des plus vieux (Sanders, Shepp...)qui 'hésitent pas à bousculer les codes.

J'exclue évidemment de mon propos en partie la nouvelle scène jazz britannique et bien sûr chicagoane
Je suis d'accord avec cette observation générale.

Mais Immanuel Wilkins doit être dans sa vingt-cinquième année, donc côté jeune, et on le sent dans cette dernière face où il "bouscule les codes "comme tu dis.

Je me demande si ce n'est pas cette appartenance à "Blue Note" qui l'empêche de définitivement lâcher les chevaux, d'un côté par égard au label oh combien historique, et de l'autre pour des raisons commerciales car Blue Note doit vendre, c'est entré dans l'ADN du label.

Mais c'est véritablement un grand, jeune et talentueux saxophoniste!
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 19 févr. 2022 06:23

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Youn Sun Nah – Waking World (2022)

J’ai toujours été un admirateur de Youn Sun Nah et je pense posséder l’ensemble de ses enregistrements sauf celui de deux mille dix-neuf, pour une obscure cause, peut-être le virage de l’électro. Bien sûr, Mme Nah est assez mainstream et bancable, et bien tant mieux, elle le mérite davantage que, disons, la chanteuse Jenifer qui va être décorée par Bachelot du truc des arts et des lettres, ai-je ouï…

Dans la discographie de Youn Sun Nah je conseille l’album « Lento », assez parfait dans son genre, ainsi que la version deux Cds de « Same Girl. Collector's Edition » qui apporte un véritable supplément d’une incroyable intensité, « Avec le temps » et « My favourite Things » entre autres. La période Ulf Wakenius, qui joua aux côtés d'Oscar Peterson, reste encore la meilleure...

Ce nouvel album ne détrônera pas les deux premiers sur la liste, même s’il ne manque pas d’intérêt, bien que l’accueil qui lui soit réservé semble assez mitigé, peut-être le jazz qui s’en va... C’est le premier album où elle signe toutes les compos, texte et musique, pour les thèmes, la structure et chaque instrument. iI a été entièrement écrit pendant le confinement et penche côté pop, ce qui pour moi n’a rien de dégradant.

Elle possède une grande technique vocale avec une tessiture assez large qu’elle utilise le plus souvent complètement. Peut-être ici, n’exploite-t-elle pas l’ensemble de ses possibilités, se contentant d’un registre plus modeste, plus intimiste, se tournant vers plus de simplicité dans ses nouvelles chansons.

On ne ressent plus les frissons d’autrefois, c’est vrai, une page est tournée. Je l’ai vu sur scène et ai assisté à pas mal de retransmissions télévisées où elle se métamorphosait sur scène, la petite fille timide se transformant en diva, avec un répertoire d’une haute intensité où les grands titres se succédaient en étant sublimés par l’interprétation.

Pour autant cet album se plaît malgré tout sur la platine, les musiciens qui l’accompagnent sont brillants et de grande réputation, même s’ils stationnent dans l’ombre de la voix. Les voici : Xavier Tribolet claviers et batterie, Thomas Naïm aux guitares, Laurent Vernerey à la basse, Airelle Besson au bugle et à la trompette, Guillaume Latil au violoncelle et Héloïse Lefebvre au violon.

Il me semble que le meilleur titre soit « Mother » qui ouvre la face deux dans une ambiance plutôt romantique, mais il y en a d'autres qui tiennent bien la route. Les paroles des chansons semblent souvent assez gentillettes, elles figurent sur la pochette intérieure du vinyle. Cette dernière contient au verso une photo qui dévoile le secret de fabrication du portrait figurant sur la pochette…

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Waking World - Youn Sun Nah [Official Video]


Don't Get Me Wrong - Youn Sun Nah [Official Video]


Youn Sun Nah - My Mother


Bird On The Ground


Heart Of A Woman
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 20 févr. 2022 06:12

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Cécile McLorin Salvant ‎– For One To Love (2015)

Restons dans les vocalistes avec Cécile McLorin Salvant qui sortira un album très prochainement, une quinzaine de jours si tout va bien. Celui-ci est son troisième, je possède également le précédent « WomanChild » qui est largement aussi bon, le tout premier est beaucoup plus confidentiel avec un tirage plus restreint.

L’orthographe du prénom donne un indice sur la nationalité de sa maman qui est native de la Guadeloupe, son père est Haïtien. Très tôt elle étudie la musique et le piano, puis est admise en 2007 dans la section jazz du conservatoire de musique d’Aix En Provence. Elle est extrêmement douée, c’est une grande technicienne qui possède déjà un savoir-faire qui la rapproche des très grands noms du jazz vocal féminin américain.

Elle a été également remarquée par Archie Shepp. Souvent elle aime puiser dans le répertoire jazz des chansons inconnues ou oubliées, très à l’aise en anglais, qu’elle parle couramment, autant qu’en français. Sur chacun de ses albums elle fait place à un ou deux airs de chez nous, et c’est à chaque fois merveilleux de l’entendre.

Elle collectionne les Grammy Award du meilleur album de jazz vocal, quasiment à chaque sortie d’album, et ce n’est pas usurpé. Peut-être pourrait-on lui reprocher parfois d’en faire un tout petit peu trop dans l’interprétation et d’être un peu trop théâtrale en accentuant le trait, mais je chipote et c’est très personnel, de plus je n’ai jamais rien lu à ce sujet.

Sur l’album il y a une chanson en français, « Le mal de vivre » interprété autrefois par Barbara, c’est tout juste sublime, sans imiter l’illustre diva elle se hisse si haut qu’elle vous cloue sur place. Déjà, sur WomanChild, il y avait « Le front caché sur tes genoux », on était prévenu ! Il y a également une interprétation de « What's The Matter Now? » en provenance du répertoire de Bessie Smith.

Elle est accompagnée par le pianiste Aaron Diehl, le bassiste Paul Sikivie et le batteur Lawrence Leathers, ça penche vraiment du bon côté, l’émotion est au rendez-vous. J’ai acheté l’album à la Fnac et, sans que ça n’apparaisse sur la couverture du Cd, il y a un titre bonus, le très beau « Personne » accompagné par Vincent Peirani à l’accordéon, par contre si vous avez des tendances suicidaires, je vous déconseille son écoute, pire que « Le temps qui reste » de Serge Reggiani.

Cécile McLorin Salvant - "Wives and Lovers" [Official Video]


Le Mal de Vivre


What's the Matter Now?


Les Victoires du Jazz 2014 Cécile McLorin Salvant & Vincent Peirani - Personne (Michel Emer)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 21 févr. 2022 06:34

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Tony Oxley ‎– February Papers (1977) - S/FJMt°

Cet album est sorti sur Incus, le label de free jazz anglais créé par Derek Bailey, Evan Parker et Tony Oxley en 1970. Il a été réédité très récemment, à l’été deux mille vingt, en Cd, supervisé par Tony Oxley lui-même. C’est du pur free jazz, totalement improvisé et très expérimental, à bien y réfléchir, on peut penser que la véritable « Anarchy In The UK », c’est là qu’elle se passait, insoumise, rebelle et indomptable.

Pourtant il y a beaucoup de sérénité ici. Tony Oxley est percussionniste, il a ajouté dans le traitement de ses percussions des effets électroniques, ce qui en fait un gars très en pointe pour l’époque, il joue trois morceaux en solo sur cet album et je crois bien que ce sont mes préférés. La présence de l’un de ses amis à l’ingénierie du son est à noter, Vangelis Papathanassiou qui n’est pas le dernier à s’intéresser à l’électro, en ces temps-là.

Deux morceaux sont joués en trio, Tony, Philipp Wachsmann au violon et Ian Brighton à la guitare électrique. Deux autres sont voués au quartet, Tony et Philipp, accompagnés par un autre violoniste, David Bourne et l’excellent Barry Guy à la basse.

Pour autant il n’est pas exagéré de dire que les instruments sont détournés de leur fonction habituelle, et que chacun offre une facette inconnue, un usage nouveau, très peu académique. Chacun suit un nouveau chemin entre les mains de ces iconoclastes, le violon devenant un instrument percussif, un objet crissant ou pointilliste, à la façon d’une baguette frappant un tambour. Tout est sujet de détournement et l’album est ainsi un vaste chantier.

Les pièces ne sont pas démesurément longues, sept sont enregistrées pour une durée totale d’une quarantaine de minutes et chacune possède son caractère, on pourrait même dire sa fonction, mais il n’y a pas de mélodie ici. Des bruits, des sons qui s’entrechoquent, parfois un tapis sonore avec le jeu de l’électro où des violons qui pleurent.

La rythmique est très déstructurée mais on sent la présence d’une grille, d’un chemin pour l’improvisation, peut-être des points de rendez-vous, des gestes ou des guides prédéfinis. Le désordre n’est qu’apparent et ces « February Papers » gardent encore toute leur fraîcheur, quelque part hors du temps qui passe, comme un point fixe dans l’espace…

Tony Oxley - Combination


Tony Oxley - Chant-Quartet 2


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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 22 févr. 2022 05:42

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Bab Assalam – Maram (2019/2020)

Mon tout dernier concert c’était pour voir le groupe Feu ! Chatterton, après la parution de l’album « Ici Le Jour (A Tout Enseveli) », donc vers 2016 ou 2017, un bon concert avant que le groupe ne se perde un peu à son troisième envol.

Je ne me déplace guère, mais là c’était tout proche, dans une chapelle, petite, avec une chouette acoustique et même des reliques aussi, et des bancs, à la dure, mais certaines avaient adouci les meurtrissures du séant avec de doux coussins, pas malheureux du tout. Bon, l’endroit est sacré, élevons-nous ! Nous étions une soixantaine à vue de nez, mais mon tarin a courte vue.

L’histoire commence en 2010 : « Bab Assalam donnait son dernier concert en Syrie, à la citadelle d’Alep, aux côtés d’une dizaine de derviches tourneurs. C’était une fête. Puis vint la guerre, les massacres et l’exil. »

Bab Assalam joue de la musique Soufie ou s’en inspire. Ils sont trois, Khaled Aljaramani qui joue de l’oud et chante, il a fondé InterZone avec serge Tessot-Gay, il a également joué avec Aka Moon. Son frère Mohannad joue des percussions et de l’oud également, mais d’une plus grande dimension, avec des sons plus graves, il chante et nous transporte quand les voix se mélangent et s’envolent.

Il y a aussi Raphaël Vuillard qui joue de la clarinette, de la clarinette basse et de des flûtes, c’est un premier prix au Conservatoire National Supérieur de Paris. Il s’intéresse aux instruments anciens, au concert il nous a parlé du « ney » cette flûte orientale à embouchure en roseau dont il a essayé de jouer sans y parvenir, c’est l’instrument du troisième frère Aljaramani, ce dernier a juste été évoqué. Mais pour l’heure il a trafiqué l’embouchure d’une clarinette pour fabriquer un instrument au son voisin du ney qu’il a nommé le clari-ney. Il a rencontré les deux frères en Syrie, à Alep.

C’était très beau : « la musique soufie nous inspire depuis le début, elle amène à la transe où les rythmes rappellent le battement du cœur. Nous cherchons à nous inspirer de cette tradition, de cette quête de spiritualité intérieure » est-il écrit sur le livret attenant.

Hier soir, il y avait beaucoup de ferveur en cette chapelle, et la foi était multiforme, transcendant l’inutile mesquinerie de ce qui sépare. Beaucoup de respect et d’écoute, peu mais fervents. Je cite encore : « Cette musique de migration est une invitation à la tolérance ».

Voilà, ils vont de ville en ville, de concert en concert, et leur message est de paix, qu’y-a-t-il de mieux à faire en ce bas-monde que de jouer et chanter et tourner, et tourner, tourner encore, comme le font les derviches…

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Eloignement


Fin de la nuit


Jayi


Yammi
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 23 févr. 2022 05:55

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Charlie Haden And The Liberation Music Orchestra - Dream Keeper (1990)

Voici le troisième album du « Liberation Music Orchestra » après l’historique de 1970 chez Impulse et « The Ballad Of The Fallen », pas vraiment crédité du nom sur la pochette, mais que tout le monde attribue fort logiquement à cette réunion de musiciens, en 1983. Celui-ci est donc paru en 1990 et non en 1991, comme l’indique par erreur RYM, qui ne considère que la sortie US sur Blue Note. Les notes de pochette sur l’exemplaire français indiquent clairement 1990.

On retrouve ici une pléiade de grands musiciens dont trois piliers du LMO, outre Charlie Haden il y a Carla Bley qui dirige l’orchestre et Paul Motian à la batterie, mais aussi la section de anches avec Dewey Redman, Joe Lovano et Brandford Marsalis au saxo ténor ainsi que Ken McIntyre au sax alto. La section de cuivres composée de Tom Harrell et Earl Gardner à la trompette, Sharon Freeman au cor, Joe Daley au tuba et Ray Anderson au trombone. Amina Claudine Myers est au piano, Mick Goodrick à la guitare, Don Alias aux percussions et Juan Lazzaro Mendolas aux flûtes d’Amerique du Sud. S’ajoutent des chœurs venus d’Oakland.

L’album est forcément engagé, il rencontre les luttes venues d’Amérique du Sud, au Salvador « Feliciano Ama » ou au Venezuela « Canto Del Pilon », mais encore des chants révolutionnaires de la guerre d’Espagne « Hymn Of The Anarchist Women’s Movement », l’Afrique également avec « Nkosi Sikelel’i Afrika », l’hymne anti-apartheid du Congrès National Africain.

« Dream Keeper » est une suite de près de dix-sept minutes qui rassemble une partie de ces chants venus d’Amérique du Sud, ici réunis et assemblés par le touché unique de Carla Bley. On reconnaît la manière de faire, l’agencement des pièces, la justesse dans le maniement des chœurs, sans trop en faire, tout en gardant l’authenticité de ces chants afin qu’ils gardent leur puissance et leur force révolutionnaire.

Deux autres magnifiques compos, une d’après le traditionnel « Rabo De Nube » et une autre signée de Charlie Haden « Sandino » qui sont magnifiquement portées par le jeu de Paul Motian, très fin, en grand-maître. L’occasion d’apprécier les arrangements et le jeu des solistes, Mick Goodrick, Joe lovano et Dewey Redman pour le premier et Tom Harrell, Sharon Freeman et Goodrick pour le second.

Mais chacun possède son moment de gloire et de liberté car le jazz est là ! Au final on parlera d’un bel album dans la lignée des deux premiers, forcément plus prestigieux, plus « prenants » également, moins ordonnés et plus aventureux. Mais rien n’est négligeable ici et « Dream Keeper », le très honorable, contient ses grands moments.

Dans la discographie on remarquera une parution plus tardive, en 1999, qui proposera un enregistrement live du « Liberation Music Orchestra », enregistré le huit juillet quatre-vingt-neuf « The Montreal Tapes », avec une partie des membres rassemblés sur cet album.

Charlie Haden & the liberation Music Orchestra - Dream Keeper


Charlie Haden and The Liberation Music Orchestra ~ Sandino


Charlie Haden / Rabo de Nube


Charlie Haden & Liberation Music Orchestra - Spiritual
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 24 févr. 2022 05:34

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Les Primitifs Du Futur ‎– "Trop De Routes, Trop De Trains" Et Autres Histoires D'Amour (1995)

Je vous avais déjà fait part d’un double Lp des « Primitifs du Futur » paru chez Souffle Continu, une compile de 2019 absolument formidable, elle comprenait deux titres issus de cet album.

Ces gars-là sont vraiment primitifs, ils en sont encore à la musette et à l’accordéon, ils jouent comme Django, de la guitare sèche dans le style manouche. Le chef de bande c’est Dominique Cravic qui chante et compose et rassemble ses amis, on devine qu’ils boivent certainement du vin rouge en mangeant des sandwichs, genre pâté, jambon, rillettes ou saucisson. Ils s’habillent avec des pantalons velours à grosses côtes, bretelles et chemises à carreau sur lesquelles ils essuient leurs doigts avant de prendre leurs instruments.

C’est certain !

Et puis ils embouchent la clarinette, le cornet ou le sax et soufflent dans l’harmonica. Ils grattent le banjo, la contrebasse, l’ukulele, le dobro et la guitare, plein de guitares à la mode sèche, histoire de nous tirer des larmes et des rires. Et ils tapent aussi le xylophone et la batterie, tap ! tap !

Et ils rigolent et se marrent, et chantent, et chantent, des chansons rigolotes, ou d’amour, des airs musettes à l’accordéon, et des blues aussi, du rag encore, et Paris, les routes et les trains qui partent avec des gens dedans… Et l’histoire incroyable de « La Femme Panthère et de L’Homme Sandwich », et de « L’amour au Couteau », de « Marie Musette, Marie Putain », « Passez la Monnaie » et c’est la vie qui file avec du sexe, du sang, de la sueur et des larmes comme on dit…

Bref c’est la fête ici, la nostalgie se cantonne dans la musique avec un répertoire tout neuf à la mode ancienne, histoire de retrouver les plaisirs enfouis, comme on fouille dans une vieille malle en en extirpant les trésors, les rythmes, l’impeccable mise en place et la joie retrouvée, pleine de fraîcheur !

Et Robert Crumb qui vient faire un tour par ici, pour faire le bœuf avec les amis, en emmenant dans sa valise quelques dessins pour illustrer tout ça. Faut dire que ces gars-là c’est pas n’importe qui, ils ont joué avec des grands, genre Lee Konitz, Steve Lacy, Slim Gaillard, Eddy Louis, Jo Privat et même Achille Zavatta !

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La femme Panthère et l’Homme Sandwich

Du matin au soir, de Barbès à Rochechouart
Il arpente le trottoir, c’est un fantassin d’l’affiche
Mais un soir de spleen il a croisé sa féline
Une panthère noire divine, voilà not’piéton qui biche
*
Refrain :
Quand on est un homme Sandwich faut planquer ses miches
Attention aux maxillaires à la femme panthère
Sous ses crocs ou sous ses griffes d’ailleurs c’est kif kif
Tu finiras dans ses bras en chair à saucisse
*
Et tout excité devant ses pilosités
Il ne pense qu’à la fourrer
Mais c’est une aut’paire de manches
Elle lui a dit : « Viens !
J’dois faire mes griffes ce matin »
Lui qui pense qu’au gros câlin
Il a proposé sa planche
*
Mais pour son malheur
Il Porte sur son cœur
D’la réclame pour un fourreur
Qui solde ses vieilles peaux Place Blanche
Ses griffes après l’bois
Lui ont transpercé le foie
Et on l’a mis tout d’guingois
Raide et nu entre quatre planches

(D. Cravic/G.Lefebvre)

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Marie musette, Marie putain



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Les Primitifs Du Futur - La Belle Et Le Manouche



L'amour au couteau

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 25 févr. 2022 05:07

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William Parker & Patricia Nicholson : No Joke! (2021)

Voici un album sorti fin octobre de l’année deux mille vingt et un, il est signé du prolifique William Parker ainsi que de son épouse, la poétesse et danseuse Patricia Nicholson. On peut distinguer deux formations distinctes dont les pièces alternent sur le Cd, un groupe simple et un groupe augmenté.

Le premier groupe de musiciens comprend William Parker à la basse, James Brandon Lewis au saxophone ténor et Devin Brahja Waldman au saxophone alto, ils sont rejoints par Francesco Mela à la batterie et au chant sur « Little Black Kid With The Swollen Stomach », le second titre de l’album.

Les additionnels sur trois des cinq titres sont Patricia Nicholson au spoken words, Melanie Dyer au violon alto et Gerald Cleaver à la batterie, c’est-à-dire, en fait, sur une grande partie de l’album, quarante-six minutes au total sur les soixante-cinq que contient la totalité du Cd. Bien sûr la musique ne se mesure ni au poids, ni au temps, c’est juste pour donner idée des proportions et de l’importance ici de Patricia Nicholson, qui marque de son empreinte cet enregistrement.

Il est très engagé, dénonçant les inégalités et les injustices, les bilingues s’y retrouveront plus que les autres, mais la diction est déjà évocatrice, les deux longues suites que forment « Flare Up » qui ouvre l’album et « No Joke » qui le ferme sont impressionnantes, on y entend l’urgence, la colère et la révolte.

Avec le temps, William Parker prend une dimension à la Charles Mingus, je ne vois pas d’autre bassiste comparable, sa densité est exceptionnelle et se concentrer sur son jeu est un effort toujours récompensé. C’est également un compositeur remarquable, il signe toutes les compos ici, et son épouse tous les textes, excepté « Little Black Kid With The Swollen Stomach ».

Il y a également un autre géant, c’est James Brandon Lewis au ténor qui livre ici une énergie considérable, comme l’ensemble du combo d’ailleurs. Je ne connaissais pas Devin Brahja Waldman mais il est clairement au niveau. Bien sûr l’album est free, considérablement, c’est un brûlot continuel, d’une grande force, de la pure énergie qui se consume et renaît sans cesse, renouant avec une tradition ancienne du free jazz que j’apprécie énormément. Décidément une bonne claque ce missile, en voici un qui se range dans un registre pour une fois sympathique !

Un album ESP qui s’inscrit parfaitement dans la tradition du label.

Flare Up


Little Black Kid with the Swollen Stomach


Struggle


No Joke!
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 26 févr. 2022 06:20

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Open Systems quartet - Open Systems (2001)

Et voici l’Open Systems Quartet formé d’Assif Tsahar au saxophone ténor et à la clarinette basse, de Hugh Ragin à la trompette, de Peter Kowald à la contrebasse et d’Hamid Drake à la batterie ainsi qu’au tambour à peau, les deux derniers chantent également sur « Hearts remembrance ». C’est un album créé à l’initiative de Gérard Terronès, sur le label Marge lors d’une séance d’enregistrement durant les après-midis des 4 et 5 mai 2001 au Studio du théâtre la Fenêtre à Paris. Je possède la version digipack, une réédition sans livret datant de 2019.

Assif Tsahar est né en Israël en soixante-neuf, il s’est fait un nom à la fin des années quatre-vingt-dix, lorsqu’il est parti vers les Etats-Unis. Je l’ai écouté sur ses deux albums signés sur Ayler Records « Soul Bodies 1 et 2 » en compagnie d’Hamid Drake. Deux live très chauds, le premier est daté de 2001, il est enregistré à New-York, et le second de 2002, au live « at the Glenn Miller Café » de Stockholm. Je les cite car ce sont pour moi de solides références concernant ce musicien.

Cet album en studio me permet de poursuivre la découverte, et ce que j’entends me convient bien. Hamid Drake est grand ! Le dire c’est bien, mais s’ébaudir c’est mieux, car il nous élève et nous met en allégresse, sa partie sur « Hearts remembrance » est vraiment magnifique avec ce tambour à peau ! Un titre très fort.

Gérard Terronès a fait venir « spécialement » sur Paris Peter Kowald et Hugh Ragin pour la session d’enregistrement, le trompettiste est rompu à tout et s’est frotté au free qu’il a adopté, après une solide formation hard bop. Peter Kowald est un vieux routier du free européen, musicien recherché qui sait tout faire, il a beaucoup enregistré et se montre ici somptueux.

On remarque l’hommage appuyé à Albert Ayler, « Fathers And Mothers (for Albert Ayler) » signé par le contrebassiste, qui nous renvoie aux pays des esprits et des fantômes. La magnifique version de « Lonely Woman » d’Ornette Coleman qui devient désormais un standard du jazz, les autres titres sont signés du saxophoniste qui, en fait, est leader ici, même si ce n’est pas dit. Chez Gérard on ne « cheffe » pas ! « Dream Weather » est dédié à Laurence et Alexandre Pierrepont, au mariage duquel Gérard, Assif et Hamid se sont rencontrés, et ont évoqué puis décidé ce projet.

Un album sans faiblesse, passionnant, avec de grands moments qui s’enchaînent.

Open Systems quartet: Assif Tsahar, Hugh Ragin, Peter Kowald, Hamid Drake - Lonely Woman


Open Systems quartet: Assif Tsahar, Hugh Ragin, Peter Kowald, Hamid Drake Hearts Rememberance


Open Systems quartet: Assif Tsahar, Hugh Ragin, Peter Kowald, Hamid Drake - Fathers And Mothers


Open Systems quartet: Assif Tsahar, Hugh Ragin, Peter Kowald, Hamid Drake - The Call
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 27 févr. 2022 05:33

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Eric Legnini & The Afro Jazz Beat – Sing Twice ! (2013)

En voici un qui connaît les bonnes adresses, Eric Legnini a en effet enregistré son album en 2012 aux Studios La Buissonne à Pernes Les Fontaines, le résultat est impeccable, prise de son de haut niveau et restitution sonore aux petits oignons. Eric aux claviers de toutes sortes, piano, Fender Rhodes ou Farfisa, est accompagné de Thomas Bramerie à la basse et de Franck Agulhon à la batterie et aux percussions.

Mais ce qui fait le « sel » de cet album c’est également tout ce qu’il y a autour. Tout d’abord le britannique Hugh Coltman qui chante merveilleusement sur trois titres enchanteurs, « Salisbury Plain », « Snow Falls » et « If Only For A Minute ». Rien qu’à ce point l’achat de l’album se justifie, mais il y a également la malienne Mamani Keita qui apporte avec sa voix une touche funk et africaine sur « Yan Kadi » et « The Source », mais ce n’est pas tout, Emi Meyer ajoute avec son chant une couleur plus folk sur le très beau « Winter Heron ».

Un album consacré au chant me direz-vous, mais ce n’est pas que ça, il y a encore d’autres surprises, et ce qui semblait un album en trio s’habille avec une ribambelle d’invités, Boris Pokora au saxo ténor, baryton et à la flûte, Julien Alour à la trompette et au bugle, Jerry Edwards au trombone, Da Roméo à la guitare électrique sur deux pièces et Xavier Tribolet et David Donatien le temps d’un morceau.

C’est vraiment du copieux, riche et ensoleillé, cet album a tout pour plaire, sans sombrer dans la facilité, on y sent même le plaisir de jouer, chanter et s’éclater. Bien sûr il y a des recettes « pop » et de temps en temps il semble qu’un effet a peut-être déjà été entendu, mais qu’importe car le plaisir de l’écoute est continuel et ne fléchit jamais.

Un album idéal pour se changer les idées, respirer et se remonter le moral…

Eric Legnini & the Afro Jazz Beat - "Snow Falls (feat. Hugh Coltman)"


Salisbury Plain


Winter Heron


The Source
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 28 févr. 2022 04:51

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Resilient Vessels – Live At The Cell (2021)

Un album arrivé il y a deux ou trois jours en provenance d’Estonie, un pays qui bouge pour le jazz avec le label « RR GEMS » qui possède un chouette catalogue, avec Muriel Grossmann en tête d’affiche. Les vinyles sont robustes et bien finis, on pense également à « NoBusiness Records » qui se situe dans le pays voisin, en Lithuanie. Ça rit plutôt vers l’ouest pour les pays Baltes…

L’origine de cet album tourne autour du bassiste Josh Werner qui a pu bénéficier d’opportunité musicale dans le cadre d’une résidence à la Cell Gallery de New York. Du coup, un quartet s’est monté avec James Brandon Lewis au saxo, Patrick Holmes à la clarinette et Ches Smith à la batterie. On se souvient que ce dernier fait également parti du « Marc Ribot's Ceramic Dog ».

L’album comprend neuf titres mais huit seulement sont gravés sur le vinyle, vous pourrez écouter « Infinite Structures » uniquement si vous vous procurez l’album sur bandcamp, ou alors il faudra choisir le dématérialisé, ou bien encore, vous procurer le titre par l’intermédiaire d’un ami. L’album est en vente depuis la mi-juin 2021, et il en reste vingt-six encore en vente au moment où je vous parle, le tirage est limité à mille cinq cents exemplaires.

Franchement l’album est bon, si vous faites partie de ceux qui ont été happé par « Jessup Wagon », ne le ratez pas, c’est vraiment très dense. Déjà le duo Brandon Lewis/Patrick Holmes est tout simplement fantastique, ils se cherchent et se poussent sans cesse, comme une course qui n’en finit jamais, « Gotham Rundown » est à cet égard une démonstration parfaite, une sorte d’ivresse vous prend pour peu que vous lâchiez les contrôles…

Côté rythmique c’est grave également, la découverte du jour c’est Josh Werner, la basse très en avant, très ronde, présente et électrique. Il invente et crée sans cesse de nouvelles lignes de basse, en virtuose, il s’appuie sur le jeu de Ches Smith, très carré, qui envoie sans discontinuer.

De la bonne came, ma foi…

EMBODY (feat. James Brandon Lewis, Patrick Holmes, Ches Smith & Josh Werner) (Live)


EXIT REALMS (feat. James Brandon Lewis, Patrick Holmes, Ches Smith & Josh Werner) (Live)


GREEN PAPER TEA (feat. James Brandon Lewis, Patrick Holmes, Ches Smith & Josh Werner) (Live)


IF NOT THAT (feat. James Brandon Lewis, Patrick Holmes, Ches Smith & Josh Werner) (Live)


GOTHAM RUNDOWN (feat. James Brandon Lewis, Patrick Holmes, Ches Smith & Josh Werner) (Live)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 1 mars 2022 03:30

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Alexander Hawkins Mirror Canon – Break A Vase (2022)

Un album du pianiste anglais sorti au mois de janvier de cette année. Pour préciser un peu, Alexander Hawkins joue du piano à queue ou du piano droit, c’est spécifié dans les notes de pochette, et ce « Mirror Canon » qui interroge c’est tout simplement le nom de son sextet, qui est lui-même une augmentation de son trio.

Si bien qu’au final on trouve à la fois des pièces en solo enregistrées par le pianiste, mais aussi quatre pièces en quartet, dont une avec une formation un peu différente des trois autres, et trois pièces en sextet. Cet album est aussi l’occasion, pour ses admirateurs, de retrouver Shabaka Hutchings, ses saxos, ténor et soprano, ainsi que sa flûte, en ordre de marche sur six des dix morceaux joués ici.

Il y a également Otto Fisher à la guitare électrique, Neil Charles à la guitare basse et à la contrebasse, Stephen Davis à la batterie, Richard Olátúndé Baker aux percussions et au « tambour parlant ». L’album est enregistré en studio pour le label « Intakt », le livret est en anglais et en allemand, l’album dure une cinquantaine de minutes.

Son nom provient du discours du poète antillais Derek Walcott lors de la réception de son prix Nobel : « Brise un vase, et l'amour qui rassemble les fragments est plus fort que cet amour qui tenait sa symétrie pour acquise quand il était entier. » La pièce « Break a Vase » est jouée au piano solo, celui avec une queue, et il y a un Ran Blake qui s’y cache.

J’ai tout de même tendance à préférer les pièces avec le groupe au complet, et donc avec Shabaka pour tout dire, il apporte de la chaleur et fait du bien, on n’entend pas trop la guitare d’Otto Fisher mais elle réchauffe également, j’aime bien « Stride Rhyme Gospel » qui glisse bien et les percus qui envoient.

Un album qui, sans doute, ne s’épuise pas en une seule écoute, et qui vous dit : « Allez, mon gars, reviens-y ! »

Alexander Hawkins Mirror Canon - Break a Vase (Full Album) - C'est pas hyper facile de s'y retrouver, mais ça donne une idée assez précise de l'album.

1 The Perfect Sound Would Like To Be Unique 1:36
2 Stamped Down, Or Shovelled 6:44
3 Sun Rugged Billions 4:29
4 Generous Souls 5:59
5 Faint Making Stones 6:05
6 Break A Vase 1:29
7 Chaplin In Slow Motion 6:21
8 Domingada Open Air 6:51
9 Stride Rhyme Gospel 6:30
10 Even The Birds Stop To Listen 3:25

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 2 mars 2022 03:15

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Camille Bertault ‎– Le Tigre (2020)

Voici un album du « confinement », paru en deux mille vingt donc, au mois de septembre. « Le Tigre » de Camille Bertault a reçu bon accueil et m’a donné l’impression de bien se vendre et de passer dans les bons circuits, enfin pour un album estampillé « Jazz ». Mais c'est également un album de chansons, de ballades, avec de beaux textes portés par de bonnes mélodies, souvent ensoleillées.

Camille, fille d’un père pianiste, s’est frottée jeune enfant au piano qu’elle maîtrise parfaitement après des études au conservatoire. Parallèlement elle s’intéresse au théâtre, au jazz et au chant. Sur cet album elle compose et chante, principalement en français, mais pas que. Elle est secondée par le fabuleux pianiste Jacky Terrasson, il fallait un gars de cet acabit pour justifier que ce ne soit pas elle, assise devant le clavier, enfin les claviers, car ça défile, piano, mellotron, Hamond B3, Fender Rhodes, Op-1.

Il y aussi Michael Leonhart qui touche à tout, trompette, cor, mellophonium, trombonium, synthés et mellotron, et puis Donald Kontomanou à la batterie et plein d’autres encore, mais je m’arrête là car la liste est longue…

Ce n’est pas une chanteuse « à voix » comme il en existe beaucoup dans le jazz, sur cet album elle lorgne plutôt côté « variété », une façon de dire simplicité, la voix est souvent narrative ou chuchotée, située dans un registre souvent usité, mais la note est toujours juste, au service de textes intéressants. Pour être ébloui côté chant jazz il faut s'orienter vers le titre "Giants Steps (Pas de Géants)" sur l'album du même nom.

Il y a le « Prélude » de Chopin, un chouette moment où elle dépose ses mots sur un air que tout le monde connait, il y a également « A quoi bon » qui vaut par sa musique et ses rythmes mais aussi pour ce texte bien « senti ». Il faut aussi évoquer « Je Vieillis » où elle se raconte, ou encore « le Tigre » où elle évoque Rimbaud et son « Dormeur du val », bref plein de petites surprises sui s’enchaînent et maintiennent l’intérêt, comme ce « Haïku » qui me laisse perplexe.

Pour finir elle réinterprète le titre d’ouverture, « Berceuse De La 54ème Rue » mais cette fois-ci en Portugais, nous offrant ainsi un voyage direct vers le Brésil…


Berceuse de la 54ème rue (version française)


Camille Bertault - Le tigre (Official Video)


A quoi bon


Prélude
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Unserious Sam » mer. 2 mars 2022 17:01

Sacrée technique vocale quand même que cette jolie Camille, digne héritière de Christiane Legrand et petite sœur mutine d'Elizabeth Caumont ou Laurence Saltiel.

Mon album préféré reste son premier ("En Vie") :)

Camille Bertault - Course (extrait de "En Vie" (2016))
02 - Course.mp3
(9.54 Mio) Téléchargé 75 fois
Laurence Saltiel - Crime de sang
Crime de sang.mp3
(8.39 Mio) Téléchargé 82 fois
Elisabeth Caumont - Grâce matinée
12 - Grâce matinée.mp3
(8.5 Mio) Téléchargé 82 fois
Chritiane Legrand - Rien de grave dans les aigus Sacrées "swingle sisters" ! :love1: :love1: :love1:
A partir d'un certain âge, si on vous donne 10 ans de moins, un conseil : prenez-les !.

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