Morly Grey est une de ces comètes-vistemboirs dont on ignore tout, et leur album, “The only truth” (1969) — évidemment unique —, un trésor que tous les Livingston de ma catégorie découvrent un jour ou l'autre.
Du moins connaît-on le nom des responsables, soit: Tim Roller (guitare), Mark Roller (basse, chant), Paul Cassidy (batterie — face A), Bob Lanave (batterie — face B). On sait de plus qu'ils sont originaires de l'Ohio, peut-être de Cleveland ou de Youngstown, lieux où l'album fut enregistré.
“Dédicacée à tous les amis, amants, passés et présents”, cette fabuleuse galette, issue à l'origine sur le label Starshine, est devenue, au fil des ans, “culte” et vitale pour les bigots du rock psychédélique ou catabalistique ou, n'ayons pas peur des mots, supercalifragilistique! Maintes fois rééditée dans les milieux interlopes, mais aussi très officiellement (un excellent reprint sur l'obscur Twilight Tone en 92/93 — celui que je possède — et une ré-issue, haut de gamme, par Akarma), elle devait s'intituler “The First Supper”, et son illustration, vous le constatez, était aussi mystique, sinon davantage, que celle finalement choisie. Un poster, que reproduit Akarma, accompagnait le “princeps”.
Bon! et le contenu?... Et bien sachez que c'est une œuvre ébaudissante et pléthorique: un valeureux métissage de riffs acrobatiques et véhéments, d'opalescences-tutus et d’élans romantiques — comme le prouve “Who can say you are” avec ses chœurs halitueux et ses accords zinzinulants. Les dix-sept minutes du titre-flambeau — signé Mark Moller et porté par la B side — qui constituent la pièce maîtresse sont à répertorier parmi les monuments psycho-liturgiques. Tout y est: entrelacs de soli hendrixiens, incursion d'un traditionnel (“When Johnny comes marching home”), bonaces de tendres arpèges, glissandos électriques, évasions vers des cosmos ouatés et chimériques, percussions foisonnantes, j'en passe! Mentionnons également l'ardent et fringant “Peace officer”, placé en ouverture, le jazzy et boultinant “Our time”, ainsi que le flaccide et placide “A feeling for you”.