

Entouré de champs de maïs dorés et de routes de campagne vallonnées, la ville de Richmond, dans l'Indiana, est une petite enclave du Midwest, située à quelques kilomètres à l'ouest de la frontière de l'Ohio et à moins d'une heure de route de Dayton.
C'est là que le chanteur Soul "Baby Huey", né James Thomas Ramey, est né le 17 Août 1944.
Comme le rapporte le Chicago Tribune dans sa nécrologie, "Ramey jouait plaqueur dans l'équipe de football universitaire de Richmond High School. Il a chanté dans la chorale de l'école et a joué dans un groupe de Rock connu sous le nom de The Vets.

Son nom de scène "Baby Huey" était tiré du canard géant de dessins animés de Paramount Pictures des années 1950.
Il avait déménagé à Chicago au début des années 1960 pour faire la promotion de son groupe The Babysitters, avec les cofondateurs Melvin Deacon Jones à l'orgue et à la trompette et Johnny Ross à la guitare.
The Babysitters présentaient des super musiciens pour bien compléter leur leader excentrique.
En tant que chanteur, Baby Huey était talentueux, flamboyant et énorme, il avait un problème glandulaire qui maintenait toujours son poids autour de 350-400 livres et même au-delà, surmonté d'une coupe afro géante et il avait une barbe à la King Tut et s'habillait de façon flamboyante.
Il se présentait sur scène mieux que quiconque ne l'aurait osé: "Je suis Big Baby Huey, et je pèse 400 livres de Soul".
Dans son livre "The Blues Man: 40 Years With The Legends Of The Blues", Melvyn "Deacon" Jones, ami de Ramey, raconte sa première rencontre avec lui:
"...Je n'oublierai jamais la première nuit où il a descendu les escaliers ... 6'2" et 320 livres de pure Soul. Il avait 16 ans et portait des chaussures de tennis dont les pieds ne rentraient pas complètement; pas de chaussettes et un grand tee-shirt; grand pantalon kaki large...".
Deacon Jones se souvient également d'une anecdote douloureuse de leurs jours de lycée avec The Vets:
"...Un week-end peu de temps après que Jimmy Ramey nous ait rejoint, The Vets avaient fait un concert hors de la ville. J'étais allé au concert avec le batteur et quand nous sommes arrivés, il n'y avait pas de Ramey. Il s'avère que le gars qui avait amené Ramey au dernier concert ne le voulait plus dans sa voiture... Il se plaignait du poids sur ses amortisseurs et de ses ressorts. Je peux encore imaginer, très tristement ce jour, Jimmy Ramey debout devant sa maison... attendant pour un voyage qui n'est jamais venu...".
Personnage local chéri de la scène Soul de Chicago, Baby Huey n'a jamais obtenu la même renommée à l'extérieur de sa ville natale, malgré son groupe de scène passionnant.


Dans les années 1960, lui et son groupe, the Babysitters, jouaient partout dans les clubs de New York à des soirées privées à Paris, mais c'est à Chicago qu'ils étaient les mieux connus - et où ils s'étaient établis. Le groupe jouait tout concert qui les voulait pendant ce temps, des minuscules clubs de blues aux croisières en bateau.
Baby Huey était rapidement devenu une attraction de concert populaire où il avait littéralement une énorme présence scènique.
Au fil des années 60, le son de Baby Huey était passé d'un R & B énergique à une Soul plus psychédélique, avec un style vocal qui attirait des comparaisons avec Otis Redding.
Il avait pris ses repères musicaux de groupes de Chicago comme The Impressions (le groupe de Curtis Mayfield avant qu'il ne parte pour sa carrière solo), Mayfield lui-même, les albums de Blues Psychédéliques de Muddy Waters et Howlin' Wolf sortis sur le légendaire label de Chicago, Chess Records, à la fin des années 60 et il les avait mélangé avec la Soul brute de Stax par l'intermédiaire du creuset de Booker T & The MG pour créer quelque chose que seuls Mayfield, Issac Hayes, James Brown, Funkadelic et Sly Stone avaient réussi à améliorer.
C'est en 1963 qu'il avait formé le groupe avec deux excellents musiciens, le trompettiste Melvyn "Deacon" Jones et le guitariste Johnny Ross et il soignait son look afro psychédélique, façon Sly And The Family Stone ou Funkadelic.
The Babysitters étaient aussi un groupe complet avec une section de cuivre qui pouvait prendre des détours psychédéliques sans perdre leur tension ou leur sensation funky.
Ils étaient parfaits pour Huey, qui avait réuni tout cela avec une forte présence scénique indéniable et un ténor sérieux et puissant souvent comparé à Otis Redding.
James Ramey et son groupe sortirent plusieurs singles et commencèrent à se faire une place dans la scène Soul de l'époque.
C'est à ce moment-là que James prit le pseudonyme de Baby Huey.

À la fin des années 1960, the Babysitters suivirent l'exemple de Sly and the Family Stone et ils devinrent un groupe de Soul Psychédélique, avec Huey s'habillant de robes élaborées et ajoutant des rimes à leur numéro de scène.
Selon les membres du groupe à l'époque, les rimes de Huey étaient très similaires à celles popularisées plus tard par les rappeurs en Hip Hop. The babysitters jouaient régulièrement au Thumbs Up Club du côté nord de Chicago et c'est là que le groupe fut découvert en 1969 par un Donny Hathaway impressionné qui avait insisté pour que Curtis Mayfield y passe la nuit suivante pour les voir.
Impressionné à son tour, Mayfield décide de signer Baby Huey mais pas le reste du groupe qui lui semble inutile.
Il les garde cependant pour l'enregistrement d'un premier album et Melvyn Jones et Johnny Ross contribueront donc tout de même à l'enregistrement du premier disque de Baby Huey.
Mais, au moment où l'enregistrement a eu lieu, seuls Baby Huey et Jones restaient du groupe original.
Deacon Jones continuera à jouer avec Freddie King et John Lee Hooker.
Parallèlement, Baby Huey continuait de prendre du poids, tombant petit à petit dans l'héroïne, et il a commencé à annuler des concerts. Puis le drame arrive: le 28 Octobre 1970, il meurt d'une crise cardiaque dût à sa consommation de drogue, à seulement 26 ans, quelques semaines après la mort de Jimi Hendrix. Triste destinée.
Jones se souvient aussi tristement de la 'trousse de drogue' de Baby Huey tombée de sa boîte de Wheaties au petit-déjeuner.
Avec un problème glandulaire qui l'a vu faire un poids de plus de 350 livres, et une habitude de drogue massive, Ramey est mort dix semaines après son vingt-sixième anniversaire, sur le sol de la salle de bains d'une pièce de motel de Southside Chicago.

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Baby Huey avait donc signé avec Curtom et commencé à enregistrer un premier album intitulé "The Baby Huey Story: The Living Legend", qui comprenait plusieurs chansons de Curtis Mayfield (plus particulièrement "Hard Times" et "Mighty Mighty Children"), plus une reprise de Sam Cooke ""A Change Is Gonna Come".
La pochette représente Baby Huey en gros plan, le regard dans le vague, l'aire triste. Comme s'il savait qu'il ne parviendrai pas à avoir la carrière qu'il méritait, ou qu'il savait qu'il ne vivrait pas vieux.
Étrange d'autant plus que l'album n'est pas triste, mise à part à la rigueur sur "A Change Is Gonna Come" un peu mélancolique.
Mais qu'importe ça n'enlève rien à la qualité de cet album, passé injustement inaperçu à sa sorti.
Petit à petit, il a acquis un véritable statut d'album culte dans le milieu de la Soul ainsi que dans celui du Hip Hop, genre musical qui apparaitra à la fin des années soixante-dix et que cet album a, semble-t-il, grandement influencé.

L'image au dos de cet album est inestimable: lui dans un costume à fines rayures avec une énorme robe longue debout et lisant un livre de cuisine.
Alternant entre douceur, Soul, débridée et mordante, la voix de Baby Huey était extraordinaire. Certains la comparaient avec celle d'Otis Redding, mais son style était vraiment personnel. Quand Huey chantait, il laissait souvent échapper un cri spasmodique, comme s'il canalisait quelque chose en dehors de lui-même.
Cette signature d'un Huey hurlant est entendue pendant la première minute de la chanson d'ouverture de The Baby Huey Story "Listen To Me", et son talent est indéniable. La section de cuivres élève l'ouverture initiale spacieuse dans une croisade de R & B optimiste - Huey se lamantant, gémissant, hurlant et témoignant: "Listen to me".
La chanson guidera plus tard le monde de hip-hop; Des exemples en sont présentés dans "Follow The Leader" d'Erik B. & Rakim, "Gold" de Grandmaster Flash, "Revolutionary Generation" de Public Enemy, et plus encore.
Bien qu'il ait chanté des querelles, Baby Huey a prétendu être insouciant sur scène, mais il ne l'était pas.
"...Jimmy était très sensible au monde qui l'entoure...", déclare Marv Stuart, manager de Ramey, dans la réédition de "The Baby Huey Story" en 2004, par Water Records. "...Je l'ai connu pendant ses périodes de hauts et de bas, ses chagrins d'amour, ses problèmes, ses amours, ses peurs et ses soucis. Il disait ce qu'il ressentait et vraiment ressentait tout ce qu'il disait. La dépression qu'il a subie était trop grande pour que quelqu'un puisse la porter, peu importe votre taille...".
En écoutant attentivement, l'auditeur peut entendre le ravage de l'excès dans son chant rauque de crooner, avant qu'il ne monte dans les registres les plus élevés avec un cri que n'auraient pas renié James Brown et Arthur Brown.
Malheureusement, Baby Huey n'a donc pas vécu suffisamment longtemps pour le voir publié.
Son unique album, "The Baby Huey Story: The Living Legend", ne sort qu'en 1971 à titre posthume. Plusieurs singles, dont "Beg Me", "Monkey Man", "Messin 'with the Kid" et "Just Being Careful" n'y sont malheureusement pas inclus.
Le titre fait référence à la "légende" de Baby Huey qui survit après sa mort.
"The Baby Huey Story" est un disque unique à tous les égards: Tout d'abord, c'est un mélange rare de Soul psychédélique, de Deep Funk, de Blues Rock et même de proto-rapping en live et en studio. Et ensuite, cet album fut la seule sortie du groupe et il a été produit par Curtis Mayfield sur son propre label Curtom.
Et plus significatif, il s'agissait d'un hommage finalement posthume rendu en mémoire de James Ramey, alias Baby Huey.
Une spirale tragique de drogues et d'alcool a cerainement privé le monde d'un artiste en plein essor à l'âge de 26 ans, mais son disque a bien résisté à l'épreuve du temps.
Baby Huey and the Babysitters étaient un groupe dans la veine de Sly and the Family Stone. La présence scénique de Ramey ne pouvait être ignorée et c'était l'émotion, le sang, la sueur et les larmes qu'il versait dans ses interprétations et ses compositions qui mettaient le groupe en valeur.
Avis aux amateur de Soul, de Funk, et de raretés: ce disque est monstrueux. Edité à titre posthume, le disque fournit un petit aperçu de la vie et de l'esprit d'un brillant artiste qui est mort avant de pouvoir partager entièrement son don remarquable.
Avec très peu de chansons originales, Baby Huey and the Babysitters pourraient être considérés comme de simples mercenaires. Même si c'est le cas, leur unique LP leur a permis d'être polyvalents et talentueux. Cet album est unique parce que chaque chanson est une gemme qui se suffit à elle-même et dont la séquence et la construction sont complètement originales, un peu comme le Baby Huey lui-même.
The Babysitters avaient eu beaucoup de succès sur le circuit live mais n'avaient pas encore atteint le studio quand le célèbre Donny Hathaway les avait vus en live et avait insisté pour que Mayfield les voit aussi.
Ils n'avaient cependant pas pu finir leurs sessions avant que les addictions de Baby Huey ne le rattrapent.
Et même si le groupe surpasse Mayfield sur ses propres chansons, ce qui n'est pas un mince exploit, les deux reprises de Mayfield sur cet album sont, à défaut d'une meilleure expression, complètement dingues.
Avec "Hard Times" et "Mighty Mighty Children" de Mayfield et une reprise de "A Change Is Gonna Come" de Sam Cooke, l'album est devenu un objet de collection recherché par les fanatiques de Soul.
Mayfield avait surtout prêté son style de production estampillé à "Living Legend", l'enveloppant dans les mêmes textures richement psychédéliques qui avaient honoré ses débuts avant-gardistes et assuré qu'il serait reconnu comme un classique de Soul par les futures générations d'auditeurs.
Baby Huey n'avait pas fini d'enregistrer cet album et cela pourrait bien expliquer le nombre d'instrumentaux inédits inclus, il n'avait tout simplement pas eu le temps d'enregistrer tous les vocaux.
Que Mayfield n'ait même pas pu remplir un LP complet avec la voix de Baby Huey est au-delà de toute tristesse. Quoi qu'il en soit, ce que laissa derrière lui Baby Huey était si prometteur que c'est presque un euphémisme de l'appeler une tragédie.
Un peu de temps avant sa mort, son manager Marv Stuart alias Marv Heinman et Curtis Mayfield avaient pris ce qui avait déjà été enregistré, ajoutèrent des pistes qui avaient été enregistrées précédemment et ils réussirent à en rassembler assez pour la sortie de l'album. Il est fort probable que certaines des pistes comportent des sessionmen de Curtom Records et non the babysitters car il ne faut pas oublier que Mayfield voulait signer Ramey et pas le reste du groupe.
Peu importe si ce sont eux, ou pas, mais pendant quinze minutes, the Babysitters de Huey emmènent les auditeurs à travers trois instrumentaux: "Mama Get Yourself Together" et "One Dragon, Two Dragon", et une interprétation muette de The Mama & The Papas "California Dreamin'".
Bien que très compétents, ces instrumentaux font que l'unique LP de Huey semble un peu inachevé.
Mais ça ne veux pas dire que ces instrumentaux sont mauvais, bien au contraire même! "Mama Get Yourself Together" et "One Dragon Two Dragons" compte même parmi les meilleurs moments de l'album, et sont également les deux seuls morceaux composés exclusivement par Baby Huey.
Tout au long de sa courte vie, Baby Huey avait toujours semblé isolé et déstabilisé, même si Mayfield l'avait mené à un contrat d'enregistrement, à des tournées internationales et à une apparition au Merv Griffin Show. Dans les Nécrologies de Rolling Stone, Marshall Rosenthal le décrit comme "l'inconnu le plus connu à Chicago. Son apparence avait toujours attiré les autres musiciens de la ville... sa réputation augmentait à travers le pays."
Et Deacon Jones avait aussi déclaré: "...Il ne fait aucun doute que Jimmy Ramey aurait dépassé le sommet s'il avait vécu...".
L'album dure un peu plus de 40 minutes pour huit titres, dont trois instrumentaux:
Vous avez la Soul de "Listen to Me" et "Hard Times", le Blues Psychédélique funky de "Mighty Mighty" et "Runnin'" (que Mayfield avait écrit et enregistrera plus tard, mais l'original de Huey était la version définitive), des jams instrumentales comme "Mama Get You Together" et "One Dragon, Two Dragon” et, enfin, vous avez ce qui doit être deux des plus grandes versions de reprise jamais enregistrées: sa version funky de "California Dreamin'" et sa version stupéfiante de plus de neuf minutes de "A Change is Gonna Come" de Sam Cooke qui doit être entendu pour être cru.
Sur le long "Mama Get Yourself Together", les cuivres et l'orgue sont crescendo au milieu de percussions percussives pendant plus de six minutes. Alors que sur le classique "California Dreamin'" et le morceau final "One Dragon, Two Dragon", le flûtiste Othello Anderson rend ces deux titres excessivement sentimentaux et datés.
L'immense "Listen to Me" composée par Michael Bruce Johnson plante le décor. De la Soul funky tarantinesque et débridé qui s'ouvre sur une guitare hard funk et une foule de cuivres, et Baby Huey montre tout ce qu'il a; il crie, croasse, crie dans un puissant falsetto, tandis que le groupe se démène derrière lui. Il descend bas, il monte haut, il dit que la vie est un frein. Bref, la BO de soulxploitation idéale, d'une puissance phénoménale.
"Mama Get Yourself Together" est un instrumental qui sonne comme une chanson thème de TV, mais pour un spectacle que vous pourriez vouloir regarder. Les cuivres sont partout, l'orgue est très funky, et les percussions ont un maximum de punch.
Quant à sa reprise de “A Change Is Going to Come” de Cooke, Mayfield ajoute beaucoup d'échos au chant, mais ce n'est pas nécessaire car la prise directe de Baby Huey est l'une des plus émouvantes jamais entendues. Et l'un des cas les plus étranges, ses cris stridents qui semblent sortir de nulle part avec les cuivres et l'orgue, sont originaires d'un autre monde. Et il finit avec un étrange monologue qui décrit le voyage de l'innocence (à la poursuite du camion de crème glacée) à l'expérience ("Space Odyssey", dit-il, vous emmenant sur l'autoroute psychédélique) avant de laisser échapper un dernier cri avant le fondu final. Quant à "A change is going to come", la reprise de Cooke, c'est la première claque quant à la voix du bébé. Quelle profondeur, c'est inouï. Il y pousse un cri à 1'53" qui défie la notion même d'aigu. Et ça déroule comme ça sur 9 minutes 30. Un chef d'oeuvre. Alors que "Hard Times" exprime ce sentiment, c'est Huey qui pleure dans sa version psychédélique massive de "A Change Is Going To Come” de Sam Cooke qui sert comme une sorte de prémonition des changements (finaux) qu'il allait bientôt affronter. Au bout de six minutes, Huey entre dans une étrange prédication du courant de conscience:
"It took about 20 years of very serious smoking / a few ups and downs, a few trips / a little space odyssey once in awhile / to get back to bein’ a kid all over … back home again, baby! … / I come from way back in Indiana / where, like, we still got outhouses / and brothers wearing pointed-toe shoes and carry .45s / but, you know, there’s three kind of people in this world / that’s why I know a change has got to come / I say, there’s white people, there’s black people … and then there’s my people".
("Il a fallu environ 20 ans de tabagisme très sérieux / quelques hauts et des bas, quelques voyages / un peu d'odyssée de l'espace de temps en temps / pour revenir à être un gamin partout... de retour à la maison, bébé! ... / Je viens de l'Indiana / où, comme, nous avons toujours des toilettes et des frères qui portent des chaussures pointues et portent des .45s / mais, vous savez, il y a trois types de personnes dans ce monde / c'est pourquoi je sais qu'un changement doit venir / je dis, il y a des blancs, il y a des noirs... et puis il y a mon peuple").
La prise live de Baby Huey sur "Mighty, Mighty" de Mayfield démontre l'énergie qu'il pouvait générer en club, même si tout ce qu'il fait n'est que de parler à travers la chanson. "Bon dieu tout-puissant," dit-il, comment veut-il revenir à ses haricots rouges et riz, et n'oublions pas le bon vieux Thunderbird ("Quel est le mot, les gens?" Crie-t-il, et ils crient en arrière, "Thunderbird!" et il laisse échapper un autre de ces cris que personne ne peut égaler. C'est une bonne chanson. il entretient une conversation avec une petite fille, et c'est mignon au-delà des mots.
"Mighty Mighty" est un mélange de funk tapageur, incluant des claquements de mains et des bruits de foule. Sa gaieté est contagieuse et presque écrasante. Tout comme Al Green a annexé “How Can You Mend A Broken Heart?” De The Bee Gees et Jimi Hendrix a reconstruit "All Along The Watchtower" de Bob Dylan, Baby Huey avait une façon de réquisitionner les pistes. Tel est le cas dans sa version de "Mighty Mighty". Contrairement à la version de Mayfield, nulle part dans la chanson, Ramey ne chante: “Your black and white power has grown to be a crumblin’ tower.” ("Votre pouvoir noir et blanc a grandi pour devenir une tour délabrée"). Au contraire, il devient apolitique, choisissant plutôt de rapper de manière ludique sur les anciens lieux de loisirs de Lou Rawls, les Walgreens, les dindes, les haricots rouges et le riz, les queues de bœuf et le Thunderbird.
Cet amour pour le Thunderbird - un vin à haute teneur en alcool et à faible coût, introduit pour la première fois après la prohibition - réapparaît dans son interprétation incomparable de "Hard Times".
C'est l'une des lignes les plus mémorables de l'album: “So many hard times / sleepin’ on motel floors / knockin’ on my brother’s door / eatin’ Spam and Oreos and drinkin’ Thunderbird, baby”. ("Tant de moments difficiles / à dormir sur le sol du motel / à frapper à la porte de mon frère / à manger Spam et Oreos et à boire du Thunderbird, bébé"). Samplé par Ghostface Killah, The Notorious B.I.G., Lil Wayne, A Tribe Called Quest, Raekwon, Biz Markie, Ice Cube, et autres, "Hard Times" est la chanson la plus reconnaissable de Huey.
Quand Ramey chante à propos d'avoir des moments difficiles, vous le croyez: “Havin’ hard times / in this crazy town / havin’ hard times / there’s no love to be found”. ("En ayant temps difficiles / dans cette ville folle / en ayant temps difficiles / il n'y a pas d'amour à trouver").
"Hard Times" est encore un autre morceau de Mayfield, mais son importance est capitale; En l'écoutant, on entend Public Enemy, et c'est vraiment étrange. Les cuivres sont placés, et montent en crescendo, tandis que le guitariste devient psychédélique et Baby Huey se plaint qu'il n'y a pas d'amour dans cette ville. De nombreux artistes de rap et de hip-hop l'ont soit samplé (Ice Cube, A Tribe Called Quest), soit repris (The Roots), le reconnaissant pour ce qu'il est, un chef-d'œuvre proto-hip-hop. Deuxième composition de Mayfield, "Hard times" est l'autre sommet du disque. De son intro reconnaissable parmi mille, à son refrain tellement soul, c'est du génie à l'état pur. L'arrangement de "Hard Times" semble presque restrictif pour la voix et le caractère de Huey, mais nous devons remercier Mayfield pour lui avoir donné le morceau - c'est la mélodie la plus mémorable du disque, et la version de Huey est supérieure à celle de Mayfield.
Enfin, et plus anecdotique, cette reprise instrumentale de "California dreamin'", peut-être dispensable mais tellement bonne quand on y pense, avec son intro à la flûte et son déchainement de fureur.
"Running" est une autre bombe qui ajoute du piano électrique et de la guitare à la mélodie funk de Mayfield. Mais la voix de Ramey porte encore le disque existant au plus haut. “I’m too big to be running, baby / Don’t you know that I’m gettin’ out of breath, honey / I can’t take it much longer, honey,” he shouts on “Running.” ("Je suis trop gros pour courir, bébé / Ne sais-tu pas que je suis à bout de souffle, chéri / je ne peux pas le reprendre plus longtemps, chéri"), crie-t-il sur "Running" dans une intro psychique et une outro, Huey chante de chagrin, de douleur et d'amour fou alors que the Baby Sitters le maintiennent à peine ensemble - chaque membre tirant la couverture à soi, essayant de lui voler la vedette.
L'instrumental "One Dragon Two Dragon", compositions de Ramey est un peu plus faible, mais il reste cependant très bon.
Nul besoin des monologues de Huey et de ses hurlements déchirants pour sentir la présence formidable de l'homme tout au long de l'album, l'important est d'obtenir ce disque classique et de découvrir ce qu'un artiste plus grand que nature peut créer en un temps limité et comment un LP incroyable peut briller plus clair que toute une discographie.
Pour ceux qui ont participé à la création de l'album, son échec commercial a dû apparaître comme une coda particulièrement abjecte à la vie courte et tragique de Huey.
Mais si la "Living Legend" mourait en 1971, elle sera ressuscitée sous une forme plus glorieuse à la fin de la décennie, lorsque des DJ du South Bronx comme Kool Herc et Grand Wizard Theodore l'arrachèrent à l'obscurité et l'installèrent dans un endroit de fierté dans leurs sets DJ révolutionnaires et proto-Hip-Hop. Grâce à leurs efforts, des chansons telles que "Listen To Me", "Hard Times" et "Mighty Mighty" ont reçu une nouvelle vie en tant qu'hymnes B-Boy propulsifs.
Ce fut le début du culte de Baby Huey - qui a plus tard conduit à "Hard Times" samplé par des gens comme A Tribe Called Quest et Ice Cube.
Classique de son époque mais injustement oublié du grand public, le seul album de Baby Huey alias James Ramey et son groupe est pourtant un disque majeur. Archi samplé par le milieu hip-hop, il n'est rien de moins qu'un sommet de la soul des 70's, à ranger aux côtés des meilleurs disques de Marvin Gaye, Al Green, Syl Johnson ou encore Curtis Mayfield.

Baby Huey est enterré à Richmond, entouré par les champs de maïs dorés et les routes de campagne vallonnées de son enfance, ajoutant une signification prophétique à ses paroles sur "A Change Is Going To Come":
“You know, it seems like I tried so hard to get back where I started from / Back home again.” ("Vous savez, cela semble comme si j'essayait si fort de revenir là où j'ai commencé / de retour à la maison").
Après avoir assisté à l'enterrement de Ramey, the Babysitters ont tenté de continuer pendant un certain temps avec une nouvelle chanteuse, une jeune Chaka Khan encore adolescente (elle allait bien sûr devenir célèbre en tant que chanteuse du groupe de funk Rufus plus tard) pour remplacer Huey, mais cela n'a pas marché. Ils se sont rapidement dissous.

A noter qu'il existe un second album intitulé "Baby Huey: Another Story: The Lost Recordings", mais la plupart des morceaux sont des instrumentaux!
Et on ne retrouve pas la magie du Baby!
Sources: desoreillesdansbabylone, Wade Kergan, Jason Crock, DJ Asma, apple.com, Michael H. Little, Leo DeLuca, Steve Huey