Alors qu'on m'explique maintenant comment ces gens là peuvent continuer à être honnêtes, objectifs dans la recherche de la vérité et indépendants des différents pouvoirs.
En ce qui concerne l'objectivité, c'est rigoureusement impossible. Nier qu'un journaliste est dans la cité, un citoyen et un homme politique, c'est se leurrer ; on n'imagine d'ailleurs pas, sur certains évènements dramatiques, un journaliste évoquer "objectivement" l'évènement, cela apparaîtrait comme du cynisme.
Le cas d'Anne Sinclair est quand même assez emblématique, surtout aujourd'hui : elle dirige un site d'information en étant la femme d'un homme politique compromis dans des affaires de mœurs, mais elle nous assure qu'elle traitera ce sujet avec la même objectivité que les autres !!!
Je ne l'ai pas entendue dire ceci, de ce que j'ai vu (la conférence de presse de lancement de la chaîne), elle a purement et simplement éludé la question. Elle l'a peut-être dit ; en ce cas c'est stupide. Anne Sinclair est très bien placée pour savoir que cela lui serait impossible, elle n'a aucun intérêt à avouer qu'elle est stupide (si elle l'est).
Plus généralement, un journaliste est un citoyen, qui vote, qui a des convictions politiques, comme tout un chacun. Il a pour chefs des gens qui sont des citoyens et qui votent (ou pas d'ailleurs, ce qui est politique également). Croire qu'à aucun moment, même inconsciemment, même par sudation discrète, la conviction du citoyen ne ressort pas dans son travail, c'est à mon avis être naïf. Quand un journaliste pose des questions à un politique, il la pose, qu'il le veuille ou non, lesté de son bagage idéologique personnel.Demander l'objectivité du traitement de l'information, c'est se battre contre des moulins à vent ; et c'est par ailleurs, je crois, assez dangereux; cela demande que le citoyen qui a accès à ces informations ait accès à des choses difficiles à éxiger, par exemple pour qui vote le journaliste.
Les exemples ultimes, ce sont les sujets nationalistes du JT de Pernaut, avec un refus quasi systématique d'évoquer les sujets de société avec un minimum de profondeur, et une volonté de noyer le journal dans des reportages d' "ambiance", sur fond de "beauté du patrimoine", des "petits métiers", de la "petite histoire populaire", bref, de la tradition française. D'une certaine manière, ces reportages sont beaucoup plus "objectifs" que les informations de politique française ou étrangère : il s'agit d'enregistrer les gens au travail, le village vu de l'abricar, de leur poser des questions qui paraissent sans aucun poids idéologiques. Au final, l'effet est effrayant, ces reportages, par leur refus d'évoquer l'actualité sociale, économique, etc. nous paraissent beaucoup plus idéologiques, voire odieux, selon les convictions, que n'importe quel reportage qui présenterait El-Assad comme un "assassin", ce qui est une opinion communément répandue, mais n'est certainement pas "objectif".
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