My name is Albert Ayler (1963)
L’original est sorti chez Debut Records, le label de Charles Mingus, comme souvent avec Albert Ayler, l’album est ressorti plus tard avec un autre nom, ici Free Jazz, Edition française.
Bass – Niels-Henning Ørsted Pedersen Drums – Ronnie Gardiner Piano – Niels Brønsted Tenor Saxophone, Soprano Saxophone – Albert Ayler
A1 Introduction By Albert Ayler 1:20 A2 Bye, Bye, Blackbird 7:30 A3 Billie's Bounce 6:05 A4 Summertime 9:00 B1 On Green Dolphin Street 9:20 B2 C.T. 12:20
Recorded in Copenhagen, Denmark, January 14, 1963
C’est le second album d’Albert Ayler, enregistré en janvier 63. Il commence par une courte allocution de la voix claire et posée du saxophoniste qui se présente : « My name is… », d’où le titre de l’album, dans une courte présentation très franche, il déclare se sentir libre dans les pays scandinaves et de façon assez touchante que « one day, everything will be as it should be ».
Un mot sur le groupe qui l’accompagne. On connaît NHOP, mais ici il n’est âgé que de seize ans, peu accoutumé au free. Le pianiste joue strictement du bop et le batteur ne risque pas d’être pris en flagrant délit de battre autre chose que la mesure. Mais, malgré ce lourd handicap, l’album est passionnant à plus d’un titre !
Première surprise Albert Ayler joue du soprano sur Bye, Bye, Blackbird. On retrouve « sa patte », la façon très personnelle qu’il a d’émettre les notes en un flux sonore continu. Il aime jouer dans l’aigu, alors ici, avec le soprano, on a l’impression de redécouvrir sa façon de jouer, en contraste absolu avec le solo de piano qui suit, hard-bop, comme à la parade. NHOP avec son archet, tout en restant académique, se marie mieux avec la sonorité du saxophoniste.
Le morceau de Charlie Parker,Billie's Bounce, ne désorientera pas la rythmique qui martèle imperturbablement sa marque. Au ténor Albert Ayler ne quitte pas les clous, respecte les mesures, seul son phrasé marque sa différence. Mais il y a Summertime…
Summertime, extrait du Porgy and Bess de Gershwin, cette pièce est devenue un standard, jouée par tous, partout et tout le temps. C’est une ritournelle, une bluette, mais de celles qui ne s’oublient pas, elle s’ancre en vous, cache dans ses replis comme une tristesse infinie, et l’on parcourt le jazz, toutes époques confondues, en la rencontrant, presque naturellement… Qui ne s’y est risqué ?
Et puis, une fois, un jour (ou peut être une nuit…), vous voilà face à elle, belle, immense et dévorante… monte le son et laisse toi envahir (deux conditions obligatoires), malgré l’inanité du piano, elle est là, la version ultime, indépassable, définitive. Elle pleure, vous envahit, au bout du souffle, de la note redite, feulée, sans fard et même crue. Dis t’as pas honte Albert de nous faire ce coup là ? De quoi on a l’air maintenant, tout nu, écorché, les tripes à l’air?
Dernier standard joué, On Green Dolphin Street sur lequel Albert Ayler semble parfois trouver un partenaire en la personne du jeune NHOP qui répond aux sollicitations du soliste. Les solos du saxophoniste se montrent très enlevés et se débrident avec profit. L’album se termine par C.T. sans doute en hommage à Cecil Taylor, une composition du leader pendant laquelle l’orchestre en entier semble jouer dans la même direction, d’ailleurs le pianiste est absent, c’est donc sous la forme du trio, formule gagnante avec Ayler, que se jouera ce dernier morceau, sous la forme d’une libre improvisation. Le batteur emplit les espaces à qui mieux mieux et NHOP essaie d’accompagner au maximum de ses capacités du moment… L’ensemble réussit à produire le morceau le plus intéressant ici, si ce n’est ce « Summertime » hors catégorie.
Un album imparfait mais accessible, avec une pièce d’anthologie.
_________________ "Music is the healing force of the Universe" Albert
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