William Sheller ("Rock'n'dollars") (avril 1975)
01. "Rock'n'dollars" 02. "La Maison de Mara" 03. "La Fille de Montréal" 04. "Une fille comme ça" 05. "Laisse moi tout seul" 06. "Oncle Arthur et moi" 07. "Photos souvenirs" 08. "Comme je m'ennuie de toi" 09. "Les machines à sous" 10. "Hit Parade Lady" 11. "Savez-vous ?" Titres bonus 12. "Chanson lente" 13. "Message urgent"
Paroles et musiques : William Sheller Sauf (5) Jean-Pierre Lang / William Sheller et (13) Pierre Grosz / William Sheller
Alain Suzan ; basse, guitare, percussions Alain Weiss : batterie Slim Batteux : steel guitare Luc Bertin : clavecin, piano électrique Marc Chantereau : percussions Yves Chouard : guitare Patrick Gandolfi : percussions Pierre Gossez : saxophone, clarinette Michel Ripoche : violon électrique Gilbert Roussel : accordéon Cora, Patrick Gandolfi, Sabrina Lory, Paul Scemama, William Sheller, Alain Suzan : chœurs
Enregistré aux studios Ferber Arrangements : William Sheller Direction d'orchestre : Paul Piot Prise de son et mixage : Paul Scemama Réalisation : Patrick Gandolfi Photos : Claude Gassian Illustration : Frankie Merlier
L'album fut écrit durant l'hiver 1974 puis enregistré avec toute une bande de potes musiciens du groupe de rock Alice, mené par le guitariste Alain Suzan. William Sheller et Alain Suzan étant tous les deux intéressés par les possibilités de mélanges entre la musique rock et le classique, ils étaient faits pour travailler ensemble ! Dans cet album William Sheller a écrit toute la musique, les paroles, les arrangements des cordes et des cuivres, interprété bien sûr les chansons et participé aux chœurs additionnels, joué du piano, du célesta, de l'orgue et des percussions, et assuré avec Alain Suzan la co-direction musicale de l'ensemble ! Sorti en avril 1975, c'est le premier album à succès de William Sheller chanteur, qui l'a propulsé d'un coup d'un relatif anonymat au rang de vedette involontaire des télévisions, des radios et des magazines pour adolescents. "Rock'n'dollars", la chanson titre de ce disque écrite en 5 min, avait pour but de se moquer avec insistance, ou comme dirait William « de se foutre de la gueule » des chanteurs du hit-parade qui bourraient leurs chansons d'un fatras de mots anglais pour faire jeune et chic. En résumé, elle signifiait en substance : « Donnez-moi du fric et je deviendrai une star ». Le 45 tours, avec son énorme bouteille de ketchup sur la pochette, a fait l'objet d'un matraquage énorme sur les radios et à la télé. Tous les médias se disputaient la présence du jeune chanteur à succès, on ne voyait plus que lui, on n'entendait plus que lui et son "tube de l'été". Résultat : 500 000 exemplaires du 45t en très peu de temps. L'album contenait pourtant des chansons plus recherchées que William aurait aimé promouvoir, comme "Oncle Arthur et moi", histoire imaginaire d'une relation entre un enfant et son oncle bâtie autour d'une clarinette et d'un accordéon, nostalgiques comme Photos-souvenirs avec sa très longue liste de villes, ou Savez-vous ? seulement soutenue par un ensemble de cordes. « J'avais quand même mis de tout dans ce premier album. Il y avait déjà des titres avec des cordes, ajoute-t-il, car je ne voulais pas me limiter à un seul truc et je pensais qu'on pouvait très bien passer d'un genre fantaisiste, comme le ketchup, à quelque chose de plus mélancolique. » On y trouve aussi quelques titres originaux et inventifs (emploi d'expressions familières, bruitages) tels Les machines à sous et La Fille de Montréal. Dés cette époque, William avait des objectifs bien tracés par rapport à ses compositions : commencer par de la variété de qualité facilement accessible afin de mettre un pied dans le show-biz et de s'y faire un nom, puis orienter peu à peu le public vers des choses plus pointues matinées de musique classique : « On s'est dit : "Il faut faire un album de variétés qui soit sympa". J'ai écrit des chansons dans cette optique, en restreignant tout, pour essayer de s'imposer dans ce style, pour pouvoir après, peut-être, amener les gens à autre chose [...] Je cherche à joindre les mômes qui actuellement écoutent un tel ou tel autre, en leur donnant de la bonne musique, et petit à petit ce sont eux qui arriveront à faire tout bouger. Ce sont des plans à longue échéance ! » Cependant, la vie de vedette vers laquelle William était projeté bien malgré lui ne l'intéressait absolument pas et il était déjà très lucide sur la question. Dés août 1975, il parlait ainsi de sa gloire toute neuve à un rédacteur du magazine Age tendre : « Je suis heureux de vendre des disques parce que ça me permet de me payer du matériel pour mes prochains enregistrements, mais je ne serai jamais une vedette au sens "public" du mot. Je n'ai pas l'étoffe ni le physique d'un chanteur de scène. Ma seule passion, c'est de fabriquer des chansons et des musiques. Je passe ma vie dans les studios d'enregistrement. Ma seule ambition c'est de faire de la bonne musique, sans y mettre d'intentions philosophiques ou politiques. » Malheureusement après ce fulgurant succès, William Sheller s'est retrouvé classé dans la rubrique «chanteur fantaisiste», sans pouvoir sortir de ce créneau : « J'ai été traumatisé parce que, lorsque j'ai fait mon premier abum, il y avait deux ou trois chansons loufoques et la maison de disques s'est précipitée dessus pour me cataloguer comme le rigolo de service, avec le carcan que cela représente. Et quand j'ai voulu essayer de chanter d'autres trucs, ça a été difficile. Là, j'ai eu affaire à des gens des maisons de disques, de médias qui ne comprenaient pas et qui me disaient : "Mais tu te rends compte, ça veut dire qu'il faut refaire ton image, qu'il faut recommencer toute la promo !" »... A signaler que les chansons de cet album ont été adaptées en anglais et que William les a réenregistrées dans cette version. Mais le résultat n'a pas été commercialisé. Textes sur www.shellerophile.net Malgré (ou à cause de) toutes ces qualités, les voies du destin et du show-business réunis ne consentiront ensuite à William Sheller l'enregistrement d'un album de chansons qu'en 1975, encore y faudra-t-il l'appui et les encouragements de Barbara, pour laquelle il avait écrit les orchestrations de l'album La Louve en 1972. Le titre "Rock'n'dollars", qui devient rapidement un tube des radios périphériques - dont les hit-parades sont de plus en plus contestés par les tenants d'une chanson en révolte, le fait cependant, et tout naturellement, assimiler aux autres produits du genre. Et l'accumulation de mots d'origine anglo-saxonne (ketchup, hamburger, gasoline, chopper, cuner, boots made in Angleterre), autant que le refrain - « C'est une question de dollars, une affaire de feeling » , ne peuvent qu'aggraver son cas. A une époque où l'humour est strictement canalisé dans les espaces prévus à cet effet, il est pris très au sérieux pour une chanson qui ne l'était pas, mais se voulait parodique, et considéré d'un oeil vaguement condescendant pour d'autres un peu moins légères. Ainsi se forgent les images dont se nourrit notre monde, et celle de, "chanteur de variétés", avec toute la connotation péjorative d'alors, lui sera longtemps associée. Pourtant, quelques petites bulles musicales sans prétention éclairaient déjà d'autres aspects de sa personnalité : le musicien qui excelle à créer des climats où dominent la tendresse ( "Oncle Arthur et moi" et l'ingénieuse utilisation de la clarinette et de l'accordéon), ou une nostalgie caractéristique ("Comme je m'ennuie de toi ", "Savez-vous ?") et ces "Photos souvenirs" dans leur doux cocon de cordes). Et si les thèmes sont encore un peu convenus, quelques trouvailles de langage laissent percer une vraie sensibilité. La magie, la tendresse, l'humour du texte sont bien là, et William Sheller a certainement été victime, en plus de ses inventions stylistiques de son "appartenance" au monde des affaires, sans pont évident avec la chanson signifiante (et peu tolérante) du moment.
_________________ Il est parfaitement superflu de connaître les choses dont on parle. Je dirais même que la sincérité en général dénote un certain manque d'imagination.
Dernière édition par Algernon le Mer Avr 11, 2012 2:12 am, édité 1 fois.
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