
Peter Brötzmann, Maâlem Moukhtar Gania, Hamid Drake – The Catch Of A Ghost (2020)
Voici l’avant-dernier enregistrement de Peter Brötzmann, il date de mai 2019, soit un mois avant « Memories Of A Tunicate » enregistré au mois de juin de la même année. Il a soixante-dix-huit ans et il est toujours vaillant, solide comme un chêne, il souffle encore et encore, avec toujours la même colère, je parle peu de Brötzmann mais je l’ai beaucoup écouté, même si ça reste presque marginal au regard de sa discographie, très étoffée, avec des enregistrements de concerts qui sortent à intervalles réguliers, beaucoup d’anciennes et mémorables performances.
Il s’était exprimé il y a bien longtemps à propos de cette puissance qu’il développait en jouant, il l’expliquait comme étant l’expression d’une angoisse et d’une colère qui l’habitait, suite au passé de son pays, pensant particulièrement à la deuxième guerre mondiale, à la culpabilité que la génération précédente avait transmise, mais il pensait également à son père, à sa vie et à ses actions.
Il a pu évoquer aussi d’autres raisons moins personnelles, d’un autre ordre, artistique. Mais ça n’a pas d’importance, cet homme est un roc hypersensible. D’ailleurs il est intéressant de regarder attentivement ses pochettes d’albums, pas celle-ci car elle fait exception, il ne l’a pas signée. Son art est brut et primitif, mais aussi essentiel, tribal, très expressif, on lit son âme à travers elles, elles sont répertoriées sur « Graphic Works 1969-2016 » chez Wolke Verlagsges. Il existe même un autre volume, mais je ne l’ai pas encore consulté.
Que dire de cet album ? C’est vraiment un magnifique enregistrement, de ceux que j’aime par-dessus tout. Une longue suite pour démarrer, trente-trois minutes de folie, puis trois pièces de onze à quatorze minutes. Peter Brötzmann joue du sax ténor ou du tárogató, cet instrument d'origine hongroise, entre saxophone et clarinette.
Maâlem Moukhtar Gania joue du guembri et chante, représentant de la musique gnaoua, frère du Maâlem Mahmoud Gania qui jouait autrefois avec Peter Brötzmann et qui est décédé. Le guembri est cette guitare basse africaine un peu rustique, qui envoûte et participe à la transe qui ne manque pas de s’emparer des esprits de certains parmi le public, pour peu qu’on lâche le contrôle et qu’on se laisse « habiter » par les esprits-amis.
Hamid Drake, le fabuleux batteur est là lui aussi, une belle âme, le sourire toujours bienveillant et les rythmes jusqu’au bout des doigts, les grooves malins, impeccables, il se construit lui aussi, au fil des albums un statut de géant.
Trois continents réunis ici, au « Teatro San Leonardo » de Bologne, en Italie.
Quel album ! Les applaudissements après les pièces sont restitués, ce qui permet d’évaluer l’enthousiasme exceptionnel du public ce soir-là…

The Catch of a Ghost
Almost with the Sun
Sound That Shimmers
Dip and Dive