Spirit - Clear (1969)Ce troisième album sort en Octobre 69, toujours produit par Lou Adler. Enregistré au long de plusieurs mois, de février à août de la même année. Si assez étrangement il demeure l'ouvrage de Spirit le moins cité et parfois le moins aimé, il n'en demeure pas moins qu'il contient quelques très belles réussites. Et 42 ans après sa sortie il serait quand même temps de réévaluer ce qu'il propose de belles chansons pop ouvragées et ciselées, avec immanquablement les fragrances psychédéliques dont la guitare de California n'est pas avare. Voire
Apple Orchard et écoutez bien la fin de cette météorite (si ce n'est pas un clin d'œil à Hendrix...).
So Little Time To Fly et son tempo merveilleusement chaloupé, qui conduit direct à une élévation des corps. De toute façon ce disque avait si aimablement débuté (
Dark Eyed Woman, rock song imparable et véloce) qu'on se demande comment il va être possible au groupe de tenir le pari de nous tenir en haleine jusqu'au bout. Et pourtant
Ground Hog nous renvoie de nouveau dans les cordes avec ce blues syncopé, aux chœurs éthérés et ce solo de guitare au son de sitar.
Cold Wind nous fait poursuivre notre ascension, piano et voix conjointement habités par une mélodie aux cycles qu'on devine éternels - impressions que tout cela ne peut avoir de fin - tant l'on décolle de la glaise pour s'ébrouer dans un espace sans limite apparente.
Ice nous entraîne dans une symphonie miniature aux accents jazz, comme si le Modern Jazz Quartet venait jouer sur les terres d'un psychédélisme précieux et raffiné. Et cette batterie à la discrétion ornementale qui pousse la guitare à offrir de bien belles enluminures, soutenues par le motif répété du piano et les cordes discrètes d'un orchestre, présent et évanescent.
Quant à
Give A Life, Take A Life, certainement l'une des plus grandes réussites de l'album, bien que parfois j'ai pu lire à propose de celle-ci qu'elle serait mièvre. Il faut dire que j'ai découvert le groupe à l'écoute d'une compile CBS qui comprenait cette chanson et que pour moi elle a longtemps représenté une sorte de graal - et le début d'une poursuite acharnée de l'album dans une province délaissée par les disquaires. Alors pour l'objectivité, vous pourrez repasser ! Mais encore aujourd'hui, tout me séduit dans cette pop song, les chœurs, les arrangements, le pont avec la flute, la brusque accélération.
Et le disque se poursuivra ainsi d'un rock (
I'm Truckin') jusqu'à
New Dope In Town (brillant final qui montre assez que l'inspiration ne se tarit pas), en passant par l'accalmie du titre éponyme (instrumental pas vraiment convaincant à la première écoute mais qui au regard de l'album trouve sa place comme une étape au long d'un long voyage) auquel s'enchaîne
Caught et son beat jazzy tendance west coast (et pour cause !), comme une promenade sur la plage en compagnie de hipsters et peut-être de Jack Kerouac lui-même ! Allez savoir, avec nos fantasmes, tout devient possible.
Bon allez trêve de discours - écoutez ce disque, laissez vous bercer par les balancements secrets d'un ouvrage qui a su conserver sa langueur hippie et son fourmillement pop, ses fulgurances psyché et ses audaces orchestrales.