Le phénomène est né le 8 Janvier 1935, c'est de notoriété publique, à Tupelo, Mississipi, dans une baraque en planches, En fait, malgré cette date officielle, il était venu bien avant, vers la fin des années vingt, à l'époque où les travailleurs noirs écoutaient le blues du Delta d'un Robert Johnson alors que les petits blancs du Sud découvraient à la radio les premiers enregistrements de la Carter Family, issus du folklore des montagnes appalachiennes, Et puis Presley sur son nuage écouta attentivement le White Blues d'un Jimmy Rodgers, se disant « Un blanc qui se base sur le blues, voilà qui plairait à Sam Phillips, si je le rencontre un jour » ,Dans les années trente, à l'affut des nouveautés, il se passionna pour le Boogie-Woogie d'un Pete Johnson, écoutant distraitement le Western-Swing d'un Bob Wills, se disant « C'est trop Jazzy pour moi ». Par contre le Bluegrass d'un Bill Monroe le passionnait, vers la fin des années 40, et il se demandait d'il arriverait à chanter aussi haut perché que ce sévère cow-boy au grand chapeau , Bien sûr, il écoutait toujours le blues et à la même époque, fut fasciné par Arthur Crudup, un pauvre noir qui jouait de la guitare, soutenu par une contrebasse,et qui chantait « That's All Right » avec une énergie que le jeune Elvis, il n'avait pas encore été à l'école, n'arrivait pas à définir, simplement ça lui plaisait, ce rythme simple et ce vocal véhément, Un jour, le vent poussa son nuage jusqu'à Nashville ou il découvrit avec stupeur le Honky Tonk d'Ernest Tubb et de Little Jimy Dickens, le hillbilly-boogie de Charlène Arthur et de Red Foley, Ce dernier chantait aussi des ballades country très simples comme « Old Shep » et Elvis pensait que c'était reposant, ce genre de musique. On était déjà au début des années cinquante et un certain Hank Williams faisait parler de lui avec une musique étrange proche du blues des noirs et du hillbilly des blancs, Moi, j'appellerais ça du Blues-Hillbilly ou du Blues-A-Billy se disait t'il, installé dans sa ouate, Le dimanche, en bon petit ange du Sud, il allait à l'église, et tapait dans ses mains en chantant le Gospel, avec les autres, en bas dans l'église . Mais dans la semaine il planait au dessus des bouges de Memphis, heureux et effrayé de l'impudeur du Rythm and Blues qu'enregistrait Ike Turner pour le compte de Sam Phillips, dans un petit studio au 706 Union Avenue, Junior Parker aussi lui plaisait bien, surtout son guitariste, celui qui jouait « Mistery Train » . Un jour, le nuage l'emporta vers le Nord . Là il crut entendre du « Rythm and Blues » à la radio mais le présentateur, Alan Freed, hurlait dans le micro que c'était du « Rock'n'Roll » . On était en 1954 et le morceau s' appelait « Shake, rattle and roll » chanté par Bill Haley; pourtant de passage à Kansas City il avait entendu la même chanson par un gros noir nommé Big Joe Turner et on lui avait dit que c'était du « Blues Shouté », ou du Rythm and Blues , en tout cas de la musique réservée aux noirs, comme ce « Money Honey » de ce groupe vocal, là, mais oui vous savez bien, le chanteur a une voix triste, ça y est, j'ai trouvé, les Drifters, ceux qui ressemblent aux Ink Spots, En fait, Elvis voyageait d'une façon particulière, dans l'espace et le temps, accumulant les informations, se nourrissant à tous les styles qui lui plaisaient, Mais on était déjà en 1954 et il se promenait sur son nuage alors qu'il aurait du naitre ne 1935, Mais avant de partir s'installer dans le ventre de sa mère, il se grava une bonne chose dans l'esprit : « Puisque le Rythm and Blues » s'appelle maintenant Rock and Roll, la musique que je ferais plus tard ne sera pas du Blues A Billy mais du « Rock A Billy », non, du Rockabilly, ça sonnera sec et froid comme dans le Nord et chaud comme dans le Sud, Et Elvis naquit sur les registres terrestres...
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