C'est un pote de lycée avec qui je jouais de la gratte qui m'a branché dessus après qu'il ait appris son décès. Je ne m'y étais jamais frotté auparavant, ayant un grand mal à situer l'intérêt de la chose, lisant partout que c'était un compositeur génial, un guitariste de première bourre, un concepteur révolutionnaire, une personnalité d'exception, etc, etc, tandis que mon père, dont le jugement en matière de musique valait parole d'évangile (Deleuze), résumait le type et sa musique en ces termes lapidaires et laconiques, "Zappa, putain de rasoir".
D'abord intimidé par le vocabulaire que je ne maîtrisais pas (musique sérielle, dodécaphonisme) J'ai donc commencé avec "Freak Out !", et j'ai tenté de poursuivre dans l'ordre chronologique et j'ai pris un putain de pied. Mes albums préférés sont "Uncle Meat", "Burnt Weeny Sandwich", "Lumpy Gravy", "Just Another Band From LA" et "Hot Rats", ce dernier étant de loin celui que je trouvais le plus accessible. Mais le disque auquel je reviens le plus souvent est "The Lost Episodes" qui s'écoute super facilement, avec de superbes pièces inédites (un blues avec Captain Beefheart à l'époque héroïque du lycée) et une version extraordinaire de "Sharleena".
Ce qui nous branchait mon pote et moi, outre le fait de nous distinguer - avec quelque arrogance j'en conviens non sans embarras - de la masse boutonneuse qui ne voyait plus loin que Nirvana et Metallica, c'était le principe du freak out, je cite : On a personal level, Freaking Out is a process whereby an individual casts off outmoded and restricting standards of thinking, dress and social etiquette in order to express CREATIVELY his relationship to his immediate environment and the social structure as a whole qui correspondait mot pour mot à la façon dont nous envisagions la vie en général et la musique en particulier, et dont nous voulions la pratiquer, mais aussi le sens de l'humour pisse-froid et pince-sans-rire du bonhomme, que nous tentions maladroitement d'adapter à nos références culturelles franchouillardes.
On a aussi pas mal travaillé la guitare sur ses disques, j'ai souvenir de studieuses heures passées à bosser "Five Five Five" ou le solo de "Willie The Pimp" (j'en ai appris sur la wha-wha avec celui-là).
Aujourd'hui, j'écoute beaucoup moins, ça me passionne moins, je reviens de temps en temps à "Roxy & Elsewhere", "Apostrophe", "Over-Nite Sensation", "Sheik Yerbouti", "Waka-Jawaka", "Chunga's Revenge", mais sans plus. Comme si j'avais le cerveau moins disponible (c'est pas faute de boire du coca-cola)...
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