BRIMSTONE
«Cristal balls are casing
Into night visions past
Scared dreams of yesterday
For ever moments that cannot last
Paper winged dreams...»
Line-up
- Gregg Andrews: vocals
- Christopher Wintrip: electric guitars, classical and acoustic guitars, vocals
- Bernie Nau: Hammond A-100, 1920 Steinway, ARP synthesizer, clarinet, vocals
- Ken Miller: bass guitar, vocals
- Jimmy Papatoukakis: percussion, vocals
C’est sans doute les trois premiers que l’on voit au dos de la pochette de “Paper winged dreams” — leur unique album —, auteurs également des compositions et des arrangements. Ils viennent de l’Ohio; soit de Canton, comme l’indique The Repositary, un journal américain dont l’article est reproduit dans la très fidèle réédition CD; soit de Youngstown où cet album, autoproduit — vraisemblablement issu en 1973 (peut-être en 1972?) —, fut enregistré. Philippe Thieyre, qui ne l’a pas écouté, l’inclut dans son encyclopédie du “Rock Psychédélique”, révélant seulement qu’il «serait du Soft-Rock». En fait, c’est de la pop, de la pop “progressive”, c’est-à-dire teintée de jazz, de folk et de classique.
Les musiciens sont manifestement chrétiens — ce qui explique le choix de leur patronyme: le soufre étant la matière déversée par Dieu pour châtier les impies — et les textes sont empreints d’un mysticisme parfois abscons. La pochette, avec cet oiseau blanc illustrant ces mystérieux “rêves aux ailes de papier”, reflète l’esprit encore très “bab cool” de ces années qui voient pourtant débarquer les Sparks et les New York Dolls. Ils brassent un tas d’influences dont ils ont parfois du mal à se démarquer: celles d’Emerson, Lake and Palmer ou Curved Air, par exemple, pour leurs emprunts à la musique classique; ou bien encore King Crimson, pour ses mélodies légères et enchanteresses. S’ils ne possèdent pas le brio et l’inventivité de ces monstres sacrés, ils se distinguent toutefois par leur cohésion, leur habileté à créer des ambiances douces, éthérées, rehaussées de tendres harmonies vocales. Les guitares, souvent acoustiques, délivrent un son limpide. La batterie, favorisant les cymbales et la caisse claire, est fine et précise. On ne peut que regretter le synthé — vilaine araignée dansant sur la piste —, mais il est employé avec parcimonie: l’orgue Hammond reste prédominant.
La face A se compose de quatre titres: “Dead sleep at night”, une paisible et luxuriante
pop song, pimentée de clavecin, au riff calqué sur le célèbre “Spooky” des Classic IV; “End of the road”, une mélodie plutôt dynamique avec des arpèges d’orgue fanfarons, un peu surets, et une basse gambadante, mais qui sait calmer son élan pour soutenir un chant avenant et doux — évoquant étrangement celui de Paul Bevoir; “Elude/Fields of clay”, un gospel rock, velouté, empli d’ardeur mystique, nanti d’un prélude de guitare acoustique sade et révérencieux: «The time has come, There’s no more field to play, There’s no more love this day, Night will not stay, Fall to your knees and pray»; enfin “Illusion/Paper winged dreams”, une ritournelle zigzagante et chamarrée, précédée d’un piano, romantique et cascadant, où l’on reconnaît le “Hang on Sloopy” des McCoys, et où de frêles modulations d’orgue, de guitare électrique, rappellent un passage de “Tubular Bells” de Mike Oldfield.
La face B est plus ambitieuse avec une suite en cinq mouvements, des arpèges ascendants, des tempos complexes, des emprunts à Bach, au “Peer Gynt” de Grieg, à Simon and Garfunkel ou à It’s A Beautiful Day. Il en émane une ambiance rêveuse, paisible et parfois mélancolique, dont la plus belle part, la plus plaintive aussi, se trouve être “Ode to fear and loneliness”.
Deux
ultra petita ont été ajoutés: “Vision of autumn”, une affectueuse et nuancée ballade folk, malheureusement entachée d’un grenailleux synthé; “Song of love”, une sorte de rodeo-pop émaillée d’accords synthétiques: un titre dansant, désopilant, très singulier.