Je n’avais pas encore vu le sujet très intéressant. C’est la première fois que l’on peut s’exprimer sur ce sujet. Je pensais qu’à part le raconter un jour à mes futurs petits enfants, ça ne pouvait pas intéresser grand monde. J’ai lu tous vos textes et je suis content d’avoir découvert vos parcours et je vais essayer de vous conter le mien : Mes parents n’écoutaient pas de musique à part de temps en temps de l’accordéon, du musette et de l’opérette quand mon père sortait l’électrophone le dimanche après-midi. Ma mère écoutait le dimanche à RTL les ″stop ou encore″ pour lesquels j’éprouvais la plus grande répulsion. Je sentais qu’il y avait un autre monde à découvrir et je l’ai trouvé grâce à mon frère aîné. Il bricolait l’électronique et s’était fabriqué un amplificateur qu’il expérimentait dans sa chambre. Dans notre chambre devrais je dire car nous étions 10 enfants et donc plusieurs dans chacune pour dormir. A cette époque, pas question d’occuper cet espace la journée, qui est devenu un refuge pour les adolescents actuels. Une chambre, c’est fait pour dormir, disait ma mère !!! Déjà là on ne se comprenait plus. J’ai eu le grand privilège d’y passer mes journées car ayant un caractère très rebelle, révolté et difficile, mes parents se sont vite aperçus, pour mon plus grand bonheur (l’ont-ils jamais su ?), qu’il valait mieux m’isoler du reste du troupeau que je risquais de perturber. La découverte de la musique m’a permis de passer le cap très difficile de l’adolescence, du rejet de tout ordre établi, du monde de mes parents, du monde tout court, de la scolarité qui ne m’intéressait pas. J’ai suivi un peu le même parcours que Harvest et Chien de feu. Mon frère, en dehors de quelques disques de musique classique (que j’adorais) ramenait de temps en temps à la maison des disques que lui prêtaient certains de ses copains, ce qui lui permettait d’expérimenter sa stéréo. C’est comme cela que j’ai découvert Creedence Clearwater Revival (quel nom !!) et son Cosmos Factory, Pink Floyd, Atom Heart Mother et Piper que j’ai écouté des centaines de fois sans jamais m’en lasser et que j’ai toujours. Mon père s’inquiétait souvent de la musique de sauvage que je pouvais écouter et ne comprenait pas ce qui pouvait me plaire là dedans. C’était même pas des chansons en français !!! (qu’il disait à ma mère qui n’y comprenait rien non plus). J’avais enfin trouvé un nouveau monde qui m’ouvrait les bras et qu’il me fallait découvrir et explorer. Mes parents m’avaient acheté pour un Noël une petite radio que j’écoutais tard le soir en cachette coincée entre mon oreille et mon oreiller, en écoutant le moins fort possible, pour ne pas me faire repérer par mon père qui avait l’oreille fine, après l’extinction des feux. J’ai découvert le Rock grâce à un copain de collège qui m’avait conseillé d’écouter l’émission qui passait tard le soir à 21 heures qui était animée par Jean-Bernard HEBEY, qui s’appelait je crois ″Poste Restante″. Il y passait tout le Rock des années 70 et diffusait des concerts gratuits zet en direct. Il a lancé Ange et d’autres groupes Français et c’est à lui que je dois toutes mes connaissances des groupes de cette époque. Il y a eu aussi bien sûr la découverte des revues de musique dont certaines n’existent plus aujourd’hui (Pop Music, Maxi Pop, Extra etc.) que nous achetions fébriles à chacune de leurs sorties. Et puis il y a eu les concerts où il a fallut parlementer grave pour réussir à convaincre les parents qui ont fini par lâcher prise et une certaine découverte du monde (de notre). J’ai eu la chance de travailler pendant les grandes vacances (comme on disait alors) et je me suis acheté ma première petite chaîne stéréo d’occase quand j’avais 16 ou 17 ans et mes premiers disques 33 tours à moi que je rachetais très peu chers à un ami un peu plus débrouillard que moi qui allait les piquer chez un petit disquaire de notre ville. Mes parents ne comprenaient pas bien sûr comment je pouvais me payer autant de disques avec aussi peu de sous et ça à failli dégénérer d’autant plus que j’allais passer des après-midi entiers chez le même pote (enfin chez ses parents) où nous passions des heures enfermés dans sa chambre à écouter notre musique, à échanger nos disques et nos émotions, nos points de vues, à nous faire découvrir de nouveaux groupes etc… (et à fumer des pétards…chut…). Et comme nous voulions ressembler à nos idoles, nos cheveux ont poussé (il ne m’en reste plus beaucoup maintenant), nos idées étaient de plus en plus différentes de celles de nos parents (pensez donc que j’étais le premier des garçons de la famille à me faire exempter P4, un scandale que mon père n’a jamais avalé). Nous étions révoltés et en même temps en pleine insouciance. Heureuse époque en fin de compte. Pour conclure, je dirai que autant la musique m’a permis de m’isoler d’un monde qui ne me convenait pas tant que j’étais chez mes parents, autant elle m’a servi à découvrir le monde, le partage, l’amitié, les valeurs qui sont toujours les miennes, la vie une fois que j’ai été émancipé.
_________________ "La musique ne s'écoute pas sur Deezer, elle ne se regarde pas sur Youtube. Ce n'est pas du passéisme, juste du bon sens" Jérome SOLIGNY "Rock and Folk" 2011.
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