Forum de rock6070

«And when I was just thirteen years of age
Going steady was all the rage
My mother picked out the cutest boy
My little leather-jacketed toy

And hair of spun gold
Turned to black as night
And the ruby red lips
Turned to pale pink»
— “Hair of spun gold” (Janis Ian)


Une étrange langueur s’égoutte en des notes cristallines, la voix est un frimas qui s’abat sur les eaux du chagrin. Elle a treize ans lorsqu’elle livre au public les “minutes” de son désarroi, quinze, lorsqu’elle les enregistre pour son premier album. Oui! c’est une enfant prodige — comme l’on dit de ces adultes affublés de la panoplie clownesque du bambin —, un “freak”, plus Mozart que Joselito, qui va signer quatre albums sur le label Verve, de 67 à 69.

Du folk intimiste de ses premiers émois aux ballades jazzy tendance Laura Nyro, son parcours, telle la course fulgurante d’une sagette, transperce la supernova du Flower Pop et délaisse vite ses éclats roublards pour atteindre des quintaines plus ingénieuses. Mais parvenue au seuil, jugé fatidique, de la majorité, Verve décolle le sticker “Teenage” et livre son phénomène aux tourments de l’expectative. Un an plus tard, “has been” Janis signe un album pour Capitol, “Present Company”...



Un album “concept”, son supercalifragilisticexpialidocious-keepsake: un panorama de la musique américaine où, même si une dominante country l'emporte, tous les styles sont abordés: rock ‘n’ roll, blues, gospel, folk, soul et vaudeville. C’est qu’elle brasse, fusionne, entrelace, l’habile conteor, voulant, peut-être, se flatter d’en connaître un rayon, se cocardant d’un tel héritage, prenant aussi modèle sur “Abbey Road”, avec ses titres courts et ses fréquents chevauchements.

On est surpris après l’intro paisible et radieuse, “The seaside”, d’entendre débarouler, blézimarder “Present company”, le titre-phare, tonique et enthousiaste; puis le pétaradant “See my grammy ride”, claironné par un riff rock ‘n’ roll (mais un rock ‘n’ roll V.R.P., assez bedonnant, ma foi!); eux-mêmes suivis par “Here in Spain”, vif, sémillant et costaud.

Cette ardeur s’ababouine avec le subtil et délicat “On the train” — plus conforme aux manières élégiaques et folk de la chanteuse —, puis se calme résolument avec le sentimental et magnifique “He’s a rainbow”. Là s’exaltent des élans tendres et généreux, se guindent des splendeurs mélodiques épaulées par des cuivres et des chœurs que l’on souhaiterait seulement plus amples et plus opulents.

Vient le magnifique “Weary lady” où, seule au piano — un piano embrumé de chagrin et de mélancolie —, Janis passe avec brio d’une douceur confidentielle à des plaintes aiguës et déchirantes

“Nature’s at peace” prolonge le registre placide et doux. Le piano, ici encore, accompagne cette ode champêtre, à laquelle s’ajoutent les accents veloutés d’une basse et les martèlements feutrés de la batterie. Le titre s’évanouit pour laisser place à “See the river”, suave interlude qui, brusquement, libère une soul rubiconde et joyeuse: “Let in run free”, un titre éloquent!

“Alabama” débute comme un cantique de Noël. Normal, c’est du gospel! Certes, un peu chahuté par quelques incartades modernistes, comme ces écorchures bluesy de guitare électrique qui retentissent dès l’intro, mais l’aspect liturgique demeure et le motet tient la distance, avec bonheur, avec ferveur, jusqu’au classique et prurigineux break de piano: là, chavirement complet, le galop enjoué se transforme en air de vaudeville, le piano se met à sonner comme celui d’un bastringue.

Avec “Liberty”, hymne courte, sentimentale et adagio, l’on retrouve derechef la simplicité discrète d’un chant soutenu par des accords de piano. Puis surgit “My land”, du folk et du copieux! Guitare, banjo et une conviction vindicative dans la voix, un élan contestataire qui ramènent à Woody Guthrie, Leadbelly, la trôlée des folk-singers hantant les hootenanies. Il se dissout dans un autre genre de folk, guitariste, dépouillé, intimiste, avec “Hello Jerry”, une douce et caressante ballade, sans doute dédiée à Jerry Corbitt, ex-Youngbloods et producteur de l’album.

Pour conclure, Janis opère un ultime changement de cap avec “Can you reach me”, une rengaine plantureuse qui recense et synthétise tous les genres parcourus. Enfin, une harmonieuse et judicieuse glissade, amène “The sunlight”, la mélodie du premier titre, qui dignement vient achever cette œuvre.

Une bien belle présentation pour cet album

Moi je connais Janis Ian avec cet album : Between the lines (1975) avec le titre très connu de : At seventeen repris par Cloclo !