GROOTNA (Bio)

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Preuve supplémentaire qu’au début des années 70, quand Jorma Kaukonen et Jack Casady s’en vont former leur projet parallèle, Hot Tuna, Jefferson Airplane commence déjà sérieusement à se déliter, Marty Balin, son membre fondateur, sent également qu’il est temps de s’intéresser à autre chose.
Le chanteur de Jefferson Airplane déplace toute son attention vers les jeunes qui pointent alors le bout de leur nez et suit d’un peu plus près une formation évoluant sur la scène psychédélique de San Francisco, dont il subodore tout le potentiel, Grootna.

Le groupe s'est réuni en 1971, fourbissant ses armes sur Berkeley, ville de l’agglomération de San Francisco, une florissante scène musicale de Californie.
Grootna, que l’on peut assimiler à Big Brother & The Holding Company, fait partie de cette manne de formations éphémères du Rock.
Ephémère, c’est le moins que l’on puisse dire, puisque Grootna se forme à l’Eté 1971 pour se séparer un an plus tard. Pourtant comme le soupçonne alors Balin, le groupe en question fait montre de très belles dispositions, à l’image de sa chanteuse, Anna Rizzo.
Ne passe pas chez Bill Graham qui veut et Grootna a ce privilège d’avoir joué deux nuits consécutives au Fillmore East New Yorkais au début de l’Eté 1971, partageant le plateau avec Moby Grape et B.B. King.
Les Californiens figurent d’ailleurs parmi les derniers musiciens à s’y être produit avant que la salle de spectacles ne ferme définitivement ses portes quelques jours plus tard.

Durant son année d’existence (en gros, de l'Eté 1971 à l'Eté 1972), Grootna a le temps de laisser une belle trace de son potentiel dans le seul l’album qui ramène à son nom, éponyme, éclectique, tissé autour d’un excellent mélange de Soul, de Blues, de Rock, de Country, de Psyché et ses improvisations de Smith et Sussman, un album bien dans le ton de ce que produisait alors la grande majorité des formations psychédéliques de la place Californienne.
Grootna fut un de ces groupes typiques avec une chanteuse de Soul-Blues-Rock qui ont surgi dans le sillage de Janis Joplin, comme Cold Blood et Smith.
Le line-up est composé du bassiste Kelly Bryan, du guitariste rythmique Slim Chance (alias Austin De Leon), de l'ancien batteur de Country Joe and the Fish et de Mad River, Greg Dewey (alias Dewey DeGrease), de la chanteuse Anna Rizzo, du guitariste soliste Vic Smith et du claviériste Richard Sussman (qui avait déjà joué avec Elephant's Memory).
Ces noms ne parlent certainement pas à beaucoup de monde, mais ce sextet originaire de Berkeley a le mérite d’avoir animé de manière conséquente la scène musicale de la West Coast.
Le seul nom de Balin doit suffire à s’intéresser à ces jeunes gens d’alors.
Et c'est grâce à l'aide de Balin que le groupe attire l'attention de Columbia Records et qu'il signe un contrat d'enregistrement en 1971.



Anna Rizzo est l’élément moteur. Cette dernière n’a jamais vraiment eu l’opportunité de briller.
Excellente chanteuse de Blues et batteur (elle fait partie du plus grand canular du Rock qui annonçait les Masked Marauders comme le super groupe de tous les temps), elle aurait dû avoir un parcours autrement plus juteux que celui qui l’a mené jusqu’au Kingfish reformé, dont elle prend part au dernier LP studio de 1999, "Sundown On The Forest", en passant, entre autres, par l’excellent A-Train, bande de l’Area Bay, Blues Sky et le All-Star Band de Country Joe.
Rizzo aurait dû avoir une carrière à la Aretha Franklin ou à la Billie Holiday, son nom a d’ailleurs circulé du côté de chez Atlantic Records, le label R & B du tandem Ertegun et Wexler, Wexler étant le producteur-référence du genre, pour ne pas dire le grand manitou.
Sur le plan vocal, Anna a de l’Aretha dans la soute, même si, à partir d’une voix puissante et expressive qui n’est pas sans rappeler Janis Joplin par instants, elle interprète dans un style et un registre qui lui sont personnels, un répertoire taillé sur mesure pour elle.
Comptant parmi les initiateurs de Grootna, celle qui a partagé la scène avec Hot Tuna, Mike Bloomfield, Rick Danko, Jessie Colin Young, Bob Weir, est l’élément dominant de ce projet à sept têtes et plusieurs chanteurs de qualité (outre Rizzo, Vic Smith et DeGrease chantent également plutôt bien) qui décroche un contrat avec Columbia Records pour lequel la présence de Balin aux commandes a indéniablement influé.



Il semble pourtant difficile de comprendre ce qui amena Grootna à passer un accord de gestion avec l'entrepreneur Bill Graham et un contrat avec Columbia Records négocié par le président de la compagnie, Clive Davis.
Columbia avait obtenu une grande réussite à l'Automne 1970, lorsque Janis Joplin mourut, car son LP "Pearl", publié à titre posthume, était devenu un énorme succès.
Joplin, bien sûr, était issue d'un groupe de la Bay Area, Big Brother & the Holding Company, et Grootna présentait bien des similitudes évidentes avec eux.
Le groupe avait un style éclectique lâche typique des groupes psychédéliques associés à San Francisco, avec des goûts de Rock, de Blues, et de mélange de Country dans un sens de l'improvisation entendue dans de longs solos de guitariste Vic Smith et le pianiste Richard Sussman.
Et avec Anna Rizzo qui chante en lead sur chaque morceau, sauf "Road Fever", Grootna possède son propre clone de Janis. Elle aborde même un morceau de Bessie Smith, "Young Woman Blues" et une chanson écrite par Bob Neuwirth, qui avait fourni à Joplin le fameux "Mercedes Benz" sur "Pearl".



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Mais, à l'écoute de cet album, Rizzo n'est pas la prochaine Joplin, même si elle a une voix forte et efficace.
Les chansons servent en grande partie en tant que véhicules pour le travail instrumental, et elles sonnent souvent comme si elles auraient pu être beaucoup plus longues.
Grootna est aussi, d'une façon bizarre, éclipsé par quelqu'un qui ne se fait entendre sur l'album lui-même. Le producteur en est Balin, ce qui marque son premier travail sur un disque depuis son départ officiel du Jefferson Airplane.
L'influence de Balin n'est pas fortement ressentie sur Grootna, au moins dans le sens que l'album ne sonne jamais comme Jefferson Airplane, mais certaines personnes vont l'acheter sur la force de son nom et seront peut-être déçues.
Pourtant, ce disque n'attire l'attention qu'en raison de sa couverture colorée et le fait que le producteur en est Balin.

L'album, paru en 1971, habilement intitulé "Grootna", présente un ensemble étonnamment impressionnant du style Rock de la West Coast.
Le groupe arbore trois chanteurs capables de chanter, DeGrease, Rizzo et Smith. La voix bluesy de Rizzo était probablement la meilleure du lot, bien que sur du matériel tels que "Going To Canada" et "Waitin' for My Ship", elle porte une ressemblance avec Janis Joplin.

Exemplifié par des chansons telles que le Rock "I'm Funky", le set est plein de performances enthousiastes.
Mention spéciale à Smith qui joue quelques beaux passages sur "That's What You Get" et "Customs (In It All Over)".
Bien sûr, tout n'est pas parfait. "Young Woman's Blues" et "Road Fever" étaient des morceaux de Blues and de Boogie 'pedestres', mais le paquet dans sa globalité était assez impressionnant.

Dans l'ensemble, l'album est un peu inégal, même s'il est agréable à écouter; les quelques pépites ((“Going to Canada”, “Young Woman’s Blues”) sont dispersées parmi d'autres pistes qui vont du très bon ("Full Time Woman"), à un bon ("Waitin' for My Ship", “Customs”), jusqu'à un travail décent (“I’m Funky”, “Road Fever”, “Your Grandmother Loves You / I She It”).

"I'm Funky" qui démarre l'album, est un peu funky mais plus bluesy, avec un mélange d'un peu du style New Orleans gumbo de Dr. John; La voix de Rizzo fait penser à une Aretha Franklin relativement sobre.
La piste suivante, "Road Fever", a un son similaire, mais avec un chanteur masculin, et cela ressemble un peu à du Little Feat.
Elle se termine dans le style Soul-Revue, avec les instruments entrant un par un.
“Going to Canada” est certainement l'un des meilleurs titres de l'album; il a quelques influences gospel et country, et la voix a quelque chose de Janis Joplin, mais avec aussi un peu de Maria Muldaur.
La dernière piste de la première face, "Waitin' for My Ship", est un morceau soul majestueux de style Van Morrison avec une section de cuivres.
La seconde face commence par "That’s What You Get”, qui a un rythme haletant de style Memphis-soul et des vocaux proches d'Aretha Franklin.
Il est suivi par "Full Time Woman", une magnifique ballade plutôt poignante.
La piste suivante, une reprise de "Blues Young Woman" de Bessie Smith, est donné avec un traitement bump-and-grind qui est très plaisant.
"Customs (In It All Over)” a de nouveau quelque chose d'un Memphis sound et quelques paroles légèrement dylanesque.
La dernière piste, "Your Grandmother Loves You / I She It”, est une chanson assez niaise avec une section de cuivres et une touche de funk de style Sly Stone.

En conclusion, Grootna ne publia qu'un seul LP, mais celui-ci est bon.

A noter que Columbia tira une paire de singles obscurs instantanément du LP: "Full Time Woman / Is It All Over" et "Waitin' For My Ship / That's What You Get"

Balin est un élément important de l’environnement de Grootna dans la mesure où, au terme de cette expérience, il embarquera deux membres de Grootna, le guitariste Vic Smith et le batteur Dewey DeGrease, alias Greg "Duke" Dewey (Country Joe & The Fish), pour monter le furtif Bodacious DF (1972), avant de rejoindre le Jefferson Starship, d’abord à titre d’invité, puis comme membre à part entière dès 1975.

Sources: therockasteria, Bad Cat, DISCOGRAPHIE 70