J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

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Douglas
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 13 juin 2022 11:20

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Chet Baker Trio – Live In Paris: The Radio France Recordings 1983-1984 (2022)

Voici des concerts inédits de Chet Baker. Ces quelques mots ne sont pas rien, promesse de moments magiques. Chet, je l’ai vu une fois au New Morning, le plus beau concert de ma vie, entre recueillement et prière aux esprits du jazz. Alors qu’il était au « Midem » et que les gens discutaient devant leur assiette tandis qu’il jouait, Chet s’arrêta et leur parla du New Morning, où disait-il, on entendait une mouche voler, ce passage est enregistré sur une vidéo, « Let's Get Lost » il me semble.

Je vous raconterai ça une autre fois, je suis retourné le voir quelques mois plus tard, toujours au « New Morning », mais ce soir-là seulement quelques notes sortirent du son de sa trompette, et il s’en alla, c’était environ un an avant qu’il ne s’en aille, mais cette fois-ci pour toujours, là-haut, parti avec les anges, faire la nouba et jouer sa musique, les anges ne sont pas près de s’en remettre, car ils n’ont sans doute jamais entendu ça !

Ici nous sommes quelques années plus tôt, le premier concert se déroule à l’Esplanade de la Défense, le dix-sept juin 1983. J’ai connu ce lieu, quelques années plus tard, une estrade avec des chaises alignées devant, et les gens pouvaient s’installer gratuitement, j’y passais le temps que je pouvais, devant satisfaire avant tout aux exigences du boulot.

C’est ce bon André Francis, qui œuvre pour Radio France, qui s’occupe de l’enregistrement. C’est un peu le pape du jazz à l’époque, il avait la main mise sur une grande partie des diffusions d’alors, un homme difficilement contournable. Bien lui en a pris d’enregistrer tout ça.

Bien que versé dans le jazz bop et la musique assez conservatrice, il a eu cependant l’intelligence de ne pas se fermer aux musiques nouvelles et de les diffuser, certes en les accompagnant d’un petit commentaire qui révélait sa façon de penser, mais au moins n’imposait-il pas ses choix, c’est la raison pour laquelle j’avais une grande estime pour lui, malgré ces goûts qui nous séparaient, bien que j’écoutasse alors également le bon vieux jazz à papa avec une sincère délectation. D’ailleurs doit-on parler du jazz ou des jazz ?

Chet est entouré du fidèle Michel Graillier au piano, ces deux-là se devinaient, le même goût du détail, de la perfection, Dominique Lemerle était à la basse. Quatre standards, « There Will Be Another You », « Easy Living », « But Not For Me », ces trois-là tournent autour du quart d’heure, et le dernier « Stella By starlight » s’arrête avant les neuf minutes.

Des versions longues, qui s’étalent et prennent leur temps, chacun s’exprime en solo, sans contraintes autres qu’artistiques. Les standards c’est le matériau de base de Chet Baker, il les aime et les connaît sur le bout du doigt, il les joue sans jamais les réciter, car rien ne va jamais de soi, et, s’il compte, c’est sans s’en rendre compte.

Le second concert date de février quatre-vingt-quatre, dans le club du petit Opportun. Le seul changement est à la basse où le grand Riccardo Del Fra tient la barre. Le concert dépasse l’heure et demie, une partie se tient donc à la fin du premier Cd. Le club c’est là où s’écoute prioritairement le jazz, c’est sa maison, le lieu où il se trouve chez lui, dans l’environnement qui l’a vu naître, voir un concert dans un club est nécessairement un avantage, et si l’artiste est grand et en forme c’est même un privilège, certes, mais le plus souvent à la portée de toutes les bourses.

Chet fait encore dans les standards, ou bien dans les compos signées par des amis de rencontre, cette partie est plus intime, c’est celle de la nuit, avec surprises et confidences. « Lament » par exemple, signé de J.J. Johnson, est sublime, avec comme une lenteur calculée, une façon unique de jouer ce phrasé, le secret de Chet est là, dans cette façon de créer ces moments d’éternité.

Je n’ai pas lu le conséquent livret, il est en anglais et me décourage, mais les photos inédites y sont sublimes, chacune évoquant quelque chose de particulier. Chaudement recommandé, un tel pavé mérite qu’on lui accorde tout le temps qu’il faut, sans conteste du grand jazz !

Arbor Way (Live)


But Not For Me (Live)


Easy Living (Live)


Lament (Live)
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Message par Douglas » mar. 14 juin 2022 05:03

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Charles Mingus – The Lost Album From Ronnie Scott’s (2022)

Encore un gros pavé cette parution d’un concert inédit donné par l’orchestre de Charles Mingus, en août mille-neuf-cent soixante-douze, au club « Ronnie Scott’s » de Londres. Il contient environ deux heures et quart de musique réparties sur trois Cds. Du massif, avec trois titres autour des trente minutes et deux autres autour des vingt !

Ces titres ont pu être diffusés précédemment au travers d’albums pirates, les voici enfin tous regroupés, une sorte de complète, qui plus est avec une excellente définition sonore, et ça compte !

Sauf erreur de ma part, l’ensemble des musiciens réunis ici n’ont pas réalisé d’albums sous la direction de Mingus en studio, sauf individuellement à différents moments. On trouve le clarinettiste et saxophoniste ténor Bobby Jones, John Fadis à la trompette, Charles Mc Pherson au sax alto, John Foster au piano et Roy brooks à la batterie. Mingus est bien entendu à la basse.

C’est lui qui connaît les secrets pour faire bouillonner tout ça et créer cette atmosphère explosive, parfois étouffante, très addictive, qui s’empare de vous et vous embarque dans ces longues suites qui n’en finissent pas, se renouvellent sans cesse, se régénérant comme par magie et vous laisse bouche bée quand ça s’arrête, bien que ce soit pour mieux repartir encore, jusqu'à plus soif !

C’est ce qui fait tout l’intérêt des enregistrements de concert chez Mingus, pour ce qui me concerne, bien que j’adore ses albums en studio et que je les ai, pour la plupart, beaucoup écoutés, ce que je préfère ce sont ces longs concerts marathon, car on y sent toujours cette urgence phénoménale, cette cohésion toute mingusienne, à nulle autre pareil, il est le seul à réussir cela, et cet album fait partie de ceux qui parviennent à entretenir cette flamme, même s’il en est de meilleurs, comprendre avec un accompagnement encore plus énorme, des types genre Dolphy, Byard, Richmond ou Clifford Jordan.

The Man Who Never Sleeps (Live)


Fables of Faubus (Live)


Orange Was the Color of Her Dress (Then Silk Blues)


Noddin' Ya Head Blues (Live)
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Message par Douglas » mer. 15 juin 2022 03:23

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John McLaughlin – The Montreux Years (2022)

« The Montreux Years » est à la fois le titre de l’album et le nom du label qui est à l’origine du Cd. Certains se souviennent peut-être de l’album de Nina Simone, portant un nom identique dont on avait parlé sur ce fil, ce dernier avait l’avantage d’être double et de contenir un concert intégral sur un des deux Cds. Rien de tel ici, puisqu’on y trouve, sur un seul Cd, le parcours de John McLaughlin au travers de cinq concerts, donnés à intervalles parfois importants.

C’est donc à une suite de « photographies musicales » à laquelle nous sommes conviés, par bonheur c’est John Mclaughlin lui-même qui a présidé à la sélection des titres ici rassemblés, il est donc difficile de contester le choix opéré. On constatera qu’une remasterisation globale a été effectuée, le son est donc bon, par contre mon Cd contient dans sa structure un défaut visible à l’œil, une petite tache blanche anormale qui annonce probablement une longévité moindre. Il est fabriqué en Allemagne.

Ça commence de la meilleure des façons avec deux extraits de concert de l’année mille neuf cent quatre-vingt-quatre, en compagnie du Mahavishnu Orchestra avec Bill Evans au sax. « Radio Activity » ouvre l’album, très rock et incisif, comme le Mahavishnu sait faire, le second titre « Nostalgia » est plus calme et plus vaporeux avec les claviers de Mitchel Forman qui dominent.

Hélas on ne suit pas l’ordre chronologique, mais plutôt, semble-t-il, une sorte de communauté stylistique avec le titre « Acid Jazz » interprété par « John McLaughlin and The Heart Things », une formation à six musiciens qui donna un concert lors de l’année mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit, une pièce certifiée « jazz-fusion » qui met en évidence le saxophoniste Gary Thomas.

Ensuite on revient en arrière, vers l’année quatre-vingt-sept et le duo de guitaristes, McLaughlin / Paco De Lucia, deux pièces encore, mais séparées par une autre, avec une formation encore différente, cette fois-ci la légitimité artistique ne tient plus et ça devient difficile à suivre. Je note également que le groupe Shakti que j’avais pu voir à ses débuts, en concert, n’est pas passé par le festival de Montreux, ce qui est bien dommage.

Les deux pièces jouées par le duo de maîtres-guitaristes sont « David » et « Florianapolis », toutes les deux à l’heure espagnole, c’est à la fois virevoltant et virtuose, mais assez facile à suivre, des titres qui accrochent avec des thèmes aisés à retenir, propices à de splendides improvisations qui font la grandeur de ces magnifiques musiciens-improvisateurs.

Entre les deux, s’intercale donc la formation « John McLaughlin & The Free Spirits » qui interprète le standard « Sing Me Softly Of The Blues », ceci lors de l’année quatre-vingt-quinze. C’est un trio constitué par Dennis Chambers à la batterie et Joey DeFrancesco à l’orgue et à la trompette. Un blues lent qui arrive, finalement, à point nommé, mais également comme un cheveu sur la soupe. Je suis très client de ce genre de truc alors j’approuve…

Pour finir voici « El Hombre Que Sabià » avec la formation « The 4th Dimension » de la bonne zique plutôt sympa et bien jouée qui bouge un peu, on sent encore l’influence de l’Espagne et on apprécie le jeu de Ranjit Barot, très juste à la batterie. De quoi se quitter sans être fâché, avec ce titre nous sommes arrivés au concert de deux mille seize.

Reconnaissons à ce projet de n’aligner que de la très bonne musique, mais dans une suite qui manque de cohérence, ce qui n’est pas si grave. Évidemment les styles divergent également et il n’existe pas non plus de réelle continuité, le temps jouant son rôle car il est bon que la musique évolue… mais là rien à regretter c’est le projet en lui-même qui contient ce risque, en même temps qu’il en tire sa légitimité. Notons, et c’est important, qu’ici il n’y a que des versions inédites, jamais encore publiées et que la version vinyle contient un titre supplémentaire, "Friendship" par le One Truth Band.

Radio Activity (Live – Montreux Jazz Festival 1984)


Florianapolis (Live - Montreux Jazz Festival 1987)


Sing Me Softly of the Blues (Live – Montreux Jazz Festival 1995)


El Hombre Que Sabià (Live – Montreux Jazz Festival 2016)
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Message par Douglas » jeu. 16 juin 2022 02:47

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Camille Bertault & David Helbock – Playground (2022)

Après « Le Tigre » qui m’avait laissé une excellente impression, l’écoute de ce « Playground » qui est sorti récemment s’est avéré plus compliquée. L’album est le résultat d’une collaboration entre Camille, qui chante, et David Helbock, pianiste autrichien qui utilise également le live-looping, les effets et les percussions. Ça fait plusieurs fois que je m’y colle, mais sans de véritables bonnes conditions d’écoute, corrigeons cela.

Ça démarre sur une compo d’Egberto Gismonti, « Frevo », le Brésil à l’honneur donc, avec une mélodie qui monte et qui descend aussi vite, qui s’accélère jusqu’à provoquer un sentiment de grouillement et de suractivité, c’est vrai, j’avoue que je ne suis pas hyper fan du genre, mais ça permet à Camille d’exposer ses grandes qualités vocales, particulièrement ses immenses possibilités techniques.

La seconde pièce est chantée, une simple chanson donc, sentimentale et langoureuse, un peu à l’ancienne, « Good Morning Heartache » est à l’opposé du titre précédent, ce qui me va bien. « Lonely Supamen » qui enchaîne est bien foutu dans un cadre un peu bluesy. Arrive ensuite une belle interprétation d’une étude de Scriabin, pourquoi pas ?

« Aide-moi » est la première des trois compos de Camille Bertault, une belle réussite tant dans l’écriture que dans l’interprétation. Puis vient l’heure de Björk avec « New World », il y aura également une reprise de Monk un peu plus loin, « Ask Me Now », ce qui dévoile la très grande largeur d’esprit du duo, qui pioche dans une large variété de goûts qu’ils possèdent en commun. Cet éclectisme n’est pas un défaut et toutes ces pièces se côtoient très bien sur l’album.

Les compos d’Helbock, au nombre de quatre, sont chantées en anglais, jazzy comme « Lonely Supamen » déjà évoqué, ou d’inspiration romantique, comme « Das Fabelwesen », élégant et classique ou encore très enlevé sur « Never Lived ». L’humour un peu décalé est aussi à l’honneur avec « Dans ma Boîte » composé par la chanteuse, elle a écrit également le titre que je préfère ici, « Bizarre », tout en simplicité et retenue.

L’album se termine par un hommage à Hermeto Pascoal et se termine donc là où il a commencé, au Brésil…

Hormis sur deux des reprises les paroles sont de Camille Bertault, y compris sur les standards qu’elle a habillés de ses mots. Il est classé « Choc du mois » sur jazzmag, perso je reste sur « Le Tigre » qui m’avait emballé, mais vous savez les goûts et les couleurs...

Good Morning Heartache


Bizarre


Aide-Moi


Etude for Piano in Cis Minor, Op. 2 No 1
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 17 juin 2022 03:14

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Frank Lowe – The Loweski (2012)

Je sens bien qu’il me faut un petit coup de décrassage sonore, aligner des séries de Cds gorgés jusqu’à plus soif de musique, des doubles, des triples, l’ivresse guette et risque d’altérer le jugement. Pour faire un break il faut un truc bien raide, propre à nettoyer en profondeur, pour bien récurer les circonvolutions cérébrales et remettre tout à l’état neuf. Je fouille dans mes Cds, sans trop chercher il s’impose à moi, voilà, j’ai ce qu’il me faut : « The Loweski » de Frank Lowe, un de mes saxophonistes préférés.

C’est un enregistrement « post mortem », sorti en 2012. Frank est né le vingt-quatre juin mille neuf cent quarante-trois et nous a quitté le dix-neuf septembre deux mille trois. La soixantaine, et, à l’exact moitié de sa vie il a sorti le magnifique « Black Beings », le premier sous son nom, putain d’album !

Et voilà qu’en fouillant dans les tiroirs les gars d’ESP retrouvent ces bandes, non publiées à l’époque, et les sortent sous le nom de « The Loweski » en deux mille douze, j’ai écouté ça de suite et depuis je les utilise en cas de besoin et d’urgence, un bon Ayler des familles aurait pu faire l’affaire, mais celui-ci est mon premier choix !

Frank est au ténor, Joseph Jarman, oui celui de l’Art Ensemble Of Chicago, est au sax également mais soprano et alto. En fait il y a débat là-dessus tout le monde n’est pas d’accord, mais rien de grave, hein ? Du coup je me fie aux notes de pochettes. Raymond Lee Cheng, nommé The Wizard sur « Black Beings » est au violon, c’est le seul album auquel il a participé, pas mal du coup ! William Parker est à la basse, je ne vous présente pas, et Rashid Sinan à la batterie, qui serait, peut-être, tout simplement Rashied Ali. Il faut dire qu’en cette période ça circule énormément dans les lofts, dont celui d’Ornette Coleman et de Sam Rivers que fréquentaient ces gars-là.

Cinq pièces, un peu plus de trente-sept minutes de musique, mais essayez, ça passe tellement vite qu’il ne m’a jamais paru dépasser la demi-heure, c’est effarant comme il file à toute allure ! Cet opus n’est qu’une longue pièce dont le nom est celui de l’album, suivi de Pt.1 jusqu’à Pt.5.

C’est Frank qui ouvre, au ténor, solo qu’il pousse jusqu’au cri, puis joue dans les aigus de l’instrument, la partie deux commence avec l’arrivée de la rythmique et là tout éclate. Les saxophones à gauche hurlent, le violon de Lee Cheng, la basse de Parker et la batterie du supposé Ali se déchaînent côté droit, c’est viscéral, furieux, désespéré et tendu jusqu’à l’extrême.

Les deux souffleurs semblent se faire face et enchevêtrer leur souffle en un conglomérat incertain, qui va lentement se distendre, avant de se reformer pour ne plus se quitter, le cri de l’un supplantant celui de l’autre et inversement. Tandis que, côté droit, la même furie opère, c’est ici le premier enregistrement de William Parker, imaginez cette première expérience au milieu de ces montres, sa basse est très audible néanmoins, elle se distingue de ce violon fou-fou joué par un musicien dont le nom n’est peut-être qu’un pseudo, qui sait ?

Amoureux et fidèles du free, celui-ci, il vous le faut !

The Loweski (Part I)


The Loweski (Part II)


The Loweski (Part III)


The Loweski (Part IV)


The Loweski (Part V)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 18 juin 2022 04:06

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Sonny Simmons – Ancient Ritual (1994)

Au début des années quatre-vingt-dix Sonny Simmons est au fond du trou, devenu joueur de rue à San Francisco, il est quasiment sans abri et fait la manche pour gagner de quoi survivre jusqu’au lendemain. On se souvient peut-être de la pochette de « Réincarnation », qui témoigne de ces moments-là. Pourtant Sonny va rebondir et enregistrer les sept et huit décembre 1992 cet « Ancient Ritual » qui sortira en 1994 !

Nous sommes à l’époque du Cd et l’album est rempli à raz-bord de musique, l’enregistrement s’est déroulé au « Hyde Street Studios » pour « Qwest Records », le label de Quincy Jones. Sonny est accompagné par le bassiste Charnett Moffett et son propre fils, Zarak Simmons à la batterie. C’est le début du redressement, il va connaître à nouveau les enregistrements d’albums qui vont redémarrer et les concerts et même les tournées en Europe.

Sonny se partage comme à l’habitude entre le saxophone alto qu’il utilise de façon dominante et le cor anglais (hautbois), son premier instrument d’étude, où il excelle. Est-ce la dureté des temps où la nécessité de faire face à l’adversité, mais l’inclination artistique s’oriente ici vers un post-bop parfaitement maîtrisé et même extrêmement véloce, comme si Sonny voulait affirmer au monde son immense bagage technique.

Le désir de bien faire est grand et l’album pour ainsi dire parfait, car si la technique est impressionnante, réduite à ce seul aspect la musique ne serait qu’un plat froid sans saveur, mais elle est gorgée de l’âme débordante de l’homme qui a su gravir le chemin le plus ardu, luttant face à l’adversité qui se dresse et creuse encore et encore la pente.

Le répertoire est entièrement nouveau et signé du saxophoniste, les pièces sont très réussies, on remarque « Réincarnation » le premier titre de l’album dont le nom symbolise la renaissance de Sonny. Il y a également « Theme For Linda », « Country Parson » qui est dédicacé à son père, prédicateur baptiste itinérant, pratiquant le vaudou et le « country gospel ».

Le morceau titre « Ancient Ritual » est également remarquable, évoquant une danse rituelle dont le but était l’élévation de l’âme, vraiment très beau et très énergisant, « Sundown In Egypt » qui clôt l’album est également magnifique, interprété au cor anglais, exotique et lancinant.

On remarquera l’énergie exceptionnelle qui habite cet album, du début à la fin, alimentée par un homme debout, fièrement dressé. On se souviendra que Sonny Simmons, nous a quittés le 6 avril 2021, après avoir connu une route longue et rude, nous laissant en héritage à tous, des nuées de pépites qu’il nous reste encore à découvrir…

Reincarnation (2006 Remaster)


Ancient Ritual (2006 Remaster)


Sundown in Egypt (2006 Remaster)


The Other East (2006 Remaster)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 18 juin 2022 19:41

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Kahil El'Zabar Ritual Trio – Renaissance Of The Resistance (1994)

La particularité de cet album du « Kahil El'Zabar Ritual Trio » cuvée quatre-vingt-quatorze, est d’être en… trio ! En effet Kahil est toujours prompte à proposer à un invité de venir s’ajouter au trio qu’en fait il y a très très peu d’albums où on n’entend que la formation à trois, deux seulement me semble-t-il. Parmi la liste d’invités occasionnels on trouve David Murray, Archie Shepp, Lester Bowie, Pharoah Sanders, Billy Bang, Dwight Trible et d’autres encore, et je ne parle pas de l’Ethnic Heritage Ensemble, ce qui ne ferait que rajouter de la complexité à l’ensemble.

Ce magnifique trio est ainsi constitué, Kahil El'Zabar à la batterie, aux percussions et au piano à pouces, il est également l’auteur des compositions. Le célèbre Malachi Favors est à la basse et Ari Brown joue des saxophones. Du coup le trio est à l’os, chacun dans la plénitude de sa fonction, si ça ne change pas trop pour Kahil et Malachi il en est tout autrement pour Ari Brown qui partage abondamment les solos dans les configurations où il y a des invités, cet album est aussi l’heure de gloire d’Ari Brown, là où l’on voit qu’il est un saxophoniste de très grand talent, on s’en doutait, mais ici ça éclate avec force.

On retrouve, en premier, ce qui fait la spécificité de cette formation, ce « groove » à nul autre pareil. Ça éclate particulièrement sur la troisième pièce, fondatrice à bien des égards, « Renaissance Of The Resistance » ! Pas besoin d’une cohorte de percussionnistes pour arriver au but, Kahil y arrive sans mal, avec les sons justes, une basse hypnotique, répétitive, le piano à pouces, des percus minimalistes, lancinantes, répétitives également. Ari Brown se greffe sur ce schéma peu évolutif et construit son thème, le développe tranquillement en s’appuyant sur chacune des pulsions rythmiques, ensuite Ari s’envole et s’échappe en voltiges aériennes, du grand art, tout en simplicité, avec juste l’essentiel, toute la magie du « Kahil El'Zabar Ritual Trio » est là.

Juste avant il y a eu « Ornette », seconde pièce, comme à l’habitude Kahil vous déniche un groove d’enfer, hyper simple mais essentiel, avec le feu qui couve, Malachi s’en saisit et développe une ligne de basse répétitive qui vous embarque et, petit à petit, presque subrepticement, Kahil tourne autour avec ses tambours, comme un sorcier qui agite ses fétiches en circulant autour du feu. Ari développe à son tour un air qui se veut répétitif et mystérieux, ainsi, petit à petit la pièce perd de sa force, puis s’évanouit.

Il faut bien un hommage à Coltrane alors il arrive en quatre, « Trane In Mind », qui fait écho à « Sweet Meat » qui a ouvert l’album sur une transe Coltranienne, ce truc est d’enfer, le retour du piano à pouces, ce morceau de bois auxquelles sont fixées des lamelles métalliques, qui dialogue avec la basse, centrale et puissante, toujours hypnotique, toujours répétitive, réglée à la milliseconde, et Ari qui développe son thème au soprano, une plainte, qui raconte sa peine avant aussi de s’évanouir dans le lointain.

C’est en cela que cet album est spécifique et fondamental, il livre les clefs et vous bouscule avec des moyens un rien basiques, la démonstration est faite avec force, avec très peu on peut faire beaucoup, si l’on touche au bon endroit. Le « groove » peut s’installer avec une très grande force en utilisant très peu de moyen.

Sur « Golden Sea » qui suit Kahil retrouve sa batterie et du coup l’impression de retourner à un état de « normalité » s’impose, un équilibre habituel fait place à la magie des petites objets bricolés dans un coin, c’est d’ailleurs l’occasion pour la section rythmique de s’épancher vers de magnifiques solos.

Avant de nous quitter, n’oublions pas tout le savoir-faire accumulé qu’il faut à de tels musiciens, pour accéder à une telle simplicité et nous émouvoir au plus profond.

Ornette


Renaissance Of The Resistance / Kahil El'Zabar's Ritual Trio


Sweet Meat


Trane in Mind
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par nunu » sam. 18 juin 2022 20:25

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Emily Remler-This is Me (1990)

Emily Remler nous a laissé assez peu de traces discographique comparé aux standards du genre, seulement 7 albums en leader ou co leader et assez epu en sidewoman. le fait qu'elle nous ait quitté a 32 ans y a contribué. Ce disque est donc le dernier qu'elle ait fait, il est sorti en 90 l'anné ou elle nous a quitté. Plus ambitieux que ces albums précédents, c'est la première fois qu'elle mettait un coté fusion dans ces albums, elle qui avait plus l'habitude de jouer du hard bop, il y a 14 musiciens qui jouent sur l'album (pas tous en même temps). C'est pas son meilleur album mais il est quand même tres bon et augurait je pense un changement de direction dans sa musique

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 19 juin 2022 20:48

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John Zorn – Masada – Alef (1994)

Restons dans l’année mille neuf cent quatre-vingt-quatorze avec cet autre totem. Voici le groupe Masada dans sa conception acoustique, un quartet de feu qui laissa derrière lui dix albums enregistrés en studios, celui-ci est le premier, le dernier de cette série du « Masada Songbook » sortira en quatre-vingt-dix-huit. Quelques « Live » suivront pour que vive la légende.

Que des numéros « un » à chaque poste, John Zorn compose et joue du saxophone alto, c’est un musicien exceptionnel, dommage qu’il laissera trop souvent cette qualité dans sa poche pour ne se consacrer qu’à la composition, il faut dire qu’être surdoué oblige parfois à des choix. Le fait qu’il soit musicien et soliste à part entière ne fait que rajouter à l’attractivité de la formation Masada.

Dave Douglas joue de la trompette, on connaît la qualité de ce grand musicien, précisément c’est ce qui a présidé à ce choix, et on en prend plein les oreilles au fil des albums. Justesse et précision sont les maîtres-mots ici mais, au-delà de la technique, qui est immense, c’est l’engagement du musicien en entier dans le projet qui interpelle, l’âme ici déborde.

Il y a également Greg Cohen à la basse, il suffit de consacrer un peu d’attention à son jeu pour comprendre son rôle central, la subtilité du son dans les détails, ce petit plus qui s’ajoute à chaque fois, une façon de magnifier le son. Mais c’est le grand Joey Baron qui surprend le plus sur cet album, cette façon de s’impliquer dans cette musique, d’en devenir parfois leader et d’orienter le jeu de façon définitive, avec autorité, peut surprendre.

Mais s’attarder sur chacun est presque une faute car c’est le quartet en entier, dans sa composition et ses rouages, qui est une machine exceptionnelle. C’est incontestablement un quartet de jazz dans toute sa dimension, on ne peut rien enlever à cette noblesse, mais il faut ajouter cette importante influence de la musique klezmer ici, ce mélange d’influences de musiques orientale et d’Europe de l’est, qui offre ce petit plus, parfumé et exotique, bien que s’y cache également les larmes d’un peuple souffrant, réunissant étroitement joie et tristesse en même temps, un message qui s’adresse directement au cœur.

Alors cet album est éblouissant, entre virtuosité assumée et diversité des styles, tantôt des ballades nostalgiques ou tristes, tantôt des airs vifs et trépidants et, parfois, un entre-deux savant, ce qui domine c’est la diversité et l’éblouissement lors des solos, ou lors de l’impro collective qui jamais ne s’égare.

La maîtrise est en effet parfaite, chaque folie est désirée mais contrôlée, c’est ce mélange unique qui fait de cette musique ce qu’elle est : l’une des plus belles, tout simplement !

Masada: Alef - Jair


John Zorn - Masada: Alef - Tahah


John Zorn - Bith Aneth


John Zorn - Masada: Alef - Tzofeh
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 20 juin 2022 03:03

Je remonte un autre album millésimé 94 qui mérite également le détour:
Douglas a écrit :
jeu. 13 mai 2021 05:28
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Jeanne Lee - Mal Waldron ‎– After Hours

Un album qui réunit deux géants, ça se passe en 1994 et ça s’appelle « After Hours », Daniel Soutif, sur le livret joint, explique que les heures dont on parle sont celles du travail et, que les heures « d’après », sont celles de la liberté, du choix, du plaisir de l’écoute par exemple…

Jeanne Lee est une merveilleuse chanteuse, elle a participé à deux albums extraordinaires, incontournables pour l’amateur de jazz, « The Newest Sound Around » en duo avec Ran Blake et « Blasé » d’Archie Shepp qu’elle illumine de sa voix sur le morceau titre. Deux classiques qui semblent ne jamais vouloir vieillir et qui vivront autant que les hommes vivent.

Mal Waldron a joué avec Charles Mingus de 54 à 56, mais, surtout, avec Billie Holiday à partir de 1957, il sera son dernier pianiste, celle-ci nous quittera en 1959. On comprend que Mal s’est formé au duo piano-chanteuse avec la plus grande et qu’en la matière il s’y connait.

Ce qui, bien souvent, signifie savoir s’effacer, rester discret, économe, juste soutenir, du bout des doigts… Un travail de gentleman, quel que soit son immense bagage, briller oui, mais sans faire d’ombre, son jeu est en appui, clairvoyant, maîtrisé, support fragile de la voix, ne garder que l’essentiel, bannir le superflu.

Les morceaux défilent, chacun est une pépite, « Caravan » de Duke, « You Go To My Head », « Goodbye Pork-Pie Hat » de Mingus, « Straight Ahead » célébré par Abbey Lincoln, « Fire waltz » de Mal Waldron et quelques autres encore. L’interprétation du duo est fantastique, de ceux que certains membres émérites du forum classent dans « Les Essentiels ».

Caravan


Goodbye Pork Pie Hat


You Go To My Head


Straight Ahead
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 20 juin 2022 05:52

Un autre...
Douglas a écrit :
lun. 22 févr. 2021 06:26
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Kip Hanrahan - Exotica (1994)

Un musicien que j’ai suivi depuis son premier album, avec une certaine assiduité, celui-ci est son sixième et on y trouve ce que j’aime chez lui, un éventail de climats très particuliers dont lui seul possède la formule.

Kip Hanrahan est percussionniste, je vous en avais déjà parlé en page 42 à propos d’un merveilleux E.P. « A Few Short Notes for the End Run », où déjà on entendait Jack Bruce qui est un collaborateur régulier de Kip, tant en tant que bassiste qu’en tant que chanteur, et comme je suis assez fan du bassiste, tout baigne !

Il y a un autre géant ici, Don Pullen, pianiste extraordinaire et hors normes, il joue de l’orgue également, l’un des seuls que l’on puisse comparer à Cecil Taylor, encore sous-estimé en France il est mieux reconnu en Italie où il se sent comme chez lui. Ceci dit avec Kip c’est plutôt le climat de New-York qui transpire, celui des minorités, ça jazz, ça funk, ça respire musique cubaine et rythmes latinos, les percus sont toutes à la fête ici, ça jubile, c’est bon et ça fait du bien !

D’ailleurs il y a aussi David Sanchez et Mario Riviera aux saxophones, le premier au ténor et le second à l’alto, ajoutez le violon d’Alfredo Triff, la guitare de Leo Nocentelli et la batterie de Robby Ameen et des invités qui s’ajoutent encore et encore et, c’est certain, ça groove méchamment, mode tape du pied et balance le haut du corps sur le bouton « on » ! Il faut dire que la section des percussions s’épaissit à l’occasion avec Ralph Peterson Jr, Anthony Carillo, Richie Flores et Milton Cardona !

Nous avons un album chaud mais atypique. Sans doute parce qu’il a fait des études d’architecture Kip Hanrahan bâtit des édifices très personnels et ne s’inspire pas des folklores, il regarde côté fenêtre et jazz, et joue des rythmes, il regarde côté jardin et devient poète avec la voix de Jack qui touche et émeut, il voit aussi côté rue, la musique populaire qui fait danser la jeunesse et éclater la joie et les rires…

C’est un peu tout cela cet album, il regarde dans plusieurs directions, et vire carrément romantique sur « As in the Red Morning » juste avant que n’arrive « The Last Song on the Album »…

Kip Hanrahan - You can tell A Guy by his Anger


Kip Hanrahan - Red Star


Kip Hanrahan - The Last Song


Jack Bruce - Kip Hanrahan- G-d is Great Imagining-New-Orleans-1992
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 20 juin 2022 11:50

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Joel Ross – The Parable Of The Poet (2022)

J’avais évoqué par ici « Who Are You ? », l’album précédent de Joel Ross, que j’avais salué, tout d’abord pour la qualité du musicien, les vibraphonistes ne sont pas nombreux, et pour la cohésion de la formation qu’il emmène. On retrouve ces mêmes caractéristiques, sur ce nouvel opus, poussées encore plus loin.

Les amateurs de vibraphone y trouveront leur compte, cependant le plus souvent Joel se fonde dans le groupe et se réserve un petit espace côté gauche, et quelques solos bien sûr, de temps en temps… C’est un album Blue Note, alors forcément il retrouve son compère, le saxophoniste vedette du label, Immanuel Wilkins, au saxophone alto, ainsi que Marquis Hill à la trompette.

Quelques autres également, un peu moins connus mais possédant un rang égal, Maria Grand au saxophone ténor, Kalia Vandever au trombone, Scan Mason au piano, Rick Rosato à la basse, Craig Weinrib à la batterie et Gabrielle Garo à la flûte sur un titre. L’exposé est long mais essentiel, car la sensation d’avoir affaire à un collectif est continuelle.

L’album possède son moment de grâce « Wail » qui concrétise une certaine promesse amorcée dans les trois titres précédents. Ces derniers sont d’une « coolitude » sans nom, absolument pas désagréable mais développant tout de même, peut-être, un sentiment de naïveté sur la beauté du monde, la joie universelle et la paix qui nous entoure.

Sans doute un truc qui a à voir avec la foi, une vision généreuse portée par l’église qui trouve une certaine consécration ici, bien que tout soit uniquement instrumental, bien entendu. « Doxology (Hope) » met d’une certaine façon tout ceci en lumière. Perso je n’ai rien contre car tout ceci est effectivement très cohérent, dans la forme et le message.

La musique est toujours très agréable, sans aucun débordement, proprette et magnifiquement exécutée, ce dernier point est indéniable. D’ailleurs l’album, me semble-t-il, peut convenir à tous les publics, une sorte de message universel.

La dernière pièce se nomme « Benediction », arrivés à ce stade on comprend que bientôt on va sortir « de la messe » et qu’il faudra quitter ces lieux emplis de Sacré. Mais il est vrai que le jazz, musique noire, a grandi grâce aux nourritures spirituelles, en cela, Joel Ross poursuit la route d’Albert Ayler, John Coltrane, Pharoah Sanders ou Charles Gayle, pour n’en citer que quelques-uns…

Joel Ross - PRAYER


WAIL


Joel Ross - DOXOLOGY (Hope)


BENEDICTION
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 21 juin 2022 01:45

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Lady Blackbird – Black Acid Soul (2021)

Apparemment cet album cartonne méchamment, pleins d’éditions et de rééditions se chevauchent. La mienne est toute simple, une réédition allemande sortie en janvier, mais qui passe bien face A et difficilement face B, ça ne dépasse pas vingt-cinq euros mais c’est tout près.

Ce n’est pas vraiment du jazz, nous sommes sur une frontière dans laquelle se sont déjà installées d’autres chanteuses, comme Nina Simone ou Amy Winehouse, entre jazz et (bonne) variété. Sur la face une ça commence par deux bons titres, tout d’abord une reprise de Nina Simone « Blackbird », prenant, comme l’original. La seconde pièce « It’s not That Easy » est également bien chouette, on y croit, mais les trois qui suivent sont plus moyennes.

Lady Blackbird chante avec une voix qui va, elle est accompagnée par Deron Johnson aux différents claviers et effets, John Flaugher à la contrebasse et Jimmy Paxson à la batterie et aux percussions, un attelage « jazz » auquel s’ajoutent quelques invités de passage, dont des membres de Trombone Shorty.

Côté B c’est plutôt bien, malgré des défauts de pressage indignes du support utilisé. Le label « Foundation Music Productions Limited/BMG » pressé par Optimal Media GmbH est donc à éviter, pour être sûr, préférez le Cd. Les trois premières pièces sont top, suivies par quelques errances dont le dernier titre qui sent le remplissage.

Je vous fais ça vite fait, quand il n’y a pas le respect du « consommateur » de musique, faut pas s’attendre non plus à des éloges, d’autant que la seconde écoute n’est pas pour demain !

Lady Blackbird - Blackbird (Official Video)


Lady Blackbird - It's Not That Easy (Official Video)


Lady Blackbird - Collage (Official Audio)


Lady Blackbird - Lost and Looking (Official Audio)


Lady Blackbird - Fix It (Duc des Lombards - Paris - April 28th 2022)
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mar. 21 juin 2022 20:07

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Quentin Rollet, Jean-Marc Foussat, Christian Rollet – Entrée Des Puys De Grêle (2018)

Voici un album qu’il est bon, original, un peu indus, ambitieux, fin, subtil, une belle œuvre…

Bien sûr il y a un côté un peu froid, mais en même temps, ça bout dedans. Musique de paradoxe qui s’élève droite, à moins qu’en fait elle ne plonge et nous emmène dans un trou, creusé par la machine, pour accéder au fond de la mine. C’est sûr l’ambiance est plutôt noire, ou sombre du moins, on y entend même des chœurs qui évoquent la présence de fantômes, on en rit, mais juste un peu, pour se rassurer, car c’est sûr, les esprits rôdent.

Des bruits curieux et inquiétants surgissent alors que nous descendons dans ces charriots, qui foncent vers le fond, lors du périple, on entend crisser les bruits des machines, ça va tenir ?

Ils sont trois, le père, le fils et le fou. Le père c’est Christian Rollet, batteur et percussionniste, il officie habituellement dans le Workshop De Lyon formation dont les racines plongent jusqu’en mille neuf cent soixante-sept. Le fils c’est Quentin, aux saxophones alto et soprano, au synthé et il prête sa voix également, c’est lui qui a créé « Bijou Records » le label qui produit l’album.

Le fou, c’est Jean-Marc Foussat, créateur génial du label « Fou Records » qui distribue l’album, c’est également lui qui joue de ce Synthi AKS dont il est un des meilleurs connaisseurs au monde, il crée des univers à lui seul, fonde, sous ses doigts, une chorale où ils sont mille, des ambiances mystérieuses, étranges et même inquiétantes…

Trois pièces ici qui forment un voyage souterrain, bien que l’on nous indique une « Entrée Par La Fenêtre » dans ce long préambule de près de onze minutes où se crée cette ambiance si particulière, quelque part en Auvergne du côté des Puys… Les trois s’y connaissent pour créer un sentiment d’insécurité face à une immensité inconnue, froide et probablement hostile et inconfortable.

La seconde pièce constitue le cœur de l’œuvre « Au Fond Des Puys », une demi-heure d’un voyage sonore extraordinaire où la magie des sons opère à tous niveaux, chacun des trois ajoute sa pierre à l’édifice commun, où plutôt au gouffre collectif, c’est comme on veut. La volonté est exploratrice et ce voyage est unique et fabuleux, nous prenant par la main comme lorsque nous étions enfants, pour un peu se faire peur et surtout participer à ce voyage vers le profond, en nous-mêmes.

La dernière pièce est la plus courte, elle se présente comme une conclusion à ce périple, la magie des trois opère, le saxophone qui explore, les voix qui nous entourent et l’énergie des rythmes qui nous pousse ou nous englue, tout s’agite et accélère, comme dans un tourbillon, à moins qu’une issue se présente ?

Une œuvre unique, puissante et évocatrice…

Quentin Rollet / Jean-Marc Foussat / Christian Rollet - "Roulement de grêle"


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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » mer. 22 juin 2022 10:41

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Joshua Redman – Joshua Redman (1993)

Voici le tout premier album de la part du fils de Dewey Redman. Ce dernier s’inscrivait volontiers dans le jazz le plus moderne, aux côtés d’Ornette Coleman particulièrement, mais aussi de Keith Jarrett. Je ne sais si c’est en réaction, mais son fils est moins aventureux, beaucoup plus classique, passant du néo-bop au post-bop, avec beaucoup d’élégance et de savoir-faire, il n’y a franchement rien à redire, cet album témoigne parfaitement de ce parti pris.

Il faut dire que c’est le son de l’époque, les choses changent, et si l’on veut bien vivre de son art, et il n’y a rien à redire à cela, c’est le choix qu’il vaut mieux faire pour peu que la fièvre créatrice ne titille pas trop le musicien. Nous voici donc face à un album avec une magnifique pochette et une musique pas si éloignée du bop traditionnel.

Joshua est un remarquable saxophoniste, instrument dont il a commencé à travailler alors qu’il était adolescent, presque trop tard pourrait-on dire, mais il est néanmoins devenu un excellent musicien, bénéficiant probablement de bons conseils dans son environnement proche.

Il est à la tête d’un quartet classique, lui au ténor, Kevin Hays au piano, Christian McBride à la basse et Gregory Hutchinson à la batterie. Il écrit six compos ici et interprète cinq reprises, dont « Trinkle Tinkle » de Thelonious Monk repris en trio, « I Got You (I Feel Good) de James Brown, « Salt Peanuts » de Dizzy Gillespie et le standard sanctifié par Coleman Hawkins, « Body And Soul » qu’il joue live avec un orchestre différent. Il reprend également « On The Sunny Side Of The Street ». On le constate, du be-bop pur et dur et des classiques indémodables.

Le répertoire est parfait pour un premier album, dans le créneau choisi par notre saxophoniste. Faire la preuve de son orthodoxie et de sa grande compétence musicale, il y parvient parfaitement bien et l’album est très agréable à écouter, son seul défaut est peut-être d’être un peu « bateau », sans grande originalité, car dans ce registre tout a déjà été dit par les plus grands.

L’épreuve du « Body And Soul » est toutefois révélatrice d’une certaine personnalité, il ne cherche pas à s’inscrire dans un gros son velu, style Hawkins, mais plutôt à transformer la mélodie par d’infimes touches, audibles et personnelles. Le phrasé notamment est différent, ne mettant pas les accents aux mêmes endroits que la version de référence, on touche un peu, mais on ne bouleverse rien…

La reprise d’un titre « soul » comme celui de James Brown est révélateur également de sa démarche, il veut plaire au public et lui donner ce qu’il aime entendre, au fil des albums qui suivront il n’hésitera pas à interpréter des titres pop, classique, ou à incorporer de l’électro quand le vent le portera. Le dernier titre « Sublimation », échappe un peu au sort commun de cet album, car il baigne dans une ambiance héritée de l’influence Coltranienne, ce sera mon « coup de cœur » ici.

On se souvient peut-être que je vous avais parlé, il y a un certain temps, de l’album de deux mille neuf, « Compass » qui est sans doute encore meilleur que celui-ci, bien que ce premier essai soit très honorable, hissé plus haut sur sa fin.

Body & Soul


I Got You (I Feel Good)


Sublimation


Blues on Sunday
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » jeu. 23 juin 2022 04:16

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Ghédalia Tazartès – Quoi Qu'il En Soit (2021)

Quand vous dénichez le Cd vous pouvez lire : « Cd Offert », ainsi, croyant avoir acheté un Cd me voilà tout déconfit, mais la ligne en-dessous explique tout : « ne peut être vendu séparément du livre ». Ah ! Je comprends mieux, et je me dis « Oh ! en voilà une curiosité ! » Et ça tombe bien parce que, justement, le livre en question s’intéresse au « Cabinet de Curiosités » de Ghédalia Tazartès.

Tout se passe dans son atelier, dans les coins et recoins, sur les meubles ou sur les rebords des fenêtres, accrochés au plafond ou simplement installés sur le sol, tout autour du centre de la pièce où la circulation reste possible, s’étalent où siègent des tas d’objets bizarres et étranges, assemblés ou collés, en pièces détachées, cassés ou entier, formant un monde étrange et unique, un musée bizarre constitué de pièces venant de partout, puces, vide-greniers ou brocantes.

La mise en scène est organisée, pour ce faire tout est possible, aquarium, colle, vitrines, cage à oiseaux. Ainsi naissent de nouveaux objets dont la fonction est de titiller l’œil, l’esprit et l’intelligence, d’entrer dans ce « cabinet de curiosités », photographié et mis en image sur le livre attenant, quarante et une photos possédant chacune une légende, celle de la couverture se nomme « La tête de Saint Jean Baptiste ».

Côté musique nous sommes face à un trio enregistré à l’Eglise Saint-Merry de Paris, en mai deux mille dix-neuf. Une photo laisse voir l’installation des musiciens, les trois sont debout, Ghédalia est face à une petite table sur laques est posé un bol tibétain et quelques cloches, de temps en temps il chante ou vocalise dans le micro face à lui.

Jérôme Lorichon est situé à droite de Ghédalia, lui aussi est face à une table où est posé un synthétiseur Buchla relié à des effets. Quentin Rollet est côté gauche, il joue des saxophones alto et sopranino. Les musiciens sont au centre de l’église avec des chaises pour les spectateurs à l’avant et à l’arrière. Une seule pièce au menu, « La Chute De l’Ange » d’un peu plus de trente-cinq minutes. C’est court mais c’est gratuit.

C’est très mystique, probablement improvisé, il est difficile de parler de souffle épique car tout semble plutôt dans la retenue, ce n’est pas comparable avec l’album des Rollet et Foussat cité plus haut, face à un projet beaucoup plus ambitieux.

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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » ven. 24 juin 2022 01:57

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Andrew Lamb – Portrait In The Mist (1995)

Voici un album enregistré par un saxophoniste ténor peu connu, sur un label un peu mythique, « Delmark Records ». Il est réputé être le plus ancien label de musique indépendante consacré au blues et au jazz. Il a été créé par Bob Koester en 1958 à Chicago. A partir des années 1970 il se consacre beaucoup au free jazz et enregistre l’Art Ensemble de Chicago et les groupes issus de l’AACM. Je ne cite pas les noms des musiciens enregistrés, il y en aurait trop, mais il m’arrive, comme ici, d’acheter un Cd uniquement sur le nom du label, c’est ça la foi...

Pour tout vous dire, il y a peu de risque d’être déçu, car la politique de Delmark, c’est celle du coup de cœur, et quand l’élan est artistique et spontané, il est rare qu’il y ait erreur. Après, ça marche ou ça ne marche pas, c’est souvent affaire de chance.

Andrew Lamb est un musicien plutôt mélodique, ayant une grande expressivité, qu’on ne peut classer free, il revendique des influences bop comme celle de Charlie Parker, de Sonny Rollins ou de Dexter Gordon, mais aussi plus modernes comme celle de Shepp, Marion Brown, John Coltrane et Albert Ayler, on le voit le spectre est large.

Une des caractéristiques de son quartet c’est l’absence de piano, ainsi on trouve un vibraphoniste, Warren Smith, un bassiste, Wilbur Morris et un batteur, Andrei Strobert. Des musiciens très réputés, sauf le batteur, moins connu. Les glissements free ne sont pas absents de son jeu, mais ils n’arrivent qu’opportunément, jamais comme un principe mis en avant, mais comme la conséquence d’un développement ou la dernière phase d’un solo particulièrement trippant, comme sur « Light Of The Whirling Dervish ».

Il aime citer ces propos de Charlie Parker « Si tu ne le vis pas, ça ne sortira pas de ton sax », et nul doute qu’il a su charmer ses auditeurs avec la magnifique ballade « Bohemian Love Affair », très aérienne, avec un sax très volatile et aérien, posé sur les sonorités veloutés du vibraphone, qui tricote des nuages vaporeux…

Toutes les compos sont du leader et toutes sont belles et personnelles, même si on y découvre parfois une sorte de filiation, comme sur « Portrait In The Mist » où l’ombre de Trane se profile comme un modèle, dans la structure de la pièce plus que dans l’interprétation. Il faut reconnaître également que, pendant cette période, l’influence du géant était très prégnante, et qu’il y en a peu qui s’en détachait, ou souhaitait même le faire.

Sans aucun doute on peut classer cet album dans la catégorie de la spiritual music, ce qui ne devrait fâcher personne, on y retrouve la flamme allumée par les grands prédécesseurs, pourtant la musique d’Andrew reste authentique et personnelle, son timbre est même presque « cool », et semble creuser jusqu’à Lester Young. Cette distinction est remarquable, qu’elle se conjugue en outre avec l’excellent jeu de Warren Smith au vibraphone crée ici une originalité très notable.

Light of the Whirling Dervish


Negretta Mia


Bohemian Love Affair


Portrait In The Mist
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » sam. 25 juin 2022 03:20

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William Hooker Ensemble – The Firmament / Fury (1994)

Bien que sorti sur Silkheart, le label suédois, en mille neuf cent quatre-vingt-quatorze, l’album a été enregistré bien avant, en avril quatre-vingt-neuf, aux « Sound on Sound Recording Studios », à New-York, il contient une heure de bonne musique dont je me régale bien ces temps derniers, William Hooker est en effet un batteur assez exceptionnel, très dense, qui donne beaucoup, et ce dès le premier titre « For The Spirit of… » où il régale vraiment.

Les musiciens ne jouent pas tous sur les pièces, mais alternativement, Claude Lawrence joue du sax alto, remplacé par Charles Compo au ténor et soprano, Masahiko Kono est au trombone et le très excellent Donald Miller à la guitare électrique. On le voit ça évolue du duo au quartet, sans basse, ce qui explique peut-être le côté volubile et très enveloppant de William Hooker qui se montre très prolixe, quelque part c’est une curiosité à entendre.

Donald Miller est également le guitariste du groupe Borbetomagus, qui oscille entre free et musique expérimentale, il ne joue que sur deux pièces, « Pralaya » et « Radiance », je dois dire que ce sont mes deux préférées, deux morceaux qui s’étalent et durent, à la fois lancinants, ce qui est une constante sur l’album, mais également électrisés par cette guitare flamboyante qui apporte une belle énergie.

Les autres pièces se mènent souvent en trio avec le trombone et le sax qui s’étirent au-dessus du tapis rythmique fourni par le seul Hooker qui fait une démonstration, comme sur « Lustre » par exemple, ou plus encore sur « Evolve, Partone » où il joue carrément en solo, nous renvoyant aux fameux solos de batterie d’autrefois, indispensables pauses aménagées pour les autres musiciens qui se rafraîchissaient dans les coulisses…

L’album a cependant du mal à s’extraire de l’absence de basse, on ressent parfois un certain manque de tonicité qui apparaît de temps en temps, sur la durée, car il est assez long, une bonne heure au total.

Les amateurs de batterie consacreront ce disque, les autres risquent d’y trouver de temps en temps un manque de magnétisme…

Prayala


Radiance


For the Spirit of Earth / Cosmic


Lustre
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » dim. 26 juin 2022 02:43

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Ches Smith – Interpret It Well (2022)

On reste dans les albums de batteur, mais cette fois-ci le registre est très différent. On connaît Ches Smith pour son appartenance au Marc Ribot's Ceramic Dog ainsi que pour ses participations à des albums de Mary Halvorson ainsi que pour la multitude de projets auxquels il a prêté la main, mais on ne l’attendait pas forcément en leader dans un tel environnement.

Le voici en tant que batteur, vibraphoniste, auteur et musicien invitant dans un projet de musique très « ouverte », en compagnie de fabuleux partenaires, Craig Taborn au piano, Mat Maneri à l’alto, pas au saxophone mais dans la famille des violons et Bill Frisell à la guitare. Bon, on est là face à quatre phénomènes, des improvisateurs émérites tous doués d’une énorme capacité d’écoute, ça en impose d’emblée.

Dès « Interpret It Well » la seconde pièce de l’album qui frôle les quatorze minutes ça jette, on comprend bien qu’il existe un canevas, une ligne suivie, mais ce qui s’impose avec intensité c’est la force des improvisations, après un départ hasardeux, un peu en errance, une force s’esquisse puis se dessine et emporte l’adhésion, dès que Bill Frisell contribue follement, de façon décisive.

Ces trajets labyrinthiques se retrouvent dans le titre suivant, « Mixed Metaphor » où les dialogues s’instruisent, entre vibraphone et piano par exemple, ou encore en y incorporant le silence qui joue avec le piano, l’alto et le vibraphone, célébrant un minimalisme qui préside dans l’espace introductif, avant qu’un rythme n'arrive vers l'avant et aspire l’habileté des solistes qui se conjuguent. Ainsi surgit de cette incertitude un motif puissant et dynamique, qui permet aux solistes d’exprimer leur singularité, Maneri et son alto tout d’abord, puis Taborn au piano.

L’absence de basse est encore une caractéristique ici, c’est à Ches Smith de palier, pourtant il préfère laisser l’air et l’espace vibrer sous les frémissements des cordes, alto et guitare se déploient de façon minimale, quelques notes de pianos se glissent, à ce schéma de départ succèdent piano et vibraphone ou guitare, plus rarement. Ces moments sont cruciaux et très suggestifs, presque sensuels, bien qu’ils soient sans thème, faits de presque rien, comme sur « Morbid » par exemple.

On le comprend ou on l’imagine, il y a peu de solide ici, l’immatériel, le volatile et l’éther sont de sortie. Plutôt que dire on suggère, et plutôt que faire, on esquisse. Libre est la musique et son chant s’envole, les rêves doucement prennent forment et s’évaporent presque aussi vite. On cherche Frisell qui arrive par éclipse, avec du juste, de l’essentiel, puis s’en va.

Ainsi s’écoule ce magnifique album qui reprendra bien vite le chemin de la platine. A noter, un Poster inclus avec l’œuvre de Raymond Pettibon dont une partie fait la pochette.

Interpret It Well


Mixed Metaphor


Morbid


Deppart
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Re: J A Z Z et musiques improvisées - C'est ici qu'on en parle

Message par Douglas » lun. 27 juin 2022 03:59

Un petit retour avec lien renouvelé:
Douglas a écrit :
mer. 15 juil. 2020 05:04
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A l’occasion du jeu « de similitude en similitude » cet album s’est invité, il faut dire que la pochette est assez particulière, ce portrait en gros plan d’un visage en noir et blanc fait apparaître un personnage au regard limite inquiétant. Pourtant la musique est aux antipodes de cette impression assez saisissante. Gageons que cette combinaison n’est pas pour rien dans la réputation de cet album très recherché.

Il n’est pas trop facile à trouver, paru en 1979, le tirage original sur vinyle n’est que de cinq cents exemplaires, ce qui en explique la rareté. Il est donc souvent proposé hors de prix, ma chance c’est de l’avoir acquis à temps, heureusement il existe une réédition CD, donc tout va bien ! Pour les fans du vinyle il existe également une version pirate tirée à 250 exemplaires interdite à la vente sur Discogs mais que l’on peut trouver chez Soundohm, marchand italien aux délais parfois très longs. Par contre je ne connais pas la qualité du pressage.

Al Basim, ou plutôt Basim Al-Hashimi, est un guitariste Irakien né à Bagdad. Arrivé aux Etats-Unis il a enregistré cet album, il y partage la vedette avec le flûtiste David Reskin, le batteur se nomme Phil Canter et le bassiste John Starrett. C'est un mix de musique orientale, de folk-prog et d'impro jazz. Du « folk-jazz » en quelque sortes. La musique est très enlevée, on plonge dans des jams aux accents psychédéliques vraiment sympa, ce qui explique que l'album soit recherché. Les extraits du tube permettent de se faire une idée précise.

Curieusement (j’ai envie de dire « inexplicablement ») sur la pochette, côté verso on peut lire quelques maximes traduites en français :
"La perfection n'est pas possible pour l'être humain, mais la voie à la perfection est une voie humaine" Ainsi que "La qualité humaine surpasse toute autre chose." Toujours dans ce mouvement francophile Il y a également deux titres écrits dans la langue de Molière: "Poitiers" et "Souvenir." Je n'en sais pas plus sur les rapports entre Al Basim et la France, mais il rejoindra notre pays après son étape états-unienne. C’est ainsi, dit-on, qu’il côtoiera les Gypsy Kings !

Al Basim "One Camel In Alaska"


Al Basim - Poitiers


Al Basim - Souvenir


Al Basim - Open Space
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