Il y a eu cette tuerie dans une école américaine. Effroyable événement qui ne laisse personne indifférent et crée un état de choc propice à l’exploitation de nos sentiments. De la part des médias, toujours à l’affut de sensationnalisme pour tenir l’auditoire scotché devant l’écran de télévision ou le poste de radio afin de l’abreuver de publicités lucratives, mais également d’associations ou d’individus qui savent parfaitement comment tirer les ficelles de nos émotions pour nous manipuler sournoisement afin de défendre leur propre cause.
Sur Internet, tout va trop vite. On lit un message sur Facebook ou ailleurs, on s’empresse de le véhiculer en le partageant sans prendre le temps d’en vérifier la source, et le mal est fait, se répand à une telle vitesse qu’il devient impossible de le freiner. On aura beau apporter la preuve que ce qui circule est un canular, une fausse rumeur ou de la propagande détournée, la première impression, celle qu’on cherche savamment à ancrer en nous en nous manipulant, restera vive.
Depuis la tuerie, il circule abondamment sur le Net un texte que l’on attribue à Morgan Freeman. Le texte en lui-même, dans son ensemble, est censé. Il met en lumière la responsabilité des médias qui, en traitant de tels faits divers de manière trop sensationnelle, en relayant massivement le nom des tueurs, leur histoire personnelle, les « glorifient ». En cette ère individualiste où les nombreuses émissions de téléréalité forgent chez beaucoup le désir de devenir un inconnu célèbre, quelques déséquilibrés peuvent échafauder le plan de mourir dans la gloire, laisser leur nom dans l’histoire, même s’ils doivent pour cela passer éternellement pour des monstres. « Parlez de moi en bien ou en mal, mais parlez de moi. »
Lu rapidement, on est d’accord, on félicite monsieur Freeman, on approuve qu’une personnalité publique veuille ainsi réveiller notre conscience. Mais lorsqu’on prend le temps de lire plus attentivement, il y a cette petite phrase à la fin du texte qui crée un réel malaise et peut nous rendre sceptiques. Celle-ci :
« You can help by donating to mental health research instead of pointing to gun control as the problem. »
Traduction : Vous pouvez aider en faisant des dons pour la recherche sur les maladies mentales au lieu de pointer du doigt le contrôle des armes à feu comme étant le problème.
Voilà… Ce petit bout de phrase à la fin d’un long texte allume la flamme du doute, alors on fait quelques recherches pour savoir si Morgan Freeman est vraiment l’auteur de ce message, et on découvre qu’absolument rien ne permet de remonter à la réelle source, qu’aucun média n’a publié de tels propos venant de lui et qu’il est donc presque certain que quelqu’un, sans doute illustre inconnu, a utilisé la notoriété et le capital de sympathie de l’acteur pour véhiculer son propre message. Pourquoi ? Deux raisons possible :
- Se glorifier de voir son message circuler abondamment dans les réseaux sociaux, comme ceux qui vous inondent de « Si toi aussi… poste ça sur ton mur »
- Manipuler sournoisement la communauté virtuelle. L’attendrir par une réflexion qui va parfaitement dans le sens de la forte émotion née de cette tragédie pour lui glisser en douce un message subliminal : Cessez de vous opposer à la vente libre d’armes à feu, le problème ne vient pas de là.
En procédant de manière aussi irrespectueuse envers Morgan Freeman, lui faisant dire ce qu’il n’a pas dit, et envers la communauté virtuelle, en la poussant à donner de la crédibilité à un tel message parce qu’elle croit qu’il est celui d’une personne célèbre et appréciée, on peut se demander qui se cache réellement derrière cette habile tentative de manipulation… Des défenseurs de la vente libre des armes à feu ? Cette technique de manipulation peut être utilisée par n’importe qui : simple internaute à des fins ludiques, parti politique, industrie pour répandre une fausse rumeur concernant un concurrent et le discréditer, etc.
Toujours rester vigilant, garder un regard sceptique et critique sur ce qu’on lit sur Internet, ne pas croire tout ce qui circule sur Facebook…
Béatrice
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