Bon alors ce premier album, Harvest ?
Parlons net. Pour un premier album c'est un coup de maître. Dès le titre Fresh-Garbage en ouverture, on sait qu'on a affaire ici à des musiciens qui connaissent leur ouvrage. Qui savent tisser de savantes textures, ornées et moirées de teintes et de formes toutes aussi étranges et familières à la fois. Le psychédélisme se confronte au jazz et aux mélodies pop les plus ouvragées (voir
Uncle Jack). Bien sûr le piano électrique de Locke et la guitare de California posent les bases d'un rock progressif qui parfois s'illuminent de fulgurances acid-rock (
Mechanical world).
Ce qui aussi est tout à fait remarquable ici, ce sont les élans mélodiques, les vocaux harmonieux et les constructions complexes de quelques morceaux qui jamais ne filent la mélodie sans hésiter à la déconstruire pour la rebâtir un peu plus loin. D'où cette impression que l'on a affaire à quelque volontés de composer de mini symphonies ludiques.
Taurus est explicitement le titre qui se joue des influences, folk, à la préciosité orchestrale salutaire (et on ne dira rien de la présupposée ascendance qu'il peut avoir sur le Stairway to heaven de qui vous savez).
Girl in your eye se situe dans son époque ( mélodie attachante, son de sitar, solo fuzz), tout est là pour démontrer le savoir faire exemplaire et l'inspiration sans cesse renouvelée des musiciens.
Straight arrow et
Topanga windows sont deux charmantes chansons aux mélodies entêtantes et aux saillies guitaristiques toujours aussi élégantes. Avec ce réveil, sur la dernière, de réminiscences blues, Musique qui fit partie de la formation de California et qu'il réussit à transcender (un peu à la manière dont le fit aussi Jimi Hendrix).
Gramophone man est une chanson qui évoque le désir des producteurs de l'époque de toujours voir apparaître dans les chansons des thématiques qui pourront toucher les ado ( bref une histoire de fille et de garçon, la romance etc...). Spirit détourne cette exigence et en profite même pour y placer quelques mesures de jazz qui montrent le talent multiforme du guitariste et le background des musiciens.
Signalons que sur plusieurs titres le producteur Lou Adler a fait appel à un orchestre, adjoignant des cordes. Mais cela se fond si bien dans les compositions et participe d'autant du charme incandescent de la musique que celles-ci ne sont ni un ajout superflu ni un non-sens...Une ponctuation, une respiration, un sol duquel ensuite les musiciens peuvent d'autant mieux construire leur cheminement propre.
Signalons pour finir la pièce de choix.
Elijah. Parfaite en tous points. Mêlant les genres, construite autour d'un thème à siffler sous la douche ou au boulot, se poursuivant dans de complexes inspirations presque free et expérimentales, avec mesures jazz et guitare allant crescendo jusqu'au final acid rock.
Ah oui ! Pourquoi Spirit ?
Les musiciens se sont donnés ce nom à partir d'un livre de Khalil Gibran (l'auteur de
Le prophète).
Spirits Rebellious. Sur la suggestion de leur manager, Ann Applequist ils l'ont abrégé en Spirit !
