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Il était venu à Paris en Mars 1996. J'avais participé à la conférence de presse, et je l'avais acompagné le lendemain toute la journée (y compris pour la balance puis pour le backstage à l'élysé montmartre.) Il en était ressorti ceci !
CARL PERKINS
Carl Perkins, le rockin’ guitar man, le père de « Blue Suede Shoes », « Boppin’ The Blues «, « Dixie Fried » et tant d’autres classiques du rockabilly, s’est éteint le 19 janvier 1998. C’est une perte immense pour cette musique dont il fut l’un des grands précurseurs. Né le 9 avril 1932 à Tiptonville, il effectue ses débuts discographiques grâce à Sam Phillips, à Memphis (voir JBM N°23 et Hors Série Spécial Sun). Homme affable, tous ceux qui l’ont approché louent sa patience et sa gentillesse. Invité par My Happiness, Carl Perkins répondit aux questions d’un fan de rock, Kim Fowley. Nous vous présentons cette dernière entrevue.
Kim Fowley :Carl, raconte nous donc tes débuts, je crois que tu écoutais le Grand Ole opry à la maison et que c'est un noir qui t'as enseigné les rudiments du jeu de guitare ???
Carl Perkins : Le soir, en famille, nous écoutions le Grand 0le Opry. Un voisin âgé, afro-américain, John Westbrook, m’a enseigné la guitare, Quand il a vendu son instrument, mon père l’a acheté à mon intention. Engagé par les disques Sun en janvier 1955, j’ai obtenu un grand succès avec “Blue Suede Shoes “. Comme c’était le premier disque de la compagnie à rapporter autant, Sam Phillips, le patron, a convoqué la presse et, devant tous les photographes, m’a remis les clés d’une Cadillac, en remerciement.
A cette époque, ce modèle, une Fleetwood, coûtait 6 800 dollars. Or, sur mon salaire suivant, Sam me fit retenir 7 800 dollars ! Sacré Sam.
Kim Fowley : il y a eu une session mythique avec Elvis, Jerry Lee Lewis et Johnny Cash ???
Carl : Si vous regardez la photo du “Million Dollar Quartet «, vous verrez qu’Elvis Presley me regarde. Jerry Lee Lewis aime dire que c’est lui, mais c’est bien moi, Johnny Cash est passé en coup de vent, avec sa femme, il ajuste posé pour la photo. Je ne pense pas qu’il puisse exister des inédits de cette séance exceptionnelle. Le premier 33 tours pirate n’était pas complet, par contre le deuxième, un album double avec un dollar sur la pochette, l’était. Fantastique. Jerry Lee Lewis est sauvage. Quoique jeune débutant, il était déjà arrogant à cette époque. Elvis Presley, Johnny Cash et moi-même étions des vedettes confirmées mais lui agissait en star alors que son premier disque n’était même pas dans le commerce! Au bout d’un moment, il a quasiment expulsé Elvis du piano.
Du coup, celui-ci est parti très peu de temps après.
Colonel : Que pense tu de Jerry Lee Lewis ???
Carl : Jerry Lee se disputait fréquemment avec Warren Smith. Par obligation professionnelle, il m’arrive de travailler encore avec Jerry Lee mais... le moins souvent possible, Il a un comportement qui varie sans cesse. Parfois il parle raisonnablement, à un autre moment il est d’une humeur massacrante. lia vécu des événements très douloureux, c’est vrai (scandale qui brisa sa carrière, décès de deux fils, de sa mère, divorce, etc.), mais il reste trop fixé dessus. Je lui dis "Jerry, c’était hier, il faut vivre au présent ».
Mais il persiste à ruminer ses aigreurs. Il a des problèmes pécuniaires mais exige d’être traité en star, ce qui lui coûte une bonne partie de ses cachets. Récemment, nous avons participé à un spectacle avec Dolly Parton. Elle a débuté, j’ai suivi, puis vint Jerry Lee. Il a bâclé son passage en vingt minutes. Le public lui réclamait” Amazing Grace “, il a refusé. Il pourrait faire partie des meilleurs, mais il boit trop. (ndlr : Héhé !) (second NDLR, Carl m'a dit que Jerry était un fou caractèriel avec qui il avait travaillé pour raisons professionnelles, mais u'il ne voulait plus jamais bosser avec lui, Juke Box a préféré, épurer ses propos)
Kim Fowley : OK ! Parle nous maintenant de la suite de ta carrière chez Columbia, et de tes zamis, les Beatles ! !
Carl : Quand j’ai quitté Sun pour Columbia, signer avec une compagnie majeure était le rêve de tout artiste. Bien sûr, Sam Phillips nous laissait une grande liberté, alors qu’une grosse compagnie ne peut pas se le permettre. Je suis content d’avoir tenté cette expérience. Pour un fils d’ouvrier agricole, ce n’était pas si mal! Ma carrière a connu une sorte de bas mais les choses se sont arrangées avec la tournée britannique de 1964. Aux USA, un artiste est oublié en six mois, pas en Angleterre. Là-bas, le public qui aime vraiment le rock’n’roll m’a remonté le moral. J’ai rencontré les Beatles et nous sommes devenus copains. Le fait qu’ils interprètent mes chansons sur leurs disques (" Honey Dont" , "Matchbox", "Everybody’s Trying To Be My Baby ", "Lend Me Your Comb ", "Sure To Fall ") m’a permis de toucher beaucoup de droits. Paul reste un ami. Il m’a rendu visite encore récemment et nous avons travaillé sur deux ou trois titres. Rien n’est encore sorti mais j’ai le projet de mettre “My OId Friend“sur un prochain CD. Je l’ai encore vu à la réunion annuelle à la mémoire de Buddy Holly. Sur scène, il m’a été remis une plaque me nommant au British Rock’n’Roll Hall 0f Fame. J’ai pleuré. Le public est devenu comme fou. Ce sont des moments très émouvant, tout comme lorsque l’on m’a intronisé au Hall 0f Fame américain, le même jour que Bo Diddley. D’une certaine manière, tu as l’impression de passer à la postérité, d’appartenir à l’élite!
Je suis toujours touché par la fidélité des fans européens. ]ci, les gens se moquent de ce que pense le reste du monde et continuent de nous aimer pour ce que nous avons fait.
Kim Fowley : tout ne fut pas toujours facile pour toi ???
Carl : J’ai connu des moments difficiles, mais j’ai survécu. En 1991, Dieu m’a tapé sur l’épaule pour me demander de me calmer. Depuis, j’ai repris la forme et j’espère vivre longtemps. Nous venons de faire une longue tournée en Norvège et en Espagne. Le public s’est montré formidable. Parfois, les gens chantent si fort que je me contente de les accompagner à la guitare 1 Tout ceci est formidable, mais fatigant, pourtant je me sens mieux quil y a trente ans. A cette époque, après les concerts, j’allais dans les soirées jusqu’à six heures du matin. Maintenant, je marche deux miles tous les matins avant de prendre mon petit
déjeuner. Certains fans viennent bavarder un coup. Il n’y a pas de hordes devant la porte comme chez Elvis ! Je pense d’ailleurs qu’il aurait dû aller plus souvent à son portail, pour signer quelques autographes. Cela l’aurait rendu heureux, ainsi que ses fans, et il n’aurait pas été obligé de vivre en reclus. Il en était arrivé à surveiller ses admirateurs par le biais d’une caméra vidéo, c’est absurde. Je connaissais Elvis, profondément, je sais qu’il aurait aimé venir au portail, mais les gens étaient si nombreux, il ne pouvait pas. S’il sortait, c’était en courant pour sauver sa peau.
Kim Fowley : Parle nous maintenant d'Elvis, si tu le veux bien !
Carl: Elvis est l’un des gars les plus gentils que j’ai rencontrés, un homme superbe, merveilleux et si humble. En 1956, une bombe a explosé. Je me suis toujours demandé comment il avait pu résister à une telle pression si longtemps. Il reste dans mon coeur. Gravé. Après sa mort, Felton Jarvis, qui fut l’un de ses producteurs, m’a demandé: “Aimerais-tu enregistrer un duo avec Elvts ? «. Il avait une bande de « Blue Suede Shoes» enregistrée au Madison Square Garden. Elvis chantait le premier couplet puis il retirait sa voix et y mettait la mienne, même chose pour le solo de guitare de James Burton. Il avait ainsi fabriqué des duos virtuels d’Elvis face à Jerry Reed, Larry Gatlin, plusieurs artistes dont Elvis avait chanté les compositions. J’ai pensé que l’idée était surprenante mais bonne. Felton Jarvis a fait écouté le résultat au Colonel Parker
qui a déclaré: “Elvis n’a jamais eu besoin de personne de son vivant, il n’a besoin de personne maintenant qu’il est mort. Ce disque ne sortira pas
Estimant qu’il n’y avait plus beaucoup d’inédits intéressants, Felton pensait faire plaisir aux fans. Le Colonel a tout de même gardé les bandes chez lui. Actuellement, mes avocats tentent de récupérer mon duo. J’aimerais que mon disque soit intitulé” My Old Friends - Le 40e anniversaire de Blue Suede Shoes, Yoko Ono m’autorise à utiliser la version de John Lennon. Je n’ai pas à demander aux artistes de participer: ils se proposent eux-mêmes. Ainsi Paul Si- mon, qui n’était jamais allé dans le studio Sun, était impatient de venir et de visiter Graceland. Tout le monde est fan d’Elvis. Après son retour du service, je l’ai progressivement perdu de vue. Je n’osais pas le déranger. Quand Lisa Marie est née, je lui ai donné un coup de téléphone et il semblait très heureux! Dans le fond, j’entendais le bébé hurler. La dernière fois que je vis Elvis, ce fut pour l’un de ses concerts, fin 1976 ou début 1977. Je n’ai pas eu le cran d’aller le saluer en coulisses, il y avait tant de barrages à franchir pour arriver jusqu’à lui. Je me suis contenté de l’observer de la salle, armé de mes jumelles. Il chantait très bien mais avait l’air fatigué.
Kim Fowley : ton show télé anglais en 1985 fut un de tes grands succès ???
Carl : En 1985, j’ai fait un spectacle télévisé superbe, A Rockabilly Session, avec George Harrison, Ringo Starr, Eric Clapton, Dave Edmunds (qui a organisé le groupe), Lee Rocker des Stray
Cats, Rosanne Cash, Marty Stuart... On m’a demandé de mettre un smoking, mais j’ai refusé : le rockabilly est brut, si tu le joues sous pression, de manière trop sophistiquée, tu perds son essence. Ce fut l’un des meilleurs shows que j’ai faits.
Kim Fowley : Matchbox, ce titre existait avant toi, non ???
Carl :Les journalistes anglais, comme toi, m’ont souvent demandé pourquoi j’ai signé «Matchbox « alors qu’il en existe une version ancienne, célèbre par Blind Lemon Jefferson. C’est tout juste s’ils ne me traitent pas de voleur! En réalité, j’ai pris l’introduction de «Matchbox» et puis j’ai créé tout le reste. En blues, il est normal d’utiliser les mêmes phrases, qui réapparaissent ici et là. A l’époque, je ne connaissais pas l’enregistrement de Blind Lemon Jefferson. D’ailleurs.., je ne l’ai toujours pas entendu! J’aimerais bien l’écouter. Je n’ai jamais eu l’intention de léser qui que ce soit. (NDLR : j'ai dit à Carl : "Now Dig This" t'as accusé d'avoir volé Blind Lemmon Jefferson, Carl était rouge de colère, Juke Box encore une fois a "épuré" la question et la réponse)
Kim Fowley : Johnny Cash est un de tes grands zamis ???
Carl : Johnny Cash est un très grand ami. C’est un homme humble et très croyant. Un jour, un de ses enfants eut un terrible accident. Il aurait pu mourir. Nous étions dans la salle d’attente de l’hôpital. Quand le docteur est venu nous annoncer qu’il était sauf, un homme a tapé sur l’épaule de Johnny en s’écriant: “ C’est un miracle divin ! C’était Roy Orbison, apprenant la nouvelle, il était accouru. Il semblait encore plus heureux que Johnny lui-même Certainement parce que, peu de temps auparavant, Roy avait perdu femme et enfant dans un accident. Roy était charmant; l’une des plus belles voix du métier. Même Elvis l’admirait. Roy était gentil, timide même. C’est sa femme, Barbara, qui prenait les décisions. Si on posait une question à Roy, c’est souvent Barbara qui répondait. Roy devait apprécier puisque c’était déjà comme ça avec Claudette, sa première épouse.”
Kim Fowley : Carl, merci de ton amabilité !
Propos recueillis par Kim Fowley pour Juke box magazine
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On a patrlé de tous les artistes qui nous fascinent, il m'a parlé entr autre de la douleur de son ami Eric Clapton après la perte de son bébé, comme si j'étais un vieux copain, etc, etc...magique ! 
