Imaginez-vous que le Conseil canadien des normes de la radiotélévision vient de statuer que la version originale de la chanson Money for Nothing, du groupe Dire Straits, devrait être bannie des ondes de la radio canadienne.
Apparemment, il importe peu que la chanson visée date de... 1984. Ou qu'elle ait joué des millions de fois, dans le monde entier, sans susciter plus de passions que le lancement d'une série de timbres du Vatican.
À la suite d'une plainte, le Conseil s'est soudainement rendu compte que les paroles de la chanson contenaient trois fois le mot faggot («tapette»). Assez pour justifier sa mise à l'index, 25 ans plus tard.
Dans un rapport de 13 pages, le Conseil rappelle que certains mots ne sont plus «acceptables». Alors il demande à ses membres de diffuser une version «convenablement modifiée» de la chanson.
Dire Straits censuré? Avec 25 ans de retard?
Est-il permis de dire que le geste paraît aussi pertinent que celui de balancer des sandwichs au jambon à une bande de poulets en train de se noyer?
Si nos fins limiers du Conseil canadien des normes de la radiotélévision sont scandalisés par les paroles de Dire Straits, on ose à peine imaginer le choc qu'ils pourraient ressentir devant certaines productions plus récentes.
Les pauvres. On frémit en songeant qu'ils pourraient tomber par mégarde sur la chanson Fuck Dat Bitch, de 50 Cent, par exemple.
Juste au cas où, faut-il prévoir l'ambulance? Les sels de réanimation? Le défibrillateur?
Blague à part, s'ils veulent remonter dans le temps pour nettoyer la chanson, nos censeurs du dimanche ont du pain sur la planche. Pour effacer les allusions homophobes, il faudrait modifier la Chanson de Jacky, une oeuvre de Jacques Brel remontant à 1966. Et sévir contre Robert Charlebois, qui chantait : «Moi la bière, j'aime pas ça, pis j'pas tapette pour ça» (Moi Tarzan toi Jane).
Sans oublier Claude Dubois, qui osait écrire : «Toujours un peu poète, même si ça rime avec tapette» (Femme ou fille).
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