Sonny Sharrock,
Monkey-pockie-boo (Byg/Actuel N°37)
Enregistré au Studio Saravah le 22 juin 1970
Personnel :
Warren "Sonny" Sharrock (guitare, sifflet, voix)
Linda Sharrock (voix)
Beb Guerin (contrebasse)
Jacques Thollot (batterie)
Face 127TH day 16'55''
Face 2Soon 8'
Monkey-pockie-boo 8'55''
Avec ce disque la série atteint les sommets vertigineux de la création sans limite, sans modèle précis auquel se référer pour en juger ! La dissonance ou l'assonance sont de mise. Les musiciens bouleversent tous les fondamentaux et Sonny Sharrock joue comme si la guitare était un instrument d'où sortent des sons que l'on peut moduler, concasser. Il s'agit d'en extirper ce qui ne saurait être accepté dans une société de bons goûts assurés d'eux-mêmes et renforcés par la croyance que "c'est comme ça qu'il faut jouer et pas autrement". Sharrock qui disait dans une entrevue à l'époque que pour jouer il fallait d'abord commencer par désapprendre ! Ce qui est somme toute le fondement de toute réelle pédagogie (mais je m'égare...).
Quant à Linda, alors là si vous pensez encore que le chant peut se limiter aux fines mélodies ciselées de l'art classique (et il y a du classicisme aussi dans le jazz - comme dans le rock), vos oreilles vont vous mettre au contact d'une réalité tout autre. Le chant se mue en cri (esthétique du cri ?), on en a fini enfin avec les joliesses et les demi-teintes! Le corps parle, les passions aussi et il ne s'agit plus que de réellement vous bouleverser par cette absolue indécence d'une femme qui dit ce que la société (et les cercles de l'art) aurait bien voulu ignorer.
Beb Guerin est toujours aussi maître dans l'art de soutenir un discours dans lequel il insère ses fêlures, ses fulgurances et son à-propos !
Et puis il y a Jacques Thollot, la violence tellurique de sa frappe, la subtilité de ce qu'on ne peut même plus appeler un "accompagnement" puisque "ça" déborde de partout et que de ses cymbales ( par exemple) il extrait des sons, non plus à partir d'une simple frappe, mais de crissements qui font écho à la voix de Linda dans le titre précédent (écoutez l'entame en duo contrebasse/batterie de
Monkey-pockie....).
Ce disque aura des descendances lointaines - Merzbow saura s'en souvenir.
Je le découvre en ce moment même et c' est d' une intensité !... A en griffer les accoudoirs du fauteuil !
Les silences et les montées crescendo vous donnent la chaire de poule. Linda fait du Coltrane avec ses cordes vocales ! Blixa Bargeld (Einstürzende Neubauten) à tout appris de la guitare par Sharrock, semble-t' il.
J' y retourne !
Au passage, merci Harvest pour toutes ces chroniques que je ne manque jamais de venir lire dès je rapporte un Byg/Actuel à la maison !